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Quand le train, qui va de Paris h Versailles par
la rive gauche, s'engage sur le viaduc du Val-Fleury, on aperçoit au-delà
d'un vallon parsemé de villas et de parcs, au-dessus d'un groupe de maisons
en amphithéâtre, un pavillon campé de profil qui domine une longue terrasse
de pierre. C'est tout ce qui reste des deux châteaux de Meudon qui
comptaient parmi les plus somptueuses demeures des environs de Paris. Le
premier manoir de Meudon appartenait sous François 1er à la duchesse
d'Étampes qui l'avait entouré, grâce aux libéralités du roi, d'un parc
immense et clos de murailles. Elle ne tarda pas à le céder au cardinal de
Lorraine, archevêque de Reims. Ce prélat fit aussitôt élever par Philibert
Delorme un véritable palais dont la cour d'honneur avec son pavillon
central, orné de colonnes de marbre rose, était un des chefs-d'œuvre de la
Renaissance. Pendant cent ans, les princes de la maison de Lorraine se
plurent à embellir cette résidence que l'un d'eux céda, en 1654, au
surintendant des finances Servien. Celui-ci fit construire la terrasse et
chargea Le Nôtre d'embellir ses jardins. Le domaine était admirablement
entretenu lorsque le fils de Servien le vendit à Louvois, en 1682. Quand
Louvois meurt en 1691, Milo de Montpensier venait de léguer au Grand
Dauphin, fils de Louis XIV, le château de Choisy. Or, le roi "accoutumé, dit
Saint-Simon, à dominer dans sa famille, et qui la vouloit toujours
rassemblée sous ses yeux, n'avoit pu voir avec plaisir, ni ce don, ni les
voyages fréquents que le Dauphin et ses favoris faisoient à Choisy: il
voulut rapprocher son fils de lui. Meudon bien plus vaste, plus magnifique,
et où Louvois avoit enfoui des millions, lui parut propre a ses desseins".
Par un accord conclu avec la veuve de Louvois, Meudon fut échangé contre
Choisy et 900 000 livres de retour. Le Dauphin ne tarda pas à aimer son
nouveau domaine.
Il voltigeait sans cesse de Versailles à Meudon, où, à l'imitation du roi,
il fit beaucoup de dépenses dans la maison et dans les jardins. Bientôt il
fit construire par Mansart un nouveau château. Ce logis ne fut pas du goût
de Louis XIV qui, venu à Meudon pour le visiter, se contenta de jeter un
coup d'œil sur la façade et s'écria sans vouloir y entrer: "Ceci ressemble
plus à la maison d'un riche financier qu'à celle d'un grand prince". La
reine du lieu était Mademoiselle Chouin que le Dauphin avait probablement
épousée en secret. Elle jouait à Meudon (toutes proportions gardées) le rôle
que Madame de Maintenon tenait à Versailles, et, comme dit Saint-Simon,
"toutes les batteries pour le futur règne étoient dressées et pointées sur
elle". C'était une femme d'esprit, point tracassière, et qui aimait
réellement le Dauphin. La pauvre femme vit d'ailleurs ses rêves (si elle en
eut) bien cruellement déçus par la mort imprévue du Dauphin. Ce prince,
allant de Versailles à Meudon, rencontra un prêtre qui portait le viatique à
un malade atteint de la petite vérole. Le lendemain il était lui-même
atteint. Le roi accourut de Marly, et ne quitta pas son fils. La maladie
empirait d'heure en heure. On cacha quelque temps à Louis XIV cette
situation désespérée. Quand on la lui apprit brusquement, il fut atterré, et
on dut l'arrêter à la porte de la chambre du Dauphin. "Alors, presque en
faiblesse d'un renversement si entier et si subit, il se laissa aller sur un
canapé placé dans la pièce qui précédoit la chambre du mourant. Il demandoit
des nouvelles à tout ce qui en sortoit, sans que presque personne osât lui
répondre. Madame de Maintenon, accourue près du roi et assise sur le même
canapé, tâchoit de pleurer. Elle essayoit d'emmener le roi dont les
carrosses étoient déjà prêts dans la cour, mais il n'y eut pas moyen de l'y
faire résoudre que son fils ne fût expiré (14 avril 1711)".
A la fin du règne de Louis XIV et pendant la Régence, Meudon fut habité par
la duchesse de Berry, fille du Régent et veuve de l'un des petits-fils de
Louis XIV. "Née avec un esprit supérieur et, quand elle vouloit également
agréable et aimable, et une figure qui imposoit et qui arrêtoit les yeux,
mais que sur la fin le trop d'embonpoint gâta un peu, elle parloit avec une
grâce singulière, une éloquence naturelle, qui lui étoit particulière, et
qui couloit avec aisance et de source; enfin avec une justesse d'expression
qui surprenoit et qui charmoit". Mais la princesse était en outre d'un
orgueil insoutenable, insatiable de tous les plaisirs, effrénée dans toutes
ses passions. Mal élevée par un père qui l'aimait à l'excès, elle se laissa
aller aux extrémités de la débauche et peut-être du crime. On l'a accusée
d'avoir empoisonné son mari. Si l'on en croit les mémoires du temps, ce ne
serait là que le moindre de ses forfaits. Elle venait souvent à Meudon, et
ses séjours étaient marqués par des orgies. En mars 1719 elle voulut
recevoir à Meudon le régent son père et lui donna en plein air un repas et
une fête nocturnes. Le froid la prit. Usée par une vie de plaisirs elle se
traîna péniblement jusqu'en juillet et mourut au château de la Muette, près
du bois de Boulogne. Après la duchesse de Berry, de peu édifiante mémoire,
nous rencontrons à Meudon le roi détrôné de Pologne, le bon Stanislas
Leczinski, dont Louis XV venait d'épouser la fille Marie Leczinska. On sait
que Louis XV fut pendant plus de dix ans un mari modèle. Aux premiers mois
de la lune de miel il venaisouvent avec sa femme et quelques intimes passer
quelques jours dans la retraite de son beau-père. Dès lors cependant plus
d'un courtisan tâchait d'entraîner le jeune roi à se départir un peu de sa
rigoureuse fidélité conjugale. A quelqu'un qui lui vantait un jour la beauté
d'une femme de la cour, Louis XV fit cette réponse aussi adroite que fine:
"Est-elle plus belle que la reine ?" Phrase imprévue dans la bouche de Louis
XV. Stanislas retourna en Pologne et ne revint en France que pour prendre
possession de son duché de Lorraine.
Meudon est abandonné, et jusqu'à la Révolution la cour n'y fait plus que de
rares apparitions. Cette belle habitation n'est plus qu'un rendez-vous de
chasse, où Louis XV et Louis XVI viennent parfois déjeuner avant de courir
le cerf dans les bois de Meudon et de Verrières. N'oublions pas cependant
que le fils aîné de LouisXVI, enfant rachitique, auquel on avait ordonné
l'air et la solitude, passa au château de Meudon les derniers mois d'une vie
qui s'éteignit le 4 juin 1789. Au moment de la Révolution, Meudon devient un
établissement militaire où se font, dans le plus grand secret, des
recherches relatives au perfectionnement de l'artillerie. Le domaine ne
gagna pas beaucoup à cette transformation. Les jardins furent saccagés, et
en 1795 un incendie endommagea une partie du vieux château qui tomba en
ruine et fut démoli en 1804. Restait le château neuf, intact encore quoique
fort délabré. Son heureuse situation attira l'attention de Napoléon qui le
fit restaurer. La cour y fit de courts séjours jusqu'en 1812. A cette époque
Marie-Louise vint s'y installer avec le roi de Rome et y demeura presque
continuellement pendant toute la campagne de Russie. Plus tard, à
Sainte-Hélène, Napoléon dut revoir bien souvent les ombrages de Meudon sous
lesquels avait joué avec son fils. Depuis le premier Empire Meudon a été
tour à tour le séjour du duc d'Orléans, du maréchal Soult, du prince Jérôme
Bonaparte, l'ancien roi de Wurtemberg, et de son fils le prince Napoléon.
Les Allemands incendièrent le château en décembre 1870. On en a restauré le
pavillon central devenu une annexe de l'Observatoire de Paris. Le parc
depuis le mois d'octobre 1888 est consacré aux ébats des lycéens de Paris
qui viennent y respirer chaque jeudi l'air vivifiant des bois d'alentour.
(1)
Éléments protégés MH : l'ensemble du domaine : classement par arrêté du 12
avril 1972. Le Hangar dit "bâtiment Y", sis dans le parc de Chalais-Meudon,
9, avenue des Trivaux, en totalité: classement par arrêté du 4 juin 2000.
(2)
château de Meudon 92190 Meudon, propriété privée, ne se visite pas,
vestiges.
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source
des photos par satellite :
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