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La Motte-Feuilly, loin des
grands circuits touristiques, offre pourtant par son histoire et son
architecture, un attrait romantique, évoqué par Georges Sand dans Les beaux
messieurs du Bois-Doré. Selon certains, le lieu de La Motte aurait pris le
nom de La Motte-Seuilly, du nom de la grande famille de Sully qui le
posséda, puis La Motte-Feuilly. Mais les plus anciennes mentions (XIe-XIIe
siècles) attestent bien avant les Sully le nom de Folly, Motta de Folly. En
1210, Roger VI Palesteau, seigneur de Sainte-Sevère, donne à l'archevêque de
Bourges, Guillaume du Donjon, une seterée de terre dans sa ville neuve de
Feuilly, pour y construire une église et un presbytère (cartulaire de
Bourges): c'est, si l'on peut dire, l'acte de fondation de l'église
paroissiale. Des Palesteau, La Motte-Feuilly passa par mariage aux vicomtes
de Brosse. Au début du XIVe siècle, l'héritière, Aliénor de Brosse, épousa
Eudes III de Sully. Cinquante ans plus tard, Aliénor de Sully épouse le
sieur de Vaudenay, d'une noble famille bourguignonne, qui demeura jusque
vers 1476. Le château passe alors à un seigneur de Chamborant, puis en 1487
à Claude et François de Culant, fils de Jean de Culant, seigneur de
Châteauneuf. Charlotte d'Albret, épouse du cardinal César Borgajia, fils du
pape Alexandre VI, l'achète en 1504. Après le retour de son mari en Italie,
la duchesse bénéficie de revenus importants qui lui permettent de mener une
vie fastueuse, selon l'inventaire dressé après son décès en 1514. Son
tombeau, œuvre de Martin Claustre (1521) est dans la chapelle voisine. Sa
fille Louise épouse Louis de La Trémoille, puis Philippe de Bourbon-Busset.
À partir du XVIIe siècle, le château passa aux familles de Chabannes, Fradet
de Saint-Août, de Maussabré, et Dumayet.
L'état actuel de l'édifice ne permet pas une analyse rigoureuse, car les
travaux successifs et les restaurations ont dénaturé les dispositions
d'origine. Aujourd'hui, le château s'organise autour d'un quadrilatère fermé
sur trois côtés, le quatrième étant ouvert à l'est. Quatre tours flanquent
les bâtiments: un haut donjon à l'angle nord, la "porterie" à l'angle est et
deux tours circulaires sur la façade nord et à l'ouest. L'inventaire de 1514
apporte des précisions sur deux tours, le donjon ou "grosse tour" et la
"porterie", reconstruites à la fin du XVe siècle, peut-être sur des
fondations anciennes: même s'ils semblent être des vestiges du château
médiéval, ils sont en réalité plus récents et symbolisent la puissance
seigneuriale, comme à L'Isle-Savary et à Argy. Le donjon adopte un plan
circulaire de douze mètres de diamètre, flanqué d'une tour d'escalier qui
dessert les cinq niveaux, le deuxième étant voûté d'ogives d'un style
tardif. Chaque étage abrite une pièce habitable carrée, à cheminée, cabinet
et latrines ménagés dans l'épaisseur du mur. Le comble est couvert d'une
superbe charpente hourdée, qui supporte l'encorbellement de la tour, percé
de vues pour la surveillance, voire le tir; au centre, la présence d'un
pilori indique que cette pièce pouvait aussi servir de prison. Les pièces
habitables de ce donjon montrent qu'il n'est pas un ouvrage défensif, mais
une tour construite après 1476, comme l'indique un écu, visible dans la
charpente, qui porte le lion, emblème de la famille de Culant.
La porterie, c'est-à-dire l'entrée principale, située dans un angle,
présente une forme hexagonale peu commune; la porte à arc surbaissé et à
moulurations gothiques tardives était précédée d'un pont-levis et surmontée
d'assommoirs, mais cet appareil pseudo-militaire est ici contredit par les
pièces habitables au-dessus du passage couvert. l'enceinte n'offre plus
aucun intérêt défensif: privée de ses fossés et d'une partie de la courtine,
elle est surmontée d'un crénelage récent et percée, côté logis, de grandes
baies du XVIIIe siècle. Le logis, c'est-à-dire la demeure, comporte trois
corps de bâtiments: à l'ouest, en fond de cour la résidence principale et
une aile en retour d'équerre desservies par une tour d'escalier en vis
placée à l'angle. À l'est, une aile plus modeste abritait les services au
rez-de-chaussée (cuisine voûtée en berceau, boulangerie, paneterie,
échansonnerie) et les caves en sous-sol. La disposition intérieure du logis
(desservi actuellement par un escalier central moderne) peut être restituée
d’après l'inventaire de 1514. Au premier étage étaient, à droite, la grande
salle réservée aux réceptions, et à gauche, la pièce des "gentilshommes",
richement décorées. Au deuxième, les appartements privés de la duchesse
comprenaient une salle haute et une chambre à cabinets, reliés par la tour
d'angle à la chapelle située au premier étage de l'aile en retour (celle-ci
de style gothique, avec baies à remplage flamboyant a été restaurée en
1870); le rez-de-chaussée étant ouvert par un portique de deux arcades à
colonnes torsadées. La distribution novatrice du logis et des appartements
et le décor de la galerie donnent une date de construction vers 1504, car
ils sont comparables aux grandes demeures seigneuriales contemporaines.
Le château de La Motte-Feuilly présente aujourd'hui un aspect disparate, où
se côtoient l'enveloppe d'une pseudo-forteresse et un logis plus moderne,
disparité que l'on retrouve dans de nombreux châteaux de la région,
construits entre 1480 et 1510. On trouve ici deux conceptions différentes de
la demeure noble qui, à cette date, ne sont pas incompatibles. Malgré les
avatars des restaurations, ce château de La Motte Feuilly est l'un des plus
attachants du Bas-Berry, car il conserve le souvenir de Charlotte d'Albret,
grande dame du royaume, au fait des nouvelles réalisations du logis
seigneurial. Après cette note de magnificence et de mélancolie, il faut
évoquer le parc et le jardin. À l'évidence, la motte d'origine avait été
élevée sur un site de sources et était entourée de marais. Lorsque le parc
fut créé au XIXe siècle, cette situation fut utilisée pour créer des plans
d'eau et des canaux ponctués par des cascades. De plusieurs côtés le château
s'y reflète, ce qui ajoute à la féerie des lieux. Les arbres qui furent
plantés alors sont devenus immenses, notamment, au sud, un alignement de
tulipiers de Virginie qui atteignent là un développement spectaculaire. Ils
ne font pas pour autant oublier le fameux if, réduit à une relique
consolidée à maintes reprises, qui était déjà fort âgé lorsqu'il abritait
les jeux de Louise, la fille de César Borgia et de Charlotte d'Albret. Quant
au jardin, clos de murs, avec ses deux pavillons de jardiniers, son bassin
central et sa fontaine couverte, il a été reconstitué dans l'esprit du
XVIIIe siècle, par les soins de la famille Dumayet, précédent propriétaire.
Il est traité en carrés alternés de fleurs et de légumes, et souligné par
des espaliers d'arbres fruitiers. Une allée d'ifs taillés, séparant le
jardin du parc, mène à une "chambre verte" meublée d'une table et de bancs
en granit massif. (1)
Éléments protégés MH : toutes les parties
bâties, en totalité, et non bâties du château de La Motte-Feuilly, de sa
basse-cour, des vestiges de son enceinte extérieure et de ses fossés, de ses
dépendances, de ses jardins et de son parc : inscription par arrêté du 21
décembre 2020.
château de La Motte Feuilly 36160 La
Motte-Feuilly, tel. 02 54 31 42 20, propose la location de chambres
d'hôtes, visite des extérieurs sur demande.
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