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Sur la rive droite de l'Indre, au milieu de
prairies verdoyantes et dans un site pittoresque, s'épanouit, dans toute la
splendeur de sa gracieuse architecture, le château auquel la petite ville d'Azay-le-Rideau
doit sa renommée. Au XIIe siècle, un seigneur du nom de Ridel ou Rideau
occupa le fief d'Azay, y fit construire une forteresse et lui donna son nom.
Sous Charles VI les Bourguignons s'en emparèrent, mais en 1418 elle fut
reprise par le Dauphin qui la fit démanteler. Jacques de Beuil qui possédait
le domaine, le vendit vers 1474 à Jean Berthelot, conseiller au Parlement de
Paris et maître de la Chambre aux deniers; son fils Martin, en ayant hérité,
conçut le projet de remplacer la forteresse médiévale par un manoir plus en
rapport avec le luxe qui s'était répandu en France dès la fin du règne de
Louis XII; mais l'œuvre était à peine commencée que Martin Berthelot rendait
son âme à Dieu, en laissant à son fils, Gilles, le soin de faire continuer,
sur des données analogues aux châteaux de Blois et de Chambord, sa demeure
seigneuriale. En s'inspirant des besoins de son temps, l'architecte Étienne
Rousseau, après avoir donné aux façades une disposition symétrique, déploya
une verve remarquable d'invention dans la décoration des fenêtres et
maintint dans l'ensemble les tourelles d'angle des anciens châteaux. La
brillante situation que Gilles Berthelot occupait comme intendant général
des finances pour la Normandie, et comme trésorier de France, explique
comment il put mener à bien cette magnifique entreprise; au moment où il
pouvait espérer pouvoir jouir en paix des fruits de son labeur, il fut
enveloppé dans la disgrâce du surintendant Semblançay.
Ce dernier, qui avait épousé la cousine germaine de Berthelot, avait
toujours rempli avec conscience les devoirs de sa charge sous Charles VIII,
Louis XII et François Ier; besogne difficile, car il fallait pourvoir aux
exigences des guerres d'Italie et aux dépenses de la Cour, qui croissaient
chaque jour. La reine-mère, qui se faisait payer "avec une âpre exactitude
ses énormes pensions quelle que fût la détresse du trésor", faisait grand
cas de lui et ce fut une complaisance qu'il eut pour elle qui le perdit: "Le
seigneur de Lautrec s'étant plaint de ne pas avoir reçu les sommes
nécessaires au paiement des troupes qui occupaient le Milanais, le roi manda
Semblançay, lequel lui avoua que Madame la Régente, Mère de Sa Majesté,
avoit preins la somme de 400000 écus qui étoit destinée à la solde des
troupes et qu'il en feroit foi sur-le-champ. Sur quoi, dit Martin du Bellay,
le roy alla en la chambre de la dite dame avec un visage courroucé, se
plaignant du tort qu'elle lui avoit faict d'estre cause de la perte du dit
duché, chose qu'il n'eut jamais estimée d'elle que d'avoir retenu ses
deniers qui avoient esté ordonnéz pour le secours de son armée. Elle,
s'excusant du dit faict, fut mandé le dit seigneur de Samblançay qui
maintint son dire estre vrai; mais Elle dit que c'estoient deniers que le
seigneur de Semblançay lui avoit de longtemps gardez, procédant de l'épargne
qu'elle avoit fait de son revenu, puis elle fit soustraire au trésorier, par
un des anciens commis du ministre, toutes les quittances qu'elle lui avoit
remises".
Après la bataille de Pavie, la régente et le chancelier Duprat se
concertèrent pour le faire condamner; celui-ci le fit jeter à la Bastille et
réunit un tribunal composé de membres qui lui étaient tout dévoués, lesquels
rendirent en 1527 un arrêt: "déclarant Jacques Beaune, baron de Semblançay,
vicomte de Tours, bailli et gouverneur de la Touraine, atteint et convaincu
de larcins, faussetés, abus, malversations et mal administration des
finances du roi, pour réparation des dits crimes et délits, estoit déclaré
privé de tous honneurs et états, et en outre, condamné à être pendu et
estranglé à Montfaucon, tous ses biens meubles et héritages confisqués". Le
lundi 12 août 1527, Semblançay, qui avait 72 ans, sortit de la Bastille
monté sur une mule, escorté de troupes que commandait Guillaume Maillart,
lieutenant criminel au Châtelet de Paris. Il arriva à Montfaucon vers une
heure de l'après-midi et on lui fit attendre le supplice six heures car l'on
comptait sur la clémence du roi. Clément Marot, témoin de cette grande
infortune, publia cette épigramme: "Lorsque Maillart, juge d'enfer, menoit à
Montfaucon Semblançay l'âme rendre, à votre advis lequel des deux tenoit
meilleur maintien ? Pour le vous faire entendre Maillart sembloit homme que
mort va prendre; et Semblançay fut si ferme vieillard, que l'on cuidoit pour
vray qu'il menast pendre à Montfaucon le lieutenant Maillart". Après cet
inique supplice, Gilles Berthelot, qui avait été compromis dans cette
disgrâce injuste, s'en fut à Metz où il apprit que ses biens avaient été
confisqués par François Ier et donnés à Antoine Raffin, dit Potton,
capitaine des gardes; le château d'Azay le Rideau passa ensuite dans
différentes familles et fut vendu en 1791 au marquis de Biencourt.
En 1905, l'État s'en rendit acquéreur pour y installer un musée de la
Renaissance. Construit d'un seul jet, ce château est en effet, par la
disposition de ses tourelles en encorbellement, par la structure de ses
combles et de ses lucarnes, et aussi par le plan des pièces qui composent
les appartements, l'un de ceux qui caractérisent le mieux les débuts de la
Renaissance. Entouré d'eaux limpides dans lesquelles il reflète l'image de
ses deux corps de bâtiments flanqués d'élégantes tourelles, il déploie sur
la cour d'honneur une façade dont le luxe s'allie aux combinaisons les plus
originales. Une richesse d'ornementation règne dans le portail, lequel est
percé de deux portes jumelles accostées de pilastres, surmontées, au premier
et au second étage, de deux fenêtres à meneaux abritées par un fronton; la
Salamandre de François 1er avec la devise: "Nuirisco et extinguo" y fait
pendant à l'hermine qu'accompagne la devise: "Ung seul désir", et des
pilastres, des colonnes, des arabesques, des frises en constituent la
décoration. D'une grande sobriété de détails sont les façades du midi et de
l'ouest, dont les tours sont couronnées de mâchicoulis et d'un chemin de
ronde reposant sur des corbeaux. A l'intérieur, un escalier à rampe droite
et parallèle, voûtée de caissons réguliers garnis des médaillons des rois de
France depuis Louis XI jusqu'à Henri IV, offre à chaque demi-étage un palier
éclairé par une double baie qui rompt la symétrie de la façade. Des
tapisseries, des portraits, des tableaux et des meubles de la Renaissance
lui ont rendu son aspect vivant d'autrefois et forment avec son style
architectural un ensemble harmonieux. (1)
Éléments protégés MH : le château d'Azay le Rideau, son parc et ses
dépendances : classement par journal officiel du 18 avril 1914.
château d'Azay le Rideau 37190 Azay-le-Rideau, tél : 02 47 45 68 68,
ouvert au public d'octobre à mars de 10h à 12h30 et 14h à 17h30, en avril,
juin et septembre de 9h30 à 18h et en juillet et août de 9h30 à 19h dernier
accès 45 mn avant la fermeture. Fermé les 1er janvier, 1er mai, 25 décembre.
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