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Dans l’un des sites les plus
sauvages du Forez, au milieu des montagnes boisées et des rochers grisâtres
et nus, se dressent les ruines du vieux manoir d’Argental. Si les cheminées
d’usine ne venaient pas gâter ce pay sage délicieux, l’enchantement serait à
son comble. M. Mazon, dans son Voyage autour d’Annonay, a reproduit une
description du château d’Argental, au XVIIe siècle. "Sur le promontoire
escarpé, entouré au nord de rochers inaccessibles, est assis le château d’Argental.
Au midi et à l’occident, le lit profond d’un torrent qui tient lieu de
gigantesques fossés. Une vaste enceinte de murs et de tours gracieusement
crénelés renferme la chapelle, un moulin et le vieux manoir dont quatre
tourelles aux girouettes bruyantes couronnent les angles réguliers. Au
centre, un donjon pentagone s’élève jusqu’aux nues et supporte la noble
bannière d’Argental, lion d’azur au champ d’or fleurdelysé. Une étroite
poterne avec pont-levis et sentinelle vigilante, rassure contre toute
surprise. Le sentier parfaitement entretenu, qui seul sert de communication
avec les alentours, longe les rives verdoyantes du torrent jusqu’à la route
du Bourg-Argental à Saint-Sauveur. Pour surveiller les deux chemins qui
conduisent, l’un à Saint-Etienne de Furan, pays des arquebuses, mousquets et
armes de toute espèce, et l’autre à Saint-Sauveur et de là en Auvergne, deux
postes sont établis et relevés avec soin, attendu la grande affluence de
marchands, concours de gens de guerre et vagabonds et de grand passage sur
ce point limitrophe de trois provinces: Vivarais, Velay et Forez.
L’intérieur des appartements offre plus de magnificence que ne le promet la
simple et sévère décoration extérieure. Marguerite de Montchenu, l’une des
plus remarquables aïeules du seigneur actuel, n’a négligé, pour embellir sa
résidence chérie, ni les plafonds dorés, ni les tentures de prix, ni les
meubles artistiquement sculptés. Son amour pour le luxe et les fêtes est
même une des causes premières de la décadence d’une famille qui avait pu,
dans les beaux jours de sa splendeur, donner aux abbés prieurs de
Saint-Sauveur, des forêts et des villages d’une superficie de plusieurs
lieues. La grande salle du château et les chapelles, dédiées l’une à Marie
et l’autre à la Vierge d’Antioche, victorieuse des tyrans et des dragons
vomissant le feu, témoignent surtout hautement du bon goût de la dame
Marguerite. Aucun vestige de ces élégantes ogives ne reste plus de notre
temps, grâce aux destructions et aux réparations". De nos jours la ruine est
encore plus évidente, seule, la chapelle, restaurée par les soins des
familles Jarrosson et Sage, et bénie en septembre 1897 par le curé de Bourg
Argental, a survécu à ces désastres. L’archéologue et le touriste, le poète
et le peintre trouvent néanmoins amplement à glaner auprès de ces vieilles
murailles si pittoresques auxquelles le lierre dont elles se revêtent comme
d’un manteau, imprime un cachet d’immortelle grandeur.
On ne connaît que trois degrés de la première famille seigneuriale d’Argental,
éteinte vers 1150. Artaud 1er d’Argental eut pour fils Adhémard d’Argental
qui fut le père d’Artaud II. Ce dernier transmit son nom et ses armes à
Aimon 1er Pagan. Celui-ci, qui épousa l’héritière d’Argental, paraît se
rattacher à l’illustre maison napolitaine des Pagani. Ses armes: d’or à
trois têtes de maure de sable, étaient sculptées à Grézieu. Quant à l’écu:
d’or au lion d’azur, il paraît bien avoir été porté aussi par les seigneurs
d'Argental. Cette terre comprenait alors dans ses limites: Burdigne, la
Faye, Vanosc, Riotord, Saint-Genest et sans doute Mahun et la Vocance. En
1174, Aymon Pagan et sa femme, dame d’Argental, par le conseil de Robert,
archevêque de Vienne, libèrent le prieuré et la ville de Saint-Sauveur de
toute exaction et de toute mauvaise coutume, défendent, sous peine de
malédiction, à leur fils Guignes et ses héritiers de faire aucun mal et
aucune violence aux habitants, et confirment toutes les concessions faites
jadis aux religieux par Artaud d’Argental. Aimon eut trois enfants: Guignes,
et deux filles mariées à Hugues et Gaude mard de Montchal, fils d’autre
Gaudemard,seigneur de Montchal, de la maison de Jarez. Guignes 1er Pagan, du
consentement de sa femme Faina, concède, en 1190, le lieu dit des
Chanabairils avec ses habitants, à l’église de Saint-Sauveur et confirme les
donations faites par Artaud d’Argental, au monastère de Saint-Sauveur, et ce
en expiation des violences qu’il avait exercées contre la dite église, et de
six cent quarante sous qu’il lui avait extorqués. Guignes donne encore en
1195 au même prieuré des cens en blé et en argent, à lever sur Montgilier et
Aiguebelette. Il reçoit en retour 24 livres de la monnaie de Vienne et un
mulet du prix de 10 livres. Il accompagna Philippe-Auguste à la troisième
croisade et prit part à la prise de Saint-Jean-d'Acre.
Il eut trois enfants: Guignes, qui suit; Aimon, chanoine de Vienne en 1244;
et Artaud, abbé de Sainte-Marie-de-Cruas, prieur de Saint Sauveur en Ruede
1226 à 1251. Guigues II Pagan, sieur d’Argental, fut le père de Guigues III
Pagan, mentionné dans un acte de novembre 1242, où nous voyons Gaucerand
Gaste, Arnaud de Sablon, chevalier d’Argental et Jourdain, clerc d’Annonay,
rendre une sentence arbitrale entre ledit Guigues III et Artaud Pagan, son
oncle. Le prieur reçoit la juridiction sur la ville de Saint-Sauveur et les
sentences prononcées par sa cour contre les homicides sont mises à exécution
par Guigues. Le 18 avril 1245, il fait, au château de Vocance, donation d’un
champ à son oncle et à son monastère. De sa femme Rupne qui lui survécut, il
eut Guigues, qui suit; Aimon, qui suivra; Pons, chanoine de Vienne en 1272;
Hugues, marié à N. de Miribel qui rend hommage à l’évêque du Puy, en 1292,
du château d’Hulmet et du village de Revérolles; puis Renaude, abbesse de
Clavas, en 1292; et Alix, religieuse au monastère de Clavas. Guigues IV
Pagan, mort en 1295, épousa Marguerite de Mays, fille de Guillaume, sieur de
Mays, en Forez, dont Guillaume, décédé avant 1292; Pileta de Clermont, dont
Béatrix, mariée, en 1292, à Jacquemard de Jarez, fils de Gaudemard et de
Béatrix de Roussillon Annonay. En 1299, n’ayant pas d’enfant, Béatrix fit
donation sous condition, à son oncle Aimon II, des châteaux d’Argental, la
Faye, Vocance et du fief de Montchal. Elle vivait encore le 8 mai 1339, à
cette date elle vend des cens à Gui Guinamand, curé de Vocance. Aimon II
Pagan reçut en partage, en 1272, les seigneuries de Mahun, Satillieu, Seray,
Sarras et Ozon, puis reçut de sa nièce donation d’Argental. Il transige, le
27 novembre 1281, avec le prieur de Saint-Sauveur, Artaud de Mastre, au
sujet de deux forêts. Il testa en mars 1283, ayant épousé, avant 1272,
Béatrix de Mays, sœur de Marguerite, dont: Marguerite, mariée à Géraud
Bastet, sieur de Crussol, fils de Ponce et d’Alix de Roussillon. En secondes
noces, Aimon II épousa, suivant contrat du 4 des ides d’août 1295, Adhalasie
Tournel, fille d'Odilon Guérin II, seigneur de Tournon, dont Rambaude,
mariée, en 1308, à Odon V, seigneur de Retourtour, Beauchastel et Desaigne,
fils d’Armand II et de Maragde de Châteauneuf.
En 1299, Aimon convolait en troisièmes noces avec Alix de Clermont, fils d'Aymard
1er, seigneur de Clermont, Saint-Geoire, Virieu, et d’Alix de Thoire-Villars,
dont Jean, qui suit Aimon eut encore 4 enfants naturels, deux fils, Andrevet
et Poncet, et deux filles, Fontanèse et Guigonne, mariée à Guigon de Seray.
Jean Pagan combattit à Varey le 7 août 1325 sous les étendards de Guigues
VIII de Dauphiné contre Edouard de Savoie. Il testa le 26 juin 1341, ayant
épousé, le 3 janvier 1317, Florie de Poitiers, fille de Guillaume et de Luce
de Beaudiner, dont Guigues V Pagan, mort en 1379, ayant testé le 23 février
1362 en faveur de son cousin et tuteur Briand de Retourtour. Ce dernier
était fils d’Odon V et de Rambaude Pagan. Retourtour porte d'azur à la croix
d'argent. En 1368, Briand de Retourtour, à l’exemple de son père (hommages
de 1307, 1319, 1328 pour les mas Bancel, ceux de Riotord, etc) rend hommage
à l’évêque du Puy. De Jeanne de Beauvoir il eut deux filles: Dauphine de
Retourtour, mariée à Jacquemet de Roussillon, et Alix de Retourtour, dame d’Argental,
Mahun, Seray, Empurany, etc. Elle épousa, le 17 juin 1376, Jacques, seigneur
de Tournon, en faveur duquel elle fit son testament. Jacques de Tournon,
seigneur d’Argental, se remaria à Catherine de Giac et périt à la bataille
de Ni copolis. Les armes des Tournon sont: Parti semé de France et de
gueules, au lion d'or. Nous voyons ensuite Argental entre les mains des
Montchenu: De gueules à la bande engrelée d’argent. Marguerite de Montchenu
épousa Bermond de Brion en 1446. Ce dernier eut des difficultés
insurmontables avec ses vassaux. Il mourut en 1459 et fut inhumé aux
Cordeliers d’Annonay. Sa veuve accorda des franchises qui complétèrent
celles qu’avait octroyées Guigues IV Pagan. Elle mourut à Romans en 1480,
ayant vendu la baronnie d'Argental à Jean de Bourbon. Dès lors cette terre
suivra les destinées du comté de Forez. En 1523, elle sera réunie avec lui à
la couronne. Occupé par des Ligueurs en 1594, le château fut détruit par le
feu le 4 mai 1595 sur les ordres du Connétable de France, Henry de
Montmorency. Le 16 août 1761, la baronnie d’Argental était engagée à
François David Bollioud des Granges, puis passa à Louis Bellet, sieur de
Tavernost, baron d’Argental, en 1789. (1)
Le château se compose de deux parties distinctes: un premier ensemble, des
XVe et XVIe siècles, bâti à proximité de l’église, et un second ensemble,
très ruiné, établi à l’extrémité de l’éperon rocheux et correspondant au
château primitif. Ce dernier groupe de constructions comprend, sur le point
le plus haut du site, les vestiges d’un donjon quadrangulaire (XIIe siècle
?) bâti en petit appareil irrégulier de granit. Le château du bas Moyen Âge
est composé d’un grand bâtiment rectangulaire comportant, au
rez-de-chaussée, quatre salles voûtées présentant des traces de cheminées,
des latrines, plusieurs grandes baies et un escalier à vis. Le bâtiment
comportait deux autres étages totalement ruinés. À l’angle sud-est on
remarque les restes d’une échauguette très arasée. Le tout a récemment fait
l’objet de nombreux travaux de déblaiement et de restauration. À proximité
du château de la fin du Moyen Âge l’ancienne église du castrum, dédiée à
Saint-Georges. Saint-Georges d’Argental n’est pas une simple chapelle : elle
est désignée sous le terme d’ecclesia dès le XIe siècle.
château d'Argental 42220 Bourg-Argental, propriété privée, vestiges et
chapelle.
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