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Les ruines de Grangent sont situées à une courte
distance de Saint-Victor, mais sur le territoire de Saint-Just. Après avoir
dépassé le château de la Barallière, le touriste aperçoit, au sommet d’une
masse rocheuse qui paraît inaccessible, une haute tour ronde noircie par les
ans. Son profil majestueux tranche sur le fond vert sombre des bois de pins
qui, du côté de Chambles, bornent l’horizon. Les ruines de Grangent,
reposant entièrement sur le roc, couvrent d’ailleurs un espace restreint.
L’accès était aménagé du côté du nord et la sécurité du passage garantie par
un chemin derrière les murailles, lequel aboutissait à l’aide d’un escalier
en retour de sept marches, aux deux courtines parallèles qui reliaient le
donjon. L’existence de trous espacés sur le haut des deux murailles ou
courtines, porte à croire qu’ils étaient destinés à soutenir les solives
d’un plancher mobile servant de plateforme dans le haut et de plafond dans
la partie inférieure de l’espace qui les sépare l’une de l’autre. Ce
plancher devenait, selon les nécessités de la défense, ou un abri caché, ou
une basse-fosse dangereuse. On y descendait par un petit escalier
rudimentaire de onze marches, réservé dans l’épaisseur de la muraille, et
au-dessous de de la poterne du donjon. Cet escalier aboutissait en outre à
une issue assez large dont on voit encore dans la muraille les lignes
apparentes, dessiner une sorte de brèche, solidement condamnée depuis
longtemps. A l’ouest, à l’extrémité du rempart, sensiblement obliqué vers le
nord, se trouvait un bastion à angle aigu amorti et renforcé par une
échauguette de trois mètres de diamètre; à l’est s’élevait fièrement le
donjon cylindrique de 18 mètres de hauteur et 18 mètres de circonférence. La
porte du donjon est romane, ses pieds droits ornés d’un léger chanfrein plat
sont formés de forts mœllons irréguliers et terminés par deux taillons
profilés à l’intérieur pour supporter le linteau. Le vantail de chêne,
disparu depuis longtemps, a laissé dans la pierre les traces bien visibles
de ses gonds, de ses verrous et de sa barre de sûreté qui devait être en
fer, si l’on en juge par l’entaille moyenne de la coulisse réservée dans le
mur pour la recevoir.
L’aménagement intérieur du donjon est très intéressant. La construction est
divisée en trois étages, dont le premier ou pièce basse était fermé jadis
par un plancher, muni d’une trappe de communication. Cet étage était à peine
aéré et éclairé par quelques ouvertures ménagées dans le haut du mur. Ces
ouvertures servaient aux approvisionnements et aux besoins de la défense.
Au-dessus et au niveau du seuil de la porte existait un autre plancher plus
ou moins provisoire. A ce second étage et à gauche sont les vestiges d’une
cheminée qui ne manque ni de caractère ni d’originalité. Cette œuvre rare
pour l’époque est établie dans l’épaisseur du mur et ne présente d’autre
saillie que celle de deux corbeaux de pierre moulurés, destinés à recevoir
un linteau de bois dont on voit encore quelques vestiges; une hotte
semi-circulaire en briques allait jusqu’à la voûte où elle se perdait dans
le mur. Cette cheminée a dû servir surtout à faire bouillir l’eau et l’huile
que l’on versait sur les assaillants. En face de la porte d’entrée et dans
l’épaisseur du mur qui lui est opposée s’ouvre une embrasure rectangulaire.
Cette meurtrière est bâtie en pierres de taille et surmontée d’un arc de
décharge. Ce second étage est séparé du supérieur par une voûte arrondie et
dépourvue de nervures. Au centre de cette voûte est une ouverture ménagée
pour arriver au moyen d’une échelle ou d’une corde à nœuds. Ce dernier étage
comporte une meurtrière allongée et, du côté qui domine la Loire, il laisse
saillir un petit édicule en ruines qui servait au guet.
Vers l’an 800 le territoire de Grangent appartenait à la famille de Jarez,
il est vrai semblable de croire qu’à cette époque d’invasions, ces seigneurs
eurent l’idée de fortifier le point stratégique du rocher de Grangent, afin
d’arrêter les invasions des peuples du nord qui, sur leurs barques légères
de cuir ou de bois, remontaient la Loire pour s’emparer du Forez et du
Velay, les piller, les ravager. C’est sans doute à ces mêmes seigneurs de
Jarez, gens de foi comme les seigneurs de l’époque l’étaient, du moins à
l’heure du danger, qu’on doit la construction, à côté des remparts solides
et de la haute tour, de la chapelle plus modeste où ils vinrent prier. Ce
n’est toutefois qu’en 1092 qu’il est fait mention pour la première fois de
la chapelle de Grangent que les seigneurs de Jarez avaient alors cédé à
l’abbaye de File-Barbe. De 1092 à 1173 la Chapelle et son territoire
devinrent la propriété de Guichard, archevêque de Lyon. Plus tard Grangent
était entre les mains de Briand de Lavieu qui devait pour cela hommage lige
à l’archevêque Guichard (1164-1180). En 1183 la jouissance des revenus de la
chapelle était confirmée par la bulle du pape Lucius III. Les Lavieu et
après eux les Capponi-Feugerolles paraissent avoir continué la possession de
Grangent, ils se montrèrent du moins d’une grande générosité envers le
sanctuaire. Peut être Grangent fut-il possédé aussi par les Chauderon d’Ecotay,
dont le blason d’or au chauderon de sable, se lit encore au-dessus de la
porte de la chapelle. Peut-être en furent-ils simplement les bienfaiteurs.
Au XVIIe siècle, lors de la visite de la châtellenie de Saint-Victor, les
commissaires vinrent à Grangent, où était "une tour, avec une basse-cour, et
une chambre près de la tour découverte et délaissée depuis longtemps, sans
que l’on aye vu de la mémoire des hommes qu’il aye esté habité, croyant tous
que cella est au Roy, parce qu’il n’est avoué de personne et sont les fonds
y joignant, mouvants de la seigneurie de Saint-Victor et située en ladite
juridiction".
De nombreux legs furent faits, au cours des siècles, à la chapelle de
Notre-Dame de Grangent, notamment par Florie de Chambles, en 1311, par
Grégoire Reclus, de Saint-Rambert, en 1348, par Jean Roussier, de la
Fouillouse, du mercredi avant la Toussaint 1354; de Catherine de Rochaing,
veuve d’Antoine Milon, de Saint Rambert, du 6 septembre 1408; de Pierre
Chamoucel, de Saint-Victor, curé de Saint Romain-les-Atheux, du 24 juillet
1450. En 1600 la chapelle fut restaurée par les barons de Feugerolles. En
1321, le sacristain de Grangent se nommait Jaquet; au cours des siècles de
nombreux ermites firent de ce lieu sauvage et pittoresque leur résidence. En
1614, il y avait 5 ermites, en 1610, les P. Ximénès et Marini, en 1632,
Boniface d’Antoine, en 1648, frère Antoine Ronzy, en 1666, frère Paul
Cornillon, en 1681, Pierre Paul Poquelin et Robert Boniface, en 1683,
Louis-Vincent Lebret, en 1708, le R. P. André, supérieur du Val-Jésus. En
1615, six ermites étaient entretenus par le marquis de Nérestang, mais plus
tard ce fut Vital de Saint-Pol qui veilla sur les religieux. En 1793, la
chapelle fut pillée et à moitié détruite par les révolutionnaires. La tour
n’ayant point d’escalier intérieur triompha victorieusement des coups de
pics et des bombes des incendiaires. Pendant cette période troublée on vit
quand même des pèlerins venir à la dérobée prier N.-D. de Consolation. Ce
précieux monument qui a défié les siècles fut vendu comme bien national et
acheté par un sieur Durand, de Saint-Just-sur-Loire, le 12 messidor, an IV.
Quelque temps après le sieur Delorme en devenait propriétaire. Enfin le
rocher, la tour et la chapelle furent rachetés par l’honorable famille
Royer-Vernadet, du hameau de la Tranchardière, à Saint-Just, vers 1850. Les
deux filles de M. Royer épousèrent MM. Brunon et Paul Faye. Grangent
appartenait au début du XXe siècle à M. L. Brunon, avocat à Saint-Etienne.
(1)
Éléments protégés MH : le château de Grangent (restes) : inscription par
arrêté du 24 octobre 1945. (2)
château de Grangent
42170 Saint Just Saint Rambert, propriété de la commune, vestiges.
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