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Ce qui reste de la plus belle demeure du Roannais ne nous donne qu’une idée
bien insuffisante d’une splendeur qui avait fait l’admiration d’Anne d’Urfé.
Elle était alors "accommodée de deux belles cours, l’une entre le corps de
logis du chasteau, l’autre deors. Elle est embellie des plus belles galeries
qui soyent en Forez, tant closes qu’ouvertes, d’une belle terrasse sur le
devant, de beaux jardins et de fort beaux vergiers; elle est fort saine en
lieu sec, en belle veue et proche de très bons vignobles". Des beaux
escaliers qui donnaient accès au manoir, il ne reste plus rien, leur
démolition remonte à une cinquantaine d’années. Il faut aujourd’hui passer
sous une maison particulière et descendre une rampe abrupte pour arriver au
milieu de ce qui fut la cour d’honneur. De toutes les élégantes
constructions qui entouraient cette cour, au nord et au couchant, il ne
reste que des débris encastrés dans des bâtiments ruraux: des médaillons,
des pilastres, l’arc surbaissé d’une galerie, un fragment de muraille aux
briques émaillées. Les dernières ruines ont disparu, des débris de toutes
ces merveilles ont été vendus ici et là: le musée de Roanne conserve outre
un superbe médaillon, une pierre sculptée aux armes des d’Albon-Saint-André.
La partie encore intacte du château se dresse au matin, commandant la riche
vallée de Renaison. En 1850 on y voyait encore deux énormes tours, la "tour
du costé de midy et la tour du costé de bize". Cette dernière a disparu mais
on en peut reconnaître l’emplacement à certains rendements de la muraille
dans la maison moderne qui lui a succédé. La tour du midi, sombre et
hautaine, est encore là avec sa couronne de mâchicoulis dominant la bâtisse
quadrangulaire élevée au XVIIIe siècle pour loger, selon le goût de
l’époque, les successeurs du maréchal. Entre cette construction et le
bâtiment qui a remplacé la tour démolie, s’étend la façade du manoir, vraie
merveille avec son quadrillage de revêtement, formé par des briques de deux
tons, les unes rouges, les autres d’un noir bleu, rehaussées de loin en loin
par des médaillons de pierre jaune où le ciseau du sculpteur a semé au
hasard des têtes de fantaisie et des portraits d’un réalisme savoureux.
Une tourelle, la seule qui subsiste, se détache de la muraille et abrite un
escalier extérieur; l’arc en accolade de la porte d’entrée et des fenêtres
latérales accuse la fin du XVe siècle. Contre le pied de la tourelle
s’appuie, à droite, un escalier extérieur à double rampe, établi au XVIIIe
siècle pour donner accès aux appartements. Une large baie s’ouvrant sous le
palier dessert les cuisines en sous-sol. Ces cuisines immenses servent
aujourd’hui de bûchers et de resserres. Devant la cheminée on voit tourner
ces "broches de fer pour rostir à quinze" dont parle un inventaire de 1565;
un bas-relief, décorant la retombée de l’une des nervures de la voûte
représente un homme en train de dépouiller un lièvre. A la suite des
cuisines est un puits dont la disposition permet de puiser l’eau à la fois
et de la cour et du sous-sol. La partie nord des bâtiments, y compris la
chapelle, est détruite. De plus, les remaniements apportés au manoir par les
marquis de Vichy, au XVIIIe siècle, le modifièrent profondément. On cherche
en vain la chambre de Monseigneur "par laquelle on va au trésor et le buffet
de bois de chesne couvrant ta porte dudit trésor... qui est de fert dans la
muraille de piarre", et la "chambre haulte appelée la chambre de Madame d’Apchon",
et la "chambre de M. le cappitaine Monceau" dans laquelle on trouvait, en
1565, tout un arsenal. Absentes aussi les "superbetés, belles parures, beaux
meubles très rares et très exquis" qui faisaient de Saint-André la plus
riche habitation du Forez. Le maréchal avait un goût particulier pour les
tentures: Brantôme mentionne une tente de tapisserie de la Bataille de
Pharsale, achetée après sa mort par le maréchal de Vieilleville qui en
décora la grande salle du château de Durtal; on cite encore la belle tenture
de David et Goliath, indiquée dans l'inventaire de 1565 avec d’autres
tapisseries de Flandre représentant en onze pièces "les Triomphes de
Pétrarque", en six pièces "les Turcs, leurs chasses et embarquements", en
huit pièces, l’Arion de Corsole, etc.
Les premiers seigneurs de Saint-André appartenaient à la maison de
l’Espinasse. Geoffroy de l’Espinasse, deuxième fils de Dalmas 1er, est
seigneur de Saint-André en 1224. A cette date il reçut une reconnaissance
féodale de Hugon, pour la prévôté de St-André que celui-ci tenait de lui. En
1247, le prieur et les religieuses d’Ambierle ayant prétendu que Geoffroy
faisait bâtir sa maison forte sur leurs terres, il y eut une transaction par
laquelle le prieur céda à Geoffroy tous les droits que le monastère avait
sur les terrains qui entouraient l’église de Saint-André. Chatard de
l’Espinasse, fils de Geoffroy, mourut en 1346, laissant Etienne de
l’Espinasse seigneur de Saint-André, mentionné de 1304 à 1325. Le 13 mai
1334, il rend foi et hommage, au comte de Forez, pour son château de
Saint-André, avec justice et dépendances, et pour tout ce qu’il possède à
Saint-Just-en-Chevalet, Cervière et Renaison. Il mourut en 1343, laissant
une fille, Isabelle, mariée à Guillaume de l’Espinasse, et un fils Hugues de
l’Espinasse, nommé dans des actes de 1320 a 1369, avec le titre de seigneur
de Saint-André, et en partie de Roanne, Briennon, Saint-Forgeux,
Saint-Germain, l’Espinasse, Noailly, Villerest, Pouilly, Marcigny, Riorges,
Saint-Just-en-Chevalet. Il testa le 24 juillet 1361, ayant épousé, en 1334,
Alix de Commiers avec laquelle il fut inhumé, dans l’église de Saint-André,
et dont il eut Gui, mort vers 1361, laissant Gui et Humbert, mentionné de
1375 à 1388; 2° Guichard; 3° Guillaume, moine de Cluny, prieur d’Ambierle en
1402; 4° Jean, prieur de Marcigny en 1417; 5° Hugues, moine à Charlieu; 6°
Etienne; 7° Alix, mariée le 3 août 1362, à Guillaume d’Albon, seigneur de
Curis.
Guillaume d’Albon devint ainsi seigneur de Saint-André. Il avait été stipulé
dans le contrat, que le second fils qui naîtrait du mariage, porterait le
nom et les armes de sa mère: fascé d’or et de gueules de huit pièces; au
lambel de trois pièces d'azur et une bordure du même. Les enfants furent
Guichard, marié en 1400, à Philiberte de Semur, dame d’Ouches, il eut vingt
enfants, tous morts en bas âge; dont Jean d’Albon de l’Espinasse, seigneur
de Saint-André, fournit l’aveu et dénombrement de Saint-André, le 7 mai
1441, et testa le 22 septembre 1442, ayant épousé Guillemette de Laire. Fait
prisonnier en 1417, Jean fut racheté par son frère avec lequel il
combattait; il fut remis en liberté, en 1420, ayant été élu, pendant son
absence, bailli et gouverneur des terres de l’Eglise de Lyon. Il eut Gillet
d’Albon, seigneur de Saint-André, dont hommage le 14 août 1444, épousa le 21
février 1436, Jeanne de la Palisse, dont Guichard d'Albon, né en 1438,
seigneur de Saint-André, Ouches, etc, conseiller et chambellan de Louis XI,
bailli de Montferrand, épousa le 2 mai 1502 Catherine de Talaru, dont Jean
d'Albon, seigneur de Saint-André, mort à Fontainebleau, avait épousé
Charlotte de la Roche, dame de Tournoël. C’est lui qui construisit le
château de Saint-André, qui ne devait être achevé qu’au début du XVIe
siècle. En 1548, le roi Henri II s’y arrêta avec toute sa cour. Jean d’Albon
devait être d’Eglise, mais la mort de son frère aîné vint modifier
sensiblement sa carrière. Capitaine de 50 hommes d'armes, il fit en 1512, la
campagne d’Italie sous la Trémouille, en 1521, celle de Navarre, sous
l’amiral de Bonnivet, en 1528, il défendit la Picardie contre les Anglais,
reçut le collier de l'ordre du Roi, et prêta serment "en l'hostel commun de
Villefranche" comme bailli du Beaujolais.
En 1530, il fut fait bailli de Mâcon et sénéchal de Lyon, et à sa mort en
1549, il était chevalier d’honneur de la reine Catherine de Médicis,
gentilhomme de la Chambre du Roi, gouverneur de Lyon et des provinces de
Lyonnais, Forez, Beaujolais, Dombes, Bourbonnais, Haute et Basse Marche et
pays de Combrailles, fonctions qui échurent à son fils Jacques, ce dernier
dut sa faveur, à une amitié de jeunesse avec le duc d’Orléans, plus tard
Henri II. Jean d’Albon, très apprécié du roi François 1er , par sa valeur et
sa prudence avait été pendant quinze ans le gouverneur de ce prince. Le fils
du gouverneur et son élève avaient été "nourris ensemble dès leur enfance".
Le Dauphin devenu Roi "n’admettoit personne en sa chambre du matin et
jusqu’à ce qu’il fut habillé, sinon le jeusne Saint-Andrey". A peine monté
sur le trône, le Roi donne à son ami le bâton de maréchal et fait de
celui-ci, son plus intime confident; il l’envoie en ambassade auprès du roi
d’Angleterre, qui le décora de la Jarretière et devint son ami. En 1552,
Saint-André commande l’armée en Champagne; l’année suivante, il chasse les
Espagnols de la Picardie; en 1554, il concourt à la prise de Mariembourg en
ravitaillant la place assiégée; en 1555, il s’empare du Catelet ; en 1557,
il combat à Saint-Quentin, est fait prisonnier, puis mis en liberté un an
après, il prépare en 1559 le traité de Cateau-Cambrésis. La paix ne le
laisse pas inactif, la mort d’Henri II ne le fait pas déchoir, au sacre de
Charles IX il remplit les fonctions de grand-maitre de France; en 1561, il
forme avec Montmorency et François de Guise, le fameux triumvirat.
Saint-André fut le Mécène de son époque et fit de ses deniers, des pensions,
aux poètes et aux écrivains, "fort beau et de bonne grâce, la parole belle
et l’esprit gentil, bon jugement et bonne cervelle", il fut un catholique
zélé mais non cruel.
Le 19 décembre 1562, il commandait l’aile droite de l’armée royale, mais
l’effort du combat était porté vers le centre, où commandait le connétable
de Montmorency, fait prisonnier dès neuf heures du matin. Les reitres du
prince de Condé enfoncèrent deux fois les bataillons suisses et s’amusèrent
à piller croyant la bataille gagnée, mais le duc de Guise, caché avec ses
troupes dans un bois, fondit sur eux et les dispersa. Saint-André se joignit
à lui mais emporté par son ardeur, c’est alors qu’il fut tué d’un coup de
pistolet à la tête par Perdriel de Bobigny, sieur de Mézières. Marguerite de
Lustrac, veuve du maréchal s’éprit d’une vive passion pour le prince de
Condé, se ruina pour lui plaire, alla même, dit-on, jusqu’à empoisonner la
fille qu’elle avait eu de Saint-André, Catherine d’Albon, religieuse à
Longchamp, mais sans réussir à se faire épouser. Les meubles de Jacques d’Albon,
ornés de ses armes; de sable à la croix d’or, à un lambel de trois pendants
de gueules, furent vendus à l’encans. le château de Saint-André passa à la
sœur du défunt, Marguerite d’Albon, épouse d’Arthaud X de Saint-Germain.
Charlotte-Eléonore, fille de Jacques II d’Apchon et de Marie de Rattons, et
petite-fille de Claude, née en 1680, porta Saint-André à Marc-Antoine de
Saint-Georges, qu’elle épousa le 24 octobre 1697. Originaires de la Marche
limousine, les Saint-Georges portent d’argent à la croix de gueules.
Marc-Antoine eut d’Eléonore d’Apchon: Claude-Marie de Saint-Georges, rendit
hommage de Saint-André les 6 décembre 1776 et épousa le 2 décembre 1741,
Marie-Cécile d’Amanzé, dont Claudine-Marie-Josèphe, qui épousa
Abel-Claude-Marthe-Marie, marquis de Vichy, mort martyr de la révolution à
Lyon en 1793, chevalier de Saint-Louis, marié le 24 novembre 1764, au
château de Saint-André-d’Apchon, à Claudine-Joséphine-Marie de
Saint-Georges. Ce fut le 13 germinal an VII, devant le notaire public de
Saint-Haon-le-Châtel, que le "ci-devant château de Saint-André, appartenant
à l’émigré Vichy" (Gaspard-Cfaude-Félix) et une partie des immeubles qui en
dépendaient, fut vendu moyennant le prix de 81.7DO francs en assignats, à
quatre citoyens qui en firent aussitôt le partage et bientôt le démolirent
en grande partie. Saint-André appartenait en 1856, à MM. Duret, Caquet et
Lorange. Il passa ensuite à MM. Ballefin et Moulin, puis en 1880, à MM.
Louis Gérard et Debout. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château et la galerie
située en contrebas de la cour : inscription par arrêté du 3 juillet 1963.
(2)
château de Saint André d'Apchon 42370 Saint-André-d'Apchon, propriété
privée, ne se visite pas.
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Crédit photos:
Thierry de Villepin
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