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Située
aux confins de la Beauce, du Gâtinais et de la forêt d'Orléans, la commune
de Nibelle ne doit pas sa notoriété à l’allure spectaculaire de son château,
mais à la richesse de son sol. C’est à la présence d’une argile de grande
qualité qu’elle doit la cohabitation de tuiliers, briquetiers, potiers et
céramistes depuis le Moyen Âge; un potier s’étant même installé au château
au début du XIXe siècle. Le château du Hallier, dont la situation en lisière
de forêt justifie à elle seule le nom (du bas latin hasta qui signifie
"branchages"), a surtout souffert du manque d'intérêt de certains de ses
propriétaires, puis de l’oubli général jusqu’à ce que Charles Pensée et
Jules Loiseleur l’extraient de ce long sommeil par le biais d’une étude
publiée en 1869. Lorsque la famille de Visy vend la terre du Hallier à
Charles de L’Hospital en 1537, il est fait mention d’une maison, d’étables
et de granges, le tout entouré de fossés. Grand maître des Eaux et Forêts du
duché d’Orléans, Charles est sans conteste à l’origine de la construction du
château mentionné sept ans plus tard lors de la signature du contrat de
mariage de sa fille. Le Hallier demeure dans la famille pendant cent dix ans
abritant ainsi, et à deux reprises, les séjours du roi Henri IV alors très
proche de Louis de L’Hospital, capitaine des gardes du roi, chevalier des
ordres royaux et conseiller d’État. C’est depuis cette résidence que le
souverain se serait rendu auprès de sa nouvelle conquête Henriette d’Entraigues
momentanément domiciliée au château voisin de Chemault. En 1647, l’ensemble
est vendu à la famille Particelli dont l’un de ses membres, Michel, est
surintendant des finances de Mazarin. Quatorze ans plus tard, le gendre de
la famille, Louis Phélypeaux de La Vrillière, rachète la propriété. Seigneur
de Châteauneuf-sur-Loire, gouverneur de Jargeau et secrétaire d’État, il
multiplie ses résidences puisque celle-ci vient rejoindre son château de
Châteauneuf et l’hôtel particulier qu’il s’est fait construire à Paris par
François Mansart. Lorsque Pélerin de La Buxière se porte acquéreur du
Hallier en 1778, le château semble avoir perdu de son prestige et est en
partie ruiné comme nous l’indique l’acte de vente où il apparaît comme "à
présent démoli". C’est donc sous l’autorité de son prédécesseur que
disparaissent les toitures, les derniers niveaux et les escaliers, ce qui
ressemble à un démantèlement systématique. Seuls les Phélypeaux (qui
auraient pu y voir une carrière de matériaux pour leur autre château) ou les
villageois (profitant de l’abandon du site) peuvent être responsables de
tels comportements.
Depuis 1938, l’ensemble appartient à la famille Bonis-Charancle qui y a
entrepris les premières restaurations et qui continue à maintenir en état
les 237 mètres de l’enceinte. Vaste parallélogramme de 68 mètres par 50
mètres de côtés, l’enceinte du Hallier était originellement entourée de
douves alimentées par l’étang voisin et cantonnée de dix tours disposées
avec régularité (quatre demi-tours et six tours d’angle). Le pont-levis
initial a laissé la place à un pont dormant à deux arches protégé par deux
tours semi-circulaires réparties de part et d’autre d’une double entrée
cochère et piétonne. Deux groupes de bâtiments se répartissent autour de
deux cours distinctes séparées par un mur: la cour haute abrite deux logis
qui étaient sensiblement identiques (est et ouest) et reliés par une galerie
alors que la cour basse est bordée de trois bâtiments consécutifs s’appuyant
sur l’autre moitié de l’enceinte. L’existence d’une telle séparation, la
différence d’épaisseur de la maçonnerie ainsi que la différence de niveau
entre les deux cours permettent d'imaginer deux campagnes de construction:
l’une des années 1540 avec les appartements des propriétaires et des invités
répartis à chaque extrémité d’une galerie, le dernier étage moins éclairé
abritant peut-être les domestiques, et l’autre de l’extrême fin du XVIe
siècle avec grange, étable et certainement écurie, comme il en est fait
mention en 1601. Si les bâtiments secondaires ne dépassaient pas deux
niveaux, cela n’était certainement pas le cas des deux logis placés en vis à
vis et dotés d’un minimum de trois niveaux comme nous pouvons encore le
constater aujourd’hui; l’absence de toiture ou d’une quelconque
représentation du château faisant défaut pour envisager une reconstitution
plus précise.
Majoritairement construit en brique, le château utilise la pierre pour les
parements des soubassements, les ouvertures et les cheminées. Ses toitures
disparues étaient initialement couvertes d’ardoise comme en témoignent un
acte de dénombrement du XVIIe siècle ainsi que la présence d’une multitude
de fragments sur le site à quelques centimètres de profondeur. D’une facture
plutôt sobre, Le Hallier étonne surtout, outre sa démesure, par ses
innombrables meurtrières (153 répertoriées au XIXe siècle contre 104
aujourd’hui). Elles sont tellement nombreuses et régulièrement espacées
qu’elles en deviennent un élément du décor à part entière. Tous ces
percements, archères-canonnières ou simples canonnières, sont d’autant plus
étonnants qu’ils allient des fentes, totalement caduques à une époque où les
armes à feu se généralisent, à des canonnières à trémie dont le procédé
permet une défense réellement efficace en faisant rebondir les projectiles
des adversaires sur les redans. En dépit d’une insistance toute particulière
sur son appareil défensif (tours, douves, pont-levis, meurtrières), Le
Hallier ne semble pas avoir été si bien protégé que cela, la répétition des
meurtrières n’étant pas sans fragiliser la muraille de brique. D’ailleurs y
aurait-il eu assez de place pour loger la garnison nécessaire à la défense
d’un tel périmètre ? Une telle survivance de ces formes militaires montre à
quel point on hésite encore, pour des châteaux isolés, entre la sécurité de
la citadelle et l’image qu’elle offre, et le confort de la villa; ce que
l’on observe si bien au château de Talcy son contemporain. Mais cette allure
défensive est également arborée, à la même époque, par la petite ville
voisine de Boiscommun où une enceinte, exclusivement formée de briques et
percées de nombreuses meurtrières, entoure les habitations. Peut-être
devrions-nous y reconnaître des motivations communes qui n’ont plus rien à
voir avec la transition d’un style. (1)
Éléments protégés MH : le château du Hallier (vestiges) : inscription par
arrêté du 13 décembre 1967.
château du Hallier
45340 Nibelle, propriété privée, ne se visite pas, vestiges.
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