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Assier, qui déploie ses rues paisibles
aux confins du causse de Gramat et du Limargue, recèle en ses murs la "plus
superbe maison qu’on scaurait voir, du reste la mieux meublée que maison de
France, tant de vaisselle d'argent que de tapisseries, et ciels de soye d’or
et d’argent", affirme Brantôme qui ne craignait ni les envolées lyriques ni
les compliments généreux, et s’y connaissait en demeures princières. Ou plus
exactement: Assier abrite ce qu’il en reste. Une aile endommagée et quelques
vestiges ruinés dressant leurs silhouettes désemparées d’entre les pierres
muettes et résignées. Plus encore à l’abandon et à la délitescence, c’est à
la fureur des hommes qu’il faut attribuer le triste état de ce qui fut et ne
sera jamais plus: Assier, somptueux château de Galiot de Genouillac, maître
d’artillerie de François 1er. Personnage lui aussi ignoré de notre mémoire.
Déjà Brantôme, encore lui, évoqua cet oubli: "Je suis fort estonné que noz
histoires françoises n’ont plus parlé de M. le Grand escuyer Galiot qu’ilz
n’ont fait; car ç’a esté un très bon et sage capitaine en son temps". Double
injustice flagrante, celle des pierres et celle des hommes, pour celui qui
manifesta sa vie durant le désir intense de laisser au monde la trace
insolente de son existence et des exploits qui la jalonnèrent. Jacques
Ricard Gourdon de Genouillac, dit "Galiot", comme l’un des chevaliers de la
Table Ronde, naît en 1465, fils de Jean-Ricard Gourdon de Genouillac, maître
d’hôtel du roi, originaire du Quercy, et de Catherine Del Bosc, son épouse,
qui possédait une partie de la seigneurie d’Assier. Après avoir été
successivement page, puis écuyer du roi à 27 ans, Galiot devient grand
écuyer du dauphin. Il est, en outre, nommé sénéchal du Quercy et d’Armagnac
en 1517. Quelques mois avant sa mort, il sera nommé gouverneur du Languedoc,
charge traditionnellement réservée aux princes de sang. Il servira trois
rois de France et participera à plusieurs campagnes d'Italie. En 1515, il
est à Marignan. François 1er écrira alors à sa mère: "Madame, le Sénéchal
d’Armagnac, avec son artillerie ose bien dire qu’il a été cause en partie du
gain de la bataille, car jamais homme ne s’en servit mieux". En 1525, à la
bataille de Pavie, il est fait prisonnier en compagnie du roi qui perdit
tout "fors l’honneur et la vie". Dès son retour en France, Galiot de
Genouillac mènera différentes missions diplomatiques au service de son pays.
Sa nomination par François 1er revenu de captivité à la charge de grand
écuyer du roi en fait, après le connétable, le troisième personnage du
royaume.
Comblé d’honneurs et de biens, il suscite la jalousie chez d’aucuns qui
essayeront de le discréditer auprès du monarque. Galiot réplique alors au
roi: "Bref, c’est vous qui m’avez fait tel que je suis, c’est vous qui
m'avez donné les biens que je tiens; vous me les avez donné librement, aussi
librement vous les pouvez ôter, et suis prêt à vous les rendre tous. Pour
quant à aucun larcin que je vous aie fait, faites-moi trancher la tête si je
vous en ai fait aucun". Le roi se défendra d’un quelconque soupçon: "Mon
bonhomme, oui, vous dites vrai, aussi ne vous veux-je reprocher et ôter ce
que je vous ai donné. Vous me le redonnez, et moi je vous les rends de bon
cœur; aimez-moi et me servez bien toujours comme avez fait, et je vous serez
toujours un bon roi". C’est sans doute de 1526 à 1535 que le château est
construit. Galiot a peu à peu acquis les trois autres parts de la seigneurie
d’Assier, héritée de sa mère, seigneurie qui relevait de l’abbé de Figeac.
Et il désire posséder en Quercy une demeure digne de son rang et de sa
gloire. Pour ce faire, il sollicitera le concours d’artistes italiens, en
souvenir de l’architecture admirée lors de ses campagnes de l’autre côté des
Alpes où la Renaissance flamboyait de tous ses feux depuis déjà un siècle.
Le style et la pureté de certaines sculptures évoquent la patte d’un autre
grand artiste de la cour, Jean Goujon, mais jusqu’à maintenant cette
hypothèse n’a pu être vérifiée. Le grand maître de l’artillerie séjournera
souvent dans les murs d’Assier, Marié en première noces avec une riche
héritière, Catherine d’Archiac, tôt ravie à son affection, il épouse ensuite
Françoise de La Queuille qui ne tarde pas non plus à le rendre veuf une
seconde fois. Leur fils unique, François, trouvera la mort à la bataille de
Cérisoles en 1544.
De son premier mariage Galiot avait eu Jeanne qui, à sa mort en 1546,hérite
de tous ses biens en Quercy. Veuve de son premier mari, Charles de Crussol
d’Uzès, dont elle avait eu huit enfants, celle-ci est alors l’épouse du
Rhingrave Jean-Philippe de Salm. Elle s’est convertie à la religion
Réformée, et Assier devient, durant toutes les guerres de Religion, le haut
lieu de la résistance protestante quercynoise et périgourdine. Ses fils
issus de son premier mariage; elle n'aura pas d’enfant du second, suivront
sa trace. Le cadet, Galiot de Crussol, chef des bandes huguenotes du
Languedoc, sera assassiné en 1572. Une de ses filles épousera Geoffroy de
Cardaillac, appelé aussi "Capitaine Marchastel", autre grande figure de la
cause protestante. Après la mort de Jeanne en 1567, ses biens passent à ses
enfants. Leurs descendants, familiers de la cour et des rois, vont se
désintéresser de leur château d’Assier. En 1768, François-Emmanuel Crussol,
duc d’Uzès, premier pair de France, à court d’argent, vend les matériaux de
la demeure à un menuisier du village, pour 14000 livres. L’acquéreur a droit
de démonter tous les bois, ferrures, plombs des toits, planchers, et de
démolir les deux ailes droite et gauche. Ce qui sera scrupuleusement
exécuté. En 1780, le duc d’Uzès se trouve donc en possession d’un château
réduit à un corps de bâtiment sans toiture, qui sera vendu en 1786 à un
avocat, Gabriel Murat de Montai, dont la famille conservera la propriété
jusqu’en 1934. En 1796, la seigneurie est cédée pour 257300 livres à huit
personnes. Assier a vécu. Le château démantelé, à l’exception du corps de
logis de l’entrée, est alors abandonné de tous. Devenu champ de ruines,
béant et saccagé, l’édifice ne sera sauvé qu’au tout début de notre XXe
siècle, lors de son classement. En 1934, Assier devient propriété de l’État
qui, depuis lors, s'emploie à sauver et à restaurer les vieilles pierres.
Construit à l'emplacement d'un ancien repaire dont il subsiste la tour au
sud-ouest, dite "del Sol", les bâtiments, d'après le plan du XVIe siècle, et
des gravures de la collection Gaignières déposée à la Bibliothèque
nationale, formaient un vaste quadrilatère à deux niveaux, fermé sur une
cour. Quatre tours rondes surmontées d’une toiture en dôme à l’Impériale
flanquaient ses angles. Des lucarnes à tympans rythmaient les combles côté
cour. Les ailes démantelées abritaient les appartements. La tour du nord-est
contenait la chapelle. La tour du sud-est, appelée "tour des Archives",
aujourd’hui ruinée, comportait des chambres de tirs munis de canonnières.
Elle était ceinte par un passage voûté à bastion semi-circulaire. La façade
occidentale, seule rescapée du désastre, est construite en blocage. Le mur
est ceint par des corniches simulant les mâchicoulis. Entre elles, des
boulets, motifs symboliques, sont sculptés dans la pierre. Le grand portique
d’entrée encadré de colonnes des trois ordres; corinthien, ionique et
dorique, abritait dans sa niche une statue équestre de Galiot, sous un
tympan contenant les armoiries du seigneur "Écartelé aux 1 et 4 d'azur à
trois étoiles d’or en pal, aux 2 et 3 à bandes de gueules". Deux lévriers en
support. Au fronton de l’entablement, la salamandre, emblème de François
1er, est sculptée dans la pierre. À gauche de la porte, il subsiste une baie
surmontée d’un fronton où repose un buste à l’antique. Le porche a une voûte
surbaissée décorée à l’antique qui débouche sur la cour d’honneur. Le
portique comporte, de ce côté, des colonnes corinthiennes supportant une
loggia où s’appuient deux colonnes ioniques. Une frise sculptée dans la
pierre court tout le long de cette aile, entre le rez-de-chaussée et le
premier étage, ainsi que sous la corniche du toit. Elle figure les charges
et les honneurs de Galiot, et est rythmée par des scènes de la vie
d’Hercule.
Une frise similaire dans l’esprit sera ciselée sur les façades de l’église
du bourg, où l’on peut toujours admirer le tombeau monumental de Galiot de
Génouillac. Dans un cartouche, y sont gravés ces quelques vers: "Cy dort
celui qui neut jamais propos, De reposer en la vie mortelle, Ces longs
travaux luy ont donné repos, Car par ses faictz, sa vie est immortelle". À
l'étage, le trumeau entre les pilastres des fenêtres était orné de
médaillons d’empereurs romains, dont un seul subsiste. La salle basse de
cette aile renferme de nos jours les débris de la décoration intérieure,
autrefois somptueuse. Outre des vestiges de pierres sculptées, on peut
encore admirer une remarquable porte de marqueterie décorée du grand collier
de l’ordre de Saint-Michel qu’entourent les armes du maître de maison. Un
bel escalier dont les voûtes sont encore sur croisées d’ogive conserve
quelques sculptures, en particulier des culs de lampe. Un pilastre en
marbre, dans un mur du premier étage, est orné de grotesques d’une beauté
incomparable. La devise altière de Galiot, "J'aime fortune", était gravée ou
inscrite à différents endroits de la demeure, notamment sur les clefs de
voûte de l’escalier. Le château avait été entouré par différents corps de
bâtiments ayant une fonction précise, comme des moulins à vent, une mouline
(c’est-à-dire une forge à martinet), des granges, des étables, un jeu de
paume, une écurie qui, seule, a résisté aux aléas du temps, ainsi qu'un
vaste pigeonnier qui totalisait 2300 boulins (nids en terre cuite) quand le
domaine de Galiot de Genouillac comptait 1150 hectares (les pigeonniers
comptaient traditionnellement 20 à 25 rangées de 60 à 80 boulins mais les
gros colombiers possédaient jusqu'à 2 à 3000 boulins). Pigeonnier circulaire
à toit conique surmonté d'un lanternon. Le château est ouvert au public, et
sa cour intérieure accueille chaque été un festival de musique. (1)
Éléments protégés MH : les restes du château et les parcelles de terrains
avoisinantes : classement par arrêté du 2 septembre 1901.
château d'Assier, place du Château, 46320 Assier, tél. 05 65 40 40 99,
classé en 1841 par Mérimée l’ensemble des ruines fut acquis par l’Etat en
1934, ouvert au public du 1er juillet au 31 août tous les jours 10h à 12h 30
et 14h à 18h 45, du 5 septembre au 30 avril tous les jours sauf le mardi,
10h à 12h 30 et 14h à 17h 30.
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