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Le général de Gaulle
écrivit: "du château de Mercuès, on voit monter vers soi l'Histoire", dans
ses Mémoires, dont une partie fut rédigée au château même, en 1951. Tout est
exprimé dans cette pensée brève, inspirée par la beauté et la grandeur du
lieu qui domine de toute sa hauteur le paysage tourmenté de la vallée du
Lot. Accroché, comme suspendu entre ciel et terre, au bord de sa falaise, le
vieux château épiscopal de Mercuès aura, en effet, été le témoin de tous les
soubresauts, toutes les vicissitudes, toute la gloire de l'histoire du
Quercy, qui, souvent, se confondit avec celle de la France. Comme son nom
l’indique, Mercuès dérive d’une expression latine signifiant le temple de
Mercure. Sans doute a-t-il existé sur les flancs de la colline, à l’époque
gallo-romaine, un édifice dédié au culte du messager des dieux, disparu
depuis la nuit des temps. L'emplacement stratégique du lieu, situé en aval
de la ville de Cahors, à pic au dessus des rives du Lot, le prédisposait à
devenir un poste d'observation vital pour toute la vallée dès l’implantation
d’une société organisée. Véritable verrou, il permettait de surveiller la
navigation de la rivière, et de contrôler la voie romaine allant de Bordeaux
à Paris. Le château fut, de tout temps, la propriété des Évêques de Cahors.
Au Moyen Âge, l’Évêché de cette ville fut un des plus puissant du royaume.
L’évêque était comte et baron de Cahors, seigneur directe et suzerain de 31
paroisses, premier chanoine du chapitre de Cahors, abbé de celui du Vigan,
protecteur et surveillant de l’université.
Le premier évêque fut, au VIIIe siècle, saint Gernulphe. L'existence d’un
château fort est attestée dès 1212. À ce moment-là, Guillaume de Cardaillac
était à la tête de l’Évêché depuis quatre années. Il mourut en 1235. Il fut,
pendant la croisade contre les Albigeois, le dévoué auxiliaire du sinistre
et sanglant Simon de Montfort. Durant toute la longue période de la guerre
de Cent Ans, Mercuès fut d'innombrables fois la cible des attaques
anglaises. Le château fort sera occupé, libéré, réoccupé à plusieurs
reprises. Dans les derniers temps de cette guerre interminable, le château
fut assiégé par les armées du Captal de Buch. Grâce à l’intervention du peu
reluisant Bernard de Durfort, seigneur de Boissières et de Calamane, auteur
de nombreux méfaits, les consuls de Cahors obtinrent des Anglais, contre le
versement d’une forte rançon, qu'ils libérassent le château. Au siècle
suivant, pendant les guerres de Religion, Mercuès vécut des heures
douloureuses et indignes. La traîtrise du proche seigneur de La Grezette,
Pierre de Massaut, chargé de la défense des lieux par l’évêque, mais passé
subrepticement à la solde de Duras, chef des protestants, permit la capture
du château et de l’évêque par les troupes huguenotes. Afin d’humilier
l’évêque Pierre II de Bertrand, Duras donna l’ordre de le traîner dans tout
le diocèse, monté à l’envers sur un âne. Quant à la forteresse, elle fut
livrée au pillage des troupes de Massaut, qui ôtèrent de ses murs tout le
mobilier et les serrures, avant d’y mettre le feu. La paix enfin revenue
dans la province, les
évêques entreprirent de relever de ses ruines la vieille demeure épiscopale.
Le château fort fut transformé en une demeure de plaisance, agrémentée par
des jardins en terrasses qui lui donnèrent définitivement l’aspect d’un lieu
de villégiature. Évêque de Cahors de 1636 à 1659, Alain de Solminihac
séjourna fréquemment à Mercuès. Au moment des péripéties de la Fronde, il
organisa la défense du site, puis, la tranquillité revenue, il transforma le
château en lieu de repos pour les prêtres. Son successeur à l’Évêché, Mgr
Nicolas de Sevin, fit installer, vers 1660, un procédé révolutionnaire à son
époque: une machine semblable à celle de Marly, destinée à faire élever
l’eau jusqu’au château. Hélas, après sa mort, les chanoines de Cahors, qui
n’avaient sans doute pas jugé indispensable cette innovation spectaculaire,
vendirent tout le matériel de l’installation. La fin du XVIIIe siècle vit
l’embellissement intérieur de la demeure, sous l’impulsion de l’évêque de
Jay. Les plaques des cheminées que l’on peut toujours admirer sont à ses
armes. Son successeur à l'Évêché, de 1693 à 1741, Mgr de Briqueville de La
Luzerne, fit entreprendre d'importants travaux d’agrandissement, notamment
le corps de bâtiment occidental de l’édifice, conçu dans le style classique
de l’époque. La belle glace accrochée dans la salle à manger, lui fut
offerte par Louis XIV. Le château sera épargné des fureurs républicaines
pendant la période révolutionnaire. Il fut néanmoins confisqué au clergé, et
vendu comme bien national, en 1791, à une famille qui l’occupa jusqu'aux
premières années de l’Empire. En 1802, Mgr Cousin de Grainville, évêque de
Cahors, racheta Mercuès à titre privé. Le château sera revendu plus tard par
ses héritiers.
Les archives du château disparurent de la manière la plus stupide qu'on
puisse imaginer. Elles furent vendues par lots, aux commerçants de Cahors,
qui s’en servirent de papier d'emballage. En effet, la préfecture du Lot
installée depuis la Révolution au palais épiscopal de la ville, demanda à
l’évêque, en 1800, de procéder au débarras des archives du grenier. Mais
l’évêque, fort dépité de n'avoir pas récupéré son logis, dédaigna la
requête. Le désintérêt, l'ignorance, l'appât du gain, la sottise, se
liguèrent ainsi pour disperser à tous vents, douze siècles de l’histoire
locale, pour le grand malheur des générations futures. Après avoir été à
nouveau la possession d’un évêque de Cahors, en 1861, qui le léguera au
petit séminaire de Montfaucon, lequel s'empressera de le céder à un nouvel
évêque, le château sera mis en vente au début du siècle, après la séparation
de l'Église et de l'État. De nombreux propriétaires vont alors se succéder
dans les lieux, avec des fortunes diverses, avant que la demeure soit
acquise, en 1983, par un viticulteur qui l’a transformée en hôtel de la
chaîne "Relais et Châteaux". Maintes fois remanié, pour ne pas dire,
entièrement restauré au cours des siècles, et ce de manière hétérogène,
voire malheureuse, le château n'a conservé que de rares vestiges de son
aspect primitif. Énergiquement restauré, à la fin du XIXe siècle, par les
soins d’un prélat, dans le style néo-gothique cher à l'architecte Eugène
Viollet-Le-Duc, l'édifice, recouvert d’un triste crépi grisâtre, garde
néanmoins une allure imposante et un charme indéniable. (1)
En 1254, Barthélemy de Roux aurait été le commanditaire de la reconstruction
du château. C'est ce que laissent supposer les caractères architecturaux de
la tour du nord-ouest, dont la batterie d'archères à étriers triangulaires
évoque les constructions capétiennes du milieu du XIIIe siècle. L'angle
sud-est des logis et sa tour maîtresse à mâchicoulis semblent procéder d'une
reconstruction de la fin du XVe siècle, de même que la tour d'escalier en
vis de l'aile ouest et l'essentiel du bâtiment réaffecté à usage de chapelle
par Mgr Grimardias au XIXe siècle. Cette reconstruction partielle est
vraisemblablement l'oeuvre de l'évêque Antoine d'Alamand entre 1486 et 1488.
Les mâchicoulis qui couronnent les deux tours principales sont apparemment
plus tardifs, si l'on en juge par le faible calibre des trous de tir qui
sont conservés dans ses parapets. Le portail d'entrée à pont-levis de même
que celui qui ouvre sur l'escalier principal et dont les bossages sont à
rapprocher de ceux de l'église paroissiale datent de la première moitié ou
du milieu du XVIIe siècle. Une partie importante des élévations sur cour
(aile sud) et des croisées à piédroits de briques et linteaux et traverses
de pierre qui y sont percées datent de la même époque. On attribue ces
aménagements à l'évêque Pierre Habert (1626-1637) qui fut sans doute
également le commanditaire d'une part importante des lignes extérieures de
défense. D'autres réaménagements, dont le plus important est constitué par
l'aile sud-ouest, sont à attribuer au XVIIIe siècle. Les crépis réticulés de
faux appareils en font partie. Les lignes extérieures de défense et les
fossés qui isolaient le château assemblent des ouvrages du Moyen Age
(terrasse sud et angle de courtine au nord), du XVe ou du XVIe siècle (tours
de flanquement à l'ouest) et du XVIIe siècle (fossés). Jardin d'agrément :
plan de 1876 conservé sur place (rares vestiges actuels).
Le château et ses terrasses occupent l'extrémité ouest d'un éperon dominant
le village. L'édifice se compose de trois corps de logis répartis en
quadrilatère irrégulier autour d'une cour fermée au nord par une courtine.
Des tours de plan circulaire flanquent trois de ses angles, un quatrième
corps de logis s'étant greffé à l'angle sud-ouest du quadrilatère. Des
fossés isolent le château des terrasses qui l'enserrent. Celles-ci
conservent les vestiges d'une enceinte extérieure et de fausses braies
flanquées de tours carrées et semi-circulaires. L'édifice médiéval est en
grande partie conservé dans le château actuel. Il comportait un bâtiment
quadrangulaire massif, probablement le donjon, un corps de logis détaché du
donjon et une aile ouvrant sur la cour par une galerie d'arcades en arc
brisé. Une courtine flanquée par une tour munie d'une batterie de cinq
archères refermait la cour au nord et à l'ouest. Les vestiges d'une baie
médiévale à cordons d'imposte et d'appui, à l'étage du «donjon», indiquent
qu'il comportait des pièces habitables. Une autre baie, inscrite dans une
archivolte très ample, a laissé quelques traces sur l'élévation nord. Les
deux tours inégales qui flanquent l'aile de logis orientale sont couronnées
de mâchicoulis. Comme le logis qu'elles encadrent, elles sont revêtues d'un
crépi portant les traces d'un faux appareil. Sur la cour, l'aile ouest qui
comporte une chapelle, est dotée d'une tour d'escalier en vis ornée de baies
moulurées de style flamboyant. La courtine nord ouvre par un portail en
plein cintre, encadré par les rainures d'un ancien pont-levis dont l'axe des
flèches est encore en place. Éléments du jardin en place : terrasse,
gloriette en fer forgé, escalier et balustrade en pierre, bassin circulaire
à jets d'eau. Arbre remarquable : cèdre bi-centenaire. Autres végétaux :
ifs, cyprès, rosiers nains.
Éléments protégés MH : site classé MH par arrêté du 27 12 1913. les façades
et les toitures du château : inscription par arrêté du 15 septembre 1947.
(2)
château de Mercuès 46090 Mercuès, tel. 05 65 20 00 01, hôtel et
restaurant gastronomique.
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