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Le château-fort connu aujourd'hui sous
l'appellation des tours de Saint-Laurent, du nom de la commune dans laquelle
il se trouve, correspond en fait à l'ancien château de Saint-Céré dont le
nom s'est bizarrement transféré au XVIIe siècle à l'ancien bourg ecclésial
de Sainte-Spérie, l'actuelle ville de Saint-Céré, établie sur les berges de
la Bave, en contrebas du site castral. L'"oppidulum Sancti Sereni" apparaît
dans la documentation dès l'an 901. A cette date, le comte Géraud d'Aurillac
était contraint d'y conduire une expédition destinée à réduire un certain
Arlaldus qui tenait de lui cette forteresse. Un siècle et demi plus tard,
les membres d'un lignage éponyme dit de Saint-Séré, dont on ne précise pas
encore s'ils sont des chevaliers du castrum, foisonneront dans les
cartulaires de Beaulieu et de Carennac. On y retrouve les prénoms d'Eirad et
d'Amiel, indice que certains d'entre eux devaient descendre du seigneur
rebelle du début du Xe siècle et que d'autres étaient sans doute apparentés
aux premiers possesseurs du château des Peyrières, futur Castelnau-Bretenoux.
Géraud de Saint-Séré, sixième abbé d'Aurillac (962-987), est le plus
anciennement mentionné. Avant 1178, près d'une dizaine de parciers
(coseigneurs) se partageaient le castrum, désormais sous la suzeraineté du
vicomte de Turenne Raimond II, à qui le comte d'Auvergne venait de céder le
dominium. Le plus important d'entre eux, Aymeric de Saint-Céré devait alors
sept mois d'estage à la "Tour-Blanche" du castrum dont ses propres vassaux
devaient assurer le service de garde. Il n'avait pas cependant la possession
de la tour dont il partageait la garde et l'entretien avec les autres nobles
du castrum. Leurs maisons, abritées à l'intérieur de la "mureta" (enceinte
extérieure), étaient regroupée dans le quartier du "Puy du Château", de part
et d'autre de la rue aboutissant à l'unique porte du fort. Ces divers
parciers, pour la plupart membres du lignage éponyme des Saint-Céré, sont
considérés comme la souche des Araqui, des Astorg et des Saint-Vincent, qui
détenaient encore des parts du castrum et de la "viguerie" à la fin du XIIIe
siècle. A partir de 1212, les vicomtes de Turenne entrent dans la mouvance
directe du roi de France puis font hommage à Simon de Montfort en 1214.
Raimond IV épouse Hélix d'Auvergne à Saint-Denis en 1225 et figure encore en
1235 parmi les proches du roi. A partir de 1236, cependant, on le voit
entrer dans la clientèle du comte de Toulouse qui lui cède la suzeraineté
sur le château de Castelnau. Suite à la défaite de la coalition
anglo-toulousaine à Taillebourg, les possessions du vicomte, et notamment
Turenne et Saint-Céré, sont mises sous séquestre par le roi jusqu'en 1254 au
moins. En 1263, Raimond VI, sous contrôle du roi de France, entre dans la
vassalité d'Henri II d'Angleterre, duc d'Aquitaine, et lui fait hommage pour
ses châteaux de Turenne et de Saint-Céré Le texte de l'hommage insiste alors
sur le caractère rendable des tours de Turenne et de Saint-Céré, qui avaient
déjà été l'objet de l'attention du pouvoir royal lors de la saisie des
années 1242-1253. L'obligation de rendre ces tours est encore réclamée en
1288 par Edouard Ier, qui rappelle que cette obligation avait précédemment
été due au roi Henri II (1154-1189), et une nouvelle fois en 1290, date à
laquelle Edouard Ier réclame une fois encore au vicomte les clés de Turenne
et de Saint-Céré. A partir de la fin du XIIIe siècle, sous la suzeraineté
directe des vicomtes de Turenne, Saint-Céré sera le chef lieu d'une
châtellenie importante, s'étendant sur les lieux de Saint-Céré,
Saint-Vincent, Frayssinhes, Autoire et Teyssieu.
La tour à contreforts de Saint-Laurent est généralement attribuée à l'année
1178, époque de l'acquisition du castrum par Raimond II de Turenne. L'ocre
soutenu de ses parements de calcaire dissuade toutefois de l'identifier avec
la "Tour-Blanche" mentionnée dans la reconnaissance d'Aymeric de Saint-Céré
vers la même date. André Châtelain rappelle d'ailleurs qu'Arcisse de Caumont
et Camille Enlart ne l'attribuaient qu'au XIIIe siècle. L'analyse du
répertoire formel de l'édifice confirme cette impression. La similitude des
formes qui caractérisent ses deux phases de construction (similitude des
portes en arc brisé, du parti de l'escalier, des fenêtres cintrées, des
voûtes portées par un cordon d'imposte en quart de rond), invitent en effet
à ne pas les créditer d'un écart chronologique trop marqué. En dépit de la
spectaculaire discontinuité de parti manifestée par l'abandon des
contreforts, il semble en fait que la seconde campagne ait suivi de peu
l'achèvement de la première. Par ailleurs, à l'exception des contreforts,
les analogies formelles qui rapprochent la "petite tour" de Saint-Laurent
des tours de Castelnau-Bretenoux (après 1223), de Béduer (après 1215), de
Cardaillac (vers 1227), voire de Castelnaud-Lachapelle (Dordogne), sont trop
précises pour ne pas suggérer une proximité chronologique. Le parti de la
porte d'entrée, intercalant un conduit couvert par une mitre à ressauts de
quarts de ronds entre deux tableaux opposés en arc brisés, est l'exacte
réplique de la porte de Castelnau-Bretenoux mais aussi de celle de la Tour
de l'Horloge de Cardaillac. Le parti des escaliers dissociés, ouvrant par
des portes hautes sur les salles, celui des cordons d'imposte en quart de
rond filant sur les quatre faces, voire interrompus par des corbeaux, font
également référence aux tours de Cardaillac et de Castelnau-Bretenoux, de
même que l'adoucissement de l'arête des baies en un quart de rond à peine
marqué. Le parti du caisson de latrines engagé dans l'un des contreforts
renvoie en revanche à Puy-L'Evêque (après 1223), de même que celui des
contreforts emboîtant les angles. L'ensemble de ces indices converge sur une
datation plus tardive que celle habituellement retenue pour cet édifice qui,
semble-t-il, porte davantage la marque de la première moitié, voire du
deuxième tiers du XIIIe siècle que celle du siècle précédent. Il faudrait
admettre dans ce cas que la "Tour-Blanche" mentionnée en 1178 parmi les
possessions des vicomtes dont la garde était confiée Aymeric de Saint-Céré,
désignait un autre édifice, aujourd'hui disparu. Les armoiries écartelées de
Beaufort et Turenne permettent d'attribuer à Guillaume Roger III, comte de
Beaufort, la construction de la tour nord-est (grosse tour) qu'il faut donc
situer dans le troisième quart du XIVe siècle. Saccagé en 1586, pendant les
guerres de Religion, le château est abandonné. En 1826, il est offert par
son propriétaire au Département, qui refuse la donation. Le château est
acquis en 1894 par Lafon de Verdier qui fait rebâtir le logis dans un style
néo-médiéval. Le peintre Jean Lurçat l'achète en 1943 et y installe son
atelier en décorant les murs, les plafonds et les menuiseries des portes et
des fenêtres. De nombreuses oeuvres de l'artiste : tapisseries, peintures et
céramiques y sont conservées et présentées au public.
Le château occupe une position comparable à celle de l'ancien castrum de
Turenne (Corrèze). Sur un piton calcaire de 130 x 50 m environ sont
conservées deux tours quadrangulaires et les vestiges d'un ancien logis
médiéval très modernisé à côté d'autres structures moins bien conservées et
difficilement identifiables aujourd'hui. Au XIXe siècle, il restait outre
les deux tours, un certain nombre de "masures" comportant plusieurs chambres
et des cheminées, un puits, situé près de la grosse tour, et, près de la
petite tour, les vestiges d'une chapelle (sans doute les vestiges de
l'ancienne chapelle de Saint-Serenus) et d'une sacristie voûtée. La tour à
contreforts dite "petite tour", implantée sur la face sud du castrum, occupe
une position remarquable, en léger retrait de l'enceinte qui ceinturait
l'ensemble. Avec 6,85 m de côté et 22 m de hauteur pour des murs épais de
plus de 2 mètres, elle n'offrait qu'un espace intérieur particulièrement
exigu, caractéristique des tours-beffrois. A l'exception d'une porte
repercée au rez-de-chaussée, l'édifice n'a subi aucun remaniement depuis la
période médiévale et présente donc un état de conservation remarquable. Au
deux tiers de l'élévation actuelle, apparaît une césure radicale dans le
parti architectural. Ce changement de parti se manifeste extérieurement par
l'abandon des contreforts au profit de murs lisses, incitant à distinguer
deux états successifs au sein de l'édifice médiéval.
La tour "romane" est animée par huit contreforts symétriquement disposés au
centre des faces et dans les angles de l'édifice qu'ils enveloppent. Ils
sont épaissis à leur base par deux empattements dont l'un, particulièrement
soigné, est adouci par une moulure en quart de rond, semblable à celle qui
souligne la porte d'entrée de l'édifice. Les maçonneries, parementées de
calcaire roux, y sont caractérisées par la présence de pierres de réglage
sur chant, insérées dans les lits d'appareil. Au-dessus d'une salle basse
couverte par un plancher, la tour primitive ne disposait initialement que
d'une très haute chambre voûtée (10,14 m sous la clé), peut-être recoupée
par un entresol établi au niveau du cordon d'imposte comme le laisse
supposer la porte haute qui devait donner accès à cet entresol. La porte en
arc brisé qui donne accès à la salle basse procède d'un percement moderne.
Une trappe percée dans le premier plancher devait constituer l'unique accès
de ce silo, par ailleurs totalement aveugle. Le premier étage constituait
donc le niveau d'accès originel. Celui-ci s'opère aujourd'hui par un
escalier de pierre, lié à l'enceinte et relié à la tour par une passerelle
volante. Ce dispositif, reconstruit en partie à l'époque moderne, semble
correspondre cependant à l'état ancien, comme en atteste un anneau de métal
encore en place à la base de la porte d'entrée, sur lequel la passerelle
devait s'articuler à la manière d'un pont-levis. La porte d'entrée, en arc
brisé largement clavé et souligné par un mince quart de rond, ouvre au
revers d'un contrefort. Elle disposait de deux tableaux opposés, dotés
chacun de ses vantaux et d'une barre de fermeture. Entre les deux tableaux,
le couloir est couvert par une mitre de quart de rond en ressauts se
rejoignant au sommet, dispositif très semblable à celui que l'on observe à
la tour de Castelnau-Bretenoux. Dans l'angle sud-ouest, un pan coupé
correspondant à l'escalier en vis, réduit encore les dimensions de l'espace
utile, ici de moins de 3 m de côté (2,92 m). L'escalier, à noyau formant
marche, semble avoir initialement permis l'accès à un premier couronnement.
A mi hauteur, il desservait des latrines ouvrant sur la même face que la
porte d'entrée, ainsi qu'une porte haute (8,15 m), en arc brisé, ouvrant sur
l'espace intérieur au-dessus du cordon d'imposte en quart de rond de la
voûte en berceau. Une fente d'éclairage évitant le contrefort central,
éclairait cette salle unique. Chanfreinée extérieurement, elle est couverte
en berceau conique.
La poursuite sur quelques assises de l'escalier en vis dans les maçonneries
du dernier niveau qui l'ont condamné laisse supposer que celui-ci débouchait
sur une ancienne terrasse sommitale qui couronnait l'édifice primitif. Cette
hypothèse est confirmée sur les élévations extérieures par l'arrêt net des
contreforts à la même hauteur. L'étage supérieur aux élévations lisses,
établi au-dessus du sommet des contreforts de la tour, résulte manifestement
d'une surélévation de l'édifice originel. Un larmier couronne ici le raccord
des ouvrages et l'effacement des contreforts. Intérieurement, la
surélévation correspond à une chambre haute, voûtée en berceau. Interrompant
le cordon d'imposte en quart de rond, semblable à celui de la voûte
inférieure, on note cependant une série d'épais corbeaux et de trous
d'encastrement, suggérant comme à l'étage inférieur, qu'un plancher
intermédiaire pouvait isoler un entresol sous la voûte. A mi-hauteur, une
autre série de trous d'encastrement marque manifestement un niveau de
palier, lié à un ancien escalier de charpente disparu. Celui-ci donnait
accès par une porte en arc brisé, à un second escalier en vis, dissocié du
premier et logé à l'angle opposé, dans un épaississement de maçonnerie porté
par un encorbellement. Une fenêtre en plein cintre, semblable à celle du
niveau inférieur, une armoire murale et un conduit intramural coudé
complétaient l'équipement de ce dernier niveau. Le conduit coudé évoque par
son tracé les dispositions d'une latrine. Il ne débouche cependant sur la
face sud, que par une simple fenêtre, couverte par un linteau sur
coussinets.
Éléments protégés MH : les ruines du château : classement par liste de 1889.
Les tours, les vestiges de l'enceinte et le sol compris à l'intérieur, le
château et ses éléments de décor : classement par arrêté du 26 avril 1988.
(1)
château de Saint Laurent les Tours 46400 Saint Laurent les Tours. Tél. 05 65
38 28 21, en 1988, à la mémoire de Jean Lurçat, le Conseil Général crée un
musée. On peut y admirer les tapisseries et peintures de Jean Lurçat, visite
des extérieurs du château lors de la visite du musée...
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Patrick Deysson pour les photos qu'il nous a adressées pour illustrer cette
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ce département. |
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