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Des traces quasi infimes ont, seules et pathétiques,
survécu aux désastres ordinaires du temps, de ce qui fut, au XVIe siècle,
l’une des plus belles demeures du Quercy. Elle avait été, au Moyen Âge, une
forteresse imposante, accrochée à ses falaises pour défendre ce coin de la
vallée du Célé. Saint-Sulpice, qui est aussi le nom du pittoresque village
dont les maisons s’étagent en contrebas du site, fut la propriété d’une
famille qui connut, au XVIe siècle, fortune, gloire et prospérité: les
Hébrard de Saint-Sulpice. Leur nom s’orthographiait alors Saint-Suplice.
Armand de Saint-Sulpice épousa, au XVe siècle, la dernière héritière des
Lapopie, Marguerite. Il fut présent aux états généraux du Quercy en 1424 et
1428. Son descendant au siècle suivant, Jean III d’Hébrard, mit sa vie et
son énergie au service du royaume. Militaire, il fut de toutes les
batailles, entre 1514 et 1554. Gentilhomme de la Chambre du roi, chevalier
de l’ordre de Saint-Michel, il reçut de Charles IX l’ambassade d’Espagne de
1562 à 1565. Nommé par la suite conseiller d’État, il devint aussi sénéchal
du Quercy. Également gouverneur du duc d’Alençon, frère du roi, il fut fait
chevalier de l’ordre du Saint-Esprit en 1579. Il mourut en son château, en
1581, comblé d’honneurs, veillé par sa femme Claude de Biron, à qui il
écrivait souvent pendant ses campagnes militaires: "Ma mie, depuis le
commencement de ces troubles (les guerres de Religion), je vous ai écrit
deux fois, et maintenant je ne vous puis dire autre chose, sinon que je vois
ce royaume en un piteux état. Le roi, après avoir employé des plus grands de
ce royaume pour faire une bonne paix, ne l’ayant pu faire dresser, réunit
les plus grandes forces qu’il peut, pour essayer par la force des armes ce
qu’il n’a pu par la douceur", 1567. Mais Jean de Saint-Sulpice n’avait
pas vécu que des moments heureux. En 1576, son fils aîné Henri, capitaine de
cent chevaux-légers, époux de la dernière descendante du frère du pape Jean
XXII, Catherine de Négrepelisse, avait été assassiné, à Blois, par le
vicomte de Tours. Armand, un fils cadet, avait trouvé la mort à 18 ans, en
1573, au siège de La Rochelle. Bertrand, son dernier fils, mourut en 1587, à
la bataille de Coutras, sans descendance mâle. Ainsi s’acheva la lignée des
Saint-Sulpice à la gloire fulgurante et éphémère. Au début du XVIIe siècle,
le château passa, par alliance, à la famille de Crussol d’Uzès, qui, au fil
du temps, comme pour le reste de ses biens hérités en Quercy, laissa à
l’abandon les vieux murs, témoins d’un passé sans doute jugé trop provincial
par une famille en honneur à la cour. Vendu comme bien national l’an II de
la Révolution, il fut livré à la démolition par son nouveau propriétaire.
L'ancienne forteresse que Jean d’Hébrard et Claude de Biron avait
transformée en somptueuse demeure Renaissance, peu à peu s’enfonça dans
l’oubli, effondrée, pillée, saccagée. Au XIXe siècle, les descendants d’une
branche collatérale des Hébrard de Saint-Sulpice réintégrèrent les lieux
ruinés. Elle fit construire alors sur la place, une demeure "moderne", qui
sera charitablement détruite au siècle suivant. (1)
Le château a été établi contre la falaise qui borde la vallée du Célé, en
profitant d'un ressaut du terrain. Les vestiges se limitent à deux terrasses
superposées, quelques pans de mur et deux bâtiments tronqués, ainsi que des
aménagements troglodytiques. Les restes du bâtiment sont en pierre de taille
et conservent la trace d'une porte couverte d'un arc brisé qui était
probablement l'entrée du château. D'autres murs en pierre de taille,
auxquels sont adossées des constructions modernes, ont été conservés.
Au-dessus, l'accès au site est barré par un mur à degrés en petits moellons
régulièrement assisés. Le mur de soutènement de la terrasse inférieure est
évidé par un grand arc en plein-cintre laissant voir des constructions
antérieures où apparaît une fente de tir en trou de serrure dans une
maçonnerie de moellons. A l'extrémité sud-ouest du site subsiste au moins
l'angle d'un bâtiment en pierre de taille muni d'un rang de consoles
peut-être destinées à porter des mâchicoulis. J.-A. Delpon a donné une
description relativement détaillée du château qu'il semble avoir connu avant
sa démolition : "le rocher présente une crevasse large et profonde, depuis
son sommet jusqu'à sa base, en forme d'un demi-cirque. C'est devant cette
crevasse qu'on bâtit, dans le treizième siècle, un vaste château fort.
L'intérieur du demi-cirque est occupé par un jardin en terrasse, dont la
partie la moins élevée était au niveau des combles de l'édifice. De la
terrasse la plus haute on parvient à trois cavités : l'une, fermée par un
mur et par une porte, servait de prison : on croit qu'on frappait monnaie
dans une autre. Ce château avait quatre étages en y comprenant le
rez-de-chaussée ; trois tours carrées mais peu saillantes, adossées au
bâtiment, l'embellissaient et servaient de moyen de défense. Toutes les
ouvertures étaient partagées par une croix ornée de nombreuses cannelures. A
la suite de ce château on construisit, vers la fin du seizième siècle, un
autre édifice qu'on adossa entièrement au rocher ; il était plus vaste et
plus soigné que le premier. Pour faire connaître son étendue, il suffira de
dire qu'on y comptait autant de croisées qu'il y a de jours dans l'année..."
La description se poursuit avec la terrasse, puis les appartements et les
éléments les plus remarquables de leurs décors. (2)
Éléments protégés MH : les vestiges du château médiéval comprenant la salle
voûtée située sous la terrasse et les éléments de remparts subsistants ; la
porte d'entrée de la maison d'habitation et la porte située au premier étage
: inscription par arrêté du 7 janvier 1988.
château
de Saint-Sulpice 46160 Saint-Sulpice, propriété privée, ne se visite pas.
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