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Le site de Gavaudun est un des plus pittoresques
du département de Lot-et-Garonne. Repaire féodal, telle est la première idée
qui vient à l'esprit à la vue de cette sombre construction. Nid de vautours,
demeure redoutable, véritablement imprenable à l'époque où elle fut
édifiée,et qui a dû voir se dérouler sous ses voûtes plus d'un drame
sanglant aux émouvantes péripéties. Si escarpé que fut le château de
Gavaudun, il fallait bien pouvoir accéder à son sommet. Passons sous une
première porte en ogive, qui semble bien contemporaine du château et
au-dessus de laquelle ont été ouvertes au XVe siècle deux fenêtres à meneau
horizontal et à moulures prismatiques; contournons la pointe occidentale du
rocher, et arrivons devant la mairie actuelle Y, presque adossée à sa face
méridionale. Cette construction, déjà ancienne, mais qui ne remonte pas
au-delà du XVe siècle, ainsi que le prouve l'élégante fenêtre, aujourd'hui
murée, ouverte autrefois sur la façade orientale, était une dépendance du
château. Elle se prolonge par un mur dans lequel on a ménagé une première
porte, sous laquelle nous passerons. A six mètres à gauche, s'ouvre une
seconde porte, en tiers-point comme la précédente, au-dessus de laquelle on
peut lire la date de 1314, en chiffres arabes, ce qui à cette époque
constitue une rareté. Franchissons-la, passons derrière la mairie, montons
les marches d'un petit escalier, et, après deux contours à angle droit,
arrivons contre la paroi môme du rocher ou s'ouvre devant nous un trou
béant, en forme de grotte. Là se trouve, et a toujours été, l'unique entrée
du château de Gavaudun. Contre ses parois ont été appliquées des marches de
pierre, fort grossières, en forme de colimaçon. Elles aboutissaient
autrefois à une échelle mobile, qu'on a remplacée de nos jours par une
vingtaine de degrés encastrés dans le roc. Celte échelle débouchait à
l'extérieur, à peu près à mi-coteau. Là, un étroit sentier à ciel ouvert,
entrecoupé de marches, serpente le long du rocher et conduit, par une brèche
ouverte dans la courtine, au sommet, c'est-à-dire dans l'intérieur du
château.
Du château proprement dit, il ne reste que très peu de traces. Tout ou
presque tout a été détruit au niveau du sol. Aussi est-il fort difficile de
préciser la destination des différentes pièces. Le château de Gavaudun
occupait toute la superficie du plateau, depuis le donjon au nord-est
jusqu'à la plateforme qui le terminait à la pointe sud-ouest. Son plan était
imposé par la configuration du rocher, dont ses murs suivaient les
capricieux contours. Le principal corps de logis occupait une superficie de
30 mètres de long sur 10 mètres de large, y compris les deux murs
extérieurs. Sa hauteur atteignait 9 mètres. Ce corps de logis ne renfermait
qu'un rez-de-chaussée et un premier étage. Il était divisé, croyons-nous, en
trois pièces à peu près égales, du moins si l'on en juge par les deux murs
de refend et dont les bases à peine visibles sont cachées par les ronces et
les herbes. Là se trouvaient la grande salle, la salle à manger, les
chambres principales. Le mur extérieur ne semble pas, de chaque côté, avoir
dépassé une épaisseur de 75 centimètres. Le passage qui mène au donjon,
d'une largeur actuelle de 2 mètres, est croyons-nous moderne et formé par
les matériaux provenant de la démolition du château, que l'on a alignés
ainsi en cet endroit. Partout ailleurs, du reste, on ne constate au mur de
la courtine qu'une largeur de 50 à 75 centimètres au plus. Ce peu
d'épaisseur surprend tout d'abord. Il s'explique néanmoins si l'on se rend
compte que, de tous côtés, sauf du côté nord-est où se dresse le donjon, le
château était inexpugnable, et n'avait nul besoin d'être protégé plus
efficacement. Le château se terminait par une plateforme, de 22 mètres de
long, qui n'a jamais été couverte et d'où la vue s'étend au loin sur
l'entrée dé la vallée et les pentes des coteaux environnants. La longueur
totale du château, depuis la pointe de cette plateforme jusqu'à l'extrémité
nord-est du donjon en y comprenant l'épaisseur de tous les murs, atteint à
peu près 100 mètres.
Le donjon, encore intact comme au commencement du XIVe siècle, est sans
contredit la partie la plus intéressante du château de Gavaudun. Chacun de
ses six étages présente une disposition différente. Une seule porte en
cintre surbaissé, donne accès au rez-de-chaussée du donjon. Elle est de
niveau avec le rez-de-chaussée de l'ancien corps de logis et servait de
communication entre eux. Cette porte vient d'être refaite. Mais elle
existait primitivement, puisqu'elle s'ouvre sur un étroit couloir, sur
l'ancienneté duquel on ne saurait se méprendre. Ce couloir oblique conduit à
une première salle, voûtée en berceau, parallèle à une seconde salle,
également voûtée en berceau dans laquelle on pénètre par une porte, ouverte
dans un mur de refend, qui partage en deux parties presque égales tout le
rez-de-chaussée du donjon. Cette disposition ou plutôt celte précaution
s'imposait. Lorsque le château fut reconstruit au commence ment du XIVe
siècle, et qu'on résolut d'utiliser ce qui restait du donjon primitif,
c'est-à-dire les murs du rez-de-chaussée, l'architecte, craignant à juste
titre que ces murs ne pussent supporter le poids énorme des étages
supérieurs, jugea prudent de les étayer par un mur central, contre lequel
viendraient buter deux étroites mais épaisses voûtes en berceau. S'il
nuisait peut-être un peu aux moyens de la défense et surtout au coup d'oeil
d'ensemble, ce mur assurait du moins la solidité de l'édifice. Ainsi nous
expliquons-nous pourquoi, construit après coup, il vient aveugler à moitié
la meurtrière. Ces voûtes ne contiennent aucune trace de trappes. Ce
rez-de-chaussée n'était donc pas hermétiquement muré; et c'est bien par la
porte et le couloir, et non par des échelles mobiles qu'on y pénétrait. En
cette première salle, trois baies donnent sur l'extérieur. Premièrement, une
grande fenêtre, aujourd'hui refaite en arc brisé, mais qui devait être
primitivement cintrée et surtout moins large. En second lieu, deux
meurtrières, chacune dans un pan différent, composées à l'intérieur d'abord
d'une niche cintrée pouvant abriter un défenseur, puis delà meurtrière,
ouverte en ébrasement dans l'épaisseur du mur et terminée par une rainure
verticale simple, fort étroite.
Ces meurtrières, bien caractéristiques, datent du XIIe siècle. Elles
faisaient donc partie du château primitif. Mêmes dispositions ou à peu près,
dans la salle voisine, ajourée, d'abord par deux meurtrières, de dimensions
inégales, puis, par la porte fenêtre, cintrée, se reliant par un étroit
couloir, également cintré, à une ouverture extérieure. Tout ce côté
constitue très certainement la partie la plus ancienne du donjon, et peut
remonter au delà même du XIIe siècle. Une ceinture de hourds s'appliquait en
cas de siège autour de ce rez-de-chaussée du donjon, déjà très élevé
au-dessus du vallon. Le premier étage offre un intérêt tout particulier.
Pour y accéder, il faut sortir du rez-de-chaussée, remonter sur le mur de
courtine, longer l'étroit et dangereux entablement tout moderne, sans rampe
aucune ni support sérieux, qu'on n'a pas craint d'accoler au mur
extérieur,et arriver à la petite porte cintrée, très ancienne. A cet étage
on voit onze trous de boulin, destinés au passage des poutrelles chargées de
supporter des hourds. Mais une fois dressés, ces hourds obstruaient
entièrement les cinq meurtrières. La galerie du premier étage constitue une
des singularités du donjon de Gavaudun; refuge presque imprenable, en cas
d'assaut; cachette mystérieuse, d'où il était impossible de déloger les
assiégés. Une grande salle occupe à elle seule tout le second étage du
donjon. Quatorze marches usées, mènent au troisième étage. Il ne consiste,
comme le premier étage, qu'en une galerie défensive, demi-circulaire, mais
plus restreinte. Remontant l'escalier à vis on arrive après une ascension de
16 marches au quatrième étage, aujourd'hui à ciel ouvert et pour cela
fraîchement cimenté. Un cinquième et dernier étage couronnait, avec sa
ceinture de créneaux, le donjon. Cette plate forme n'était pas à ciel
ouvert, aucune trace n'existant pour l'écoulement des eaux.
Une conclusion s'impose; le donjon de Gavaudun a été construit en deux fois
ou plutôt, sur l'ancienne tour du XIIe ou peut-être même du XIe siècle,
détruite en 1169, par l'evêque de Périgueux, Jean d'Assida, s'éleva au
commencement du XIVe siècle le nouveau donjon, les constructeurs se gardant
bien de renverser ce qui restait de la première forteresse, et, sur ses
fondements sans doute fort solides encore et ses deux premiers étages, se
contentant de bâtir avec un appareil plus soigné et un nouveau système de
défense les quatre étages supérieurs. D'où cette forme bizarre et
irrégulière qui leur fut imposée par les assises primitives inférieures des
faces sud et sud-est. L'étude des meurtrières vient confirmer cette manière
de voir. Au rez-de-chaussée les quatre archères sont verticales, sans
ailerons, offrant avec leurs niches intérieures cintrées tous les caractères
du XIIe siècle, telles qu'on les voit aux tours de la vieille cité de
Carcassonne. A partir du milieu du premier étage au contraire, c'est à dire
à l'endroit précis où apparaît le nouveau mur, les meurtrières ne sont plus
les mêmes. Elles ne sont constituées à l'intérieur que par un large
ébrasement, sans ressaut, terminé toujours par une rainure verticale, mais
cette fois entaillée à ses deux extrémités supérieure et inférieure, et en
outre au milieu par un double croisillon. Mêmes dispositions au 3e et 4e
étages, où elles ne présentent il est vrai qu'un seul aileron, mais rentrent
néanmoins comme les précédentes dans cette catégorie d'archères en croix
pattée, si favorables au tir à la volée de l'arc ou de l'arbalète, et
adoptées dans tous nos châteaux gascons dès le dernier quart du XIIIe
siècle. Tout le reste, courtines nord et ouest, étages supérieurs du donjon,
corps de logis, etc., fut élevé plus tard sur les assises primitives, et
aussi considérablement agrandi, sans doute à l'époque où les Baleinx le
possédaient, c'est-à dire dans les premières années du XIVe siècle, ou
peut-être même seulement quelques années plus tard, au moment où il passa
entre les mains de la puissante famille de Durfort.
S'il est vrai que les peuples heureux sont ceux qui n'ont pas d'histoire, on
ne peut pas dire, appliquant cet adage aux constructions anciennes, que le
château de Gavaudun ail joui d'un bonheur parfait. Ses murailles, en effet,
soutinrent plus d'un siège, dont le souvenir s'est perpétué jusqu'à nous;
quant aux faits et gestes de ses différents seigneurs, il suffit d'écrire
les noms des Baleinx, des Durfort, des Luslrac, des Caumont, des Belsunce,
pour voir qu'il fut possédé par les plus grandes familles de l'Agenais. Un
fragment des plus anciens titres concernant l'histoire de l'église de
Périgueux nous apprend qu'il existait déjà un château de Gavaudun dans la
seconde moitié du XIIe siècle, que ce château fut assiégé en 1169, pour des
motifs de religion, par l'évêque de Périgueux Jean d'Assida à la tête d'une
troupe armée, s'en rendit maître et que, d'après le texte qui est formel, il
le détruisit de fond en comble. Toutefois le château de Gavaudun ne tarda
pas à être rebâti. Car, nous le trouvons expressément désigné dans l'acte
d'hommage que rendirent, en 1271, au roi de France les principaux seigneurs
de l'Agenais. Au chapitre II du Saisimentum, consacré au diocèse d'Agen et
concernant la baillie de Monflanquin, on lit en effet: "Ils ont également
affirmé que les camps de Montesecure, Gavaudano sont en l'honneur et
district dudit camp de Monteflanquino de Lord Régis". Quels étaient à celte
date les propriétaires du château de Gavaudun? Si le Saisimentum ne nous
donne à cet égard aucune indication, en revanche nous trouvons sept ans
après le testament d'un "R. de Gavaudun, donsel", qui semble, d'ailleurs
n'avoir eu que son nom de commun avec le château. Car, habitant sur les
bords de la Dordogne, autour de Sainte-Foy, il élit sa sépulture dans
l'église de Saint-Pierre d'Ainesse, comble de dons les églises de Gensac, de
Coubeirac, de Pessac, etc., et institue pour héritier son fils Assalhit. Le
7 janvier 1293, le même R. de Gavaudun donne à fief des terres dans la
paroisse d'Appellés, juridiction de Sainte-Foy sur Dordogne. Il existait
donc à cette époque une famille de Gavaudun.
Puis, le silence se fait sur ce nom jusqu'en 1324, année où nous trouvons le
château possédé par la famille de Baleinx. Le 3 septembre 1324, le roi
d'Angleterre envoie une lettre circulaire "à tous les Magnats d'Aquitaine"
pour les engager à lui conserver leur foi contre le roi de France. Dans la
liste des seigneurs se lit le nom anglais de "Aumstang de Balenx, seignur de
Gualvaldon". Trois mois après, le 28 décembre 1324, Edouard accorde le
pardon à plusieurs seigneurs de son duché de Guienne, qui avaient pris le
parti du roi de France. Dans cette lettre circulaire, on lit encore le nom,
cette fois en latin, de "Austendus de Balleyns, dominus de Gavaldu". Ce même
Aumstang de Baleinx est qualifié seigneur de Cahuzac en 1347. Enfin, en
1341, nous voyons un Isarn de Balenx nommé, avec Pierre de Gontaud-Biron,
coseigneur de Montpezat pour le roi de France. Cette famille de Balleynx,
Ballens ou Vallens était au XIVe siècle une des plus considérables du
Languedoc et de l'Agenais. En ce qui concerne seulement ce dernier pays,
elle possédait plusieurs fiefs dans la baronnie de Monlpezat, "depuis le
mariage, nous apprend M. de Bellecombe, de Grimoard 1er de Balenx, seigneur
de Cahuzac en 1150, avec Isabeau de Castillon, soeur d'Elie de Castillon,
évêque d'Agen". Parents des Montpezat, leur souvenir se retrouve encore
autour du village qui porte ce nom. Enfin, on les voit également figurer
comme seigneurs de Casseneuil dans les actes les plus importants du XIVe
siècle. Le fort château de Baleinx, dont il ne reste plus de trace, à peine
quelques pierres répandues dans les champs d'alentour et un ou deux
souterrains comblés depuis peu, s'élevait au XIIIe siècle sur une éminence
appelée "La Moutto dé Valens ou le Castella", dans la vallée du Tolzac, à
peu de distance de la ville de Cancon, entre le château de Moulinet et le
domaine de Mandet.
Cette famille serait originaire de Cancon; et c'est de ce berceau qu'elle
aurait peu à peu étendu ses vastes domaines dans l'Agenais, à commencer par
la terre de Gavaudun. Bien qu'aucun document ne vienne appuyer notre dire,
nous pensons que ce fut un Baleinx qui entreprit de relever de ses ruines le
vieux château qui nous occupe et qui, surélevant le donjon sur ce qui
restait des deux étages inférieurs, lui donna l'aspect et la forme que nous
lui voyons aujourd'hui. En 1363, "Seguin, seigneur de Gavaudon, baron, et
Guailhardde Gavaudon, esquier" rendent hommage au prince de Galles pour leur
seigneurie de Gavaudun. Le 11 décembre 1366, "Raymon Bernart, sire de
Gavaudun, donne quittance à Jehan Chauvel, trésorier des guerres, pour la
somme de cent livres tournois, lesquelles nous ont esté ordonnées à prendre
chascung mois pour la garde et deffense de nos lieuz, et lesquelles nous
avons reçues pour le premier mois dont nous nous tenons bien paies. Donné à
Agen, sous notre scel, ce XIe jour de décembre, 1366". Cet acte est
accompagné d'un sceau rond en cire rouge. A cette époque Raymond Bernart et
le château de Gavaudun appartenaient très vraisemblablement à la famille de
Durfort, Déjà, en 1347, un Raymond Bernard de Durfort, seigneur de La
Capelle (qui est à une lieue de Gavaudun), donne quittance à ce même Jean
Chauvel. Il n'est pas qualifié toute fois dans cet acte de seigneur de
Gavaudun. En revanche, dès l'année 1398, le nom de Durfort reste entièrement
lié à celui de Gavaudun. Le 25 octobre 1398, "noble et puissant seigneur
Bernard de Durfort, seigneur de Gavaudun et de Laroque-Timbaut souscrit à
Bertrand Lustrac, une obligation de 300 livres d'or". Trois ans plus tard,
le 22 novembre 1401, Amanieu de Montpezat, IIIe du nom, reçoit procuration
de ce même Bertrand de Durfort, qualifié "seigneur de Gavaudun et de
Laroque-Timbaut en Agenais", pour exposer à Jean de France, duc de Berry,
lieutenant général pour le roi en Guienne, "que la guerre, la peste et
autres malheurs ont dévasté 40 lieues qui lui appartiennent, lesquelles sont
environnées par les Anglais".
Le château de Gavaudun tenait donc en ces premières années du XVe siècle
pour le roi de France, et ses seigneurs étaient un rameau de la grande
famille de Durfort, une des plus puissantes de l'Agenais. De la branche de
Duras, les de Durfort de l'Agenais se font remarquer dans toutes les
affaires du commencement de la guerre de Cent ans. Aymeri de Durfort hérite
de la totalité des biens de la maison de Goth, de Blanquefort, de Duras,
etc. Il réédifie somptueusement sur les bords du Dropt le château de Duras,
dont il fait sa principale résidence, et il donne à chacun de ses enfants
d'importantes seigneuries. Ce dut être son second fils Bertrand qui devint
propriétaire de Gavaudun et de Laroque Timbaut. Les de Durfort ne
s'attardèrent pas longtemps cependant dans la vallée de la Lède. Moins de
trente ans après, Gavaudun était déjà passé dans la famille de Lustrac. Au
coude que forme le Lot, lorsque entre Fumel et Penne cette rivière quitte la
direction du sud pour obliquer vers l'ouest, s'élève sur la rive droite le
moulin fortifié de Lustrac. Cette importante construction, qui commande tout
le cours du fleuve, date de la fin du XIIIe siècle. Elle fut bâtie en 1296
par Foulques de Lustrac qui lui donna son nom. Foulques passe pour être le
chef de la branche de l'Agenais qui posséda Gavaudun pendant plus d'un
siècle. Nous avons vu précédemment un de ses descendants, Bertrand de
Luslrac, devenir créancier pour 300 livres d'or, le 25 octobre 1398, de
Bertrand de Durfort, seigneur de Gavaudun. Cette créance ne put-elle être
remboursée? Et, pour se couvrir, le seigneur de Lustrac se saisit-il de
Gavaudun, soit par la force, soit à l'amiable? Toujours est-il que dès
l'année 1430, son fils Arnaud de Lustrac, plus connu sous le nom de
Naudonnet se qualifie seigneur de Gavaudun, titre que prirent également ses
descendants. Naudonnet de Lustrac fut l'un des plus vaillants capitaines
Gascons, qui, au XVe siècle, soutint le parti des Armagnacs.
Digne émule des Xaintrailles, des La Hire, des Barbazan, il combattit toute
sa vie l'ennemi héréditaire. D'abord, sous les ordres de son père Bertrand,
il force les Anglais, commandés par Pons de Castillon, à abandonner le
château de Frespech, et il les refoule au delà du Lot. Quelques temps après,
en 1427, et tout jeune encore, Naudonnet de Lustrac est nommé, sur la
demande même des consuls,capitaine de la ville de Lauzerte et châtelain
dudit château, "pour ce qu'il est de noble et ancienne lignée, expert en
armes et leur ami et voisin". Dans une alliance contractée en 1432 avec
Jean, comte de Foix, Naudonnet de Lustrac est qualifié seigneur de Lustrac
et de Gavaudun en Agenais. En 1432, le seigneur de Gavaudun s'empare des
châteaux de Sauveterre d'Agenais, de Monségur et de Casteculier sur les
Anglais. "De Frespech, écrit Darnall, le seigneur de Montpezat vint assiéger
Lafotz, où estait Naudonnet de Lustrac, lequel avec le seigneur de Beauville,
se saisirent de Castelculier par escalade et par trahison; et le seigneur de
Lustrac et les Français prindrent le lieu de Sauveterre d'Agen et Monségur
près dudit Lustrac sur les Anglais". En ce qui touche l'affaire de Lafox,
notre plus ancien chroniqueur fait allusion à ce fait que plusieurs
habitants d'Agen, ayant malgré la défense de Naudonnet, communiqué avec ceux
du parti Anglais, Lustrac les fit en fermer dans le château de Lafox. Leurs
compatriotes s'adressèrent au seigneur de Montpezat et tentèrent d'aller les
dé livrer. Mais ils furent repoussés par les assiégés qui avaient à leur
tête Naudonnet de Lustrac. Peu après, ce vaillant soldat empêchait Penne,
une des plus fortes places de l'Agenais, de tomber entre les mains des
Anglais. Pour le récompenser de ce fait d'armes, le comte de Foix l'en
nommait capitaine, nomination que sanctionnait le 12 avril 1434 le roi de
France. Naudonnet de Lustrac était à cette époque un des plus puissants
seigneurs de l'Agenais. Il commandait pour le roi de France cinq grandes
places fortes: Lauzerte, Sauveterre, Penne d'Agenais, Monflanquin ainsi que
Castelculier.
En outre, il possédait en propre les seigneuries de Lustrac, Terrasson,
Montmarey, Pierre-Levade, La Bastide de Michemont, etc., sans compter celle
de Gavaudun pour laquelle il rend plusieurs fois hommage. Le château de
Gavaudun du reste semble avoir été une de ses résidences préférées. Nous le
voyons y réunir souvent ses hommes d'armes et les passer en revue. C'est
ainsi qu'en octobre 1435, il tient à Gavaudun une garnison de dix archers et
de dix-neuf écuyers. Le 14 novembre de la même année, est passée "La revue
de Naudonet, seigneur de Lustrac, escuier, capitaine de Penne d'Agenez et
dix-neuf aultres escuiers de sa compagnie, reçeue à Gavaudun". Sur la liste
des gens d'armes on lit les noms "dudit seigneur de Lustrac, de Bernard de
Lustrac, du seigneur de Bayolmont, de Jehan de la Duguie, de Jehan de Cuzorn,
de Jehan et de Bernardon d'Ayquem, etc". Le 3 octobre 1437, Naudonnet de
Lustrac tient à Villeneuve d'Agen une compagnie de 30 hommes d'armes et de
30 arbalétriers. Enfin, vers la même époque, Béraud de Faudoas, ayant été
nommé sénéchal d'Agenais et se voyant mal accueilli des habitants d'Agen,
aurait fait appel à Naudonnet de Lustrac et à Jean de Beauville pour
rétablir l'ordre dans la ville. Les deux chefs seraient aussitôt arrivés;
et, tandis que Faudoas convoquait les habitants en une assemblée générale,
ils se seraient emparés par surprise d'une porte de la ville, auraient fait
irruption dans les rues, arrêté les principaux factieux parmi lesquels
l'archidiacre de Saint-Etienne qu'ils auraient jeté à la rivière, et
finalement auraient extorqué aux habitants une forte somme d'argent. Lustrac
jouit, durant trois ans, d'une impunité complète.
Mais en 1439, Charles VII ayant envoyé le Dauphin dans les provinces du Midi
pour mettre un terme aux excès des bandes armées, les habitants d'Agen
portèrent plainte contre le seigneur de Gavaudun et obtinrent, par une
ordonnance du 28 Juin, de n'avoir pas à lui payer la rançon promise. Bien
plus, le roi de France, s'étant rendu en 1445 à Montauban, ordonna à Lustrac
de comparaître devant lui et le fit aussitôt emprisonner. Mais il fit valoir
les services rendus par lui à la cause française. Il obtint sa liberté
provisoire contre une caution de 10,000 livres que s'engagèrent à payer le
sire d'Albret et d'autres seigneurs, ses amis, et finalement il se fit
accorder des lettres de rémission pleine et entière. Depuis cette époque, le
seigneur de Gavaudun resta fidèle à la cause du roi de France. Il reprit le
commandement de toutes ses places fortes, et il se trouve encore inscrit
comme gouverneur de Penne en 1456. D'après la généalogie de sa famille,
Naudonnet de Lustrac aurait eu un frère François, qui, après sa mort, serait
devenu seigneur de Gavaudun, ou tout au moins en aurait rendu hommage le 6
juin 1470. Des cinq enfants que laissait Naudonnet, son fils aîné Antoine,
hérita de tous ses domaines. Antoine de Lustrac, chevalier, baron de Lustrac,
Gavaudun et autres lieux, eut l'insigne honneur d'escorter l'évêque d'Agen,
Léonard de La Rovère, lors de l'entrée que ce prélat fit dans celte ville le
28 octobre 1492. Ce seigneur de Gavaudun avait épousé, vers 1480, Catherine
de Durfort; d'où, certains généalogistes ont supposé que c'était par ce
mariage que Gavaudun était passée des Durfort dans la famille de Lustrac.
Nous avons pu voir qu'il h'en était rien, puisque depuis 1430 Naudonnet se
qualifiait de seigneur de Gavaudun.
De ce mariage naquirent trois entants: Bertrand, d'abord seigneur de
Gavaudun, qui, malgré ses deux mariages, mourut en 1524 sans postérité;
Anselme et Antoinette, mariée à Jean de Grossolles, baron de Montastruc.
Antoine II de Lustrac hérita donc en 1524 de la seigneurie de Gavaudun.
Cette même année, il épousa la belle-soeur de son frère aîné Bertrand,
Françoise de Pompadour, soeur d'Isabeau et fille d'Antoine de Pompadour et
de Catherine de la Tour d'Oliergues. Le nouveau soigneur de Gavaudun suivit
François 1er dans toutes ses folles expéditions. Notre héros avait, promis
sa fille unique, la belle Marguerite, à Jacques d'Albon de Saint-André.
Rentrés tous deux à la Cour, le mariage se fit sans plus tarder (27 mai
1544), et Marguerite de Lustrac reçut en hoirie toutes les terres de ses
ancêtres. Antoine de Lustrac demeura quelques années encore seigneur de
Gavaudun. Il dût mourir peu de temps après, laissant sa fille Marguerite
seule héritière de ses nombreux domaines. Veuve du maréchal de Saint-André
depuis le 19 novembre 1562, Marguerite de Lustrac, qui avait à ce moment
trente cinq ans, songea à se remarier; elle jeta son dévolu sur un
compatriote et épousa le 10 août 1568 un gentilhomme gascon, Geoffroy de
Caumont. Ce fut donc au château de Gavaudun, dont elle était propriétaire
depuis la mort de son père, que Marguerite de Lustrac convola en secondes
noces et échangea le titre de maréchale de Saint-André contre celui de
baronne de Caumont. Son second époux, échappé à la Saint-Barthélcmy, mais
fut empoisonné en avril 1574, en son château de Castelnau, par deux de ses
coreligionnaires protestants; il laissait sa femme enceinte de sept mois.
Anne de Caumont naquit le 10 juin 1574 au château de Gavaudun en Agenais.
Gavaudun demeura, jusque peu avant sa mort, la propriété de Marguerite de
Lustrac. Elle avait abandonné sa fille Anne au château de La Vauguion, où
elle se vit contrainte d'épouser son frère cadet Henri des Cars, devenu par
la mort de son frère prince de Carency (1586).
La baronne de Caumont garda toujours rancune à sa fille Anne, et se retira
en Périgord dans sa terre des Millandes, où elle mourut, deux ans après.
Dans son testament, daté du 17 juin 1597, elle institue pour son héritier
universel le sieur de La Force, neveu de son mari, plus lard duc de La Force
et maréchal de France, et elle déshérite sa fille Anne. D'après un document,
Anne de Caumont serait devenue châtelaine de Gavaudun à partir de son
mariage, en 1595. Mais c'est surtout après la mort de sa mère que nous la
voyons y exercer tous ses droits seigneuriaux, défendre avec acharnement son
patrimoine contre les prétentions du sieur de La Force, héritier de
Marguerite, et se montrer rebelle à toutes sortes de transactions. Anne de
Caumont perdit son fils unique, le jeune duc de Fronsac, le 3 septembre
1622, à l'âge de dix-huit ans, dans une escarmouche sous les murs de
Montpellier. Le 7 octobre 1631, elle devenait veuve, par la mort du comte de
Saint-Paul, dont elle était séparée de biens et qui lui avait mangé à peu
près toute sa fortume. Fronsac, Coutras, avaient dû être vendus. Il ne lui
restait que Caumont et Gavaudun, baronnies pour lesquelles elle rend hommage
jusqu'au jour de son décès le 17 juin 1642. Au lendemain même du jour où les
d'Auray sont mentionnés dans le testament d'Anne de Caumont, leurs affaires
se trouvent dans le plus mauvais état. L'échange de Gavaudun contre le
marquisat de Chateauneuf n'ayant pu aboutir, ils en restèrent propriétaires
jusqu'en 1686, en la personne d'abord de Jean-Baptiste d'Auray et de sa
femme Françoise de Souillac, puis de leur fils, René d'Auray, enfin de leur
petit-fils Jacques-Armand d'Auray, héritier de son aïeule, la dame de
Souillac. Les affaires des d'Auray ayant empiré, la vente de Gavaudun fut
ordonnée par arrêt du Parlement. Elle eut lieu, le 30 juillet 1686, au
bénéfice du marquis de Belsunce, qui fut déclaré adjudicataire par décret de
ladite terre et seigneurie de Gavaudun pour la somme de 64,000 livres. Mais
les autres créanciers, et avec eux, le principal intéressé, le jeune marquis
d'Auray, protestèrent contre la précipitation de cette vente et demandèrent
qu'il fut procédé aune nouvelle adjudication.
La marquise de Fabas déclare vouloir se porter pour 80,000 livres; la
marquise d'Orbecq pour 120,000 livres, etc. Bref, l'affaire vint devant le
Parlement de Paris en janvier 1690. Les plaignants furent déboutés de leurs
demandes, la Cour maintint la première adjudication de la baronnie de
Gavaudun sur la tête du marquis de Belsunce qui en prit aussitôt possession
(1690). Il avait épousé une cousine de la comtesse Anne de Caumont-Lauzun,
fille de Gabriel Nompar de Caumont, comte de Lauzun et de sa seconde femme
Charlotte de Caumont-Laforce, soeur du fameux duc de Lauzun et petite-nièce
du célèbre maréchal de La Force. Armand de Belsunce vécut fort âgé. Il
mourut le 23 juin 1728 au château de Boni, à l'âge de 90 ans. Sa mort à un
âge aussi avancé nous explique pourquoi ses deux fils aînés, Armand et
Antonin, décédés avant lui, ne sont pas qualifiés baron de Gavaudun. Cette
terre passa avec celles de Boni et de Castelmoron, et à cette date
seulement, sur la tête de son quatrième enfant, Charles Gabriel, qui
continua la descendance. Il avait épousé le 30 avril 1715 Cécile-Geneviève
de Fontanieu. Charles-Gabriel de Belsunce mourut en 1739, il ne laissait
qu'un fils, Antonin-Armand, marié eu 1737 à Charlotte Alexandrine Sablet d'Hendicourt,
et qui mourut, à la fleur de l'âge, le 17 septembre 1741, ne laissant qu'un
fils, Louis-Antonin, à peine âgé de deux mois. Louis-Antonin hérita de tous
les titres et de toutes les terres de ses ancêtres, de Born, de Castelmoron,
de Gavaudun, etc. Il épousa, le 2 janvier 1763, Adélaïde Elisabeth
d'Hallencourt de Drosménil, dame d'honneur de Madame, qui mourut à Bagnèrcs,
le 4 octobre 1770, à peine âgée de vingt-cinq ans. Elle ne laissait aucun
enfant. Son mari, dernier rejeton de là branche des Belsunce de l'Agenais,
était encore propriétaire du château de Gavaudun en 1777 et 1779, années où
il est qualifié baron de ce lieu. Le marquis de Belsunce émigra à Londres.
Il y mourut en 1796.
Vendit-il au moment de la Révolution, ou un peu avant que l'orage eut
éclaté, sa terre de Gavaudun? Il est probable que oui, attendu que dès l'an
II nous la trouvons en la possession de la famille de Fumel. Le 3 floréal an
II, en effet, (22 avril 1794), il est procédé à la vente des meubles du
château de Gavaudun, appartenant à Philibert de Fumel-Monségur, émigré. La
branche de Fumel-Monségur, établie d'abord au château de Monségur en
Agenais, puis à Paris, formait un rameau détaché de la famille de Fumel, une
des plus anciennes et des plus illustres du haut Agenais. Les biens du
marquis de Fumel, émigré, furent aussitôt saisis par la nation. Dès 1793,
nous apprend M. Bourrière dans son rapport manuscrit, le château de Gavaudun,
"dont les constructions existaient presque en entier à celte époque, et qui,
au dire des habitants du pays, était parfaitement habitable, fut détruit par
ordre du district sous la direction d'un sieur Chaudurier, commissaire, et
l'emplacement vendu comme bien national". La vente dura plus de deux ans. Ce
fut d'abord le tour des meubles, le 3 floréal an II (22 avril 1794). Puis
vinrent les immeubles environnants, bois, prés, vignes, moulin à eau,
métairie de Fourestié, etc, enfin le château lui-même. Le 2 janvier 1796,
l'administration du district de Monflanquin avait déjà donné par bail à
ferme au sieur Ballande fils aîné, le ci-devant château de Gavaudun pour la
somme de 1,475 francs en assignats, sur le cautionnement de citoyen Gerveau
de Cancon. Six mois après, cet édifice était compris dans la soumission du
sieur Pierre Fort, marchand à Gavaudun; à qui le sieur Mannoury, de
Monflanquin, avait vendu, le 3 nivôse an IV (24 décembre 1795), pour 25,000
livres de biens nationaux en assignats. C'est ce que nous apprend
l'intéressant procès-verbal d'estimation, daté du 13 thermidor an IV (31
juillet 1796). Le sieur Fort ne resta pas longtemps propriétaire du château
de Gavaudun qui dut passer presque aussitôt entre les mains de la commune.
L'acte d'achat n'a pas été conservé. Il n'en existe aucune copie à là mairie
de Gavaudun. Néanmoins, le fragment du cahier de mutation qui existe encore
dans les archives municipales de Gavaudun, nous apprend qu'à la date de 1803
(an XII) "restent à la charge de la commune, les chambres, bâtisses et un
petit jardin dans la cour". Depuis lors le château de Gavaudun est demeuré
la propriété de la commune. (1)
Éléments protégés MH : la tour : classement par liste de 1862. Le château, à
l'exception de la tour déjà classée : classement par arrêté du 30 décembre
1987. (2)
château fort de Gavaudun 47150 Gavaudun. Tél. 05 53 40 04 16, ouvert au
public en avril, mai, juin, septembre, octobre tous les week end de 10h à
13h et de 14h à 18h, vacances de pâques mardi, jeudi, vendredi et week end
de 10h à 13h et de 14h à 18h en juillet et août tous les jours de 10h à
18h...
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