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Château de Brissac (Maine-et-Loire)
 
 

 Dès le Xe siècle un château féodal, manoir de guerre, fut construit à Brissac par un comte d'Anjou. Lequel était-ce? L'histoire ne le dit pas, et l'on ne peut s'en étonner, si l'on veut bien remarquer que c'est l'époque où l'on est "réduit à glaner dans les notes de quelques scribes de monastères une date, une indication certaine, et dans de rares chartes un trait, un renseignement, que les inductions s'efforcent de relier". On sait toutefois qu'au Xe siècle, il y eut quatre comtes d'Anjou: Foulques le Roux (886-941), Foulques lé Bon (942-960), Geoffroy Grisegonelle (960-987), Foulques Nerra (987-104O). Peut-être pourrait-on, avec quelque vraisemblance, attribuer à ce dernier la fondation de Brissac; car il fut, de son temps, un bâtisseur fameux qui, par de nombreuses constructions militaires habilement réparties sur les frontières de ses Etats, sut heureusement tenir en échec et même refouler ses ennemis. Ce qui est certain, c'est qu'il possédait, à Brissac et aux environs, de grandes propriétés dont son fils, Geoffroy Martel, fit don vers 1040, à l'abbaye de Vendôme. Quoi qu'il en soit, selon la remarque très juste de Célestin Port, "il faut savoir ignorer et se satisfaire de peu, sans emprunts commodes de science étrangère, quand il est besoin surtout de faits précis et localisée. Geoffroy Martel s'y trouvait en 1050, lorsqu'il apprit que Guérin de Craon se présentait avec son armée devant Angers, pour s'en emparer et par là se maintenir dans sa seigneurie que Geoffroy avait confisquée sur lui pour cause de félonie. Il partit aussitôt de Brissac, rencontra Guérin au bourg d'Epinard et remporta sur lui une victoire d'autant plus complète que le baron de Craon périt dans la mêlée. Un peu plus tard, en 1068, les deux neveux de ce même Geoffroy, brouillés au sujet de sa succession, se rencontrèrent à Brissac et s'y livrèrent bataille. L'un d'eux, Geoffroy le Barbu fut battu et même fait prisonnier, et ainsi son vainqueur, Foulques le Réchin, resta maître unique du château. C'est lui-même qui nous l'apprend dans sa Chronique; et il assure que ce château, "qui s'appelait Brachesac, lui appartenait, quoddam castrum meum".

C'est sans doute aussi parce que ce château avait appartenu aux comtes d'Anjou, qu'encore au XVe siècle on l'appelait communément la Chambre du Prince. S'agissait-il d'un domaine direct ou simplement d'un droit de suzeraineté? Ce qui semble indiquer que les comtes d'Anjou n'étaient que suzerains, c'est que, dès cette époque, nous rencontrons plusieurs seigneurs portant le nom de Brissac et jouissant dans ce fort des droits seigneuriaux. On cite, entre autres, Payen de Brachesac (Paganus de Bracaseaco), qui figure comme témoin du comte d'Anjou Foulques Nerra dans un acte de donation aux moines de Saint-Maur; puis Rouauld de Brachesac (Bualdus de Bracaseaco), qui est, lui aussi, témoin de Foulques Réchin dans un autre titre de la même abbaye. On ne peut non plus passer sous silence le seigneur Archalos, plus tard sénéchal d'Anjou, qui vers l'an 1100, avec le consentement de Foulques V, dit le Roux ou le Jeune, comte d'Anjou, concède à l'abbaye de Fontevrault, certains cens, droits de péage et redevances de Brachesac: droits et redevances qui plus tard furent confirmés par une Charte curieuse d'Henri II Plantagenet à la même église, en ces fermes: "J'accorde et confirme également les coutumes de Brachesach, que le seigneur Archalos a données à l'église de la Fontaine d'Ebraldi pour son âme, accordant au comité Fulchone"; et dont l'énumération, dit M. de, la Gournerie, "est assurément l'indice d'une très importante seigneurie". Donc, si le château de Brissac relevait de la suzeraineté des comtes d'Anjou, il était encore, à la fin du XIe siècle, la propriété d'une famille qui portait le nom de Brissac et qui vraisemblablement avait emprunté son nom au pays lui-même. C'est ce qu'affirment un certain nombre d'historiens, et en particulier Gilles Ménage (Histoire de Sablé). Elle ne tarda pas toute fois à passer entre les mains de la famille de Chemillé, qui avait longtemps possédé la charge de connétable du Comté d'Anjou. De vieux titres, en effet, au dire de M. Louis Raimbault, nous représentent déjà comme seigneur de Brissac, en 1105, un certain Pierre de Chemillé.

Mais sûrement Brissac appartenait à cette famille, au commencement du XIIIe siècle. Car, à cette époque, le fameux Guy de Thouars, par son mariage avec Eustache de Mauléon, dame de Brissac et de Chemillé en était devenu seigneur. Par lettres royales, datées de Château-Gaillard au mois d'octobre 1203, Philippe-Auguste, à qui il avait rendu des services, lui confirmait même la possession de ces deux puissantes baronnies. Mais il paraît que "le cher et fidèle Guy", comme s'exprimait Philippe-Auguste, ne sut pas conserver longtemps les bonnes grâces du roi; car "en 1206, le jour de l'Ascension (11 mai), Philippe-Auguste vient à Brissac, et le lendemain à son départ, nous apprend la Chronique de Saint-Aubin, il ordonne d'en détruire le château: Venit rex Francovum apud Brachesac in die Ascensionis, et in crastino recedens, Castrum de Brachesac subverti proecepit". Pourquoi cet ordre? Sans doute pour punir Guy de Thouars qui, après avoir servi la cause du roi de France, se sera tourné contre lui et mis au service de son adversaire, Jean sans Terre, roi d'Angleterre. La chronique de Saint-Aubin nous apprend en effet, que peu auprès, la même année, "par les conseils et le mandement du vicomte de Thouars (Consilio et mandato vicecomitis de Toarz)", le roi d'Angleterre débarque à La Rochelle, traverse le Poitou, gagne la Loire et ne quitte l'Anjou qu'après avoir appris, le jour de la Saint-Michel, l'arrivée du roi de France. Il n'est pas dit que l'ordre du roi fut exécuté, ni dans quelle mesure peut-être le château ne fut-il pas rasé complètement. Toujours est-il qu'en donnant cet ordre, Philippe transmettait en même temps le fief lui-même à Guillaume des Roches, son sénéchal en Anjou. Ce fief advint ensuite à la famille de la Haye-Passavant par le mariage d'Eléonore des Roches, fille de Geoffroy, avec Jean de la Haye-Passavant, seigneur de Chemillé, vers 1250.

Ainsi, à cette époque, les de la Haye étaient en même temps seigneurs de Chemillé. C'est pourquoi sans doute, devenus seigneurs de Brissac, ils sont mentionnés souvent sous le seul titre de Chemillé. L'histoire nous parle, par exemple, d'un Pierre de Chemillé, seigneur de Mortagne et de Brissac en 1302, qui maria sa fille Jeanne à Jean de Laval; d'un autre Pierre, qui possédait Brissac vers 1340 et dont la fille Aliette épousa Geoffroy de Brézé, fils unique de Jean et de Jeanne de la Haye, seigneur de la Varenne, en Charcé, et de Longueville, en Saint-Ellier; de Guy de Chemillé, chevalier, seigneur de Brissac en 1342; de Thomas, seigneur de Chemillé, de Mortagne et de Brissac, en 1366, qui, marié à Marguerite de Thouars, n'eut qu'une fille nommée Thomasse, laquelle épousa Jean de la Haye-Passavant, seigneur de Brissac vers 1380. Viennent ensuite: Bertrand de la Haye, seigneur de Passavant et de Brissac en 1394, qui laisse en mourant deux enfants: Jean, âgé de trois ans, et Jeanne qui n'en avait que deux; Jean de la Haye, fils du précédent, chevalier, seigneur de Passavant, Chemillé et Brissac, en 1416-1434, qui se battit contre les Anglais en plusieurs rencontres. C'est lui qui, après avoir rendu son aveu au roi, en 1416, pour sa terre de Brissac, l'échangea en 1434 avec Pierre de Brézé, seigneur de Maulévrier en Normandie, qui déjà possédait, depuis une dizaine d'années, l'étang et les moulins voisins. Ainsi cette terre de Brissac, qui pouvait valoir alors de 1.200 à 1.500 livres de rente, changeait de maître une fois de plus et passait dans une autre famille. Déjà cette famille, avant d'acquérir la terre de Brissac, s'était alliée, comme nous l'avons dit, avec celle des de la Haye-Passavant. L'un de ses membres, en effet, Geoffroy de Brézé, fils de Jean et d'une Jeanne de la Haye, avait épousé Aliette de Chemillé, dont le père, Pierre de Chemillé, possédait Brissac vers 1340. De son mariage il eut Jean II, Jeanne, mariée à Geoffroy de la Grézille, puis Thomasse. Jean II, chevalier, seigneur de la Varerme, en Charcé, 1403 épousa Marguerite de Bueil, dont il eut Pierre, Geoffroy, Guillaume et Jean. Pierre, fils aîné du précédent, chevalier, seigneur de la Varenne en 1407-1412, épousa Clémence Carbonnel, veuve en 1422, dont il eut Pierre II, etc.

C'est ce Pierre II, également seigneur de la Varenne et plus tard grand sénéchal de Normandie, qui, au mois d'août 1434, reçut en échange la châtellenie de Brissac de Jean de la Haye-Passavant. Il y avait alors à Brissac trois foires par an, à la Saint-Maurice (22 septembre), à la Saint-Vincent (22 janvier), et à la Madeleine (22 juillet); trois marchés par semaine, les mardi, jeudi et samedi; une aumônerie ou espèce d'hôpital; deux étangs, un grand et un petit qui entouraient une grande partie du château. Pierre II fut une des belles figures de l'histoire de France à cette époque. Né vers 1410, il servit de bonne heure le roi Charles VII, comme attaché à René d'Anjou et à Charles, comte du Maine. Il fut du coup de main qui enleva nuitamment la Trémoïlle dans le château de Chinon en juin 1433. En février 1434, Charles d'Anjou le fit chevalier au siège de Saint-Sélerin. Le 18 novembre 1437, il prêta serment comme sénéchal d'Anjou et capitaine du château d'Angers, entre les mains du chancelier du roi René. A la suite de la Praguerie, où il avait aidé le roi contre son fils révolté, il fut pourvu, par lettre du 12 mai 1441, de l'office de sénéchal de Poitou. Vers la lin de 1443, la retraite de l'amiral Coétivy lui donna libre accès aux affaires publiques et à l'intimité royale. Devenu premier ministre à 35 ans, il se montra à la hauteur de son rôle par son courage, sa loyauté, son activité infatigable. Le roi, du reste, le combla d'honneurs et de richesses. Pendant la guerre qui désola la France en 1465, Pierre de Brézé commanda l'avant-garde à la bataille de Montlhéry (16 juillet 1465). Il dit alors à quelqu'un de ses amis, nous rapporte Philippe Comines: "Je les mettray aujourd'hui si près l'un de l' autre, faisant allusion à Louis XI et à son adversaire, le comte de Charolais, qu'il sera bien habile qui les pourra demesler"; et de fait il se fit tuer, en sauvant le roi. Son tombeau en pierre, sans inscription, sans statue, se voit dans la cathédrale de Rouen, à côté du tombeau de Louis de Brézé.

De son mariage avec Jeanne Crespin, Pierre de Brézé eut un fils nommé Jacques, comte de Maulévrier, qui lui suc céda dans la dignité de grand sénéchal de Normandie et posséda en Anjou les seigneuries de Brissac, Claye en la paroisse de Mûrs et Denée. Il mourut le 14 août 1494. Il avait épousé Charlotte de France, fille naturelle de Charles VII et d'Agnès Sorel, dont il eut deux fils, Pierre et Louis, et plusieurs filles. Pour le punir d'avoir tué sa femme (14 juin 1470) en de circonstances tragiques, le roi le fit poursuivre suivant toute la rigueur des lois. Condamné pour ce fait à 300.000 écus d'amende, il ne put s'acquitter qu'en abandonnant ses biens au roi, lequel d'ailleurs les restitua, paraît-il, à son fils Pierre, en 1481, lors de son mariage avec Yolande de la Haye. Lui-même, du reste, après la mort de Louis XI, se pourvut au Parlement et obtint arrêt en sa faveur. Ce fut ce même Jacques de Brézé qui, par acte passé le 2 mai 1487, abandonna à Jean Prévost, curé de Quincé, les dîmes de blés, vins, pois, fèves et autres produits de la paroisse, à la charge de dire ou faire dire chaque dimanche, une messe basse dans l'église de Quincé ou au château de Brissac, quand la famille seigneuriale y résiderait, et de faire peindre dans la dite église les armoiries du seigneur. Pierre, son fils aîné, n'est guère connu que par son mariage avec Yolande de la Haye, femme étrange qui perdit au jeu sa seigneurie de Chemillé, s'allia successivement, après la mort de son mari, à un prince d'Armagnac, à un bâtard de la même maison, puis à un procureur, fils d'un tisserand de Mortagne, et qui, n'ayant jamais eu d'enfant, se disait toujours grosse, afin d'inquiéter son héritier le duc de Longueville. Louis de Brézé, deuxième fils de Jacques, est le dernier membre de cette famille illustre qui ait porté le titre de seigneur de Brissac.

Il épousa en premières noces, Catherine de Dreux, dame d'Esneval, qui mourut le 20 décembre 1512, puis en 1514, Diane de Poitiers de Saint-Vallier, qui fut depuis duchesse de Valentinois. Lorsqu'il épousa Diane, elle n'avait que 14 ans et ce fut seulement en 1514; elle ne fut donc jamais châtelaine de Brissac, puisque, au moment de son mariage, la famille de Cossé était déjà en possession de la terre et du château de Brissac. C'est en effet le 26 mai 1502, que Louis de Brézé les vendit à René de Cossé. Précédemment il avait fait aveu au roi Charles VIII, en 1490, pour ce qu'il appelle son "chastel, baronnie et chastellenie de Brochessac", d'où dépendent son donjon, avec douves, murs, basse-cour, forteresse, quatre moulins sur les chaussées du grand et du petit étangs. Parmi les vieux titres déposés au chartrier du château, on peut voir, dans le tome VIII de la Mouvance censive, un acte du 8 mars 1451, où il est question d'un logis situé dans l'enceinte du château, joignant d'un côté la grande eschalle ou escalier pour monter en la salle dudit château, d'un bout les murs dudit château, et d'autre bout un chemin conduisant des Barrières à la chartre ou prison dudit lieu. Louis de Brézé fit foi et hommage au roi Louis XII le 9 septembre 1498, et il ne mourut qu'en 1531. La famille de Cossé a toujours possédé le château de Brissac, depuis qu'elle en fit l'acquisition en 1502. Et non seulement la ville de Brissac n'eut pas à le regretter, tant s'en faut; mais c'est surtout par cette famille qu'elle-même a joui dans l'histoire d'une certaine célébrité. La gloire de ses seigneurs rejaillissait sur elle, et quelle gloire que la leur. Une des premières de France, la maison de Cossé qui ne tarde pas à joindre à son nom celui de Brissac, se trouve mêlée, pendant quatre siècles, à tous les hauts faits de guerre, à toutes les splendeurs des cours. Depuis le règne de François 1er, ses membres sont partout, dans les négociations, à la cours à la guerre surtout. En deux générations seulement, elle donne 3 maréchaux de France; elle en compte 4 à la lin du XVIIIe siècle, avec 6 chevaliers des ordres du roi, 2 colonels généraux de l'infanterie, un grand-maître de l'artillerie, 10 grands panetiers de France, 4 grands fauconniers, un bon nombre de gouverneurs de provinces, etc.

Admis à la Cour de France, René de Cossé ne tarda pas à gagner les bonnes grâces de Charles VIII; aussi retrouvons-nous René de Cossé chambellan et conseiller ordinaire du Roi, et plus tard bailli de Caux (1504), en position de rendre à la ville "d'Angers plusieurs grands services, aydes et supports, tant envers le roy qu'aultrement". Peut-être à ces dignités, Louis XII, pourtant peu prodigue, ajouta-t-il quel que don d'argent; car à ce moment René de Cossé achetait à Louis de Brézé la seigneurie de Brissac dont il prit aussitôt le nom. Il avait épousé le 2 février 1503 Charlotte Gouffier qui joignait l'avantage de descendre par sa mère des Montmorency, et son frère, le sire de Boissy, fut bientôt (1506) choisi pour le gouverneur de François d'Angoulême, l'héritier de la couronne de France. Aussi, dès que ce prince, sous le nom de François 1er, eut succédé à Louis XII, Brissac se ressentit du crédit de son beau-frère. En1516 il obtint le gouvernement de l'Anjou et du Maine, avec la capitainerie du château d'Angers, enfin la charge de grand fauconnier de France. M. et Mme de Brissac avaient, en effet, six enfants: trois fils et trois filles. L'aîné fut Charles, qui devint comte de Brissac et maréchal de France. Le second des fils fut Philippe. Destiné à l'Eglise, en 1532, il fut pourvu de la dignité de grand aumônier du dauphin François, proclamé duc de Bretagne, et enfin nommé grand aumônier de France en 1547. Artus de Cossé, troisième fils de René et de Charlotte Gouffier. Seigneur dé Gonnord, que son père lui avait acheté en 1532, et de Secondigny, en Poitou, qui fût érigé pour lui en comté par lettres de juin 1566. Le 4 mai 1674, aux approches de la mort du roi, la reine qui craignait quelque pratique de sa part et de Montmorency, les fit arrêter et conduire à la Bastille, mais il fut laissé libre, en avril 1575, par les soins de Monsieur à qui dès lors il s'attacha et qui le nomma Chevalier du Saint-Esprit (31 décembre 1578). Il mourut au château de Gonnord le 15 janvier 1582, âgé de plus de 70 ans.

Charles II de Cossé était duc de Brissac et pair de France, gouverneur des villes et châteaux d'Angers et de Falaise, premier panetier et grand fauconnier de France, maréchal de France, gouverneur de Bretagne; baron des baronnies de Pouancé, la Guerche, Sillé-le-Guillaume, Montjean, Malestroit, Norville, Châteaugiron, Claye, Denée et Luigné; seigneur des châtellenies de Martigné Briand, Brigué, les Landes-Conquessac, Longueville et d'un grand nombre d'autres seigneuries de moindre importance. De son vivant, le château de Brissac ne fut pas seulement le théâtre des événements, mémorables qui s'y déroulèrent pendant près de deux ans, à l'époque de la Ligue. Le mardi 15 octobre 1619, Marie de Médicis vint dîner au château dé Brissac, et François Lasnier, maire d'Angers, accompagné des échevins et d'un grand nombre de bourgeois, s'y rendit pour la saluer. Le 20 du même mois, elle revint à Brissac avec tous ses officiers et y séjourna jusqu'au 2 décembre, qu'elle rentra à Angers, au logis Barrault. François de Cossé, duc de Brissac, fils aîné de Charles II, dut naître en 1585 car, si la date exacte et le lieu de sa naissance restent ignorés, son acte de décès qui est du 3 décembre 1651, nous apprend qu'il était âgé de 66 ans, par conséquent né en 1585. En 1611, il fut nommé gouverneur de la ville et du fort de Blavét. Pair de France et grand panetier, par suite de la mort de son père. Le 16 février 1621, il épousait Guyonne de Ruellan, fille de Gilles de Ruellan, seigneur du Rocher-Portail. De ce mariage il eut neuf enfants dont Louis né le 5 septembre 1625. Par acte du 31 mars 1644, il fit démission de tous ses biens à Louis, son fils aîné, et il mourut le 3 décembre 1651. Louis de Cossé eut encore dans l'histoire un rôle moins considérable que son père. Il mourut jeune, il est vrai, et c'est ce qui explique en partie pourquoi il ne semble pas avoir rempli jamais de charge importante. Mis en possession le 31 mars 1644, par son père et sa mère de tous leurs biens, presque à la veille de son contrat de mariage qui fut signé le 9 avril, il se maria à Brissac, le 3 mai suivant, avec Marguerite-Françoise de Gondy.

Elle était la fille d'Henri de Gondy, duc de Retz, pair de France, et de Jeanne de Scépeaux, duchesse de Beaupréau et comtesse de Chemillé. Louis de Cossé mourut à Paris après une longue maladie, le 20 janvier 1661, à l'âge de 35 ans. Son corps fut l'apporté à Brissac le 17 mars. Il laissait à sa femme qui lui survécut jus qu'au 31 mai 1670, deux enfants: Henri-Albert et Marie Marguerite, qui épousa le 28 mars 1662 François de Neuville, duc de Villeroy, et mourut à 60 ans, le 20 octobre 1708. Il avait eu une autre fille, morte le jour de sa naissance. Devenu duc de Brissac, pair de France et grand panetier à la mort de son père, Henri-Albert possédait en 1670 les duchés de Brissac et de Beaupréau, le comté de Chemillé, le marquisat de Thouarcé, les baronnies de Luigné, Denée, Pouancé, Montjean, La Guerche, Châteaugiron et autres lieux. Ayant contracté des dettes considérables, tous ses biens furent saisis, et il fut obligé, en 1680, d'en faire l'abandon à ses créanciers. Les procès causés par toutes ces affaires n'étaient pas encore terminés lorsqu'il mourut, ne laissant pas d'enfant. Sa soeur, Madame de Villeroy, renonça à sa succession. Henri-Alberl, duc de Brissac, étant mort sans enfants, branche cadette, dite des Comtes de Cossé, succédait de droit à la branche aînée dans la dignité de duc et Pair, qui ne se pouvait transmettre qu'aux enfants mâles, descendant de celui en faveur de qui avait été faite l'érection du Duché Pairie de Brissac. Louis de Cossé, père d'Henri-Albert, n'ayant pas laissé d'autres fils, il fallait donc remonter à son second frère, lequel était Timoléon de Cossé. Or, celui-ci était mort en 1675, 23 ans avant Henri-Albert. Mais de son mariage avec Elisabeth Charron, dame d'Ormeilles, il laissait trois enfants: Artus-Timoléon, puis Charles-Albert, connu sous le nom d'abbé de Brissac, marquis de Thouareé et de Rablay, mort lé avril 1712; et enfin Guyonne-Françoise-Judith, abbesse de Saint-Pierre de Lyon en juillet 1708.

Arius-Timoléon, cousin germain d'Henri-Albert, pouvait donc lui succéder dans la dignité de duc et de pair, puisqu'il descendait en ligne directe du maréchal de Brissac, en faveur duquel l'érection du duché-pairie avait été faite. Par arrêt du 23 mars 1700, le Parlement de Paris maintint le comte de Cossé en la propriété, possession et jouissance du duché-pairie de Brissac, moyen nant 524.820 livres pour le prix du duché, si mieux n'aimaient les créanciers qu'il fût estimé par experts. Le comte de Cossé fut reçu en la qualité de duc et pair au Parlement, en prêtant le serment ordinaire, par arrêt du 6 mai 1700. Toutefois il ne prit possession de son château, nous apprend le curé de Quincé, que le 8 octobre 1700, "en grande magnificence". Pour éviter le retour du danger qu'il avait couru, il fit par acte du 13 février 1702, substitution de la terre à ses enfants. Il mourut subitement à Paris le 1er juillet 1709. Il laissait, en mourant, quatre fils dont Charles-Timoléon-Louis, qui lui succéda; 2° Emmanuel-Henri, né le 12 octobre 1698, évêque de Condom le 10 octobre 1735, mort le 27 août 1757; 3° Jean-Paul-Timoléon, qui fut, après son frère aîné, duc de Brissac et pair de France; 4° René-Hugues-Timoléon, qui fut la tige de la troisième branches des de Cossé, ducs de Brissac. Charles-Timoléon-Louis, naquit le 1er février 1693 et mourut le 18 avril 1732, mestre de Camp, baron de Montreuil Bellay, etc, succéda à son père, comme duc de Brissac, Pair de France et grand panetier, en 1709, mais il n'entra au Parlement que le 6 février 1721. Il avait épousé, le 23 octobre 1720, Catherine-Madeleine Pécoil de la Ville-Dieu. Il en eut une fille, Anne-Françoise-Judith, qui naquit le 14 juin 1726, épousa le 25 février 1737 Louis de Noailles, duc d'Ayen, devint veuve le 22 août 1793, et mourut le 22 juillet 1794. Jean-Paul-Timoléon de Cossé, duc de Brissac, maréchal de France, marquis de Thouarcé, né à Brissac le 12 octobre 1698, était frère du précédent et frère jumeau de Emmanuel-Henri qui fut évêque de Condom.

Par suite du désistement en sa faveur de ce dernier, qu'on regardait comme passant avant lui et héritier de droit, il succéda à son frère aîné comme duc de Brissac et pair de France, le 18 avril 1732, et comme grand panetier le 24 avril. Gouverneur de Paris, le 21 octobre 1771, il prend part à toutes les guerres du règne de Louis XV et sert toujours avec la plus grande distinction. Il mourut à Paris le 17 décembre 1780. Son corps fut rapporté à Brissac le 22 du même mois. Il avait épousé, le 10 juillet 1732, Marie-Josèphe Durey de Sauroy. Il en eut trois fils; l'aîné, Louis-Joseph-Timoléon, né le 28 avril 1733, eut une courte existence. Comte de Brissac, titré duc de Cossé en août 1756; il mourut sans postérité en 1757. Le cadet fut Louis-Hercule-Timoléon, qui succéda à son père comme duc de Brissac. Le troisième fut Pierre-Emmanuel-Joseph-Timoléon, marquis de Thouarcé, né le 15 septembre 1741, mort le 27 mai 1756. Louis-Hereule-Timoléon, second fils du Maréchal Jean-Paul Timoléon, naquit le 14 février 1734. Le 14 février 1775, le prévôt des marchands annonce que le duc de Cossé est nommé gouverneur de Paris. Le duc de Cossé resta gouverneur de Paris jusqu'au moment où ces fonctions furent supprimées (20 février 1791). Il fut ensuite accusé par Basire et Chabot "d'inobservation de la loi sur sa formation", et d'être envoyé devant la Haute Cour nationale, instituée par la loi du 10 mai 1791 pour connaître de tous les crimes et délits dont le Corps législatif se serait porté accusateur Le duc de Brissac ne fut donc pas jugé, ni convaincu de faute, ni condamné. Il périt innocent... Comme il n'avait pas eu d'enfant mâle de son mariage contracté le 28 février 1760, avec Adélaïde-Diane-Hortense de Mancini de Nevers, mais seulement une fille nommée Pauline, qui fut mariée au duc de Mortemart, il substitua par son testament olographe, fait à Orléans le 11 août 1792, ses petits cousins, Timoléon et Charles, fils de son cousin germain, Hyacinthe-Hugues-Timoléon de Cossé.

Cette substitution n'avait d'autre but que de maintenir le nom glorieux de Brissac dans la famille de Cossé, car son testament contient maints passages où il marque sa tendresse pour sa fille et fait appel à son culte pour l'honneur de sa maison et pour les traditions de sa famille, en manifestant aussi l'espérance que cette fille chérie se résignera sans murmurer à la substitution qui coûte tant au coeur de son père. Voici, du reste, la partie de son testament qui concerne Brissac et ses autres domaines en Anjou: " Je donne et lègue à mes deux petits cousins, fils de mon cousin Cossé et de mademoiselle de Wignacourt, mes terres, domaines, biens ruraux et autres objets meubles et immeubles que je possède en la province d'Anjou, pour être par eux partagés de la manière suivante, savoir: à l'aîné, nommé Timoléon de Cossé, appartiendra la terre de Brissac et de Thouarcé avec toutes leurs dépendances; et au puîné, nommé Charles Cossé, appartiendra la terre de Vihiers, aussi avec toutes ses dépendances, à la charge par ledit Timoléon de Cossé de payer annuellement à Monsieur Cossé, mon cousin et son père, la somme de dix-huit mille livres de pensions viagères, quittes et exemptes de toutes retenues". Il entre ensuite dans les détails les plus précis quant au cas, où l'un ou l'autre viendrait à mourir sans enfants mâles, ou leurs enfants mâles sans enfants mâles. Dans ce cas, il leur substitue son autre petit cousin, fils de son autre cousin Cossé, etc. Victime de la Révolution, le duc de Brissac en avait, dès le début, accueilli certaines idées avec la sympathie d'un esprit ouvert, et de bonne foi. "La liberté est si précieuse, écrivait-il à Madame du Barry, le 25 août 1789, qu'il faut bien l'acheter par quelques peines. En serons-nous meilleurs? Peut-être que non. Plus heureux? Cela doit être. La féodalité détruite n'empêchera pas d'être respecté et aimé, ce qui est le bon et le certain".

Louis-Hercule-Timoléon, duc de Brissac, massacré à Versailles le 9 septembre 1792, n'avait pas émigré. Un certificat, délivré le 2 nivôse an IV (23 décembre 1795) par Boisseau, secrétaire-adjoint du département de la Seine, le constata officiellement. Il avait résidé dans la section de la Fontaine de Grenelle depuis le 7 février 1792 jusqu'au 29 mai suivant, jour de son départ pour la prison d'Orléans. Puis, d'après un autre certificat du citoyen Chomet, concierge de la maison d'arrêt d'Orléans, dite des Minimes, il était entré dans cette maison le 31 mai 1792 et en était sorti le 4 septembre. D'autre part, son testament écrit le 11 août 1792, moins d'un mois avant sa mort, dûment enregistré le 4 mars 1793, déposé chez Maître Péan de Saint-Gilles, notaire à Paris, ne pouvait être attaqué comme testament d'émigré. Par conséquent, il pouvait légalement disposer de ses biens. Ses petits cousins, dont il faisait ses héritiers pour ses propriétés d'Anjou, n'avaient pas non plus émigré. Mais le 13 brumaire an II (3 novembre 1793): le citoyen Bletteau, nommé commissaire pour apposer le séquestre sur les biens meubles et immeubles des héritiers du ci-devant duc de Cossé-Brissac, déclare qu'il a été impossible de faire l'inventaire détaillé de tous les effets trouvés dans le château de Brissac, étant entassés les uns sur les autres et confondus avec les papiers de féodalité; que ces objets sont journellement pillés, même par les troupes; qu'il serait plus avantageux de les faire conduire à Angers, où ils seraient vendus beaucoup plus cher; qu'il serait également intéressant d'accorder un délai d'un mois au sieur Versillé, régisseur, pour rendre compte de l'administration qu'il a faite desdits biens. Le Directoire du Département fait droit à ces desiderata et, considérant en particulier qu'il est urgent de faire cesser les abus qui pourraient résulter de la négligence du sieur Versillé, etc.

Pendant que le domaine et le château étaient dépouillés par les ordres de l'administration supérieure, beaucoup de dégradations, dilapidations et vols y furent commis par les soldats; un incendie même y fut allumé. Le citoyen Versillé, régisseur de la terre de Brissac, étant intervenu, a déclaré qu'il y avait précédemment une grande quantité de vin tant blanc que rouge, qui a été soustrait par les Volontaires du dit bataillon. Le séquestre qui pesait sur les terres de Brissac, de Thouarcé et de Vihiers depuis le 22 octobre 1793 fut levé. Main levée en fut donnée à Timoléon de Cossé et à son frère par un arrêté du Département de Maine-et-Loire du 16 germinal an IV (5 avril 1796). Augustin-Marie-Paul-Pétronille-Timoléon de Cossé, tel était le nom du nouveau châtelain de Brissac, Avec lui commençait une nouvelle branche de la famille de Brissac. Elle se rattachait à la précédente par son grand père, René-Hugues-Timoléon, IVe fils du duc Artus-Timoléon-Louis et frère de Charles-Timoléon-Louis et de Jean Paul-Timoléon, oncle par conséquent du dernier duc Louis Hercule-Timoléon massacré à Versailles en 1792. Augusiin-Marie-Paul-Pétronille-Timoléon naquit le 13 janvier 1775. Il eut l'honneur d'avoir pour parrain le vieux et célèbre Maréchal Jean Paul-Timoléon, duc de Brissac et Pair de France. Son père était alors marquis de Brissac et Colonel en second du régiment Dauphin-Dragons, ancien page du roi. Il se marie le 14 septembre 1790 avec Elisabeth-Louise de Malide. En 1796 il est enfin mis en possession du legs de son cousin pour les terres de Brissac Malgré cela, sa situation est bien différente de celle des précédents seigneurs. Ils étaient ducs, pairs et grands pane tiers de France. A lui, il n'est permis de parer son nom d'aucune particule nobiliaire, de ne prendre aucun titre rappelant l'ancien régime. Pairie, dignités, titres de noblesse, la Révolution a tout aboli: il est le citoyen Cossé. Il lui faudra attendre l'Empire pour porter le titre de comte, puis la Restauration pour devenir duc et Pair de France. Son château lui-même, non seulement on l'avait dépouillé de ses ornements et meubles les plus précieux; mais des dégradations de toutes sortes, le pillage plusieurs fois renouvelé, l'incendie même, avaient complété l'oeuvre de sa dévastation.

Vers 1843, Augusiin-Marie-Paul-Pétronille-Timoléon céda le domaine de Brissac à son fils aîné, et mourut à Paris le 7 avril 1848. Marie Artus Timoléon de Cossé, Xe Duc de Brissac, naquit le jeudi 13 mai 1813. Lorsqu'il fut appelé à prendre possession de la terre ducale, son premier soin fut de faire réparer le château, afin de l'habiter désormais. La terrasse fut modifiée; les appartements de réception furent rendus à leur splendeur première et l'on fit revivre sur les beaux planchers de chêne le "C" enlacé de Charles de Cossé. Il n'était pas facile de restaurer le vieux manoir en lui conservant son caractère primitif; c'est cependant ce qui fut fait. Rien n a été sacrifié au caprice ni à la fantaisie; on a suivi à la lettre ce qui existait. Aussi cette restauration fait-elle le plus grand honneur à ceux qui l'ont dirigée, comme à ceux qui l'ont exécutée. Le 22 juin 1840, M. Artus-Timoléon de Cossé épousa Angélique-Gabrielle-Marie-Marguerite Le Lièvre de la Grange, fille de M. Augustin-François-Joseph Le Lièvre, marquis de la Grange. Artus-Timoléon de Cossé passa la plus grande partie de sa vie à Brissac, où il se consacra tout entier tant à l'administration de son domaine qu'aux intérêts de la commune, et où il a laissé un nom vénéré et béni. Pendant longtemps conseiller municipal, il fut élu maire le 27 octobre 1851. Il mourut à Paris le 11 septembre 1888. Son corps fut ramené à Brissac et inhumé au Mausolée le 17 du même mois, après des funérailles splendides dont la population garde encore le souvenir. De son union avec Mademoiselle de la Grange, il avait eu quatre fils dont Paul-Marie, né le 22 octobre 1841 et mourut le même jour. Le second fut Gabriel-Anne-Timoléon-Roland, qui fut marquis de Brissac et épousa le 25 avril 1866 Jeanne-Marie-Eugénie Say; il mourut, le 6 avril 1871. De son mariage le Marquis de Brissac eut deux enfants: Anne-Marie-Timoléon-François, duc de Brissac, et Marguerite-Constance-Marie-Diane mariée le 4 janvier 1887, à Son Altesse Louis Ernest Lamoral, prince de Ligne, dont elle a en de nombreux enfants. Elle s'est éteinte au château de Brissac, après une longue et douloureuse maladie, le 18 mai 1916.

Si Anne-Marie-Timoléon-François de Cossé, Duc de Brissac est le XIe de sa famille depuis l'érection du Duché-pairie en 1611, il est, croyons-nous, l'un des 4 titulaires de Duchés remontant à Louis XIII et au-delà. En effet, depuis le commencement de la dynastie capétienne jusqu'à la mort de Louis XIII (1643), il fut créé 59 duchés ou comtés-pairies. Des 59 pairies, créées de 1297 (date de la 1re érection) à 1643, 27 seulement subsistaient encore à l'avènement de Louis XIV, dont celle de Brissac. De ces 27, il n'en restait plus que 15 en 1694, dont Brissac. De ces 15, remontant à Louis XIII et au-delà, sans avoir été l'objet d'aucune substitution ou érection nouvelle, il n'en reste plus que 4 au début du XXe siècle: d'Uzès (1572), de la Trémoïlle (1595), de Brissac (1611), de Luynes (1619). En 1919, il y a 50 français qui avaient le droit de porter des titres de ducs, institués et conférés par des souverains ayant régné sur la France, et qui descendent, par les mâles ou par substitution légalement approuvée, de ceux à qui le titre de duc a été conféré. Dans ce nombre, il n'en est que 22 dont le titre soit antérieur à 1789, 11 remontant au XVIIe siècle, 4 à Louis XIII et au-delà. Or, il y avait, en 17S9, 53 duchés-pairies. Il s'en est donc éteint 31 en un siècle. Telle a été dans l'histoire la famille de Cossé-Brissac, assurément l'une des premières et des plus illustres de France. "Brissac, grand château et grand nom, il faudrait un volume, a-t-on écrit, pour indiquer tous les souvenirs que ce nom rappelle..." Et nous n'avons fait qu'en tracer une rapide et pâle esquisse! Si sommaire qu'elle soit, elle prouve cependant, nous le croyons du moins, en quelle estime on doit tenir cette importante maison. Ses armes portent de sable à trois fasces d'or dentelées par le bas, avec, pour supports, 2 aigles couronnés d'une couronne d'or. Sa devise: Avec le courage et avec le temps, ces deux facteurs des grandes choses, s'est noblement justifiée et résume à merveille tout le passé de la famille, qui doit, en effet, son illustration et à l'antiquité de sa race et au courage de ses aïeux

Description de château de Brissac:

Le château de Brissac est, sans contredit, l'un des plus remarquables de l'Anjou, il présente une masse imposante qui indique bien la grandeur et la puissance de ceux qui l'ont fait bâtir. Il s'élève au pied même du plateau sur lequel la ville est bâtie, sur les bords de l'Aubance, au croisement de plusieurs routes importantes, dans une riante et chaude vallée, dont on a dit "qu'elle rappelle l'Italie par son soleil et sa verdure". De l'ancien château féodal, construit au Xe siècle, il ne reste guère que les fondements de son enceinte quadrangulaire, qu'entouraient l'Aubance et des fossés profonds. Autrefois quatre tours vraisemblablement en marquaient les angles. On voit encore, du côté de la cour Bonnivet, les rudiments de l'une d'elles. D'autre part, l'histoire nous apprend que, lorsque Charles II de Cossé, en 1607, entreprit la restauration du château, ce fut à la place d'une vieille tour, tout près de la rivière, non loin des anciens moulins dits de dessous-la-Tour, qu'il fit jeter les fondements du pavillon qui se trouve au nord-ouest. Actuellement il n'en reste plus que deux, du côté de l'est, profondément entamées par la façade actuelle et cachant leurs brèches sous les replis touffus du lierre. Avec leur masse élevée, prolongée par des toits coniques, avec leurs meurtrières et leur couronne de mâchicoulis, elles donnent à cette demeure seigneuriale un air guerrier qui s'accorde bien avec les souvenirs de la famille. Construites, sans aucun doute, au XIIIe ou XIVe siècle, puis restaurées, modifiées et ornées dans les âges suivants, ces tours remontent vraisemblablement à l'époque où les puissants seigneurs de Chemillé étaient en même temps seigneurs de Brissac. Sous ces deux tours et sous la terrasse qui les précède, s'étendent de vastes souterrains. L'imagination populaire y a voulu voir un spécimen de ces fameuses oubliettes, dont parlent si souvent les romanciers pour localiser leurs récits fantastiques. C'est bien à tort, croyons-nous.

En ce qui concerne le château de Brissac, rien n'indique que ses souterrains aient été des oubliettes. On y voit bien quelques chambres, aux parois desquelles est fixée une chaîne; mais elles n'ont rien de terrifiant; elles sont aérées par une prise d'air, et ce n'étaient sans doute que les prisons ordinaires de tout château féodal, où l'on enfermait les malfaiteurs de droit commun. Que si, dans le voisinage de ces cellules, on remarque des apparences de puits, nous croyons qu'il n'y faut voir que les fosses d'aisance nécessaires aux prisonniers. Pour les autres excavations, si l'on veut se rappeler que tout château, au moyen âge, avait des communications souterraines qui le mettaient en rapport avec l'extérieur, pour pouvoir en temps de siège, se ravitailler en denrées et munitions. Quant à leur date de construction, il est à croire qu'elle remonte à l'établissement même du premier château (Xe siècle). Le château de Brissac, tel qu'il est actuellement, se compose de deux corps de bâtiment à angle droit, formant les deux côtés d'une cour, appelée cour Bonnivet en l'honneur de l'amiral Bonnivet, dont René de Cossé était le beau-frère. Le premier bâtiment forme la façade principale. Il est au levant et est encadré par les deux tours. Il comprend d'abord un corps de logis de trois ouvertures, puis un haut pavillon, destiné sans doute, dans la pensée de ceux qui l'ont fait construire, à occuper le centre même de l'édifice, mais dans l'état actuel à peine séparé d'une des tours. On se proposait sans doute d'abattre les deux tours, comme semblent l'indiquer leurs profondes échancrures, puis de rendre la façade régulière en élevant à gauche du pavillon un corps de bâtiment semblable à celui de droite. Ce pavillon, divisé en cinq ordres percés chacun d'une vaste ouverture demi-circulaire, produit un saisissant effet tant par son élévation que par sa richesse. C'est là que se trouvent le vestibule et le grand escalier dont l'architecture est très remarquée. Haut de cinq étages, rez-de-chaussée compris, ce pavillon se termine par un dôme surmonté d'une terrasse d'où l'on jouit d'une vue magnifique.

On attribue la construction de cette partie du château à René de Cossé, qui l'aurait fait commencer dès l'année 1502. En 1853, la terrasse en a été restaurée avec balustrade et escalier neuf, aux écussons de Cossé et de La Grange. En 1901, des statues représentant l'Histoire et là Musique, sculptées par le comte Raoul de Gontaut, ont été placées dans quatre niches de la façade. Au-dessus de l'entablement composite, se voit une table saillante sur laquelle est gravée en gros caractères la belle devise de la maison de Cossé: Virtule, tempore. Enfin, plus bas, on remarque l'écusson de la famille de sable à trois fasces d'or dentelées par le bas. Le second corps de bâtiment fait face à la ville et se termine par un pavillon massif, comme on en construisait sous Henri IV et Louis XIII. Il fut commandé, dans les premières années du XVIIe siècle, par le Maréchal Charles II de Cossé. Le château contient de très belles chambres et de vastes galeries, ornées de lambris richement sculptés, de solives et de poutrelles peintes, et remplies de tapisseries, de tableaux, de magnifiques meubles anciens et de portraits des membres de la famille. Nous ne signalerons ici que les principaux appartements, tels qu'ils sont décrits dans l'opuscule de M, Louis Raimbault: Le château de Brissac. De la terrasse, on entre dans un vestibule voûté très vaste et très élevé, garni d'armes anciennes, dans lequel on voit un groupe de bronze représentant Annibal luttant avec l'aigle romaine, de d'Epinay. Le grand salon possède un magnifique plafond doré ancien, embrasures de fenêtres et volets peints au chiffre des Cossé. Che minée monumentale en pierre sculptée, avec buste de Charles Il de Cossé. Cinq grandes tapisseries représentant l'histoire de Joseph. Meubles sculptés, deux superbes consoles Renaissance et quatre lustres de Venise. Chambre Duchesse: lit et table Renaissance. Petit secrétaire ancien, Renaissance italienne. Trois superbes tableaux anciens, dont l'un de Raphaël. Plafond à poutrelles peintes. Chambre du Duc: portrait du marquis de Brissac. Crayon de la marquise de Brissac et son fils François en 1869. Plusieurs portraits anciens, parmi lesquels Eusèbe, fils du duc de Brissac (1804), Hyacinthe-Hugues-Timoléon, duc de Cossé (1813), Marguerite de La Grange, duchesse de Brissac, etc.

Salle à Manger: portes et plafonds peints. Tribune pour un orchestre. Tapisseries des Gobelins, représentant l'histoire d'Alexandre le Grand. Buffet et coffres anciens. Vaissellier sculpté. Armoire remarquable. Portrait du maréchal deCossé. Portrait du connétable de Hollande et de Condé. Chambre Bonnivet: mobilier Louis XVI, tapisserie ancienne et portrait du duc de Brissac (Anne-Marie-Timoléon François), né en 1868, par Princeteau, et un tableau peint par le chevalier de Cossé en 1772. Tapisserie des Gobelins, représentant le jeu de Colin Maillard. Portraits de François 1er, de La Bruyère, par Metscher, et de La Fontaine; plan du château de L'Isle-Briant, appartenant à la vicomtesse de Trédern; lit moderne avec l'écusson des Say. Salle des Gardes: longue de 32 mètres sur 7 mètres de large. Très remarquable plafond ancien, peint et doré, dont les poutres sont couvertes de plus de cent allégories et paysages tous variés. Superbe tapisserie de 10 mètres de long, représentant le Déluge, signée M. Wauters. Meubles sculptés, faïences, armes, armures, chaise à porteur Louis XVI, peinte sur toutes ses faces avec sujets et marquées F. B. entrelacés. Caparaçon de cheval. (Reconstitution d'une housse de tournoi aux armes de la maison de Brissac). Boisseau-étalon du Duché. Importante collection de plus de 500 monnaies anciennes. Chambre Judith: ainsi nommée en mémoire de Judith d'Acigné, femme de Charles II de Cossé; cette chambre est celle où Marie de Médicis se réconcilia avec le roi Louis XIII en 1620. Plafond presque semblable à celui de la salle voisine. Les murs sont couverts de belles tapisseries. Ici se trouvent également un lit sculpté Louis XIII et une très belle et large armoire ancienne. La chapelle est placée dans la tour du sud, elle est voûtée à nervures prismatiques. Elle contient un bas-relief en marbre blanc, élevé à la mémoire d'Elisabeth-Louise de Malide, duchesse de Brissac, morte le 27 mars 1818, première femme d'Augustin-Marie-Paul-Pétronille-Timoléonde Cossé, duc
de Brissac. Ce monument a été sculpté par David d'Angers. (1)

Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château ; le parc paysagiste qui entoure l'édifice : classement par arrêté du 3 novembre 1958. L'escalier d'honneur du pavillon central ; l'ancienne cuisine ; l'appartement dit du marquis se trouvant dans le pavillon Nord : classement par arrêté du 8 novembre 1966. (2)

château de Brissac 49320 Brissac-Quincé, tel. 02 41 91 22 21, ouvert au public d'avril à fin juin et septembre, octobre tous les jours sauf mardi, de 10h à 12h 15, 14h à 18h, en juillet et août tous les jours de 10h à 18h. Location chambres d'hôtes et salles pour réception, séminaire etc...


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(1)            Histoire de Brissac, de son château et des familles qui l'ont possédé par l'abbé Charles Gautier. Imprimerie F. Gaultier & A. Thébert, Angers (1920)
(2
        source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/)   

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