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Saumur occupe un beau site sur les bords de la
Loire et au pied d'un coteau abrupt. L'élégance de ses monuments et la
beauté du fleuve qui l'arrose l'ont fait dénommer la gentille, bien assise
et bien aérée ville de Saumur. De plus le donjon couronnant le coteau lui
donne un aspect original et pittoresque. Ce donjon est le troisième château
en date, car en effet trois forteresses ont occupé le même emplacement.
D'après Ménage et dom Huynes, le premier castrum truncum, le vetus truncus,
d'origine romaine, était une petite forteresse, déjà antique par conséquent
à l'époque où Pépin le Bref, père de Charlemagne, vint à Saumur (747). Cette
opinion confirmerait l'origine très ancienne du castrum. D'autre part,
Bodin, sans preuves, attribue le truncus à Pépin le Bref; enfin M. d'Espinay,
le savant archéologue d'Angers, tout en reconnaissant que ce château était
antique, ne peut et ne veut pas affirmer l'origine romaine de sa
construction. Par ailleurs, dès le VIIIe siècle, il existait une petite
abbaye dédiée à sainte Marie et à saint Jean qui formait le noyau de la
villa Joannis et, selon toute vraisemblance, d'après les travaux et
conclusions de M. de Beauregard, de M. Mérimée et de M. d'Espinay, était
située sur l'emplacement actuel de l'église de Nantilly et non pas, comme on
l'a dit, dans le voisinage de la chapelle Saint-Jean. Cette dernière est de
construction beaucoup plus récente (XIIe siècle) et ne peut être considérée
comme le centre primitif de l'agglomération saumuroise. Au milieu du IXe
siècle (848) les Bretons, avec Noménoë, ayant brûlé Saint-Florent-le-Vieil,
vinrent attaquer Saumur et son château. Charles le Chauve donna à cette
époque aux moines de Saint-Florent le domaine de la villa Joannis en
compensation de leur monastère détruit. Puis les Normands, conduits par
Hastings, à leur tour attaquèrent Saumur en 853. C'est à ce moment que les
habitants, pour se protéger, élevèrent des défenses, les premières
fortifications, sur le coteau autour du vieux château de bois.
Les vicissitudes n'avaient point manqué aux Saumurois en ce qui concernait
les maîtres dont ils relevaient. En effet, après avoir été sous la
domination des Romains jusqu'en 419, ils étaient passés sous celle des
Wisigoths jusqu'en 507. De cette date jusqu'en 638 ils avaient relevé du roi
Clovis et de ses successeurs. En 638 Dagobert 1er, créant le duché
d'Aquitaine, avait placé Saumur sous la coupe des ducs (jusqu'en 768, date à
laquelle Pépin le Bref avait soumis le dernier duc, Waifre, qui refusait de
reconnaître son autorité). Puis à partir de 778, Charlemagne ayant rétabli
le royaume d'Aquitaine, la ville s'était trouvée successivement sous
l'autorité de Louis le Débonnaire, de Charles le Chauve et de Louis le
Bègue. C'est ce dernier qui en 877 l'avait réunie à la Couronne. Enfin au Xe
siècle, Hugues le Grand, duc de France et comte de Paris depuis 936, avait
donné à son cousin, Thibault le Tricheur, le comté de Blois avec Tours,
Saumur et Doué. Quand Absalon, en 948, arriva aux abords du castrum, au bois
doré, revenant de l'abbaye de Tournus, avec les reliques de saint Florent
qu'il avait soustraites à cette abbaye, il demanda donc au seigneur de
l'époque, Thibault le Tricheur, comte de Blois, à ce moment résidant à Doué,
un lieu de sûreté pour abriter les dites reliques. Thibault ordonna qu'elles
seraient, transportées au cas trum (vieux chasteau, vetus truncus). A cette
occasion il fit construire un monastère à proximité du château (Saint-Florent-du
Boële). Puis peu après il fit élever le fort salmurus ou truncus sur
l'emplacement de vetus truncus. Ce château fut bâti après l'an 950 et en
tous cas avant 978, date de la mort de Thibault. Son fils et successeur,
Eudes 1er, compléta le travail en faisant établir autour du château, entre
978 et 990, une forte muraille dépourvue de tours dont la nécessité, en
raison de la faiblesse des projectiles de l'époque, ne se faisait pas encore
sentir. Cette muraille remplaça les fortifications de fortune élevées à
l'époque des invasions normandes. C'est elle que l'on désigne sous le nom de
première enceinte ou enceinte de Thibault le Tricheur. Elle constitua dès
lors la limite de la ville, à partir du début du XIe siècle et du nom de
Salvus murus (mur de salut, mur de protection) qui fut appliqué, dérivèrent
les termes de Salmurus puis Saumur.
Ce mot salmurus exprimait donc bien l'idée de l'enceinte close, du castrum
que constituait l'agglomération du castel, du monastère et des habitations
élevées dans leur ombre. Et ceci est d'ailleurs l'opinion émise par Adrien
de Valois, le seul historien ancien ayant compris que le castrum salmuriense
était l'œuvre du comte de Blois et non une ville gallo-romaine. La muraille
de la ville fut définitivement achevée par Eudes II, fils de Eudes 1er et
petit-fils de Thibault, en l'an 1004. A ce moment Eudes II confia le
gouvernement de Saumur à Gelduyn le Jeune. En 1022 un premier incendie
dévora le monastère Saint Florent et une partie du truncus. La première
enceinte se déroulait sur le parcours suivant: se détachant du château, au
nord, à hauteur du début du faubourg de Fenet, elle courait le long de la
ligne des maisons qui bordent le côté sud de la rue des Cordeliers (rue
Haute-Saint-Pierre ou rue Fourrier actuelle), gagnait l'entrée de la montée
du Fort, point où il existait une porte dite porte de l'ouest, se fermant
par une herse (on voit encore les traces du mur sur lequel la porte
s'appuyait), puis continuait parallèlement à la ligne des maisons formant le
côté gauche de la Grande-Rue, pour, à l'extrémité de cette dernière,
remonter et rejoindre le château par le coteau dit la montagne de Tarare.
Une deuxième porte avec pont-levis, à l'est du château, faisait communiquer
directement ce dernier avec la campagne dans la direction de Varrains (porte
de l'est ou des champs). Au début du XIe siècle, l'enceinte renfermait donc
l'église, le monastère, les habitations des Saumurois, enfin la maison-forte
du gouverneur Gelduyn, c'est-à-dire le truncus construit par Thi bault (fort
Salmurus) comme nous l'avons dit. Les chroniques de Saint-Florent des XIe et
XIIe siècles parlent fort distinctement du vetus truncus et de la
maison-forte de Gelduyn et ne les confondent pas, ce qui prouve bien que la
seconde avait remplacé le premier.
A ce moment Foulque Nerra, comte d'Anjou, attaqua le comte de Blois, Eudes
II, et s'empara de Saumur qu'il réunit à l'Anjou. Il fit incendier le
château (deuxième incendie) et le couvent de Saint-Florent avec l'intention
de reconstruire le premier sur le même emplacement et de donner aux moines
un terrain à Angers, sur lequel il leur ferait élever un monastère. (On sait
que finalement les moines revinrent à Saint-Hilaire-des-Grottes où ils
bâtirent leur abbaye). Saumur à partir de cette époque dut subir plusieurs
sièges D'abord, quelques mois après la prise de Saumur, Gelduyn, dépossédé,
attaqua et assiégea la ville; elle ne fut épargnée que grâce à
l'intervention des moines de Saint-Florent (1026). Puis en 1058, le comte du
Poitou, Guillaume IV d'Aquitaine, attaqua et bloqua dans la ville Geoffroy
II Martel, fils de Foulque Nerra. Geoffroy mourut d'ailleurs dès 1060. En
1067, Foulque Réchin attaqua son frère Geoffroy le Barbu, réfugié à Saumur
(Foulque Réchin et Geoffroy étaient neveux et héritiers de Geoffroy Martel).
Le château fut pris et Geoffroy le Barbu fait prisonnier pour de longues
années. Enfin, en mai 1068, le comte du Poitou, Guy d'Aquitaine, voulant
venger l'échec subi par son prédécesseur, Guillaume IV, attaqua encore
Saumur, s'empara du château qu'il incendia (troisième incendie) en même
temps que les églises et les habitations, aussi bien celles construites en
dehors que celles élevées en dedans des fortifications. La chronique de
Maillezais place ce troisième incendie à la date du 27 juin 1068.
Consécutivement les moines durent donc reconstruire leur monastère incendié.
C'est également à ce moment que les fortifications de la ville furent
restaurées entièrement (nous parlons bien entendu de l'enceinte de
Thibault). Arrive la période des Plantagenets commençant avec Geoffroy IV le
Bel en 1129. On sait que le dernier Plantagenet, Jean sans Terre, s'était
emparé de Saumur au détriment de son neveu Arthur qu'il fit lâchement
assassiner. Le roi Philippe-Auguste, ayant pris parti contre Jean sans
Terre, enleva à ce dernier la ville de Saumur (1203) et la fit passer
définitivement sous la domination des rois de France.
L'enceinte avait dû être construite sûrement au cours du XIVe siècle; sans
aucun doute elle existait au début du XVe siècle. D'ailleurs il est évident
qu'elle remontait au moins à l'époque au cours de laquelle nos guerres avec
les Anglais battaient leur plein, or on sait qu'en 1417 furent construites
les fortifications du monastère de Saint-Florent-du-Thouet qui subit les
attaques de ces derniers. Comme on le voit l'enceinte de Saumur est de
création postérieure au temps de Foulque Nerra, de Geoffroy II Martel et
même de saint-Louis, mais elle existait au temps de René d'Anjou puisqu'elle
est mentionnée dans les documents de l'époque de ce dernier. Fort épaisse,
couronnée dans toute son étendue par des mâchicoulis et non plus par des
hours (ou galeries de bois) comme la première enceinte, des saillants très
marqués flanquaient les courtines et complétaient ainsi le système de
défense obtenu avec les tours. Partant du château au niveau du Petit-Genève,
elle rejoignait le bord de la Loire qu'elle longeait jusqu'à la Bilange,
puis obliquant à l'ouest, coupait la rue Saint Jean actuelle, touchait au
Puits-Tribouillet, filait jusqu'à l'Arche Dorée et allait rejoindre le mur
du château au sud. Il faut donc bien remarquer que par conséquent dans sa
partie orientale regardant Varrains, le dit château était protégé uniquement
par le ravin puisque les fortifications n'englobaient pas le bâtiment sur
cette face-là. Quant au château, le troisième, le Donjon actuel, les
opinions sont partagées en ce qui concerne la date de sa construction. On
sait que Foulque Nerra avait brûlé le truncus en 1025 et avait juré de le
rebâtir. Cependant, on connaît à peu près la liste de tous les ouvrages
construits par ce prince, mais on constate que le château de Saumur ne
figure pas sur cette liste. Seulement on se souvient que Foulque Nerra après
avoir pris possession de Saumur l'avait donné à son fils Geoffroy II Martel.
C'est, sans aucun doute, ce dernier qui fit commencer les travaux en 1040
aussitôt après la mort de son père. La construction ne fut achevée que dans
les siècles suivants. Bodin situe la fin du travail en 1250 et rappelle
qu'en 1220 on s'occupait des travaux du château qui avaient été suspendus.
La Bessière précise que le donjon fut commencé en 1040. Godard-Faultrier est
du même avis que les deux auteurs précédents. M. Mérimée fait remonter le
travail au temps de saint Louis (1215-1250). Bernard de Hautmont, écrivant
ses Mémoires sur Sumur en 1680, dit que l'édification était commencée bien
avant le XVe siècle, c'est-à-dire avant la naissance du roi René en 1409) et
ajoute que ce dernier aurait simplement achevé cette construction. Par
contre M. d'Espinay attribue nettement la paternité du château au roi René
et apporte d'abord comme preuve que, suivant Bernard de Hautmont, plusieurs
portes et clefs de voûtes montraient les armes du roi René, c'est-à-dire
celles d'Anjou, de Lorraine, de Bar, de Provence, etc, entourées du collier
du Croissant, ordre fondé par ce prince en 1448. D'Espinay s'appuie ensuite
sûr la tradition populaire attribuant au roi de Sicile la construction du
Donjon. Puis il donne une grande importance à l'ornementation en style
flamboyant du XVe siècle qui caractérise le monument. Pour finir, cet auteur
fait état de documents recueillis par M. Beautemps-Beaupré et qu'il a
publiés en 1879 et 1887 dans la Revue de l'Anjou, notamment une lettre de
René à la Chambre des Comptes, en date du 8 avril 1464, dans laquelle le roi
ordonne de bailler une certaine somme à un ouvrier pour la réparation du
château et pour la Tour neuve. D'Espinay déclare que l'expression Tour neuve
s'applique à un nouveau château, oppose ce château neuf au truncus,
finalement situe la construction exactement entre 1464 et 1474. Nous ne
pouvons adopter les conclusions de M. d'Espinay et nous allons aussi donner
des preuves à l'appui de notre opinion diamétralement opposée à la sienne.
D'abord, M. Lohier, le savant bibliothécaire de Saumur, a signalé que la
gravure accompagnant les Très Riches Heures du duc de Berry (musée Condé à
Chantilly), achevées en 1409, représente déjà le château de Saumur tel qu'il
se présente actuellement. Or, en 1409, René d'Anjou venait à peine de
naître. D'autre part dans la lettre de René, du 8 avril 1464, il est
toujours question de réparations du château, mais le mot construction n'y
figure pas. Dans une autre lettre du 4 mai 1473 relative à des travaux à
exécuter au château à la suite d'avaries occasionnées par le vent, René
parle de réparations aux fenêtres, aux cheminées, aux mâchicoulis. Il me
paraît, d'ores et déjà, difficile d'admettre qu'un bâtiment construit en
1464 ait eu besoin de tant et de si grosses réparations moins de dix ans
après le début des travaux, et même avant la fin de ces travaux.
Etude sur les comptes de Macé Darne, maître des œuvres de Louis 1er duc
d'Anjou et comte du Maine (1367-1376), d'après un manuscrit inédit du
British Museum, par André Joubert (Revue de l'Anjou, 1890). Chapitre IV,
relatif à la restauration partielle du château de Saumur et la construction
de la chapelle neuve (1367-1376). Précisons de suite que Louis 1er était le
grand-père de René d'Anjou. D'après les comptes de Macé Darne, une grande
partie du château fut restaurée entre 1367 et 1376. On voulait fortifier la
place et la mettre à l'abri des attaques des Anglais. Les fournitures de
pierres destinées aux travaux de défense commencent à la Tous saint 1367.
Dès le mois de juin 1368 on travaille à "haucer de III ornes et demie le
portal du baille par devers les champs". Pierrot Baudit, maçon de la ville,
est chargé du travail. On recouvre une partie du château et on reconstruit
en entier le pont-levis de l'entrée de la forteresse. Au commencement du
mois de mars suivant (1369) on refait plusieurs "terraces en la longue
chambre d'emprès le portal et en la salle où le capitaine demeure", ainsi
que dans les chambres voisines en fort mauvais état. Dans la première
semaine de mai on démolit quatre vieilles maisons et le mur du côté du
château "sur la rue de Feunet, pour élever une maison et deux tourelles aux
deux bouts d'icelle". On emploie à la fin du même mois quatre maçons pour "esgaller
de pierre à sec les brèches du dit mur et huit manœuvres pour couvrir dessus
de pipes sur bout plaines de pierre et de sablon pour cause des ennemis que
l'on disait venir faire siège devant la ville de Saumur". On achète une
grande quantité de "coings tout simples", des pierres appelées "tableaux"
pour les fondements, des pierres nommées "voussueurs" (voussoires) pour
"faire grands arcs contre le pavillon, des grandes pierres d'apparay
(appareil) pour les chemines, les huisseries, les fenestres", cinq grandes
pierres pour faire les "quatre coings des deux cheminées du haut estage de
la maison" et la clef de voûte de la chapelle, quatre autres grandes pierres
pour "couvrir l'husserie (porte) double à entrer du pavillon en la chambre
de parement (parade) et pour les marches des deux eschelliers, l'un à monter
en la dite chambre de parement devez le puiz (escalier d'honneur), l'autre à
descendre au bas-cellier d'icelle maisson", d'autres pour paver les deux
hautes chambres, l'une de parement, l'autre de retrait et le devant de la
chapelle, ainsi qu'une pierre "bien grande à faire l'espi de la tour devers
la salle du baille". Les pierres sont fournies ainsi depuis la Toussaint
1367 jusqu'en mai 1376.
En 1589, Duplessis-Mornay fut envoyé à Saumur par Henri IV pour prendre
possession de la ville. En 1593, il décida que la Place deviendrait une
forteresse importante, capable de soutenir un siège et, dans ce but, sur les
plans de l'ingénieur Bartholoméo, fit entourer le donjon sur tout son
pourtour et y compris une vaste cour adjacente, d'une enceinte formée de
redents et de bastions. Ces remparts, en pierre, existent, toujours; ils
supportent un terre-plein et sont couronnes d'un parapet. Jadis de petites
guérites ou échauguettes en encorbellement étaient suspendues aux angles
saillants des bastions. Elles n'ont pas été rétablies. Deux demi-lunes (à
l'ouest et au sud) défendaient les deux portes. L'enceinte bastionnée n'a
pas été modifiée. En même temps Duplessis-Mornay faisait élever, à
l'extérieur de la partie ouest de la ville, une autre enceinte de terre,
commençant à 200 mètres en deçà de la tour Grenetière, enveloppant tout le
faubourg Saint-Nicolas des Bilanges et par conséquent les portes de la
Bilange et du Puits-Tribouillet, et finissant à la Loire. Cette enceinte
supplémentaire comportait cinq bastions et était dotée de deux portes: le
portail Louis et le portail Henri. Cette enceinte de terre a disparu dès la
première visite que fit Louis XIII à Saumur (5 à 9 avril 1622) après celle
du 17 mai 1621, au cours de laquelle il avait enlevé à Duplessis le
commandement de la Place. Quelques semaines après le départ de
Duplessis-Mornay un incendie détruisait le logis de la garnison du château
avec les magasins et les munitions. Heureusement le donjon fut épargné.
Durant la Fronde le château tomba aux mains des rebelles et fut gouverné par
Dumont qui, d'ailleurs, se trouva bientôt dans l'obligation de capituler et
rendit la place au comte de Comminges. Puis, pendant une longue période il
ne se passe rien d'important au château qui était commandé par un lieutenant
du Roi assisté d'un major et d'un aide-major.
Signalons cependant que le surintendant des Finances Fouquet, arrêté le 5
septembre 1661 sur l'ordre du Roi, en sortant du château de Nantes, fut
dirigé sur la Bastille pour y être écroué et passa successivement, au cours
du transfert, le 6 septembre à Ingrandes, le 7 au château d'Angers, où il
resta trois mois, puis aux châteaux de Saumur, d'Amboise et de Vincennes où
il ne fit que de courts arrêts. Fouquet ne resta qu'une nuit au château de
Saumur, du 10 au 11 décembre 1661. A la fin du XVIIe siècle, les huguenots,
refusant de signer la formule d'abjuration, furent incarcérés au château de
Saumur et mis au cachot. La fille cadette de Tallemant des Réaux (Charlotte)
et Tallemant de Lassac connurent cette vie pénible. Charlotte, entêtée dans
ses idées religieuses et ne voulant pas suivre ses parents dans leur
soumission, fut arrêtée en mars 1686, transférée du couvent à Fort-l'Evêque,
de la Bastille au château de Saumur. De Saumur on l'envoya à Mons (Hainaut)
le 2 mars 1688. Daniel de Larroque fut également détenu à Saumur. Pour avoir
écrit un pamphlet où le gouvernement du roi était accusé de n'avoir pris
aucune mesure pour prévenir la famine, Larroque fut enfermé au Châtelet
d'abord, puis au château de Sau mur où il resta cinq ans. En 1730
Louis-Charles Le Tellier, ancien garde du corps, est lieutenant de la
compagnie des gens d'armes invalides au château de Saumur. En 1745, après la
bataille de Fontenoy, le roi Louis XV ayant décidé que le château
deviendrait prison d'Etat, le lieutenant du Roi, commandant, eut alors sous
ses ordres, comme garnison du fort, une compagnie de vétérans de l'armée du
Hanovre auxquels on laissa, en souvenir de leurs exploits, un parc
d'artillerie d'honneur formé de trois grandes couleuvrines de bronze données
par Richelieu au comte de Sceaux, le gouverneur qui avait succédé à
Duplessis Mornay. L'une de ces couleuvrines fut enlevée par les Vendéens aux
Saumurois, le 16 mars 1793, au combat de Coron. Les Vendéens la baptisèrent
la Marie-Jeanne et en firent l'objet d'un culte superstitieux. Entre 1760 et
1789, le nombre des prisonniers d'Etat enfermés à la forteresse ne dépassa
pas le chiffre de huit à dix personnes dont le comte de Sades (1740-1814),
le sieur Lenormand d'Etioles, parent de l'époux de Madame de Pompadour, et
l'amiral comte Yves de Kerguelon-Trémarec, navigateur (1734-1797) enfermé en
1774 à la suite d'une condamnation encourue pour avoir abandonné enmer un
canot et les hommes d'équipage montant ce canot.
Cependant, pendant la deuxième partie de la guerre de l'Indépendance
américaine (1778-1783), c'est-à-dire à partir du moment où la France eut
pris parti pour les treize états américains, de nombreux prisonniers de
guerre furent internés à Saumur. En 1789 le commandement et l'administration
du château étaient confiés à Louis-Henri-Georges Aubert de Saint-Georges du
Petit-Thouars, lieutenant du roi et gouverneur de la ville (oncle d'Aristide
du Petit-Thouars). En visitant le château les députés nantais de la
Fédération y trouvèrent quelques prisonniers et un vénérable vieillard dont
la barbe descendait jusqu'à la poitrine. Etendu sur une chaise longue,
attitude lui ayant été recommandée aux fins de se remettre d'une chute de 60
pieds, au cours d'une tentative d'évasion, c'était Jean Louis Kergus de
Trosugan, détenu depuis six ans, par lettre de cachet, sous prétexte de
folie. Le 9 juin 1793 le château fut pris et occupé par les Vendéens.
Pendant le Directoire et le Consulat plusieurs prisonniers anglais y furent
incarcérés. Le château fut déclassé après la paix d'Amiens (mars 1802). La
vieille citadelle était à ce moment en bien mauvais état, on allait
l'abattre, lorsque Napoléon 1er passa à Saumur le 12 août 1808. Sa visite
assura la conservation du château dont il ordonna la restauration. Peu de
temps après, Napoléon, par décret impérial du 3 mars 1810, reclassait le
château comme prison d'Etat. Les travaux de réfection n'étaient pas encore
commencés, deux tours étaient en ruines, une intervention d'urgence
s'imposait. Une somme de 265.000 francs prévue pour la remise en état fut
jugée insuffisante et les dépenses furent finalement évaluées à 322.000
francs. Les travaux, dirigés par l'ingénieur de première classe du corps
impérial des Ponts-et-Chaussées Normand, furent adjugés au sieur Caillaux,
entrepreneur à Saumur. Ils durèrent longtemps et, commencés en 1811, ne
furent achevés qu'en décembre 1813. L'établissement ouvrit enfin le 7
février 1814. Un commandant de gendarmerie, le chef d'Escadron Pihoux, en
était le directeur. Quatre-vingt-seize chambres disponibles dont
soixante-quinze pour les prisonniers et vingt et une pour le personnel
subalterne étaient aménagées, non compris un certain nombre de locaux
administratifs et de service (infirmerie, archives, cuisines, lingerie, etc),
et un cachot.
Désaffecté en 1830, le château devint arsenal militaire jusqu'en 1890. En
même temps les bâtiments de la cour adjacente étaient, occupés par diverses
fractions de régiments d'infanterie. Cependant, dès 1892, le docteur Peton,
maire de Saumur, songeait à récupérer le château au profit de la ville et à
l'utiliser. A cette époque il associa M. Magne, inspecteur général des
Monuments historiques au Ministère des Beaux-Arts, à cette œuvre de
restauration. En 1896, M. Magne fournissait un devis de travaux. Les
conseils municipaux de 1896, 1900, 1904 s'occupèrent pécuniairement de la
question. Enfin, par délibération du 10 janvier 1906, le conseil municipal
autorisa le maire à passer acte avec les représentants des trois ministères
intéressés (Guerre, Beaux-Arts, Finances) pour traiter et acheter à l'Etat
les bâtiments proprement dits du château. Le contrat passé, la Ville put
songer à commencer les travaux de restau ration. Le conseil vota un premier
crédit de 50.000 francs qui s'ajoutèrent aux 70.000 francs accordés par les
Beaux-Arts. Les travaux se poursuivirent de 1906 à 1912, les extérieurs
furent réfectionnés, les étages provisoires supprimés, les escaliers rendus
utilisables, les appartements rétablis dans leur état primitif dans deux
corps de bâtiments, les toitures plates provisoires de deux tours supprimées
et remplacées par des pignons pointus en poivrière. Enfin, en 1912, la Ville
installait dans une partie des locaux son Musée municipal et en même temps
accordait l'hospitalité, dans une autre partie, à la Société du Musée du
Cheval. Depuis 1912 de nouveaux travaux ont été exécutés et se poursuivent
au fur et à mesure des disponibilités pécuniaires.
Description du château de Saumur:
Bâti sur l'emplacement successivement occupé par le vetus truncus, puis par
le truncus, à 45 mètres au-dessus du niveau de la Loire, le château
comprenait quatre corps de bâtiments renfermant une cour carrée sous
laquelle s'étendait une vaste cave voûtée. Aux quatre angles extérieurs
s'élèvent quatre tours jadis couronnées de hautes toitures pointues. Ces
quatre tours sont cons truites sur deux plans: le plan inférieur circulaire
(jusqu'au niveau du milieu de la hauteur) et le plan supérieur octogonal
avec un pilier à chaque angle de l'octogone. Les quatre tours, dont deux
étaient en ruines à la fin du XVIIIe siècle, sont rétablies dans leur état
primitif comme nous l'avons dit. Dans la cour un avant-corps renferme
l'escalier d'honneur. Cet avant-corps, doté de quatre larges fenêtres
superposées, à frontons découpés et à balcons dotés de sculptures
renaissance, est décoré à l'extérieur par cinq niches dans lesquelles il y
avait autrefois des statues. Un écusson aux armes royales (trois fleurs de
lys) surmonte la fenêtre supérieure de l'escalier. A l'angle nord-est de la
cour il existe, au-dessus de l'entrée d'un autre escalier, un bas-relief de
forme semi-circulaire représentant deux lutteurs. L'entrée du château se
trouve au sud-est; un petit avant-corps, flanqué de deux tourelles en
encorbellement, protège cette entrée. Le corps de garde (qu'il ne faut pas
confondre avec la salle des gardes) était installé dans la salle unique de
cet avant-corps (on y voit encore la cheminée). Rappelons au passage que
jadis, avant la construction de l'enceinte bastionnée de Duplessis-Mornay,
la porte, qui faisait, communiquer directement le château avec la campagne
de Varrains, était dotée d'un pont-levis jeté sur le ravin. Ce pont-levis
était placé à proximité immédiate de la porte (porte de l'est ou des
champs). Il était doublé à l'intérieur par la herse dont on voit encore
l'emplacement et par une seconde porte, plus en arrière encore et en bordure
de la cour intérieure.
L'ornementation extérieure est presque nulle. Les fenêtres sont à
plates-bandes avec meneaux de pierre. Des ornements en style flamboyant se
remarquent cependant aux appuis d'un autre petit avant-corps qui fait
saillie à l'extérieur du château vers l'est. L'ornementation intérieure est
sobre. Les fenêtres sont décorées de sculptures représentant des choux
frisés. Dans les salles voûtées les nervures des voûtes sont à pans coupés.
Les autres salles, hautes d'étage et hardies de construction, sont dotées de
plafonds à poutrelles ou à soliveaux à moulures. Six escaliers, tous en vis,
desservent les étages. L'escalier d'honneur occupe la tourelle qui forme
avant-corps au bâtiment nord dans la cour intérieure. Les cinq autres sont
placés dans des tourelles accolées aux quatre tours et non dans les tours
elles-mêmes: un dans la tourelle nord (ne commence qu'au premier étage), un
dans la tourelle nord-est (accès aux Musées, c'était l'escalier desservant
jadis les appartements privés), un dans la tourelle sud-est (au-dessus du
logement du gardien-chef), enfin deux, dans la tourelle sud-ouest, qui ne
commencent à courir qu'à partir du premier étage et sont imbriqués l'un dans
l'autre sans jamais se confondre (on accède à ces deux escaliers en gagnant
tout d'abord le premier étage par l'escalier de la tour sud-est). A
remarquer que la tourelle sud-ouest est appelée communément la Tour du Guet
et cette désignation indique suffisamment son utilisation primitive.
Signalons en passant le puits sec, situé dans l'angle nord-ouest de la cour,
d'une profondeur de quarante mètres et doté d'un treuil. La légende rapporte
que ce puits, qui autrefois se trouvait à l'intérieur du bâtiment disparu,
communiquait par un souterrain avec une maison du boële, vraisemblablement
celle située à proximité de la porte ouest (extrémité inférieure de la
montée du château) et était utilisée, pour permettre le ravitaillement des
habitants du fort lorsque ce dernier était assiégé. Cette opinion manque
tout à fait de vraisemblance car il ne faut pas oublier que château assiégé
impliquait nécessairement occupation du boële par l'adversaire. Les
intérieurs ont été reconstitués dans deux corps de bâtiments seulement. Pour
terminer ne ménageons ni notre admiration ni nos remerciements à
l'administration municipale éclairée et avertie qui, en quelques années, a
su faire revivre notre vieux château et en assurer la conservation. (1)
Éléments protégés MH : le château et son enceinte bastionnée, y compris les
bâtiments édifiés dans l'enceinte, les fossés, le pont d'accès à la
basse-cour et le bastion en terre situé au sud-est :
classement par arrêté du 2 novembre 1964. (2)
château de Saumur 49400 Saumur, tél. 02 41 83 30 21, ouvert au public du 1er
avril au 30 septembre, accès au site tous les jours du mardi au dimanche de
10h à 13h et de 14h à 17h 30. En juillet et août présentation commentée en
Français et Anglais de l’histoire du site et de l’architecture du château.
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