|
Le Tourps était
anciennement une vaste et puissante forteresse, qui fut le théâtre de luttes
sanglantes à la fin du XVIe siècle. Nous ne connaissons rien de son
histoire, avant cette époque, mais nous avons des détails intéressants sur
la part très active que les seigneurs de Tourps prirent aux guerres de
religion du temps de la Ligue. C'est une page curieuse d'histoire locale, de
laquelle on peut induire ce qui se passait alors dans une grande partie de
notre France. Voici ce qu'on lit, en effet, dans le chartrier de Réville,
conservé aux Archives de la Manche: "François de la Cour, sieur du Tourps,
d'Anneville-en-Saire, fut un des plus intrépides ligueurs de la
Basse-Normandie. Après la mort de M. de Vicques, il employa, pendant six
mois, de cinq à six cents personnes aux fortifications de sa maison du
Tourps, et il se mit à la tête des troupes ordonnées pour résister aux
entreprises et violences des ennemis. Le château du Tourps fut assiégée en
septembre 1580; l'édifice endura vingt coups de canon et deux assauts, après
quoi le siège fut levé. Mais bientôt les ennemis revinrent à la charge, au
nombre de quatre à cinq cents, eurent trente hommes tués, et deux cents hors
de combat. Enfin, en 1590, ils firent un deuxième siège et tirèrent six
cents coups de canon. Les assiégés ne purent résister, et la maison fut
rasée. François de la Cour, faute d'une meilleure retraite, se retira dans
les bois avec quelques troupes et fit la guerre aux ennemis de Cherbourg, de
Valognes, de Barfleur". Il fut tué dans une rencontre sur le territoire de
Grenneville, en 1593.
Mais, après avoir vu raser son château, François avait brûlé des maisons de
la Haye-Réville, de Saint-Pierre, de Rauville, de Garnetot, de la Hougue, de
Theurteville et du Mesnil. Il avait défait le régiment de Canisy qui allait
au siège de Réville. Il avait fait une charge sur les ennemis du bourg
Saint-Pierre; détruit nombre d'hommes du capitaine La Chaussée, et à
Saint-Jean-du-Vicel, nombre des hommes du comte de Thorigny. Ces détails
sont tirés d'une lettre de Charles de Lorraine, duc de Mayenne,
lieutenant-général de l'État et Couronne de France du 11 décembre 1593,
portant amnistie et pleine décharge de tout ce que le dit sieur du Tourps
avait fait, puisqu'il l'avait fait dans l'intérêt de la Sainte Union
Catholique, ladite décharge s'étendant à son fils, François de la Cour, qui
avait combattu avec son père, avait exposé les faits et sollicité lesdites
lettres d'exemption. Le cahier qui renferme ces lettres contient aussi un
brevet de mestre de camp, délivré à François de la Cour, par le duc de
Mayenne, Paris, le 25 décembre 1593. François de la Cour, quoique Henri IV
eût abjuré, quoique Paris eût ouvert ses portes au roi, quoique toutes les
villes du royaume l'eussent reçu comme souverain légitime, François de la
Cour, continuant de tenir pour la Ligue, se renfermait dans le fort de
Tattihou, où, assiégé en 1595, il fut forcé de se rendre. M. de Canisy,
capitaine de cent hommes d'armes, lieutenant pour le roi au bailliage du
Cotentin, en l'absence de M. le comte de Thorigny, lui accorda, le 13
février 1596, une capitulation dont le chartrier de Réville nous fournit le
texte. Il y est dit: "Le sieur de la Cour sortira sur un de ses chevaux avec
ses armes; les gentilshommes qui l'assistent sortiront avec l'épée et la
cuirasse, et les soldats avec l'épée".
Notre cahier de la Ligue est incomplet. On y voit cependant qu'en 1597, le
roi ordonne que Louis de la Cour soit remis, réintégré et rétabli en la
pleine jouissance de tous les héritages confisqués sur François son père et
François son frère. Sa Majesté ordonne de plus que "les corps, têtes, et
tout ce qui reste des cadavres desdits sieurs de la Cour lui soient rendus
en l'état qu'ils sont pour les honorer de sépulture, et iceux défunts être
remis et rétablis en leur bonne fame et renommée". Louis de la Cour jure de
vivre en la religion catholique, apostolique et romaine, et fait serment de
fidélité au roi. Louis de la Cour rentra donc en possession de son domaine
du Tourps, mais il ne releva pas le château qui, comme on l'a vu, avait été
complètement détruit en 1590. Il n'en restait debout que le pan de muraille,
formé de blocs énormes de pierre, que l'on voit encore aujourd'hui, et qui
devait faire partie d'une enceinte extérieure, d'une première ligne de
défense de la place. Au milieu, s'ouvrent deux portes d'inégale grandeur, où
l'on retrouve les caractères de la fin du XVe siècle, ce qui prouve que le
manoir remontait au moins à cette époque. De chaque côté, d'étroites
meurtrières, percées dans une saillie du mur, en défendaient les approches.
A quelques pas en arrière, on trouve des vestiges presque informes de
murailles très épaisses qui devaient former l'enceinte intérieure, le
château proprement dit. Vers le début du XVIIIe siècle, la propriété du
Tourps fut achetée par M. de Vauquelin, qui fit commencer la construction du
château que l'on voit maintenant. C'est une grande et belle habitation, dans
le style un peu froid et banal de l'époque. Ce domaine est venu par héritage
à la famille de Mesnildot, qui le possédait encore au début du XXe siècle.
L'origine de cette famille est fort ancienne, comme en fait foi une charte
de Charles VIII, "autorisant le sieur Le Goupil et ses frères à transmuer
leur nom en celui de du Mesnildot, d'un fief qu'ils possédoient de grande
ancienneté à la Chapelle-en-Juger, près de Saint-Lô". La famille de
Mesnildot a pour armes: d'azur au chevron d'or bordé de gueules, accompagne
de 3 croisettes d'or, 2 en elle: 1 en pointe. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château, le salon et
la chambre attenante avec leurs décors, et l'escalier ; les façades et les
toitures de l'ensemble des bâtiments (logis manable, communs, chapelle,
pavillon de jardin); le potager et ses murs de clôture: inscription par
arrêté du 25 août 2005. (2)
château du Tourps 50760
Anneville-en-Saire, propriété privée, ne se visite pas.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Propriétaire de cet édifice, vous
pouvez enrichir notre base de données en nous adressant un historique
détaillé et des photos pour illustrer cette page, merci.
A voir sur cette page "châteaux
de la Manche" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
|