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Avranches qui occupe une
position élevée, a dû être habitée à une époque fort ancienne. Pour employer
l'expression consacrée, son origine se perd dans la nuit des temps; mais
nous ne savons absolument rien des faits qui marquèrent cette première
partie de son histoire. L'Avranchin fut occupé par une tribu gauloise nommée
les Abrincatui, et que leur ville principale n'était autre que la ville
d'Avranches, désignée sous le nom d'Abrinca, d'Abrincœ, d'Ingena ou de
Legedia Abrincatuorum. La ville du moyen âge est encore en partie sous nos
yeux, et malgré la destruction de la plupart de ses monuments, il nous est
très aisé de la décrire et d'en déterminer d'une façon précise la
configuration. Au XVIe siècle, l'historiographe François des Rues écrivait
"Avranches est située sur le sommet d'une montagne, sur un rocher assez
difficile à monter du côté de la mer. Estant sur les murailles de la ville,
on découvre du costé du Mont Saint Michel plus de trois ou quatre lieues de
terre blanche ou grise, sur laquelle la mer vient flotter, jusque fort près
du rocher lorsqu'elle est en son plein flux, venant s'espandre en une petite
rivière nommée Sée, laquelle passe par le bourg de Ponts-sous-A vranches. Du
costé du septentrion, l'on voit le plat païs, couvert de bois, de haute
futaye en plusieurs endroits et celuy du Parc, à deux lieues d'Avranches,
appartenant au seigneur évesque de ce lieu, quarante unièsme évesque
d'Avranches; basti par Louys de Bourbon, où il y a un fort beau chasteau,
lequel fit aussi bastir la maison épiscopalle laquelle est une des plus
fortes et des plus belles du royaume; mais ce magnifique monument fut tout
ruyné par le dedans, en l'an 1590, ce qui fut faict pour fortifier la ville
qui estoit assiégée, les faux bourgs de laquelle furent aussi presque tous
ruinés".
Très importante à l'époque ancienne comme place de guerre, Avranches avait
perdu depuis longtemps toute valeur défensive, lorsque vint à éclater la
Révolution; cependant elle avait conserve sa ceinture de remparts à peu près
intacte. On peut encore en suivre la direction, du jardin de l'évêche à la
place Bau d ange, en longeant ensuite tout le Promenoir, pour venir
rejoindre la cathédrale par le boulevard du Nord. Sur tout ce parcours, la
route quasi-circulaire, est jalonnée par des murailles, dont quelques-unes
ont gardé leur appareil primitif et leurs mâchicoulis et par des tours, plus
ou moins mutilées. Du côté de l'Évêché et du Promenoir, l'emplacement des
fossés, malgré les travaux de terrassement qui ont eu lieu, est encore
reconnaissable. On pénétrait dans la ville par deux portes: la porte
Baudange et la porte de Ponts. Il y avait une troisième entrée de la ville,
la Poterne, située sous la cathédrale, à l'extrémité des remparts du nord.
Entre la porte Baudange et la porte de Ponts, plus près de la première que
de la seconde, se trouvait le château. Il comprenait une double enceinte, un
donjon carré, des bâtiments d'habitation et de service, le tout couvrant une
étendue de terrain considérable. Le docteur Cousin attribue la fondation de
la forteresse féodale à Chilpéric. Sans pouvoir déterminer d'une manière
précise l'époque à laquelle elle fut construite, il paraît assez
vraisemblable qu'elle dut remplacer l'oppidum gaulois ou le castrum romain
et s'élever au lieu même que ces établissements de défense avaient dû
occuper. Quoi qu'il en soit, l'importance du château était considérable sous
les ducs de Normandie. Wace nous apprend qu'antérieurement Charlemagne le
visita; nous savons que Guillaume le Conquérant y séjourna et que le
puissant comte de Chester, Hugues le Loup, y fit sa résidence.
Comme toutes les forteresses, le château d'Avranches fut mêlé aux différents
événements militaires dans lesquels la province fut engagée. Le château vit
passer sous ses murs les bandes bretonnes de Conan, qui incendièrent et
pillèrent les faubourgs. Plus tard, il fut à peu près ruiné et démantelé par
Guy de Thouars. En 1418, la ville fut prise par les Anglais, placée sous
l'autorité du sire de Suffolk, et ne rentra en la possession du roi de
France qu'en 1450, après la victoire de Formigny. Vigoureusement attaquée
par le connétable de Richemont, elle dut se rendre après une résistance
acharnée, signalée par l'attitude énergique de la femme du gouverneur Lampet.
En 1563, la ville avait été au pouvoir des protestants, grâce à la félonie
du sieur de Fligny qui leur avait livré traîtreusement la fausse-porte ou
poterne dont il avait la garde; mais ce fut en 1590 qu'eut lieu le siège
dont la ville et le château eurent le plus à souffrir. Pendant plus de deux
mois, l'artillerie du duc de Montpensier, établie sur les hauteurs d'Olbiche,
foudroya la ville et le château. Le palais épiscopal, entièrement
reconstruit sous Louis de Bourbon, fut à peu près ruiné, le gouverneur
Odoart de Péricard fut tué et les dommages causes à la ville furent tels que
jamais, dans la suite, ils n'ont pu être complètement réparés. La sédition
des Nu-Pieds, en 1639, attira sur la ville et le pays d'Avranches de
nouvelles calamités. Le 16 juillet 1639, Charles Poupinel, sieur de la
Bérardière, lieutenant du bailliage de Coutances, qui était venu à Avranches
pour ses affaires, fut pris pour un monopolier et assassiné au moment où il
sortait de son hôtellerie; le lendemain, un agent du fisc fut massacré par
la populace, et, à partir de ce moment, les révoltés, qui occupaient les
faubourgs, se livrèrent à toutes sortes de désordres, ravageant les
propriétés, poursuivant les agents de la gabelle, incendiant les bureaux de
recettes.
Cette rébellion, qui avait pris d'inquiétantes proportions, motiva l'envoi à
Avranches du colonel Gassion, avec des forces considérables. Le 30 novembre,
les troupes royales entrèrent dans les faubourgs, après une vive résistance,
les livrèrent à toutes les horreurs d'une place prise d'assaut; des femmes
et des filles furent violées, et le pillage s'étendit jusqu'aux trois
églises, qui furent dépouillées de tous les objets précieux qu'elles
renfermaient; on ne respecta pas même les sépultures, que les soldats
ouvrirent et fouillèrent pour y chercher des trésors. Parmi les morts, du
côté de l'armée royale, figura le marquis de Courtomer, lieutenant de
Gassion, qu'un saunier du Val-Samt-Pair tua d'un coup de fusil. La
répression fut impitoyable. Beaucoup de révoltés furent passés par les
armes, d'autres, en vertu de sentences judiciaires, furent pendus aux ormes
du Promenoir. La ville d'Avranches, proprement dite, fut épargnée. Dès le
début des troubles, le sieur Carbonnel de Canisy, gouverneur, s'était retiré
dans le château, en avait fait fermer les portes et avait maintenu la
population dans le devoir. Ce fut là le dernier fait militaire dont la ville
d'Avranches fut le théâtre sous l'ancien régime. Dépourvu depuis longtemps
de toute valeur stratégique, le château d'Avranches avait été déclassé dans
le courant du XVIIIe siècle. Les différentes parties des fortifications de
la ville et du château avaient été successivement aliénées; quelques-unes
avaient été démolies, ou totalement transformées. Le donjon, resté debout au
milieu des murailles détruites et de quelques tours écrétées, ne pouvait
pas, à la longue, échapper au sort commun. Il garda cependant, durant de
longues années, malgré son état de délabrement, quelque chose de sa
physionomie primitive. A l'intérieur et à l'extérieur il présentait à
l'observateur les dispositions qui se rencontrent habituellement dans les
donjons normands de cette époque reculée.
Tous les historiens locaux ont parlé de la grande salle d'armes de l'étage
inférieur, que M. Le Héricher a décrite en ces termes: "Entre deux tours se
trouve le donjon, de forme carrée, bâti généralement en opus spicatum. Dans
cette résidence des vicomtes, gouverneurs d'Avranches, on remarque des
cintres en briques, et une très belle voûte incomplète, dont les pierres
ressemblent à des stalactites. C'était autrefois une salle d'armes". Il y
avait quelque chose de plus frappant, c'était le mur élevé qui se dressait
fièrement au-dessus de la rue d'Office et qui attirait l'attention par son
jet hardi et par le caractère de son appareil. Le donjon, en effet, comme
l'a reconnu M. Le Héricher, était construit entièrement en "opus spicatum",
avec chaînes et ouvertures cintrées en briques. Cette disposition permettait
d'assigner à cette construction une date bien antérieure à la réparation que
fit exécuter saint Louis aux fortifications. Cet appareil spécial, avec
cintres et chaînes de briques, était, à notre sens, la grande curiosité du
donjon et révélait à tous sa rare antiquité. Désormais nous n'aurons plus ce
spectacle sous les yeux. Le 29 février 1883, par suite d'infiltrations, que
l'on ne fit rien pour empêcher, tout un pan se détacha de la construction et
s'écroula avec un fracas épouvantable. La catastrophe se produisit vers onze
heures du soir, écrasant, sous une masse énorme de décombres, les maisons
neuves bâties en bordure le long de la rue d'Office. Aujourd'hui, de solides
maçonneries empêchent l'écroulement du reste de la construction militaire;
mais ce qui subsiste encore n'est plus qu'un débris sans caractère: le vieux
donjon a vécu. (1)
Éléments protégés MH : la tour située derrière l'Hôtel de Ville :
inscription par arrêté du 14 mai 1937 (2)
château d'Avranches, place d'Estouteville, 50300 Avranches, tél : 02 33
58 00 22, visite libre toute l'année, au sommet d'un mur de courtine
crénelé, on découvre un panorama sur la baie et la vallée de la Sée, au cœur
des différents quartiers Avranchinais.
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