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Le bourg de Bricquebec (chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Valognes) est agréablement situé au milieu d'un riant
paysage. Ainsi que le prouve son nom d'origine saxonne, c'est une localité
ancienne. L'église paroissiale de Notre-Dame date, en grande partie, du XIe
siècle, et offre un bon modèle de l'architecture romane de cette époque.
Jusqu'à une époque assez rapprochée de nous, il existait aussi dans cette
paroisse une chapelle de Sainte-Anne, reste d'un ermitage et d'un couvent de
Camaldules; une chapelle de Sainte-Croix, et enfin un ermitage et une
chapelle appartenant à l'abbaye de Saint-Sever. Le fief de Bricquebec avait
une grande importance au moyen âge, et il la conserva jusqu'à la Révolution.
Lorsque les Normands s'établirent en Neustrie, un des parents du duc Rollon,
nommé Anslech ou Ansbert, obtint, dans le Cotentin, des domaines étendus,
entre lesquels Bricquebec se trouvait compris. Son fils, Turstin de
Bastembourg, fut père de Guillaume, qui prit le nom de Bertran, tige des
seigneurs de Bricquebec, et de Hugues le Barbu ou à la Barbe, ancêtre des
comtes de Montfort-sur-Hisle. Guillaume Bertran accompagna Guillaume le
Bâtard à la conquête de l'Angleterre. Wace lui donne le nom de Robert:
"Robert Bertram ki esteit torz (boiteux); Mult i out homes par li morz".
Sept de ses descendants portèrent ce prénom de Robert. L'un d'eux devait au
roi, d'après les registres de Philippe-Auguste, le service de cinq
chevaliers, et était au nombre des seigneurs normands portant bannière. Un
autre obtint de Charles IV, au mois de juillet 1325, l'établissement de deux
foires, l'une à la Sainte-Catherine, l'autre à la Saint-Nicolas, en mai,
dans le domaine de l'Étang, et, en 1330, il donna à l'église cathédrale et
au chapitre de Coutances, une rente perpétuelle de 12 livres tournois à
prendre sur les revenus de ses marchés et foires de Bricquebec.
Guillaume Bertran, évêque de Bayeux, et son frère Robert Bertran, seigneur
de Bricquebec et de Roncheville, maréchal de France, jouèrent un rôle
important en Normandie dans la première moitié du XIVe siècle. Ils
figurèrent tous les deux parmi les députés des trois États de la province,
envoyés pour représenter au roi les maux que produirait la perception des
subsides extraordinaires établis en Normandie à cause de la guerre entre la
France et l'Angleterre. S'ils ne purent obtenir le retrait de ces impôts, le
roi leur accorda du moins la confirmation des privilèges de la province et
le droit d'y assembler des États chaque année. Les Bertran possédèrent
Bricquebec jusqu'à la fin du XIVe siècle. A cette époque, Jeanne Bertran
épousa Guillaume Paynel, baron de Hambye, et lui apporta en dot Bricquebec
et les vastes domaines qui composaient cette seigneurie. Quelques années
plus tard, Jeanne Paynel, par son alliance avec Louis, sire d'Estouteville,
fit entrer dans la famille de celui-ci les baronnies de Bricquebec et de
Hambye. Ces deux terres, qui donnaient à leurs possesseurs droit de séance à
l'Échiquier de Normandie, eurent dès lors les mêmes destinées. Louis
d'Estouteville, devenu le plus riche seigneur du Cotentin, et peut-être de
toute la Normandie, ne jouit pas longtemps de ses nombreux domaines. L'année
même de son mariage, avait lieu la funeste bataille d'Azincourt et, bientôt
après, l'époux de Jeanne Paynel, resté fidèle à la cause du roi de France,
vit ses fiefs confisqués par les Anglais. Il les recouvra en 1450. A partir
de 1534, Bricquebec passa dans les maisons de Bourbon-Saint-Paul, d'Orléans-Longueville
et de Matignon, puis à une branche des Montmorency, qui conserva cette terre
jusqu'à la Révolution.
De tous les châteaux de la Basse-Normandie, celui de Bricquebec rappelle le
mieux les grandeurs de la féodalité et doit arrêter le plus longtemps
l'archéologue. Son vaste donjon et son enceinte polygonale, flanquée de
tours en ruines, s'aperçoivent de très loin à la ronde et présentent un
aspect des plus pittoresques. Le château de Bricquebec, comme la plupart des
édifices de ce genre, se composait de constructions d'époques différentes,
depuis le XIe jusqu'au XVIe siècle inclusivement. Mais, de nos jours, ainsi
que l'a constaté M. Th. du Moncel, que je suivrai dans sa description de la
vieille forteresse, on ne retrouve à peu près rien de la première de ces
époques, dont les caractères se rencontraient, dit-on, dans la chapelle
détruite peu de temps avant 1789. Une motte presque entièrement factice,
ayant I7 mètres de hauteur, et 50 mètres de diamètre à la base, supporte le
donjon, haut de 22 mètres, puissante masse rappelant celles de Coucy et de
Montrichard. On y pénétrait au moyen d'une échelle ou d'un escalier volant,
par une ouverture qui se trouvait à 6,30 mètres au-dessus du sommet de la
motte. L'épaisseur du mur est de plus de deux mètres à cet endroit. Ce
donjon octogonal est peut-être du XIIIe siècle. Il a été retouché à
plusieurs reprises, car on y retrouve le style des XVe et XVIe siècles dans
les escaliers, dans les cheminées, ainsi que dans des ouvertures à cintre
surbaissé et ailleurs. Il était divisé en quatre étages, dont les voûtes ou
les planchers n'existent plus. On y accédait par un escalier, éclairé par de
très étroites ouvertures et terminé par une sorte de tourillon, aujourd'hui
en ruines. Le sommet du donjon était couronné par un gros pavillon surmonté
d'un toit pointu, dont il ne reste plus qu'un mur circulaire, vestige d'un
étroit chemin de ronde, que soutiennent encore, çà et là, quelques
mâchicoulis.
L'enceinte était garnie de plusieurs tours, aujourd'hui démantelées,
présentant à peu près les mêmes dispositions que le donjon. Dans
l'intérieur, se trouvaient des maisons manables, dont une était sans doute
presque entièrement occupée par une de ces vastes salles que l'on rencontre
souvent dans les châteaux forts, et qui s'appellent parfois cc salle des
chevaliers. Celle-ci est convertie en écurie. Dans le reste de l'édifice, il
faut examiner deux portes romanes, des baies géminées en plein cintre et une
belle fenêtre de la Renaissance en arc Tudor, avec des torsades et des
écussons intercalés. Auprès de ce bâtiment, il y avait une autre
construction fort curieuse, à en juger par ce qui en subsiste, c'est-à-dire
par ses caveaux. Rien dans ce château n'est plus imposant, ajoute M. du
Moncel, et en même temps plus riche en détails d'architecture, que cette
espèce de crypte, destinée probablement, dans l'origine, à servir de caveau
mortuaire. La voûte est soutenue par quatre rangées de piliers,
alternativement cylindriques et octogones et donnant naissance à un triple
faisceau d'arcades d'un effet des plus surprenants. M. de Gerville ne pense
pas que le château de Bricquebec ait soutenu de sièges dignes d'être
mentionnés. En 1365, il appartenait au roi de Navarre, qui venait d'en être
remis en possession; de 1418 à 1450, il fut occupé par les Anglais. Le
maréchal de Matignon ne cite pas cette forteresse parmi celles du Cotentin
où il fallut mettre une garnison en 1562. En décrivant le donjon de
Bricquebec, M. du Moncel ajoutait: "Il est inutile de dire que d'un point
aussi élevé, la vue est admirable. Le regard plonge d'abord sur la forêt et
les maisons du bourg, échelonnées sur la pente rapide du mamelon que
couronne ce château, va se perdre au loin sur les communes de Quettetot, du
Vretot, du Valdecie, de Fierville, de Besneville, de Magneville, tandis que,
dans un lointain moins fugitif, il s'arrête sur le couvent de la Trappe;
puis sur les routes de Néhou, de Cherbourg, de Carteret, qui forment autant
de ceintures autour de la forêt; enfin sur la vieille église romane de
Bricquebec, sa belle avenue de chênes, ses jardins remplis de fleurs et de
verdure, et ses places sur l'une desquelles on remarque la statue du général
Le Marois". (1)
Éléments protégés MH : les restes du château de Bricquebec : classement par
liste de 1840. (2)
château fort de Bricquebec, place Sainte-Anne, place Le Marois, 50260
Bricquebec, tél. 02 33 40 11 55 ou 02 33 52 21 65, situé au centre même du
bourg de Bricquebec, ouvert au public, visites des vacances de Pâques
jusqu’à la fin de l’été, chaque samedi à 16h30.
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