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Cerisy eut un
château dès le XIe siècle, et un de ses seigneurs suivit, en 1096, Godefroy
de Bouillon allant à la conquête de la Terre Sainte. Ce château était le
centre d'un fief de haubert qui fut donné, en 1327, à Robert de Pierrepont
par Eustache de Pirou. Au XVIe siècle, le château fut possédé par les
Caillebot, marquis de la Salle, dont le fief s'étendait sur plusieurs
paroisses. Ce sont ces seigneurs qui donnèrent leur nom à Cerisy, qui
s'appela alors Cerisy-la-Salle. Les Caillebot étaient patrons de Cerisy.
L'un d'eux, Louis Caillebot, épousa une demoiselle Martel dont l'oncle
devint évêque de Coutances en 1560, sous le nom de frère Etienne Martel de
Bacqueville. Le château passa, du vivant des Caillebot, dans la famille des
Richier, où il resta jusqu'à la Révolution. Il fut, pendant toute la période
des guerres de religion, le centre protestant le plus actif de la région. A
la révocation de l'édit de Nantes, quatre-vingts dragons furent envoyés au
château de Cerisy pour se saisir de ses habitants. Un peu plus tard, on
enleva au seigneur de Cerisy son fils pour le faire élever de force chez les
jésuites de la Flèche. La famille Richer ou Richier a compté parmi ses
membres des hommes qui, à des titres divers, ont joui d'une certaine
notoriété. Un Christophe Richer, né en 1513 et mort en 1553, a laissé des
travaux historiques estimés et fut mêlé à d'importantes négociations
diplomatiques. Un autre membre de la famille Richier, Jacques Richer, né en
1708, reçut, après de brillantes études, le grade de docteur en Sorbonne, et
entra dans le sacerdoce, en 1732. Dès son retour à Cerisy, il s'occupa de
convertir les protestants qui se trouvaient encore dans sa paroisse natale
et obtint d'eux la destruction de leur temple, qu'on appelait la Chaire au
Diable. Aujourd'hui, on montre encore la place qu'occupait cette
construction au nord de la paroisse, près du village de la Ravaudière, ainsi
que le champ ou cimetière des huguenots. Nommé vicaire général de Rouen, il
fut sacré, le 22 août 1761, évêque de Lombez, petite ville de la Gascogne,
dans le comté de Comminge et dans l'archevêché de Toulouse.
Mgr Richier mourut en 1771, à Montpellier, où il était allé demander à la
célèbre faculté de cette ville les soins que réclamait une grave maladie.
Son cœur fut rapporté dans l'église de Cerisy. On grava, sur une plaque de
cuivre, le résumé de sa vie pastorale: "Ici repose le cœur de haut et
puissant seigneur Jacques Richier, seigneur et patron de Cerisy, Annoville,
Saussey et autres lieux, abbé de Changes et évêque et seigneur de Lombez.
Illustre par sa naissance, il fut encore plus recommandable par ses talents
et ses vertus. Il convertit les hérétiques par son zèle vraiment
apostolique, ramena les pécheurs par ses exhortations et ses exemples, fit
le bonheur de tout ce qui l'environna. Il fut le père de l'orphelin et le
protecteur de la veuve, l'asile assuré des malheureux, l'objet et l'amour de
son troupeau et le bienfaiteur de sa ville, qu'il rendit commerçante et
praticable en arrêtant les inondations qui la désolaient. Plein de mérites
et de bonnes œuvres, il mourut à Montpellier, d'où son corps fut transporté
à Lombez, le 15 juillet 1 771. Très haute et très puissante dame, Madame de
Cerisy, sa belle-sœur, et Mademoiselle de Cerisy, sa nièce, ayant recouvré
son cœur, arrosant de leurs larmes ces précieux restes, l'ont déposé dans ce
lieu sacré, auprès de cet autel érigé par ses soins et ont élevé ce monument
de leur piété et de leur reconnaissance à la mémoire de cet illustre
prélat". Au-dessus de cette plaque sont les armes des Richier, qui
portaient: "de sinople à la bande d'argent accompagnée de deux filets de
même; au lion d'or passant, en chef".
C'est aussi à la famille Richer qu'appartient un personnage énigmatique,
autour duquel il s'est fait toute une légende de galanterie, d'audace et
d'aventures. Richer-Cerisy, né à Caen en 1764, fut l'ami et le collaborateur
de Camille Desmoulins. Rédacteur de l'Accusateur public, où il déploya un
talent de polémiste hors ligne, il fut condamné à mort, mais réussit à se
faire gracier. Chargé en 1801, par les Bourbons, d'une mission secrète à
Madrid, il mourut à Londres en 1803. Le dernier seigneur de Cerisy, Gédéon
Richier, chef d'escadron de cavalerie, siégea, en 1789, dans l'Assemblée des
trois ordres, du grand bailliage du Cotentin. Il fit partie de l'émigration.
Le 18 germinal an II, l'administration du Directoire du district de
Coutances vendit le château de Cerisy et la ferme de la Basse-Cour, pour le
prix de 102000 livres, au citoyen Pierre-Joseph Hocquet, marchand, demeurant
à Coutances. L'acheteur ayant été déclaré déchu, par un arrêté préfectoral
du 7 nivôse an IX, ce même domaine fut revendu, trois ans après, au citoyen
François Duherissier de Gerville, qui le revendit, le 2 octobre 1819, pour
la somme de 40000 écus, à M. Savary, capitaine en retraite, père d'un
magistrat des plus distingués et grand-père de M. Charles Savary, ancien
député et sous-secrétaire d'État. Le château de Cerisy appartenait au début
du XXe siècle à Madame Marguerite Manou, veuve de M. Charles Savary, et
remariée en secondes noces à M. Gaston Paris, de l'Académie française.
C'est à la famille Richer que l'on doit la construction du château actuel.
Composé d'un bâtiment central flanqué de deux pavillons formant corps en
saillie, il est entouré de larges et profonds fossés qui impriment à cette
belle demeure un caractère imposant. On remarque à l'intérieur un magnifique
escalier en granit, des plafonds à poutres saillantes et peintes, du plus
riche e et de splendides cheminées, surtout celle du salon, qui est ornée de
colonnes et de cariatides soutenant de brillantes corniches. On y voit aussi
divers écussons des Richier et, en particulier, de l'évêque de Lombez. Les
bâtiments de la ferme présentent un intérêt réel, en raison de l'ancienneté
et de la solidité de leur construction; la grange avec une belle entrée
cintrée et son pigeonnier, un pavillon au toit élance et hardi, est à
remarquer, ainsi qu'une arcade soutenue par de lourds piliers pleins de
caractère: c'est "l'ancienne Chartrée". Au centre de la cour, au-dessus de
l'entrée de la vallée, une vieille pierre porte la date: 1613/IR, mais la
partie gauche de la ferme, celle des arcades, est certainement plus
ancienne. (1)
Éléments protégés MH : les dépendances, sauf celles classées : inscription
par arrêté du 31 mai 1946. Le château avec ses décors peints, les terrasses,
les fossés et leurs ponts, les vestiges de l'ancien château, la barbacane,
la ferme, à l'exclusion des écuries situées au nord-est du château :
classement par arrêté du 4 juillet 1995 (2)
château de Cerisy 50210 Cerisy-la-Salle, tél : 02 33 46 91 66, ouvert au
public les jeudis en juillet et août à 15h et à 16h30.
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