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Château de Chanteloup (Manche)
 
 

              Le château de Chanteloup est situé entre Coutances et Granville, à deux kilomètres du bourg de Bréhal. Il comprenait une forteresse féodale à laquelle s'était ajoutée une somptueuse habitation marquée du plus pur cachet de la Renaissance. Malgré les changements amenés par le temps et par les révolutions, le groupe de constructions qui subsiste a conservé ce double caractère. A l'exception de deux qui sont encore debout, les avenues qui menaient à ce bel édifice ont été abattues depuis longtemps, et la solitude qui l'enveloppe paraît d'autant plus complète que, dans cette campagne monotone, l'attention n'est distraite par aucun accident de terrain. Les annales de la forteresse débutent par une longue période d'obscurité. Nous trouvons le nom de Chanteloup dans une charte de 1022, souscrite au profit des moines du Mont Saint-Michel. M. Chaumeil croit qu'un Chanteloup dut accompagner Guillaume le Conquérant; nous en trouvons trois, dès 1090, à la croisade à la suite de Robert le Magnifique. La famille fut puissante en Angeterre; elle y possédait d'immenses domaines. Parmi ses membres les plus illustres, on peut citer Thomas de Chanteloup qui devint évêque d'Héresford. Il mourut le 25 aoùt 1282 et fut canonisé en 1310. On sait que M. de Mesly a soutenu récemment que les vêtements sacerdotaux que l'on conserve pieusement à Lisieux et que l'on considère comme ayant appartenu à saint Thomas de Cantorbery devaient être restitués à saint Thomas de Chanteloup. Quoi qu'il en soit de cette question d'attribution, qui soulève d'assez sérieuses difficultés, on peut constater qu'en 1286, Agnès de Chanteloup, fille de Guillaume, porta la seigneurie dans la puissante maison de Paynel, par son mariage avec Foulques III.
Il eut quatre fils; l'un d'eux, Nicole, eut pour son héritage, le château de Chanteloup et épousa Marie de la Champagne. Comme les Paynel et les la Champagne restèrent fidèles à la France pendant l'occupation anglaise, le roi Henri V s'empara de Chanteloup et en transporta la propriété à Jean Harpedint ou Harpedenne, capitaine anglais, en récompense de ses bons et loyaux services. L'acte de donation, du 16 mars 1418, est ainsi conçu: "Pro bono et acceptabili servicio quod nobis impendit et impendet in futurum, dedimus et concessimus ei Turrim et Dominium de Chantelou que fuerunt Johanne de Champayn que fuit uxor Nickolsu Paignel adhuc absentis". Ces mots "adhuc absentis, encore absent", indiquent qu'à l'exemple de beaucoup de gentilshommes en Normandie, les la Champagne et les Paynel avaient préféré l'exil à la honte de la domination étrangère. Fidèle aux sentiments patriotiques de sa race, la fille de Nicole Paynel épousa le chef du parti français en Normandie, le glorieux défenseur du Mont Saint-Michel, Louis d'Estouteville. Aussitôt après la bataille de Formigny, qui préludait à l'expulsion définitive des Anglais, d'Estouteville fut remis en possession de tous ses biens, notamment du grand domaine de Chanteloup. Lui mort, le château passa successivement aux mains de Michel d'Estouteville, de Jacques d'Estouteville, d'Antoyne d'Estouteville. En 1550, par le mariage de Jacqueline, fille de ce dernier, le château entra dans la maison des Regney de Bouille. Une de Bouille épousa, en 1644, Messire Henry de Daillon, comte du Lude, qui vendit le château à Jean de Montgommery en 1652. C'est une Montgommery, Marie-Anne Tot, veuve du marquis de Thiboutot, qui aliéna le château au profit de Messire Pierre Duprey, ancien lieutenant civil et criminel au bailliage de Coutances et propriétaire d'établissements importants à Saint-Domingue. Après sa mort en 1799, le château a été possédé par MM. Philippe Abaquesné de Parfouru, Patient-Aimable de la Valeinerie, Camille de la Valeinerie. M. Henry de Lancesseur, par suite de son mariage avec Mademoiselle de la Valeinerie, fut propriétaire au début du XXe siècle.
Ces détails un peu arides ont leur importance. Indépendamment de cette énumération des seigneurs successifs de Chanteloup, les deux faits les plus saillants qui rappellent la vieille forteresse ont trait aux guerres anglaises du XVe siècle et aux guerres religieuses du XVIe siècle. Ce fut, ainsi que nous l'avons indiqué, en 1418 que les Anglais s'emparèrent de Chanteloup et y mirent garnison. Ils devaient y rester trente et un ans. Nous ignorons dans quelles conditions se fit cette prise de possession; nous savons seulement que Nicole Paynel, occupé vraisemblablement à guerroyer ailleurs, était absent. En 1421, le roi d'Angleterre, pour s'exonérer des frais de garde, donna l'ordre à Suffolk de raser divers châteaux-forts, au nombre desquels se trouvait Chanteloup. En ce qui concerne cette dernière forteresse, l'ordre ne fut pas exécuté, soit à cause des frais que l'opération eût entraînés, soit parce que le domaine et le donjon avaient été concédés en pur don au capitaine Harpedenne. En 1449, Chanteloup devait être repris par les Français, commandés par Louis d'Estouteville lui-même, "L'armée du duc de Bretagne, écrit M. Le Breton, partit du Mont Saint-Michel et se rendit à Coutances, qui dut capituler après deux jours de siège (11 septembre 1449). Louis d'Estouteville, avec son fils cadet, le sire de Briquebec, avait accompagné le duc de Bretagne et laissé la garde du Mont à son fils aîné, M. de Moyon, son lieutenant. Le jour même de la prise de Coutances, Louis d'Estouteville chassait les Anglais du château de Chanteloup et y mettait garnison". Pendant les guerres de religion, Chanteloup entre de nouveau en scène. En l'absence de Messire Regney de Bouillé, qui servait dans les armées du roy, le château avait pour gouverneur Nicolas Fortin, de Cuves, qui y commandait une assez forte garnison.
Attaqué par La Moricière, qui était à la tête du parti de la Ligue dans l'Avranchin, Fortin se défendit avec une telle opiniâtreté qu'il n'entra en composition qu'après sept mois de résistance .La Moricière, sire de Vicques, fut tué plus tard au siège de Pontorson; il s'était illustré par la reprise du Mont Saint-Michel sur les bandes protestantes. Quant au défenseur de Chanteloup, il fut anobli en 1592, et dans les lettres qui lui furent octroyées, on mentionne, tout à la fois, le courage qu'il avait montré à la bataille d'Ivry et au siège d'Honfleur, ainsi que la bravoure dont il avait fait preuve en défendant le château de Chanteloup contre de Vicques. Ce siège de 1592, si honorable pour le capitaine Fortin, a laissé des traces assez visibles dans les murailles formant l'enceinte du château; la Révolution leur valut de bien autres désastres, par application de la loi qui ordonnait la destruction des armoiries et de tous les signes pouvant rappeler la féodalité ou la royauté. Dès qu'elle eut connaissance de cette loi, Madame Duprey, aidée de son gendre M. de Parfouru, s'était empressée de raser le donjon jusqu'à la hauteur du second étage, d'enlever le pont-levis, de combler l'arche du pont de pierre, de briser tous les écussons d'armoiries existant, soit sur les plaques à cheminée, soit sur les murs, à l'extérieur ou à l'intérieur de l'habitation. Il parait que cela ne suffisait pas. "Le citoyen commissaire déclare avoir examiné la façade de la maison vulgairement appelée le château de Chanteloup et y avoir remarqué un très grand nombre de signes de royauté, dauphins, poissons, figures, sans pouvoir en exprimer le nombre". Madame Duprey, pour se mettre tout à fait en règle et sortir d'embarras, eut l'heureuse inspiration d'avoir recours à un architecte du pays, nommé Charette. Le certificat délivré par celui-ci et la requête explicative adressée par Madame Duprey, publiée pour la première fois par M. Chaumeil, sont des pièces du plus haut intérêt. Hélas on dut faire la part du feu.
Cet architecte, nous dit la requête, eut la complaisance "de se transporter au château et, en présence de la municipalité de Chanteloup, il l'examina au dehors et au dedans. il n'y trouva, ni fleurs de lys, ni armoiries, mais seulement la représentation de quelques armes antiques dont sans doute on faisait usage dans le temps où ladite maison avait été bâtie, telles que des armes, des fléchés, des carquois, des casques, des cuirasses, des boucliers. Quoique ces représentations ne pussent être regardées comme des armoiries, il les fit cependant effacer. Il fit également effacer deux têtes de profil qui étaient représentées dans des médaillons". Mais après ces concessions, faites bien à regret à la sottise humaine ou à la passion révolutionnaire, notre architecte défendit énergiquement "deux grandes lettres placées dans un endroit des plus apparents qui sont enlacées dans des lacs d'amour et qui étaient probablement les lettres initiales des propriétaires qui firent construire cette maison". Il défendit de même les dauphins, les poissons et les autres détails d'ornementation artistique, incriminés par le citoyen Fremin. "J'ai remarqué, dit-il, sur cette façade, deux poissons, qui environnent une croisée au-dessus d'une porte, dite la chapelle, que j'ai jugés n'être des signes de royauté ou de féodalité. Pour quoi j'ai dit qu'il était inutile de les détruire, ne les croyant contraires à l'esprit de la loi. Je n'ai jamais pu regarder ni ne regarderai comme armoiries les figures de poissons, syrènes, enfants et masques, qui décorent la maison dont est question puisqu'ils ne sont nullement disposés dans l'ordre prescrit par les anciennes règles du blason, que je sçai pour avoir gravé ce genre d'anciennes distinctions nobiliaires depuis ma tendre jeunesse jusqu'à la Révolution actuelle".
Je n'ai pas pu résister au plaisir de citer ce passage du procès-verbal. Il me semble que, dans la circonstance, cet honnête Jacques Charette fit preuve d'une certaine décision, nous dirions volontiers d'un certain courage. Nous sommes d'ailleurs convaincu que c'est à son intervention fort opportune qu'est due la conservation de tous ces détails charmants de la façade du château qui fait aujourd'hui l'admiration des artistes et des archéologues. M. Renault s'est longuement étendu sur les faits historiques dont Chanteloup a été le théâtre, mais il ne s'est guère attaché à décrire le château. Chose singulière, cet archéologue, d'une exactitude habituellement si minutieuse, ne paraît pas avoir soupçonné la beauté de la façade, d'une décoration si riche et si originale, si bien que nous serions porté à penser qu'il n'a vu Chanteloup que de loin et qu'il n'a jamais pénétré dans là cour d'honneur. Le château forme un polygone irrégulier, entouré d'eau de tous les côtés. Cet ensemble imposant mesure, au témoignage de M. Chaumeil, cent-soixante mètres dans tout son pourtour. On y accède sur un pont en pierre de deux arches qui aboutit à un porche autrefois muni d'une herse et d'un pont-levis. L'attention du visiteur doit se porter tout d'abord sur le porche d'entrée et le donjon, qui rappellent la vieille forteresse féodale, pour s'arrêter ensuite sur le château proprement dit, élevé et décoré avec un luxe infini, à l'époque la plus brillante de la Renaissance. Le porche est un petit bâtiment carré, à toiture en bâtière, flanqué de deux grosses tours saillantes. La Révolution, ainsi que nous l'avons déjà vu, lui a enlevé sa porte et son pont-levis; mais bien auparavant, par mesure d'économie, on avait supprimé les mâchicoulis qui en couronnaient les tours et substitué aux anciens toits pointus, la toiture lourde et disgracieuse qui les recouvre aujourd'hui.
Le donjon a été encore beaucoup plus maltraité. Il comprenait à l'origine une salle voûtée, à porte basse, au rez-de-chaussée, surmontée de quatre chambres superposées; ces chambres, qui occupaient chacune un étage, étaient éclairées par une fenêtre à meneaux de pierre disposés en croisillon. Le donjon se terminait par une toiture écrasée, autour de laquelle régnait une galerie d'où l'on découvrait une grande étendue de terrain jusqu'à la mer. En 1792, en même temps qu'elle faisait disparaître le pont-levis du porche, Madame Duprey rasait le donjon jusqu'à la hauteur du second étage. Le château, dont la façade, tout en granit, ne mesure pas moins de 35 mètres, mérite de nous arrêter davantage. Elle a été entièrement couverte de sculptures, du goût le plus délicat, par des artistes dont on doit admirer d'autant plus l'habileté que leur ciseau avait à s'exercer sur une pierre d'une résistance extrême et se prêtant peu aux caprices d'une décoration aussi riche et aussi compliquée. Il serait difficile, écrit M. Chaumeil, de décrire ces mille sujets, fleurs, amours, enfants et dauphins, disséminés parmi les festons et les feuilles d'acanthe. Malgré les éliminations opérées par l'inquisition révolutionnaire, qui fit disparaître les boucliers, les flèches et les carquois, considérés comme attributs guerriers ou féodaux, nous ne tenterons pas de passer en revue ces motifs divers d'énumération. M. Palustre, admirateur passionné de Chanteloup, n'a pas songé à entreprendre cette tâche. Il a fait plus et mieux. En rapprochant ce château, du château de Lasson dans le Calvados, il a déterminé le caractère de cette ornementation exubérante et révélé, en même temps, la date à laquelle elle s'était produite et le nom de l'architecte auquel elle devait être attribuée.
Si Lasson a été bâti par Hector Sohier, à plus forte raison doit-on attribuer à ce maître le beau château de Chanteloup. Antoine d'Estouteville fut propriétaire du château, de 1513 à 1536. Ces dates, qui coïncident avec l'époque des grands travaux exécutés par Hector Sohier dans le Calvados, concordent parfaitement avec le caractère architectural des édifices civils et religieux du XVIe siècle. Nous croyons, par conséquent, pouvoir conclure de là que c'est bien à Hector Sohier qu'il convient d'attribuer la décoration de Chanteloup, et que l'honneur d'avoir commandé et fait exécuter cette luxueuse et dispendieuse construction revient incontestablement à Antoine d'Estouteville, qui a pris soin de faire graver sur la pierre, enlacées ensemble, les initiales de son prénom et du prénom de sa femme. Le passage des d'Estouteville a été heureux pour Chanteloup qui leur doit sa beauté artistique et les plus glorieux souvenirs historiques. L'intérieur de cette aristocratique demeure a perdu malheureusement presque tout son caractère; on y voit cependant encore une porte très richement sculptée, quelques panneaux peints, de date ancienne et qui ne sont point sans intérêt, de grandes cheminées en granit, de forme et de dimensions vraiment monumentales. Le château de Chanteloup a été loué à long terme par M. de Lancesseur à M. le comte Amelot de Chaillou, ministre plénipotentiaire. Ç'a été une bonne fortune pour Chanteloup. A l'intérieur, on peut aujourd'hui admirer deux nouvelles salles. Dans l'une, d'aspect très artistique, a été installée la bibliothèque; l'autre nous offre la reconstitution, avec ses dimensions primitives, de la Salle des Gardes telle qu'elle était du temps des d'Estouteville. A l'extérieur, d'importants travaux de reconstruction ont eu lieu à la grande tour du midi, qui a été relevée, avec un soin minutieux; la façade a été débarrassée des végétations parasites qui la déshonoraient, elle a eu pour résultat de rendre au jour un grand nombre de fines arabesques que la poussière, la mousse et le lichen masquaient entièrement, ainsi que ce qui reste des inscriptions gravées au-dessus des ouvertures du rez-de-chaussée. Par ces réparations, par des arrangements intérieurs, par leur large et gracieuse hospitalité, M. le comte et Madame la comtesse Amelot de Chaillou ont ramené la vie dans le vieux château: c'est comme le rappel, discret et encore plein de charme, des jours brillants d'autrefois (1)

Éléments protégés MH : le château sauf parties classées : inscription par arrêté du 16 mai 1929. les façades et les toitures de la partie Renaissance; la porte de la grande salle avec ses vantaux peints: classement par arrêté du 27 septembre 1975 (2)

château de Chanteloup 50510 Chanteloup, propriété privée, ne se visite pas.

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(1)  
source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Manche) Lemale & Cie. Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.
(2)    source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee

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