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"Pirou, en Normandie, diocèse de Coutances,
seigneurie une des plus anciennes de cette province, titrée de marquisat,
qui a donné son nom à une famille éteinte depuis longtemps. Pirou est un
ancien château garni de tours; devant se trouve une grande mare dite la mare
de Pirou, et qui est remarquable en ce sens que le flux et le reflux de la
nier s'y fait apercevoir". (Virux Notuserit). En réunissant les matériaux
pour une" Histoire de la Châtellenie de Tracy", au canton de Vire
(Calvados), j'avais rencontré, à diverses reprises, les noms de plusieurs
seigneurs de Pirou, commune du canton de Lessay, arrondissement de Coutances
(Manche). Un de mes amis, qui avait vu le vieux donjon de Pirou, son
château, ses fortifications et ses fossés encore remplis d'eau, m'engagea,
si l'occasion se présentait, à l'aire une excursion dans cette commune, à
laquelle il attribuait une origine saxonne, et que Bullet fait remonter,
paraît-il, à l'époque celtique. Cette excursion s'imposa. En effet, je
m'étais livré a de nombreuses recherches sur Guillaume de Pirou, seigneur de
Tracy et de Pirou, et sur Philippot de la Haye, un autre seigneur de Pirou,
avec lequel Guillaume d'Amphernet, seigneur de Tracy, partageait l'hommage
dû au roi pour son fief de Tracy, et tous les auteurs que j'avais consultés
parlaient du fief de Pirou comme d'un fief important dans les siècles de
chevalerie. Ayant élargi le cercle de mes investigations à l'occasion d'une
notice que je préparais sur la baronnie et les barons de Brécoy, je me
trouvai en présence des seigneurs de Pirou eux mêmes, par suite de la fusion
des familles de Vassy, de Brécoy, et du Bois, de Pirou. Une visite au
château de Pirou, devenait donc nécessaire tant pour les constatations
matérielles que pour le groupement des traditions que les vieillards du pays
pouvaient encore conserver. C'est au mois de juillet 1883, que s'effectua ma
course dans le pays Cotentinais. Le samedi 8 juillet, j'aperçus le bourg de
Pirou et à quelque distance à travers les arbres, le château, but de mon
excursion. Cette distance fut bientôt franchie et après un parcours d'une
trentaine de mètres au milieu de petits arbres, chétifs et rabougris, je
parvins au pont qui faisait autrefois communiquer le dehors avec la première
enceinte des fortifications du château de Pirou. Mon attention fut attirée,
dès cet endroit, par la présence de deux constructions situées de chaque
côté de l'extrémité intérieure du pont. Ces constructions voûtées devaient
servir de corps de garde aux défenseurs du château. Les petites ouvertures
rondes percées de distance en distance dans les murs permettaient de voir ce
qui se passait dans la campagne.
A l'intérieur de ces deux corps de garde dont les murailles mesurent un
mètre et plus d'épaisseur, le fermier du château de Pirou me montra
l'ouverture de deux puits étroits de forme carrée, dont l'un, celui du nord,
est maintenant rempli d'eau; et dont l'autre, celui du sud, parait encore
très profond, si on en juge par le temps relatif qui s'écoula entre le
moment où une pierre fut jetée par lui et celui où je l'entendis rebondir
dans les profondeurs du sol. Ce sont, d'après les traditions constantes et
généralement admises, les orifices des deux souterrains qui communiquaient
l'un, avec la campagne, auprès de l'ancienne mare de Pirou, maintenant
desséchée, et l'autre avec le donjon, en passant sous les fossés intérieurs
dont le fond est pavé de larges dalles en granit. La descente serait assez
facile dans le souterrain du midi qui atteint de telles hauteurs, au dire
des habitants, qu'à une faible distance, des cavaliers y circuleraient
facilement. Plus loin, à l'intérieur et à quarante pas environ, on trouve
une autre enceinte carrée dont les portes sont cintrées. Dans l'épaisseur
des murs, à l'intérieur, sont pratiquées des niches également à plein
cintre, établies de manière qu'un homme puisse s'y asseoir; chaque niche
entre l'entrado du cintre et le banc en pierre qu'elle contient mesure un
mètre vingt-cinq centimètres de hauteur, et à la hauteur de ce banc
quatre-vingt-quatre centimètres de largeur. Il n'y a pas lieu de douter que
ces niches ne fussent destinées aux soldats qui gardaient l'entrée du
château; ils pouvaient, en s'y asseyant, se mettre à l'abri de la pluie et
se reposer. Toutes ces constructions sont très délabrées, et se plaignent de
leur abandon; le chêne, le hêtre et le lierre, fidèles compagnons des lieux
d'où la vie se retire, y poussent pêle-mêle; on constate avec un vif
sentiment de tristesse que le silence le plus complet règne là où autrefois
retentissaient les appels réitérés des hommes d'armes de Pirou, et où aussi
se firent entendre, à diverses reprises, les cris de rage et le râle des
mourants, auxquels se mêlaient les cris de joie féroce des Anglais
vainqueurs. Le château de Pirou, dont la partie la plus ancienne
remonterait, au temps où la famille du Bois le possédait, et dont la partie
la plus moderne daterait de deux siècles, est des plus remarquables. Il est
renfermé dans la troisième enceinte. Séparé de la seconde par des fossés
profonds qui atteignent quinze à seize mètres dans leur plus grande largeur
et six à sept mètres dans leur plus petite, ce château n'offre aucun accès
au nord.
L'ancien pont-levis se trouve de l'autre côté au midi et donne entrée dans
la cour intérieure. Le donjon et le château pouvaient donc opposer une
longue résistance à cause des ouvrages avancés et de la largeur des fossés
qui les environnaient et en défendaient les approches. Malheureusement, ce
château a subi de nombreuses et importantes modifications pendant les
derniers siècles, alors que la féodalité avait disparu, et que la cuirasse
avait fait place au pourpoint de velours. Il faut constater la disparition
des plus beaux appartements du donjon féodal; ce qui en reste devait être
affecté à la garnison: les appartements des châtelains ont été remplacés par
les constructions modernes du sud-ouest. Toutefois, une partie des murailles
du vieux donjon, murailles d'environ deux mètres d'épaisseur, sont
couronnées par une galerie, et dans les murs du donjon, on remarque des
meurtrières. Mais là aussi, les siècles ont passé apportant avec eux leurs
changements ainsi que leurs moeurs. Un fermier remplace maintenant dans ce
château tombant de vétusté, les seigneurs dont les noms brillent à presque
toutes les pages de notre histoire. Je parcourus, grâce à la bienveillance
de ce fermier, tout l'intérieur du château. Aucune salle n'est restée dans
son état primitif, les unes ont perdu complètement leur antique aspect, les
autres paraissent s'étonner des couches de badigeon dont elles ont été
revêtues en maint endroit. Les dortoirs de la garnison paraissent avoir
conservé seuls, une partie de la physionomie d'autrefois. Mais tout est
mesquin à l'heure actuelle dans cette demeure; il est préférable d'en
contempler l'extérieur. Je pensais retrouver quelque part au château de
Pirou, les écussons ou armoiries des anciennes familles qui l'ont possédé,
mais, malgré une minutieuse recherche, je n'en ai vu aucunes traces.
Lors de l'expédition qui eut pour résultat de faire nommer le duc Guillaume
de Normandie, roi d'Angleterre, un seigneur de Pirou passa la mer avec ses
hommes d'armes et combattit à la bataille d'Hastings. Masseville et les
Chroniques de Normandie le nomment le sieur de Pirou ou le seigneur de
Pirou. C'est un fait d'autant mieux établi que le compagnon de Guillaume
reçut des terres en Angleterre, dans les Comtés de Divon et du
Sommersetshire, et que ses descendants existent encore sous le nom de
Stolic-Pirou parmi les membres les plus importants de l'aristocratie du
Royaume Uni. Est-ce à ce moment que la branche normande restée à Pirou se
subdivisa elle-même en deux branches, dont l'aînée conserva le berceau de la
famille, et dont la cadette s'implanta et vécut pendant plusieurs siècles
dans les communes de Sainte Mère l'Eglise et Montpinchon? Je pose la
question sans la résoudre. Il me parait possible de dire si ce fut le
seigneur de Pirou, présent à la conquête, et son frère qui donnèrent
l'église de Pirou à l'abbaye de Lessay, fondée vers 1040 par le vicomte du
Cotentin Richard Turstin, ou bien Guillaume de Pirou, "escuyer tienchant",
grand sénéchal en 1119, mort le 25 novembre 1120, au naufrage de la
Blanche-Nef. Quoiqu'il en soit, il résulte du Cartulaire de l'abbaye de
Lessay que, par une charte sans date, Guillaume de Pirou et Richard de Pirou
concédèrent à cette abbaye, l'église de Pirou, quarante-quatre acres de
terre près de la lande, une pêcherie dans la mer, la dîme des anguilles,
l'emplacement de la maison des moines, des jardins et un préau lieu dit de
Broc.
Par une charte, que les auteurs de la Galtia Chrisfiana datent de l'an 1116,
Radulfe de Pirou et ses trois frères Gaufred, Roger et Etienne confirmèrent
les donations faites par Guillaume et Richard de Pirou. J'ajouterai, pour
n'y plus revenir, qu'à l'exemple des donateurs qui se réservaient souvent
dans les actes qu'ils passaient, des droits bizarres et fantasques, les
seigneurs de Pirou avaient retenu le droit, au dire de M. l'abbé Lefranc. de
faire inhumer leurs deux premiers chiens de chasse dans le cloître des
religieux de l'abbaye de Lessoy. M. l'abbé Lefranc oublie d'indiquer le
cérémonial en usage pour ces singulières obsèques... Un fait rapporté par M.
Renault dans la Statistique monumentale de l'arrondissement de Coutances
donne le nom d'un seigneur de Pirou et indique les fonctions dont ce
seigneur était chargé: "Henri II ne supportait qu'avec peine la perte du
château de Gisors qui appartenait au roi de France; il songeait constamment
à reprendre ce fief qui avait été la propriété du duché de Normandie.
Toutefois, craignant d'échouer, s'il s'en rapportait au sort des armes, il
inventa une combinaison qui lui réussit. Il proposa au roi de France un
mariage entre son fils Henri Court-Manteau et Marguerite, fille du roi.
Gisors fut la dot promise; mais cette place forte devait rester aux mains
des templiers jusqu'à ce que les noces fussent célébrées. Le roi de France
pouvait temporiser, puisque Henri Court-Manteau était seulement âgé de trois
ans, et que sa fille Marguerite entrait alors dans son quatrième mois; mais
Henri II, le rusé normand, qui avait eu la précaution de se faire donner la
garde des deux enfants, fit célébrer le mariage sans même attendre deux ans.
Il réclama alors des Templiers la remise du château de Gisors. Robert de
Pirou était un de ceux qui avaient la garde de cette forteresse; il
n'objecta rien à la demande qui lui était faite puisque les noces avaient
été célébrées, et il remit les clefs au roi d'Angleterre".
Chacun sait dans quelles circonstances mourut Thomas Becket, archevêque de
Cantorbéry. Un de ses meurtriers, le principal sans doute, Guillaume de
Tracy, possesseur du domaine de Tracy, près Vire, mourut à Cozensa, en
Italie, dans des souffrances telles qu'il fut visible que la main de Dieu
s'était appesantie sur lui. Après sa mort, son fief de Tracy fut mis sous
séquestre, et, en l'an 1200, Guillaume de Pirou obtint de Jean-sans-Terre
l'investiture de ce fief, moyennant une somme de douze cents livres de
monnaie d'Anjou. Guillaume de Pirou ne posséda pas longtemps ce domaine de
Tracy, car, peu après, il passa aux mains d'un sire de Vassy. Richard de
Pirou, en qualité de baron du Cotentin, fut, au nombre des principaux
seigneurs du pays qui rendirent hommage à Philippe-le-Hardi. Sur la liste
des chevaliers et écuyers de la baillie du Cotentin, qui devaient service au
roi et allèrent en l'ost (armée) de Foix, en 1271, on voit que Roger de
Pirou devait le "service de deux chevaliers et la tierce partie de un
chevalier". Roger de Pirou comparut aussi à Tours à la quinzaine de Pâques
pour l'armée du Roi, en l'an 1272. La même année Richard de Pirou, devait le
même service au Roi. Il résulterait de ce fait que Richard de Pirou était,
sinon le fils, du moins l'héritier de Roger de Pirou. Jean de Pirou embrassa
le parti du roi Charles de Navarre dans l'affaire de Rouen. Monsieur l'abbé
Le franc et Richard Séguin affirment même que le château de Pirou fut occupé
pendant plusieurs années par les bandes anglo-navarroises. Jean de Pirou
maria, en 1319, sa fille, mademoiselle Luce à Robert de La Haye, écuyer,
seigneur de Néhon. Il se réconcilia plus tard avec le roi de France. On sait
que Robert de la Haye appartenait à la puissante famille de ce nom, qui tire
son origine du trône ducal de Normandie et de Charlemagne et s'est aussi
rattachée plus tard non seulement à la Maison d'Autriche, mais également au
trône pontifical, en la personne du pape Caliste II.
De l'alliance de Robert de la Haye et de Luce de Pirou naquit Guillaume de
la Haye, chevalier, baron de Montbray. On sait que ce seigneur donna au roi
Jean, en 1360, la baronnie de Néhou. Il vivait encore en 1373. Son fils et
héritier fut Philippe ou Philippot de la Have, qui épousa Isabelle d'O. On
le trouve pour la première fois comme seigneur de Pirou, le 21 juillet 1380.
Un acte déposé aux archives de la Manche révèle que Philippot de la Haye
paya à cette date "trois reliefs pour la terre de Pirou". On rencontre
encore dans des lettres patentes datées du 24 avril 1387, à Compiègne, le
nom de Philippot de la Haye, seigneur de Pirou. Ces lettres données en
faveur de Guillaume d'Amphernet, seigneur de Tracy, érigeaient Tracy en fief
relevant de la couronne, elles relevaient de l'hommage que lui et ses
descendants avaient partagé avec les seigneurs de Pirou. Philippe de la Haye,
baron de Montbray et seigneur de Pirou, ne laissa qu'une fille. Jacqueline
de la Haye qui épousa Colin Paisnel (ou Paynel) en 1404. En 1406, Jacqueline
de la Haye mourut sans enfants. Sa plus proche parente Catherine de la
Luzerne, fille de Guillaume de la Luzerne et de Jeanne de la Haye, devint
son héritière. Elle épousa un descendant des Conquérants de l'Angleterre.
Jean du Bois, septième du nom, célèbre dans les guerres et les montres
d'armes de l'époque. Il comparu en 1378 à la revue des gentilshommes passée
par le Connétable du Guesclin. Jean du Bois fut surnommé le Gascoing parce
que, dans le Maine, il avait tué un rebelle de ce nom et en avait dissipé
les troupes, il figure dans un compte de Guillaume d'Amphernet, seigneur de
Tracy, trésorier des guerres, en date du 6 juillet 1381, et dans un autre
compte de Jean le Flamand, également trésorier des guerres en l'an 1393.
Messire Jean du Bois, dit le Gascoing, seigneur de Pirou et de Montbray,
rendit aveu en 1393 à Nicolas de Paynel, baron de Hambye.
Le 22 novembre 1390, Jean du Bois et ses frères Louis, Guillaume et
Guieffroy, écuyers, procédèrent au partage des successions de noble homme et
puissant seigneur Jean du Bois, seigneur de l'Épinay-Tesson, leur père, et
de messire Rogier Suhart, leur grand oncle. Jean du Bois, seigneur de Pirou,
eut en partage la terre de l'Epinay-Tesson. Jean du Bois, seigneur châtelain
de Pirou, de Montbray et de l'Epinay-Tesson, mourut avant l'an 1408,
laissant de son second mariage quatre enfants: Thomas, Raoul, Jean et
Robine. Thomas du Bois, fils aîné, chevalier, seigneur de Pirou et de l'Epinay-Tesson,
épousa, en premières noces, Gervaise de Beaumont. Les conditions de son
second mariage avec noble demoiselle Marie de Vierville, fille de messire
Guillaume de Vierville, baron de Creully, et de noble dame Marie de
Montauban, furent arrêtées en l'an 1413. A cette époque, une heure fatale
avait sonné pour la France et pour la province de Normandie; Charles VI
infirme de corps et d'esprit, devait voir détruire son armée à Azincourt,
l'Angleterre reconquérir la terre normande, et deux Lancastre le remplacer
sur le tronc de Saint-Louis. Le Registre des dons, confiscations ou
maintenues des terres normandes, sous Henri V, roi d'Angleterre, nous
apprend qu'à la date du 12 mars 1419, il fut accordé un délai d'un mois à
"Thomas Dubois, escuyer, et sa femme, mandé au baillis de Costentin,
vicomtes de Caen, Bayeux, Carantan et Valognes, les laisser jouir". Mais ce
délai ne modifia en quoi que ce soit les sentiments patriotiques de Thomas
du Bois. Il n'inclina pas son noble front devant l'usurpateur; il resta
fidèle à la France. Un de ses alliés, Robert de Fréville, écuyer, seigneur
de Montbray, veuf de Jacqueline de la Haye, qui avait acclamé le vainqueur,
reçut le 13 février 1435, en don la terre et seigneurie de Pirou. Expulsé de
ses domaines, Thomas du Bois se jeta dans le Mont Saint-Michel, et eut
l'immortel honneur de conserver avec son parent, Jean du Bois, seigneur de
Saint-Quentin, et cent seize gentilshommes, cette forteresse à la France. Il
figure dans la liste, sous le nom de Thomas de Pirou.
Dépossédés successivement de tous les domaines qu'ils avaient volés ou pris
d'assaut, les Anglais quittèrent le pays, laissant derrière eux un butin
qu'ils ne pouvaient emporter, butin qui a donné lieu à d'impérissables
légendes de trésors cachés. Ce fut Louis d'Estouteville et de Hambye qui
s'empara en 1449, du château de Pirou. Par lettres patentes, datées du 24
janvier 1450, le duc de Bretagne ordonna au bailli du Cotentin de remettre
Thomas du Bois en la possession du château de Pirou. Thomas du Bois versa
aux mains du sire d'Estouteville une somme de 600 livres pour "les frais de
la reprise du chasteau" quittance du 14 janvier 1453. A peine remis en
possession de son domaine de Pirou, Thomas du Bois dut soutenir une
instance, introduite par Jean de Villiers, baron du Hommet, en revendication
de cette propriété. L'issue du procès devait être défavorable à Jean de
Villiers. Aussi, celui-ci se désista-t-il de ses prétentions, par exploit,
en date du 20 décembre 1453. Le 28 mars 1459, Thomas Dubois, seigneur de
Pirou et de l'Epinay-Tesson, rendit aveu au roi pour les domaines qu'il
possédait. Il résulte de cet important document que le fiel de Pirou
s'étendait sur les paroisses de Pirou, Guefosse, Anneville, la Feuillée,
Saint-Sauveur-Lendelin, Muneville et la Baleine; qu'au lieu dit de Pirou il
y avait à ce moment "manoir et forteresse, colombier, jardins, terres, prés
et boigs, sans tiers et sans dangier, domaignes, landes, pastures, garennes,
tant en plaine, en boys que en eau, avecques les droiz qui y appartiennent,
rentiers de grains, d'argent, de pains, coustumes requis, aydes, services de
herses, de charettes, services de fains, de moulins, service de prevostés et
autres services". Thomas du Bois mourut eu 1469. Il avait épousé en
troisièmes noces Marie de la Chapelle, veuve de Jean de Colombières, baron
de la Haye du Puits. Thomas du Bois laissait quatre fils: Jean, Geoffroy,
Thomas et Thibaut. Jean et Geoffroy procédèrent le 27 septembre 1470 au
partage de la succession de leur père. La châtellenie de Pirou échut à Jean,
et celle de l'Epinay-Tesson échut à Geoffroy.
Jean du Bois, chevalier, seigneur de Pirou et de Cambes, conseiller et
chambellan du roi, épousa noble damoiselle Jeanne de Colombières, soeur de
François de Colombières et fille de Jean de Colombières, baron et seigneur
de la Haye du Puits, et de Marie de la Chapelle. Il fut grand bailli des
montagnes d'Auvergne. Un certificat en date du 22 mars 1473 constate la
remise à Jean du Bois "de la somme de 520 livres tournois donnée au nom du
roi, en manière de pension, pour lui aider à entretenir un Etat conforme
dudit seigneur pendant cette année, courant le premier jour d'octobre
dernier, par les conseillers généraux du roi pour les finances, receveur du
paiement des gens de guerre au pays de Poitou". D'après la Chesnaye des
Bois, Jean du Bois laissa deux fils: Jean du Bois, seigneur de Pirou, qui
épousa, le 22 février 1500, Jeanne de Carbonnel, fille de messire Jean de
Carbonnel, chevalier, seigneur de Cérences, de Parfouru, de la Guierche et
de Tribehou, et de noble dame Jeanne de Mourdrac, et Raoul du Bois,
chevalier, seigneur de Parfouru. Les procès recommencèrent entre Jean du
Bois et des seigneurs qui prétendaient être légitimes propriétaires du fief
de Pirou. Jehan de Clamorgan, sieur de Gratechef, et le sieur de Cérences,
émirent, au sujet de ce grand fief, des prétentions injustifiables. Malgré
les longues luttes oratoires de leurs avocats, les sieurs de Gratechef et de
Cérences furent déboutés de leurs demandes réciproques. Le sieur de
Gratechef reconnut le premier le peu de solidité de ses prétentions. Il se
désista donc de son action le 13 mai 1502; mais le sieur de Cérences, plus
tenace, n'abandonna la lutte que le 21 décembre 1507. Il semblerait, dès
lors, que le seigneur de Pirou jouirait en paix de son patrimoine, mais un
de ses parents éloignés, messire Louis de la Haye, chevalier, seigneur de la
Haye-Hue, prétendit avoir les droits les plus sacrés sur la possession du
domaine de Pirou. Le seigneur de la Haye-Hue avait même obtenu des lettres
royales aux fins de rentrer en possession de cette châtellenie qui,
affirmait-il, avait été l'apanage de ses ancêtres, avant de passer par un
mariage dans la famille du Bois. Une longue procédure s'engagea entre le
sire de la Haye et Jacques du Bois, seigneur de Pirou, fils de Jean, à
l'occasion de l'entérinement des lettres obtenues du roi. Des pièces
volumineuses, de nombreux écrits furent produits de part et d'autre, et
comme il arrive toujours en pareil cas, l'affaire traîna en longueur. On
prétendait en rejeter la faute sur un des procureurs, maître Lelanternyer,
qui affirmait, pour sa justification, qu'il agissait avec autant de célérité
que s'il eut été porteur d'un tout autre nom. Enfin, messire Louis de la
Haye perdit son procès, et Jacques du Bois fut maintenu en la possession de
la seigneurie de Pirou.
Jacques du Bois, seigneur de Pirou, Céronces, Heugueville et Dangy, épousa
Jeanne de Cambernon, fille aînée de messire Johan de Cambernon, seigneur de
Montpinchon, et devint ainsi seigneur, en partie, de ce lieu. Le testament
de Jacques du Bois, en date du 11 avril 1592, est une pièce très
intéressante pour la famille du Bois et pour la seigneurie de Pirou. Il
indique, en effet, la filiation du testateur, le lieu de sa sépulture.
Jacques du Bois laissait cinq héritiers: Jacques, Gilles, Antoine, Louise et
Isabeau. Jacques du Bois, fils aîné, mourut sans postérité. Gilles du Bois,
second fils devint seigneur de Pirou, de Cambes, d'Anneville et de Vesly. Il
fut lieutenant de M. l'amiral pour la côte de Poitou. Il procéda, en 1601,
avec son frère Antoine, au partage de la succession de son père. Il épousa
Catherine de Gourfaleur. Une fille, Louise du Bois, naquit de cette union.
Elle épousa, le 2 décembre 1604, son cousin, Charles du Bois, seigneur de
Saint-Marcouf et l'Epinay-Tesson. Charles du Bois devint ainsi seigneur de
Pirou. La première et la seconde branche de la famille du Bois se fondirent
donc de cette manière. Charles du Bois laissa quatre enfants: Claude, Marie,
et deux autres dont le prénom nous est inconnu. A cette époque, et depuis
longtemps peut-être, le fief de Pirou constituait un marquisat. On en trouve
la preuve dans Chevillard, qui donne à Charles du Bois les titres de
seigneur de Saint-Marcouf et de l'Epinay, marquis de Pirou, etc., dans
l'état des fiefs nobles relevant du roi, on trouve cette mention: "Fief de
Pirou érigé en marquisat". Messire Charles du Bois, marquis de Pirou, mourut
on 1640. Il fut inhumé dans l'église paroissiale de Pirou, où on voyait
encore dans la première partie du XIXe siècle son épitaphe sur la table de
marbre noir qui recouvrait ses restes mortels. La veuve de messire Charles
du Bois, noble dame Louise du Bois, mourut à Rouen le 25 juin 1662.
Messire Gabriel de Vassy, marquis de Brécey et de Pirou, seigneur de Touchet
et de Celland, époux de noble dame Claude du Bois, était mestre de camp du
régiment d'infanterie, de Longueville et maréchal de bataille des armées du
roi. De son union avec l'héritière de Pirou naquirent trois enfants: Claude
de Vassy, marquis de Pirou; Gabriel-Henri de Vassy, chevalier de Brécey,
mestre de camp de cavalerie, chevalier de l'ordre de Saint-Lazare, qui fut
tué en 1691, à la bataille de Leuze, sans avoir été marié; Louise de Vassy,
épouse de messire Charles de Lafontaine. Messire Gabriel de Vassy mourut le
25 janvier 1684, au château de Pirou, où il faisait sa résidence ordinaire,
son corps fut transféré à Brécey lieu de sa sépulture. Messire Claude de
Vassy, marquis de Brécey et de Pirou, seigneur et patron de Celland et de l'Espinay,
châtelain de Touchet, Beaufour, Saint-Marcouf et autres lieux, épousa en
premières noces noble dame Françoise de Romilly, fille de François de
Romilly, chevalier, marquis de la Chesnaye, et de noble dame Charlotte de
Poillé. Trois enfants issus de ce mariage moururent au berceau. Messire
Claude de Vassy épousa en secondes noces, au mois de juillet 1681, noble
demoiselle Marie-Angélique de Motteville, fille de messire Georges de
Motteville, premier président de la Chambre des comptes de Rouen, et de
noble dame Anne de Montéclair. Sept enfants naquirent de cette union:
Gabriel-Jean, décédé en 1682; François-Marie; Louis-Alexandre, abbé de
Brécey, né à Pirou, le 1er juin 1690; Bruno-Emmanuel-Claude, dit le
chevalier de Brécey, chevalier de Saint-Louis, décédé célibataire, en 1759;
Anne-Françoise-Gabrielle, qui épousa Jean-François Pitard, écuyer, comte de
Lionnière, fils de messire Julien Pitard, écuyer, seigneur de Boudé et de
Saint-Jean-du-Corail; Madelaine-Angélique, épouse de messire
Jacques-François d'Oléançon; et enfin Marie-Françoise-Angélique,abbesse
d'Avranches et de Moulons.
Le Parlement de Normandie jugea en 1677, au profit de Claude de Vassy contre
la comtesse de Créances, que le marquisat de Pirou ne pouvait être partagé.
Cependant, d'après un état des fiefs du bailliage de Coutances, rédigé vers
1689, le marquisat de Pirou se trouvait divisé en deux portions: la première
appartenait à Claude de Vassy, seigneur de Pirou, et était d'un revenu
d'environ 2000 livres; la seconde était entre les mains de noble dame Marie
du Bois, comtesse de Créances; elle ne s'étendait que sur les paroisses de
Créances et de Pirou, et valait 2500 livres de revenu. Le 30 septembre 1715,
François-Marie de Vassy, Louis-Alexandre de Vassy et Bruno Emmanuel de
Vassy, frères, partagèrent la succession de leur père, décédé au mois de mai
1704. Messire François-Marie de Vassy, marquis de Brécey et de Pirou,
châtelain de Touchet, seigneur et patron du Grand-Celland, l'Epinay-Tesson,
Anneville, Saint-Marcouf et autres seigneuries, épousa, le 10 janvier 1708,
noble demoiselle Hélène-Pélagie de Géraldin, de l'illustre famille de ce
nom. On sait que les Géraldin descendent d'une famille écossaise déjà
célèbre avant la conquête; que Othon de Géraldin, comte de Windsor, était
baron honoraire du royaume en 1082, et que quelques siècles plus tard,
plusieurs membres de cette famille souffrirent peut-être plus qu'aucune
autre race noble de l'Irlande, à cause de leur dévouement à la famille des
Stuart. A l'occasion de ce mariage, noble dame Marie-Angélique de
Motteville, veuve de messire Claude de Vassy, fit restaurer le château de
Pirou et d'une demeure féodale et guerrière en fit une habitation pacifique
et commode. Mais elle habita plus souvent avec ses enfants, à Brécey, dont
le château, un des plus beaux du département, était une magnifique maison
princière. Messire François-Marie de Vassy, marquis de Brécey et de Pirou,
et noble dame Anne-Hélène-Pélagie de Géraldin eurent deux enfants:
Bruno-Emmanuel-Marie-Esprit de Vassy, né le 25 mars 1717; Louise-Nicole de
Vassy, qui épousa en premières noces le marquis de Renty, et en secondes
noces Nicolas de Laubespine, marquis de Valderonne, décédé en 1768.
Messire Bruno-Emmanuel-Marie de Vassy, marquis de Brécey et de Pirou,
épousa, le 13 avril 1738, noble dame Françoise-Suzanne-Jeanne de Vassy, sa
cousine, fille de feu messire Jacques de Vassy, marquis de la Forêt-Auvray,
et de noble dame Marie Louise de Marguerie de Vassy. Il mourut en 1780,
laissant quatre enfants: Louis-Marie de Vassy, né le 21 juillet 1749;
Claude-Marie-Alexandre de Vassy, appelé le chevalier de Vassy, né le 1er
juin 1755, servit dans le régiment de dragons de Monsieur;
Marie-Nicole-Louise de Vassy, épouse de messire Marie-Eugène-Beuves d'Auray,
marquis de Saint-Pois; Hélène-Henriette de Vassy épousa, le 6 août 1768,
messire Eléonor-Claude de Garbonnel, comte de Canisy, mestre de camp de
cavalerie; Messire Louis-Marie, comte de Vassy, chevalier, seigneur et
marquis de Brécey et de Pirou, mestre de camp de cavalerie, deuxième
lieutenant de la compagnie des gendarmes anglais, baron de Landelle,
seigneur de la Forêt, de Celland et autres lieux, chevalier de l'ordre
militaire et royal de Saint-Louis, etc., épousa, le 23 octobre 1770,
Louise-Henriette Ledin de la Châlerie, fille de messire Pierre-François
Ledin, seigneur de la Saucerie, capitaine de dragons, lieutenant des
maréchaux de France, chevalier de Saint-Louis, seigneur, patron et haut
justicier de Clécy, la Landelle, etc., gouverneur de Domfront, et de noble
dame Marie-Michelle-Françoise-Charlotte Ledin. Il justifia de sa noblesse
devant Chérin, généalogiste des ordres du roi, pour les honneurs en 1772; il
fut présenté à Sa Majesté et monta dans ses carrosses au mois de février
1775. Messire Louis-Marie, comte de Vassy, eut deux filles: Marie-Sophie de
Vassy, née le 7 avril 1773, épouse de M. le comte François-Jean-Pierre de
Chazot; Emilie de Vassy, née le 12 mai 1774; Messire Louis-Marie, comte de
Vassy, et son frère, messire Claude-Marie-Alexandre de Vassy, chevalier de
Vassy, opérèrent, le 5 janvier 1779, le partage des biens dépendant de la
succession de leurs parents.
Monsieur le comte de Vassy-Brécey fit faire, pendant les années 1787 et
1788, de nombreuses réparations au château de Brécey. Il n'y habita
cependant point; il faisait sa résidence ordinaire au manoir de la Châlerie,
commune de la Haute-Chapelle. Au procès-verbal de l'assemblée de l'ordre de
la noblesse au grand bailliage de Caen, tenue le 17 mars 1789, figure M. le
comte Louis de Vassy. Lorsqu'il s'agit de nommer les commissaires rédacteurs
du cahier de la noblesse, Monsieur le comte Louis de Vassy fut élu le
premier à la pluralité des suffrages. Il fut ensuite élu député de l'ordre
de la noblesse aux États généraux du royaume. Les documents manquent pour
déterminer la part prise par M. le comte de Vassy aux travaux des États
généraux. Il était encore député le 17 janvier 1790. M. le comte de
Vassy-Brécey quitta la France au moment de la tourmente révolutionnaire et
rentra dans son pays lorsqu'elle fut passée. Il habita depuis ce moment
jusqu'à sa mort, arrivée le 30 août 1832, le château de Belval, commune de
Grainville-sur-Odon, arrondissement de Caen. La famille de Vassy vendit le
domaine de Pirou à M. Huguet de Semonville, grand référendaire de la Chambre
des pairs sous la Restauration. Ce domaine appartint plus tard à M. Quesnel
de la Morinière, qui l'a transmis à ses héritiers. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures ; les abords du château :
inscription par arrêté du 4 juillet 1968 (2)
château de Pirou 50770 Pirou, tél et Fax 02 33 46 34 71, ouvert au public
tous les jours (sauf le mardi) de 10h à 12h et de 14h à 18h 30 (17h
d'octobre à mars). Fermeture annuelle du 30 novembre au 31 janvier et du 1er
au 14 octobre.
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