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Quand le voyageur se dirige de Coutances
vers le petit port de Regnéville, il aperçoit de loin, se dessinant dans
l'azur du ciel, une haute tour bizarrement ébréchée: c'est le vieux donjon
du roi de Navarre et des Anglais au XVe siècle. Ce castrum fut élevé, dès le
XIIe siècle, et se soumit, en 1141, à Geoffroy Plantagenet, comte d'Anjou,
qui soutenait les prétentions de Mathilde sa femme, fille de Henri 1er, roi
d'Angleterre et duc de Normandie. Au XIIIe siècle, cette forteresse revint
dans les mains du roi, qui la possédait encore en 1360, quand on détruisit
celle de Montchaton, à trois kilomètres de là, et appartenant au seigneur de
Saint-Jean-le-Thomas. Les matériaux de ce donjon démoli servirent à
augmenter et à embellir celui de Regnéville. Peu après, Charles le Mauvais,
roi de Navarre, s'en empara. Charles V le reprit et le rendit à son fils,
mais à condition que le capitaine serait nommé par le roi de France. Dès
1420, les Anglais vinrent le reprendre et le gardèrent jusqu'en 1450. Le duc
de Richemond, à la tête des chevaliers français, vint sommer les Anglais de
se rendre. Leur garnison étant insuffisante pour résister, ils se rendirent,
à condition qu'ils auraient la vie sauve et pourraient se retirer à
Cherbourg, la place qui leur restait encore. Les Paynel de Hambye
possédèrent ce château au XVe siècle, et après eux les de Piennes, qui
s'étaient alliés aux Paynel. L'édifice fut démantelé sur ordre de Richelieu
en 1637, car il craignant qu'il ne serve à abriter des conspirateurs
protestants.
On eut le bon sens de le rendre impropre comme forteresse, mais on en
conserva à peu près la moitié dans toute sa hauteur. Peut-être aussi
obtint-on de garder ces restes comme point de repère pour les bateaux du
port. A l'intérieur, cette ruine pittoresque présente trois débris de voûtes
superposées, éclairées par des ouvertures régulières ogivales en dedans,
cintrées en dehors; au rez-de-chaussée, elles sont encadrées par de hautes
arcatures en pointe. A l'extérieur, le couronnement présente une suite de
mâchicoulis et contreforts à deux ou trois retraites. Le revêtement des
murailles, surtout à la base, est en grand appareil. Les côtés, affreusement
déchiquetés, ont jonché le sol de blocs fort durs, qu'on a beaucoup de peine
à détacher. Ce donjon est aujourd'hui au milieu du jardin. Un peu plus au
levant, se trouvent les habitations moins anciennes et qui servaient de
logements au capitaine et à la garnison. Elles enferment une vaste cour dans
laquelle on entrait sur un pont-levis, défendu par deux tours dont on voit
encore quelques débris. Les fossés existent aussi en partie, avec un mur
d'enceinte d'une grande étendue. C'était vraiment un château royal, mais
inférieur toutefois aux grandes forteresses de Saint-Sauveur-le-Vicomte, de
Bricquebec et de la Haye-du-Puits, dont les donjons se montrent toujours
avec tant d'audace et de fierté. (1)
Éléments protégés MH : l'ensemble des vestiges formant la basse-cour, y
compris les sols : inscription par arrêté du 1er décembre 1989. Les ruines
du donjon et l'ensemble des vestiges formant la haute-cour, y compris les
sols : classement par arrêté du 13 septembre 1991. (2)
château de Regnéville, route des Fours à Chaux, 50590 Regnéville-sur-Mer,
tél 02 33 46 82 18, ouvert au public, beaux vestiges.
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