|
Bien que les documents d'archives soient peu
nombreux, ils indiquent que les de Saint-Germain ont possédé le patronage de
l'église et de la paroisse du XIIIe au XVIIe siècle. M. Regnault, dans ses
notices sur l'arrondissement de Coutances, parle, sans citer ses sources,
d'un chevalier Richard de Saint-Germain, châtelain du lieu avant 1300. C'est
un membre de la famille de ce nom qui a bâti le château entre 1450 et 1500,
probablement l'ancêtre de celui des de Saint-Germain, qui fut délégué par la
noblesse du bailliage de Saint-Sauveur-Lendelin à l'assemblée tenue à Rouen
pour la réformation de la coutume de Normandie (1597). Vers le milieu du
XVIIe siècle, les de Saint-Germain cèdent la place aux de Camprond, dont la
descendance mâle ne tarda pas à s'éteindre, du moins dans la branche fixée
dans notre château. L'héritière de celui-ci, Charlotte-Renée de Camprond,
l'apporta à Jean-Baptiste-César de Costentin, comte de Tourville, neveu du
glorieux vaincu de la Hougue. Puis nous le voyons entre les mains des du
Mesnildot, jusqu'en 1806, époque à laquelle le château fut vendu à M. de
Goulhot, commissaire des guerres sous Napoléon 1er. Le nouveau propriétaire
fit planter, au milieu des marais, la superbe avenue qui donne accès au
château. Le fils de M. de Goulhot, sénateur sous l'Empire, fit de
Saint-Germain une habitation confortable et luxueuse. Il y mourut en 1875,
laissant pour unique héritière Madame la baronne Finot, femme du sportman
connu de toute la France, aussi distingué comme artiste que comme éleveur.
Par suite de quelles circonstances, de quelles relations, de quels
déplacements le seigneur qui, au lendemain de la guerre de Cent ans, se fit
construire une habitation sur un plan tout nouveau, d'un aspect moins
rébarbatif que les forteresses du moyen âge, fut-il engagé à faire venir un
artiste étranger au pays, c'est ce que nous avouons ignorer complètement.
Nous laissons le problème à résoudre à des chercheurs plus heureux, ou mieux
outillés que nous ne l'avons été. Le plan primitif comportait un
quadrilatère entouré de fossés, dont quelques-uns existent encore, et une
enceinte extérieure, très vaste, de murailles crénelées qui enclavaient des
bâtiments destinés aux services ruraux. Au XVIIe siècle, trois des faces du
quadrilatère furent démolies, une des courtines fut remplacée par un logis à
la mode de Louis XIV, que les affouillements du sol menacent d'une ruine
prochaine. Il ne reste plus de la construction du XVe siècle que la partie
orientale, mais celle-ci digne de toute notre admiration par l'élégance et
l'harmonie de sa silhouette. Cette partie se compose d'une poterne, flanquée
de deux poivrières en encorbellement, d'une façade surmontée de hautes
lucarnes, et de deux tours d'angle, l'une au nord, l'autre au sud. Les tours
seules rappellent la donnée du logis fortifié. L'architecte a obéi à la
préoccupation, qui commençait à naître, au temps de Charles VIII et de Louis
XII, chez les gentilshommes bâtisseurs. Ceux-ci apercevaient la possibilité
d'ouvrir leurs habitations à l'air et à la lumière.
Mais cette demeure qui, par cette infraction aux habitudes anciennes, semble
se rattacher à l'architecture de la Renaissance, appartient cependant à la
pure tradition ogivale. Les meneaux en croix, la silhouette des tourelles,
les moulures des encorbellements, les profils, les détails de
l'ornementation ressortissent à la langue gothique telle qu'on la parlait au
XVe siècle. Les deux épis qui couronnent les tours de la poterne sont
célèbres dans le pays; ils représentent l'un Eve, offrant la pomme, l'autre
Adam, qui avance la main pour la recevoir. Autrefois un pont-levis donnait
accès à la cour d'honneur. Un pont voûté remplace la vieille machine
guerrière. Sur les parapets du pont actuel sont placés deux gros boulets en
pierre. L'intérieur du château ne conserve presque plus rien de
l'aménagement primitif. Aussitôt après la poterne, on entre dans des pièces
au plafond élevé, dont les solives saillantes, les cheminées monumentales
ont dû être remaniées à plusieurs reprises, s'éloignant de plus en plus de
l'aspect primitif. Dans la partie construite sous Louis XIV, existe, au
rez-de-chaussée, un salon décoré sous le premier Empire, et une bibliothèque
d'un caractère assez pittoresque. Dans le tympan de la cheminée de cette
pièce, l'auteur de ces lignes se rappelle avoir vu un magnifique portrait de
l'une des dernières propriétaires du château, la trop célèbre marquise Le
Tellier de Vaubadon. Née à Saint-Germain, celle-ci y séjourna pendant la
plus grande partie de la Révolution, et on raconte dans le pays que le
château servit souvent de refuge aux chouans de Lastelle, de Lithaire et du
pays environnant.
Si l'on en croit les traditions locales, Madame de Vaubadon dirigea
elle-même, vêtue en homme, l'expédition hardie qui fit périr, passés par les
armes sur la place de Gorges, en plein jour, à la sortie des vêpres chantées
par le curé-jureur trois fils de la famille noble amis des bleus. La fin de
la vie de Madame de Vaubadon appartient à l'histoire et à la littérature.
Après le 18 brumaire, la jeune femme quitta Saint-Germain, pour habiter
Vaubadon près de Bayeux, dans un château construit à la lisière de la forêt
de Balleroy. Là, elle ouvrit un salon, ou elle réunit tout ce que la contrée
comptait de jolies femmes et d'élégante jeunesse, amie du plaisir. Au milieu
de ce monde qui comprenait les légitimistes et les partisans du régime
déchu, elle jouit de tous les succès que peuvent procurer la beauté, la
grâce et une réelle intelligence. Parmi les beaux messieurs qui la
poursuivaient de leurs assiduités, celui dont elle accueillit avec plus de
faveur les avances, fut un agent des princes en exil, le brillant et
courageux baron d'Aché. Le roman débuta par une idylle, sous prétexte de
conspirations royalistes à favoriser, mais il ne tarda pas à dégénérer en
drame, et la dernière page mêla le meurtre à la trahison. Une nuit,
l'amoureux partit de Vaubadon au-devant d'un messager attendu d'Angleterre.
Ce guet-apens avait été dressé sur sa route, au détour d'un chemin, tout
près de la Délivrande. Le malheureux se défendit bravement, mais tomba sous
la balle d'un gendarme. Madame de Vaubadon avait vendu son amant à Fouché,
pour la somme de 600000 francs, dit la tradition. Le prix du sang ne fut
jamais complètement versé, et la trahison ne servit guère à la coupable. Le
vide se fit autour d'elle, et l'opinion publique vengea le crime. Madame de
Vaubadon vendit château et domaine et se retira à Paris, où elle mourut
délaissée, dans l'oubli et le mépris. (1)
Éléments protégés MH : les restes du château : inscription par arrêté du 13
décembre 1950. (2)
château de Saint Germain 50190
Saint-Germain-sur-Sèves, propriété privée, ne se visite pas.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Licence photo©webmaster B-E,
photos ci-dessous interdites à la publication sur internet, pour un
autre usage nous demander.
A voir sur cette page "châteaux
de la Manche" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
|