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Château de Chiffrevast à Tamerville
 
 

      Le château de Chiffrevast, avec son parc splendide, est situé à trois kilomètres de Valognes, sur le territoire de la commune de Tamerville. Il s'élève sur l'emplacement d'un château du XVe siècle, qui avait été lui-même construit sur les ruines d'un ancien château du XIe siècle, détruit en 1354, par Geoffroy d'Harcourt. Le château actuel date des premières années du XVIIe siècle. Le tracé des constructions du château et des bâtiments d'exploitation; aujourd'hui démolis en majeure partie ou complètement transformés, indique nettement que les seigneurs qui les édifièrent se proposaient de leur donner une valeur militaire très sérieuse pour l'époque. Ces constructions, dit M. de Mondésir, formaient un vaste quadrilatère, dont les communs faisaient trois côtés, et le château le quatrième, à l'est. Le château a, aux quatre angles, des pavillons très saillants construits en forme de bastions. Les fenêtres sont placées de manière à flanquer toutes les murailles, qui sont en outre, d'une épaisseur telle qu'on a pu y ménager des escaliers et des cabinets de toilette. Château et dépendances, tout était entouré complètement de larges fossés secs, existant encore sur trois côtés. Le château de Chiffrevast était donc destiné à servir de réduit ou de citadelle, en cas de prise par l'ennemi du corps de la place, ou en cas d'insuffisance de garnison. Il aurait fallu, en effet, une force assez nombreuse pour défendre toute l'étendue du quadrilatère. Le château défendait la partie faible de la position, le terrain allant légèrement en pente vers lui, tandis que les communs dominaient des pentes assez rapides et étaient protégés au nord par une pièce d'eau, à l'ouest par la rivière de Gloire et au sud par un ravin.
Les défenses ne consistaient qu'en une absence complète d'ouvertures, au rez-de-chaussée; toutes les portes donnant sur l'intérieur de la cour, et en deux saillies, aux angles nord-est et sud-est, formant des tours carrées qui flanquaient les trois côtés. Il est probable, ajoute M. de Mondésir, qu'une défense analogue devait s'élever à chacune des deux entrées, situées entre le château et les communs, et doublait les flanquements au nord et au sud. La façade ouest n'avait aucune vue; un rideau d'arbres masquait la cour des communs, devenus bâtiments de ferme. M. le comte Daru les a fait abattre, ainsi que tout le côté ouest et la plus grande partie du côté sud, et a transporté du côté opposé au château les ouvertures de la partie conservée au nord. Il a, en outre, détruit le fossé du côté des communs. Grâce à ces utiles transformations, l'œil jouit d'un ravissant spectacle: la vue embrasse un panorama de toute beauté, par delà la gracieuse vallée de la Gloire, vers Saint-Joseph et les bois de Brix. La cheminée de la cuisine du château et les belles boiseries du salon, qui datent, sans réparations, du commencement du XVIIe siècle, méritent une visite. Les seigneurs de Chiffrevast nous restent, pendant longtemps, fort peu connus. Ils prirent part à la conquête de l'Angleterre en 1066 et firent bâtir, à leur retour, en style roman d'une grande pureté, l'église paroissiale, bien mutilée, depuis cette époque. La tour, restée intacte, est un véritable bijou.
Dans les siècles suivants, nous trouvons les seigneurs de Chiffrevast parmi les bienfaiteurs du prieuré de Saint-Martin à l'If, que les religieux de Lessay venaient de fonder à Sauxemesail, en pleine forêt de Brix (vers 1150). Ce prieuré devait être, et fut en effet, une maison d'hospitalité gratuite où les voyageurs égarés dans la forêt trouvaient un abri et des secours en cas de besoin. Afin de les "radresser" ou de les diriger sur le monastère, les religieux sonnaient chaque soir leur cloche, depuis le coucher du soleil jusqu'à la chute du jour. Nombre de voyageurs furent ainsi préservés d'une mort certaine. Les seigneurs de Chiffrevast, témoins des services que rendaient chaque jour les religieux de l'If, dotèrent, presque à eux seuls, le prieuré. Hélène de Chiffrevast lui donna, dès le principe, onze vergées de terre. Nous retrouvons Hélène de Chiffrevast dans les rôles de l'Echiquier de l'an 1180: "Halenas de Siffreuvast debet 40 lib. pro fine terre sue in Normannia et in Anglia". Ce texte prouve que la famille de Chiffrevast avait des terres en Angleterre, où elle avait dû certainement suivre le Conquérant, bien que, pourtant, le nom de Chiffrevast ne figure pas sur les listes de la conquête. En 1230, un clerc, fils et héritier d'Hélène, nommé Robert, donna, lui aussi, onze autres vergées de terre aux religieux du prieuré de l'If, avec droit de pâture dans les bois de la seigneurie. En 1242, Robert de Chiffrevast, chevalier, est plus généreux encore. Il donne cinq acres de terre (quatre hectares) aux religieux, à charge d'un service annuel pour le repos de l'âme de Mathilde, son épouse. Durant la guerre de Cent ans, Nicolas, seigneur de Chiffrevast, était capitaine de Cherbourg. N'étant pas entré dans les vues de Godefroy d'Harcourt, vicomte de Saint-Sauveur, lors de ses divers complots contre Philippe de Valois et contre le roi Jean, il vit son château pillé et ruiné par l'irascible vicomte, le 3 mars 1354.
Cinq cents hommes, conduits par Godefroy en personne, brisèrent les panonceaux royaux qui se dressaient à l'entrée du manoir de Chiffrevast pour rappeler que la personne et les biens du châtelain étaient sous la protection particulière du roi. Ils abattirent ensuite les chevaux et les bœufs, et en comblèrent les puits. D'autres, pendant ce temps-là, brûlaient les titres du chartrier et les meubles qu'on ne pouvait emporter, défonçaient les tonneaux dans les caves, gâtaient le blé dans les greniers, rompaient les écluses de trois viviers remplis de poisson, ruinaient les bâtiments et détruisaient de fond en comble quatre moulins à eau. Les autres propriétés du seigneur de Chiffrevast furent également pillées et dévastées. Assigné pour ces faits, avec 42 de ses complices, en cour de Parlement, Godefroy excipa d'une lettre de rémission qu'il avait obtenue du roi et ne se présenta pas. Ses coaccusés firent de même, et ce fut seulement trois ans plus tard que le sieur de Chiffrevast put obtenir justice. Il lui fut accordé une indemnité de 36000 livres tournois qui ne fut jamais payée. Nicolas de Chiffrevast eut pour héritier son fils Richard, chevalier, que l'on trouve, en 1323, réglant ses droits et ceux de l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, pour le marché et les foires des Pieux, ainsi que pour sa part de patronage. Richard de Chiffrevast ne laissa qu'une fille, nommée Agnès, morte sans postérité, en 1371. Le domaine de Chiffrevast échut alors aux de Percy, puis aux d'Anneville de Montaigu-la-Brisette, parents les plus proches. La famille de Chiffrevast portait: "bandé d'argent et de sable, de six pièces", comme on peut le constater sur les murs de l'église de Tamerville. La famille d'Anneville portait: "d'argent semé d'hermines, à la fasce de gueules".
Jehan d'Anneville, fils de Michel, ajouta à ses titres de seigneur et patron de Montaigu, ceux de seigneur et patron de Tamerville. Il était chambellan du duc de Bourgogne, écuyer du roi, capitaine et gouverneur de la ville et du château de Valognes. Jehan d'Anneville et Guillotte de la Houssaye, sa femme, fondèrent dans l'église cathédrale de Coutances les chapelles Saint-Georges et Saint-Christophe. L'évêque Sylvestre de la Cervelle approuva cette fondation en 1384. Jehan d'Anneville eut entre autres enfants: Jacques d'Anneville, qui fit bâtir dans le cimetière de Tamerville une chapelle pour sa sépulture et celle de sa famille. Cette chapelle, reliée à l'église en 1672 par une lourde arcade, subsiste encore. Elle est bien dans le style du temps. Jacques d'Anneville mourut vers 1430. Nous trouvons après lui Guillaume, qui périt dans la guerre de Cent ans; François, qui épousa Gillette de la Rocque et qui, d'après M. l'abbé de Vassy, fit reconstruire le château, vers 1450. François vivait encore en 1487. Il est certain qu'il a existé un château entre celui qui fut détruit en 1354 et le château bâti vers 1610, car Gilles de Gouberville, dans son livre de raison si curieux, parle souvent de Cyfrevast où il dîne et s'arrête souvent. Les titres de la fabrique de Tamerville signalent encore comme seigneurs de Chiffrevast, en 1516, Robert d'Anneville, en 1529, Guillaume père de Jacques, qui fit construire le moulin de la Ramée sur la rivière de Canteraine et qui fut père de Guillaume, le vaillant défenseur du château de Valognes contre les huguenots, en 1574. On sait, en effet, que le sieur de Chiffrevast, aidé de son frère Henri, sieur de l'Hommée, et de 18 autres gentilhommes du voisinage, résista pendant quinze jours aux attaques furieuses de Gabriel de Montgommery, lui tua une partie de ses hommes et l'obligea enfin à se retirer en abandonnant la plupart de ses canons.
Les deux frères se retrouvaient ensemble sous les étendards du roi et du duc de Guise, prêts à combattre l'invasion allemande (1587), quand la mort les enleva dans la ville de Sens, Henri le 13 et Guillaume le 27 décembre 1587. Marguerite Auber, veuve de Guillaume, fit rapporter son cœur à Tamerville et lui éleva un monument. Guillaume d'Anneville eut pour successeur Henri ou Hervieu d'Annexe. Ce fut ce seigneur qui fit reconstruire, pour la troisième fois, le château de Chiffrevast, vers 1610. Des constructions furent élevées sur les courtines entre les bastions est et ouest du château, entre autres une chapelle dédiée, en 1615 ou 1618, sous le vocable de Sainte-Honorine. Hervé d'Anneville eut de Renée de Croville plusieurs enfants: Gilles qui mourut quelques années avant son père, entre 1640 et 1649; Charlotte qui épousa en 1627 M. de Pouloigne, et en 1635 Robert de Gourmont, seigneur de Fontanes, lieutenant général civil et criminel en la vicomté de Carentan; Guillaume qui suit, Jacques, Barbe, etc. Guillaume épousa Françoise de Mathan, dont il eut de nombreux enfants: François-J acques (1652), Hervé-Eustache (1654), Marie (1655), Jacques (1657), Guillaume-Eustache (1662), baptisé par Jean de Gourmont, archidiacre et grand vicaire de Mgr de Lesseville, parrain de l'enfant; Barbe, Marguerite, etc. Guillaume d'Anneville fut inhumé, le 24 mars 1677, dans le chœur de l'église de Tamerville. Il eut pour successeur dans ses biens et dignités son fils François d'Anneville qui épousa Marie-Gabrielle Poerier, fille et héritière de feu René Poerier, seigneur du Theil. Guillaume-Eustache, le filleul de Mgr de Lesseville, entra dans les ordres; il est désigné dans divers actes sous le nom d'abbé de Chiffrevast. La seigneurie de Chiffrevast, qui avait dû appartenir pendant quelque temps, par suite de mariages, à l'illustre famille de Percy, fut unie en 1702, par lettres patentes du roi, à celle de Tamerville, en faveur de François d'Anneville, écuyer seigneur de Tamerville.
François d'Anneville eut pour fils Guillaume-René, mort peu de temps avant la Révolution, et qui avait pour femme Marie-Anne-Jacqueline de Camprond. Il fut longtemps capitaine au régiment de Royale-Dragons, eut un bras cassé au service et fut décoré, par Louis XV, de l'ordre de Saint-Louis. Son frère, connu sous le nom de l'If, montait, en qualité de capitaine, le vaisseau le Superbe dans l'escadre de M. de Conflans. Il périt avec son navire dans la fatale journée du 20 novembre 1759. Un troisième frère, Jacques-Robert-Nicolas, était abbé de Saint-Sever, archidiacre du Val-de-Vire et chanoine de Coutances. L'aîné des fils de Guillaume, René-François-Antoine-Henri, seigneur de Chiffrevast, fut aussi capitaine de dragons et chevalier de Malte. Envoyé à Paris en 1793, par un émissaire de la sûreté générale, il fut déféré au tribunal révolutionnaire présidé par Dumas, condamné après un simulacre de jugement et exécuté à l'âge de quarante et un ans. La foudre incendia une partie du château le jour même de l'exécution du marquis. Cette coïncidence frappa beaucoup les esprits. Madame d'Anneville, née Marie de Camprond, âgée de 75 ans, fut aussi arrêtée le 11 floréal suivant et dirigée sur Paris. Elle ne dut son salut qu'à la chute de Robespierre. Le château de Chiffrevast, mis sous séquestre, fut ainsi que le domaine, étrangement pillé pendant la Terreur, grâce à la connivence de Jean Mouchel-la-Fosse, garde des scellés et élu dans la suite juge de paix du canton de Sauxemesnil. L'administration fit abattre une partie des arbres des avenues pour le chauffage de la garnison de Cherbourg et celui des troupes cantonnées dans la Hague. On en porta jusqu'à Vauville.
Les armoiries des d'Anneville étaient, nous l'avons vu: d'argent semé d'hermines à la fasce de gueules. Elles exprimaient admirablement la loyauté et la bravoure de ces divers seigneurs, toujours fidèles à Dieu et au roi. Ces armoiries effrayèrent, en 1793, les municipaux de Tamerville qui, trois jours durant, vinrent présider à leur destruction (1er brumaire an III). Le château de Chiffrevast ne fut pas vendu comme bien national. Il fut rendu dans la suite à la famille d'Anneville, en même temps que le château de Pont-Rilly qui resta seul dans la famille d'Anneville. M. Lebrun, duc de Plaisance, architrésorier, prince de l'Empire, déjà possesseur d'une propriété contiguë, acheta Chiffrevast qui passa successivement à son troisième fils, le baron de Plaisance, puis à sa petite-fille, Camille de Plaisance, épouse du comte Napoléon Daru, ministre du second Empire. A la mort de Madame la comtesse Daru, le château et le domaine de Chiffrevast ont été vendus un demi-million au début du XXe siècle au grand industriel valognais bien connu, M. Eugène Bretel, qui poursuit avec un goût parfait, la restauration, dans le style de l'époque, de la chapelle et de l'antique manoir seigneurial des de Plaisance, des d'Anneville, des de Percy et des sieurs de ce Cyfrevast. (1)

Éléments protégés MH : le potager ; le parc avec ses bois, ses herbages, ses étangs, ses statues et aménagements hydrauliques: inscription par arrêté du 26 octobre 1993. Les façades et les toitures du château et de l'ensemble des bâtiments du parc de Chiffrevast, y compris la glacière, les vestiges du lavoir et la fontaine, la cour d'honneur avec son escalier; les douves sèches avec leurs murs et leur pont; les portes d'entrée avec leurs piliers et leurs grilles; les murs de clôture du potager; le décor architectural du parc avec ses murs d'enceinte, piliers et balustrades: classement par arrêté du 18 mars 1996 (2)

château de Chiffrevast 50700 Tamerville, propriété privée, ne se visite pas.

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(1)   source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Manche) Lemale & Cie. Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.
(2)    source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee

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