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Château de Torigni sur Vire (Manche)
 
 

    Beaucoup de gens ignorent qu à la fin du XVIIIe siècle, il existait à Torigny, en un coin perdu de Basse-Normandie, une résidence princière, siège d'une véritable cour, avec vassaux et courtisans, analogue à celle des petits souverains allemands de la même époque. Sans doute, les comtes de Torigny, ducs de Valentinois, princes régnants de Monaco, plusieurs fois alliés à la famille royale de France, ne peuvent revendiquer, comme les ducs de Saxe-Weimar, la gloire d'avoir encouragé les débuts d'un Gœthe ou d'un Schiller; mais leur histoire ne manque ni de grandeur ni d'intérêt. De race guerrière, ils se distinguent, d'abord par les services que plusieurs d'entre eux ont rendus à la royauté menacée par la guerre civile. Plus tard, à une époque de paix, on les vit, amis des arts, réunir dans le château créé par leurs ancêtres, toutes les splendeurs de la - peinture, de la sculpture et de l'art de l'ameublement. Le premier seigneur dont l'histoire fasse mention est Hamon-as-Dents (Dentatus), baron de Torigny. Il se joignit aux vassaux de Guillaume le Conquérant, révoltés contre leur suzerain, et fut tué à la bataille des Dunes (1047). La baronnie de Torigny fut confisquée, mais peu après rendue au fils du vaincu, Robert Haymon, qui s'était soumis à son suzerain. Robert Haymon accompagna le Conquérant dans l'expédition contre Harold. Il combattit à Hastings. Dans la querelle des deux fils de Guillaume, il suivit le parti de Henry 1er, roi d'Angleterre, et mourut au siège de Falaise (1105). Son fils Robert devint comte de Glocester par son mariage avec l'héritière de ce fief. Il devint ainsi l'un des vassaux les plus puissants de la couronne d'Angleterre. Nous le voyons au nombre des seigneurs qui combattirent avec la reine Mathilde contre Etienne de Blois.
Bien qu'Anglais par l'importance de ses possessions insulaires, il n'oublia pas Torigny. Au rapport de Guillaume de Jumièges, il transforma en étangs la plus grande partie des vallées qui entouraient sa motte féodale. Sa fille Hawise épousa Jean sans Terre. Après la lutte entre Philippe-Auguste et le roi d'Angleterre, Torigny subit le sort de toutes les possessions normandes de ce dernier, et entra dans le domaine du roi de France. Philippe le Bel échangea Torigny avec Pierre de Chambli. Sous Charles V, la baronnie appartenait à l'amiral Jean de Vienne, qui la vendit à un cousin germain de Duguesclin, messire Olivier de Mauny, seigneur de Hambye. Depuis 1307 jusqu'à la Révolution française, sauf pendant la guerre de Cent ans, Torigny n'est pas sorti de la descendance directe d'Olivier de Mauny. Ce rude guerrier fut l'un des défenseurs les plus actifs de la patrie française. On le voit à presque toutes les batailles de cette époque. Fait prisonnier à Auray, à Navarette, il combat à Montiel contre Pierre le Cruel, roi de Navarre. Au siège de Rennes, il accepte le défi porté par un Anglais, Jean Bolleton, qui offrait, raconte Froissard, six perdrix aux assiégés, Olivier de Mauny traversa à la nage les fossés de la ville, tua son adversaire, et rapporta aux défenseurs de la ville les six perdrix comme un trophée de sa victoire. Olivier II de Mauny, fils du précédent, défendit le Mont Saint-Michel contre les Anglais, puis devint gouverneur de Falaise. Son château de Torigny fut pris par les Anglais, et donné au chevalier Topham. L'occupation étrangère dura peu. Dès 1449, le connétable de Richemont chassa l'intrus, et Olivier, qui commandait les archers français dans cette campagne, rentra en possession de son domaine.
L'année suivante, l'unique héritière des Mauny épousa Jean de Gouyon de Matignon, dune illustre famille bretonne; le grand-père de Jean avait été le compagnon d'armes d'Olivier 1er de Mauny et de Duguesclin à Montiel et à Cocherel. Ces Gouyon étaient une race vigoureuse et intelligente. Torigny leur doit sa splendeur. Dès 1484 on voit Alain de Matignon, grand bailli de Caen, profiter de son crédit pour obtenir en faveur de sa ville natale des franchises communales (loi du 4 février 1484). Jacques 1er de Matignon assiste à la bataille de Pavie. Il tenta, raconte Mézeray, de détourner le connétable de Bourbon de ses projets de trahison. Quand tout espoir de maintenir le malheureux prince dans le devoir eut disparu, le seigneur de Torigny avertit François 1er. En récompense de ce service, le roi lui donna la baronnie de la Roche-Tesson. Jacques 1er avait épousé Anne de Silly, héritière de la seigneurie de Lonray. C'est dans ce dernier domaine que naquit Jacques II de Matignon, la plus pure illustration de la famille. Parmi les défenseurs de la royauté, à cette époque troublée des guerres de religion, il en est peu dont la conduite ait été aussi droite, la fidélité aussi inaltérable. Son rôle comme commandant en chef appartient surtout à l'histoire de Normandie, et sa principale gloire est d'avoir pacifié cette province. Cependant l'histoire de la monarchie française doit revendiquer le nom du général qui reprit la Fère au prince de Condé, du vainqueur de Nérac, où le roi de Navarre, depuis Henri IV, dut lui céder le champ de bataille. Conseiller influent de Catherine de Médicis, maire de Bordeaux, gouverneur général de la Guienne, maréchal de France, il défendit, soit comme négociateur, soit comme militaire, la maison de Bourbon contre les rebelles, protestants ou ligueurs. Il contribua pour une grande part au triomphe de l'autorité royale et à la constitution de l'unité française.
Après la mort de Henri III, "ce très fin et trinquat Norman d" comme dit Brantôme, s'attacha à la fortune de Henri IV, et s'appliqua de tout son pouvoir à décider le nouveau roi à abjurer le culte protestant. Aussitôt qu'il eut entrevu la probabilité de cet événement, le maréchal s'empressa d'annoncer autour de lui les intentions de son maître, pour lui ôter tout désir de retour. A la tête du régiment des Suisses, il prépara l'entrée du roi dans Paris. Aussi vit-on, au sacre de Henri IV, ce loyal et courageux serviteur de la monarchie tenir l'épée de connétable. Lieutenant général du roi en Basse-Normandie, Jacques de Matignon est le principal agent de la pacification de cette province. Son adversaire le plus dangereux était l'auteur involontaire de la mort de Henri II, l'ennemi personnel de Catherine de Médicis, le comte de Montgominery, l'un des plus puissants seigneurs du Cotentin et du pays Avranchinais. Poussé par les circonstances, par la haine de la reine-régente, Montgommery se jeta dans le parti protestant, dont il devint le chef en Normandie. Avec l'aide du moine apostat Soler, de Briqueville-Colombières, des deux Sainte-Marie d'Agneaux, de Pierrepont, il forma en bandes les petits seigneurs mécontents, implora le secours de l'Angleterre, et commença la guerre de partisans. Dans le Cotentin, les rebelles saccagèrent plusieurs abbayes, la cathédrale d'Avranches, Notre-Dame de Saint-Lô. A Coutances, ils s'emparèrent de l'évêque Arthur de Cossé, et le promenèrent à travers les rues de sa ville épiscopale, monté sur un âne, la tête vers la queue de sa monture, couvert d'oripeaux en papier. Après la paix d'Amboise, qui avait mis fin momentanément à la guerre, Montgommery reprit les armes, et le maréchal de Matignon se trouva en présence, cette fois, de forces organisées dont il ne put triompher qu'après une lutte des plus ardentes.
L'une des premières mesures que prit Matignon fut d'échanger avec l'évêque de Coutances, Arthur de Cossé, contre des terres, la baronnie de Saint-Lô. Cette ville se trouva ainsi sous la domination directe du seigneur de Torigny. Il était désormais impossible aux protestants de s'en faire un boulevard. Dans toute sa conduite vis-à-vis des rebelles, le représentant du roi en Basse-Normandie eut pour système constant de ne recourir que le moins possible à la violence. Il empêcha la population catholique d'user de représailles, s'opposa à l'exécution des ordres de la cour, lors des massacres de la Saint-Barthélemy. Sa foi dans l'avenir de la cause monarchique était telle que nous le voyons, dès 1585, entreprendre à son château de Torigny des travaux importants, qui transformèrent la vieille citadelle d'Haymon-as-Dents en une habitation seigneuriale d'aspect plus hospitalier. C'est lui qui a fondé le château moderne. Henri IV avait demandé pour le fils du maréchal la main d'Eléonore d'Orléans, fille du duc de Longueville, et avait, de sa main royale, contresigné le contrat de mariage. Charles de Matignon, qui entrait ainsi dans la famille des Bourbons, était le troisième fils de Jacques II. Les deux premiers, Odet, comte de Torigny, et Charles, comte de la Roche, étaient morts tous les deux des suites de la guerre. L'époux d'Éléonore d'Orléans, qui, en 1598, succéda à son père dans la charge de lieutenant général du roi en Basse-Normandie, ne suivit pas les exemples guerriers de ses ancêtres. Il consacra presque exclusivement sa vie à l'achèvement et à l'embellissement de son château. Quand il mourut, à 84 ans, en 1648, sa résidence, qu'il avait à peu près terminée, avait pris une importance presque royale.
Jacques, fils de Charles, fut tué en duel, et son frère, François, le remplaça dans les charges héréditaires de sa famille. Charles-Auguste fit renaître la gloire militaire de son trisaïeul. En 1708 nommé maréchal de France, il commanda le corps expéditionnaire qui tenta vainement d'appuyer en Ecosse la descente du chevalier de Saint-Georges, fils du roi Jacques II d'Angleterre. Henri, qui vient ensuite, avait eu neuf enfants de Charlotte de la Luthumière. Il ne laissait pourtant à sa mort qu'une fille, Charlotte, qui épousa son oncle Jean de Matignon. L'un des fils issus de ce mariage, Jacques-François, se maria, en 1715, a l'héritière des Grimaldi, princes de Monaco; mais à la condition de quitter le nom et les armes des Matignon pour prendre les titres éteints de duc de Valentinois et de prince de Monaco. La famille Grimaldi, qui allait renaître dans la personne des descendants de Jacques-François, était génoise et la première du parti guelfe. Comme ducs de Valentinois, les Grimaldi avaient le titre de pairs de France. Comme princes de Monaco, ils comptaient au nombre des familles régnantes. Honoré-Gabriel Grimaldi résida longtemps à Torigny. C'est lui qui, le premier, introduisit dans le pays les chevaux de pur sang anglais. Favorable aux idées nouvelles, il n'émigra pas, et compta au nombre des rares gentilshommes qui assistèrent Louis XVI à la fête de la Fédération. Ses idées libérales ne le sauvèrent pas des fureurs révolutionnaires.
Malgré la popularité méritée dont il était entouré, malgré la pétition que les habitants de Torigny signèrent en sa faveur, il fut incarcéré, ses biens furent mis sous le séquestre, et vendus pour la plupart. Il mourut en prison. Il laissait deux fils: le duc de Valentinois, qui avait épousé l'héritière des ducs d'Aumont, et un second fils qui portait le nom de son père. Ce dernier servit dans l'armée française. Aide de camp de Grouchy, un autre Normand, il entra dans l'état-major de Murât, fut blessé d'un coup de lance en Espagne. Après avoir été grand écuyer de Joséphine, il devint pair de France à la Restauration et s'établit en Normandie. Il liquida sa situation financière, fort embarrassée par les désastres de la Révolution, et s'installa au château de Monbosq, à peu de distance de Torigny. Reprenant les traditions de son père, il s'occupa d'agriculture et de bienfaisance. En lui finit la branche normande des Grimaldi. La vie du duc de Valentinois intéresse plus spécialement l'histoire de la principauté de Monaco. Disons seulement que, lorsque, en 1815, Talleyrand eut sauvé sa principauté, le duc abdiqua en faveur de son fils aîné Honoré V. Ce rapide exposé des souvenirs historiques qui concernent les seigneurs de Torigny abrégera ce qui nous reste à dire sur la résidence qui est leur œuvre.
Rien n'a été conservé du vieux donjon féodal d'Haymon Le Dentu, agrandi par le comte de Glocester, son petit-fils. Le seul souvenir qui nous en reste se trouve dans une peinture décorative qu'un élève de Claude Vignon peignit de 1650 à 1662, sur les plinthes de la grande galerie du château actuel. Il est permis de supposer que la construction primitive offrait la forme d'un quadrilatère avec des tours aux angles. L'étang ou les étangs aménagés par Robert de Glocester contribuaient, avec de hautes et fortes murailles sans ouvertures, à suppléer à l'insuffisance défensive de la motte, d'un relief peu accentué. Depuis le XIIIe jusqu'à la fin du XVe siècle l'histoire ne parle d'aucun travail exécuté pour le compte des barons de Torigny, si ce n'est l'agrandissement de l'église Saint-Laurent, voisine du château, auquel elle servait alors de chapelle (1). Mis en vente aux enchères en 1805, le château connaît alors plusieurs propriétaires (dont le Général Santerre) qui dilapident progressivement le contenu et le contenant de la belle demeure des Matignon. En 1817, le Maire de l'époque, Jacque Chartier de la Varignière, fait racheter ce qui reste du château. La commune conserve maintenant avec fierté l'une des ailes qui a échappé aux destructions révolutionnaires puis aux bombardements de 1944. Le bâtiment, restauré avec le concours des Monuments historiques, est aménagé en hôtel de ville avec beaucoup de goût. Dans l'ancienne chapelle privée du château sont présentées conformément aux voeux de leur auteur, des oeuvres d'Arthur Le Duc, sculpteur animalier de renom, né à Torigni.

Éléments protégés MH : le château de Torigni sur Vire : classement par liste de 1840 (2)

château de Torigni 50160 Torigni sur Vire, tel. 02 33 56 71 44, propriété de la commune, hôtel de ville, musée ouvert au public les deux derniers week-ends de juin et les deux premiers week-ends de septembre, de 14h 30 à 18h, en juillet et août, tous les jours de 14h 30 à 18h. Ouvert pendant les Journées du Patrimoine.

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 château des Matignons  Torigni sur Vire château de Torigni sur Vire  château des Matignons  Torigni sur Vire
 
 
 


(1)    source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Manche) Lemale & Cie. Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.
(2)    source : 
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee

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