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Jusqu'au milieu du XVIe siècle,
Tourlaville fut sous la dépendance du roi (comme propriétaire de la
fiefferme), et des seigneurs du fief Aubert Lhermite, dont les familles
Anquetil, Le Fort et Jéroësme furent successivement titulaires. Pour
continuer la guerre avec Charles-Quint et Henri VIII d'Angleterre, François
1er dut aliéner la fiefferme, dont se rendit acquéreur, en 1544, Jean La
Guette, receveur général des finances ès parties casuelles. Sa gestion
contrôlée accusa un déficit de 236305 livres. Tous ses biens allaient être
décrétés. Marie Salligot, son épouse, sauva la situation en échangeant avec
Henri II sa terre de Monceaux, aux portes de Paris, contre la fiefferme
(1555). Gilles Dancel, neveu et héritier du receveur, la céda, le 1eri
juillet 1557, à la princesse Adrienne, duchesse d'Estouteville, dame de
Bricquebec et autres lieux. Cette famille d'Estouteville avait pour
secrétaire et conseiller un ecclésiastique éminent, Jean de Ravalet, abbé de
Hambye, grand chantre de la cathédrale de Coutances, vicaire général de
l'évêque et fondateur du collège de cette ville. En reconnaissance de ses
services, Marie d'Estouteville, veuve de François de Clèves, duc de Nevers,
lui donna, le 1er mai 1562, la fiefferme de Tourlaville. L'abbé de Hambye et
Jacques de Ravalet, son frère, procureur du roi aux eaux et forêts du
Cotentin, avaient acheté, depuis 1552, le fief Aubert Lhermite des héritiers
de Jean Jéroësme. C'est ainsi qu'ils devinrent les seuls seigneurs de
Tourlaville. Sur les ruines de l'ancien castel du fief Aubert, qui, d'après
M. de Gerville, remontait à la fin du VIIIe siècle, ils firent construire,
en 1562, le château actuel.
Ce château, édifié dans le style de la Renaissance, avec tous les caprices
de l'architecture de cette époque, est assis sur le penchant d'un coteau, à
cinq kilomètres à l'est de Cherbourg. Il est éclairé par des fenêtres à
croisillons de pierre, formant deux étages et surmontées de lucarnes à
piliers et à volutes du plus gracieux effet. Sur les façades du bâtiment,
trois tours faisaient saillie. La tour ronde au sud-est; la tour
triangulaire et la tour octogone au nord. Cette dernière nommée la tour des
quatre vents, qui domine l'édifice, en est la portion la plus remarquable,
"Elle est entièrement occupée, écrit M. du Moncel, jusqu'à la hauteur du
second étage, par un vaste et bel escalier, soutenu par des colonnes d'ordre
ionique. Mais des différentes pièces du château, c'est la chambre bleue,
située dans la tour ronde, à l'est,, qui a le plus conservé la physionomie
du temps. Le plafond en dôme est décoré de modillons et d'arabesques parmi
lesquels on voit le chiffre des Ravalet". Après cette famille qui, depuis
1579, avait changé son nom de Ravalet en celui de Tourlaville, Charles de
Franquetot, par droit de lignage, se fit adjuger la seigneurie de
Tourlaville, le 4 novembre 1653. C'est lui qui fit orner les appartements du
manoir de ces emblèmes mythologiques, de ces peintures et de ces devises
amoureuses, si prisés à cette époque. Robert de Franquetot, frère de
Charles, mort assassiné le 7 mars 1661, acheva les communs du château pour
en faire une grande exploitation. Depuis son décès, survenu en 1707,
jusqu'en 1812, le bâtiment seigneurial fut occupé par des fermiers.
M. Édouard de Tocqueville y fit exécuter, en 1859, les réparations
indispensables pour la conservation des peintures des boiseries et de
l'escalier. Son fils, M. le vicomte René de Tocqueville, entreprit, en 1872,
de concert avec son beau-père, M. Crombez, la restauration complète du
manoir des Ravalet. La chapelle, monument disparate, fut remplacée par la
tourelle, qui fait pendant à celle de la chambre bleue. Un élégant pignon,
avec fenêtre et lucarne dans le style de la Renaissance, complète
heureusement l'édifice maintenant dégagé de toute construction étrangère. Le
donjon, dernier vestige du château primitif, a été respecté. Les murs à
parois verticales du fossé, traversé par un pont à trois arches, autrefois
défendu par une poterne, ont été relevés. Le parc a été aménagé vers 1870
sur les vestiges d'un ancien parc renaissance dont subsistent les douves,
avec une serre, une grotte, deux étangs, etc. On note l'importance donnée
aux plantes exotiques nouvellement importées. Une serre a été construite
entre 1872 et 1875 par René de Tocqueville. Grâce à ces travaux, conduits
avec le goût d'un artiste et la science d'un archéologue, le château de
Tourlaville est devenu l'une des plus belles résidences des environs de
Cherbourg. D'après une légende, fabriquée de toutes pièces, il aurait été le
théâtre d'une série de crimes abominables et le repaire d'une bande de
scélérats de haut parage. L'histoire en a fait bonne justice. Il n'y a de
vrai que l'inceste de Julien et de Marguerite, crime passionnel, qui de nos
jours inspirerait plus de pitié qu'il ne soulèverait d'indignation (1).
Éléments protégés MH : le château, y compris les vestiges de l'ancienne tour
; le parc comprenant notamment les éléments de décor (la grotte, les deux
arcades, vestiges des anciens communs, les deux vasques en fonte situées
devant la serre) ; la serre ; l'ancienne avenue d'accès ; le système
hydraulique ; les douves bordant la cour d'honneur et les communs à l'ouest,
l'étang au nord, le bassin rectangulaire à l'est, le bief d'amenée d'eau
avec ses ouvrages, y compris l'étang des Costils situé en amont ; l'ancienne
turbine du château et les vestiges du moulin situés en contrebas devant
l'entrée de la cour d'honneur du château : classement par arrêté du 4 mars
1996. (2)
château de Tourlaville (des Ravalet)
50110 Tourlaville, le parc est ouvert au public tous les jours et des
visites libres ou guidées du château sont organisées par l'office de
tourisme de Cherbourg-Octeville.
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Crédit photos : Julien.scavini
sous licence Creative
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