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C’est Jean V de Grimouville qui bâtit le premier
château de Nacqueville, au début du XVIe siècle. La demeure fortifiée est
implantée sur le coteau sud d’une vallée aux flancs abrupts qui s’ouvre sur
des prairies humides bordant le littoral. La rivière des Castelets et deux
ruisseaux qui la rejoignent sont utilisés pour entourer le château de
douves. Demeurée dans la famille Grimouville jusqu’en 1685, la propriété est
achetée par Bernardin Mangon, sieur du Coudray, en 1689. Le nouveau maître
des lieux, souhaitant mettre la vieille demeure au goût du jour, fait
reconstruire l’aile droite du logis et abattre les hautes murailles dont il
conserve toutefois la poterne d’entrée. Transmis par héritage, Nacqueville
échoit, en 1833, à Emilie Erard de Saint-Rémy qui épouse peu après Hippolyte
Clérel, comte de Tocqueville. A cette époque, l’atmosphère du domaine est
encore champêtre. Le manoir apparaît comme un corps de ferme qui ne
s’inscrit pas encore dans un cadre paysager. Un étang ombragé de saules et
de frênes se trouve à la jonction de la rivière et des ruisseaux, près de la
vieille poterne qui donne à l’ensemble un air de noblesse. Le comte de
Tocqueville fait reconstruire la partie centrale du château et fait appel à
un paysagiste anglais pour créer un parc romantique autour. Après la
modification du tracé de l’allée d’entrée, sur le coteau nord, les travaux
commencent vers 1835. Les cours d’eau sont utilisés pour aménager des
cascades et une fontaine, l’étang est recentré pour devenir le miroir des
bâtiments. De vastes pelouses, plantées d’arbres d’ornement, de
rhododendrons et d’hortensias, entourent l’ensemble. La vallée, en aval, est
dégagée pour offrir une perspective vers la mer, tandis que les coteaux
environnants sont plantés de feuillus et de conifères. L’écrin du château
semble enfermé, tel un îlot de calme et de beauté, dans une couronne boisée
qui l’isole du monde. Il ne se découvre qu’au débouché de la longue allée
d’entrée, bordée de pins, en un seul coup d’œil embrassant tout le panorama.
En 1857, Alexis de Tocqueville écrit à un ami "j’étais avant-hier chez mon
frère Hippolyte. Ils ont dépensé assez d’argent et de goût à Nacqueville
pour faire de ce lieu l’un des plus jolis du monde". Après les décès
d’Hippolyte de Tocqueville et de son épouse, le domaine est acheté, en 1880,
par Hildevert Hersent, ingénieur en hydraulique renommé. Celui-ci modernise
le château et améliore le système hydraulique en régulant les eaux par une
série de barrages et de vannes. Hildevert Hersent fait construire, à
l’entrée du parc, un pavillon de concierge et un lavoir en rocaille sur la
rivière des Castelets. Près du château, des serres chauffées sont édifiées à
côté du potager et l’art des rocailleurs est mis à contribution pour
embellir les cascades, créer une grotte et bâtir un kiosque dans les bois.
En 1919, le domaine revient à l’un de ses fils, Jean Hersent, qui entretient
la propriété jusqu’à la seconde guerre mondiale. En 1943, le château est
occupé par l’armée allemande. Plus de 2000 arbres sont abattus pour
confectionner des "asperges de Rommel", des casemates sont construites sur
le littoral et l’ensemble du domaine est laissé à l’abandon. En 1944,
l’armée américaine bouleverse le parc pour y installer un état-major et des
baraquements de GI’s. Les pelouses sont nivelées, la rivière canalisée est
recouverte, 20 hectares de prairies sont transformés en cité et un camp de
prisonniers est installé sur le plateau en lisière des bois. En 1946, Marcel
Hersent récupère la propriété dans un état catastrophique. Le château est en
ruine, le parc est saccagé et les bois sont très endommagés. Pendant plus de
10 années, il va s’attacher à effacer les dommages causés par la guerre. En
1962, fier de son œuvre, il ouvre le parc au public. Demeuré dans la famille
Hersent, le château de Nacqueville retrouve peu à peu son ambiance
originelle, grâce aux efforts accomplis, depuis la guerre, par les
générations successives. Non loin de la route côtière, le vallon du parc
de Nacqueville s’ouvre au village de La Rivière, la maison du concierge
marque l’entrée, au flanc du versant nord. L’avenue est encadrée de deux
larges bandes enherbées derrière lesquelles les boisements de feuillus
dessinent un long couloir vert. Entre les arbres, quelques trouées vers le
sud laissent apercevoir le vallon champêtre, l’église Saint-Clair et, au
loin, Querqueville. La proximité du château s’annonce avec un alignement
d’hortensias sur la partie droite de l’allée. A gauche, marronniers, hêtres,
tilleuls hêtres et châtaigniers cèdent progressivement la place à
d’imposants massifs de rhododendrons et de camélias. Deux gigantesques
séquoias se dressent entre des gunneras généreusement répandus sur la
pelouse. Le château est à peine perceptible. Derrière l’étang, le château et
la poterne, hautes constructions grises de granit coiffées de schiste,
s’élèvent en majesté sur le vert tendre des pelouses. Ponctuée des taches
mauves des rhododendrons en fleurs et des massifs d’azalées, la vallée
verdoyante est couronnée de bois aux verts sombres, isolant toujours l’îlot
de calme et de beauté voulu par son concepteur. Une courte promenade à
travers cet espace ouvert au public permet de découvrir d’autres vues
sublimes et des lieux plus intimistes. La fontaine Siquier, fleurie
d’azalées, se blottit dans la végétation. Un vieux cryptoméria, aux formes
tourmentées, porte les cicatrices du temps passé. En sortant de l’allée
ombragée, au pied d’un araucaria, une vue toute en lumière s’ouvre sur le
parc et le château. Non loin, le Pont Blanc franchît la rivière, long ruban
argenté qui attire irrésistiblement le regard. L’œil suit son cours sinueux
depuis les cascades enfouies sous les arums et les rhododendrons, en passant
par le pont-levis de la poterne jusqu’à deux énormes rhododendrons entre
lesquels la rivière se déverse dans l’étang. Au loin, barrant l’horizon, la
mer se confond parfois, les jours de brume, avec la surface du plan d’eau.
Derrière le château, le versant sud est couvert de feuillus qui forment la
toile de fond du logis. Non loin, au pied d’un splendide hêtre pourpre, la
grotte de rocaille surplombe le parc. Vers le sud-ouest, le parc forestier
est fermé au public. La végétation luxuriante de feuillus a enseveli les
vallons et les aménagements du XIXe siècle ; chemin des sources, belvédère,
kiosque, pont de bambou et cascades. Vers la mer, de l’autre côté de la
route côtière, le paysage devient horizontal. Le vallonnement du parc est à
peine perceptible depuis les champs et les prairies humides qui s’étendent
entre la route et le front de mer.
Éléments protégés MH : la porte à pont-levis flanquée de deux tours:
inscription par arrêté du 16 mai 1944. Le parc avec l'ensemble de ses
aménagements hydrauliques : inscription par arrêté du 20 novembre 1992. (1)
château de Nacqueville 50460 Urville-Nacqueville, tel. 02 33 03 21 12,
ouvert au public les mardis, jeudis, vendredis, dimanches et jours fériés de
Pâques jusqu'au 30 septembre.
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Crédit photos: Pierrestz
sous licence Creative
Commons
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