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Particularité digne de remarque, le
château de Brugny n'a jamais été vendu, puisque depuis son origine même ses
possesseurs se sont simplement succédé par échange, donation ou héritage. Le
premier seigneur de Brugny qui nous apparaisse ici, remonte au X XIIe
siècle. C'est Gui de de Châtillon, comte de Saint-Pol. Il eut une fin
glorieuse, en périssant au siège d'Avignon en 1226. En dehors de ce fait,
nous citerons son mariage avec Agnès, comtesse de Nevers et d'Auxerre, veuve
en premières noces de Philippe de France, fils du roi Louis VIII et frère
aîné de saint Louis. Agnès elle-même ne le cédait en rien à cette illustre
origine, étant issue de sang royal par sa mère, Mahant de Courtenay, dont le
père, Pierre II de Courtenay, avait pour aïeul paternel le roi Louis VI.
Nous voyons Gui de Châtillon laisser deux enfants, Gaucher, mort sans
postérité, et Yolande, qui hérita de son frère les comtés de Nevers,
Auxerre, Tonnerre et entr'autres fiefs celui de Brugny. Elle épousa
Archambaud de Bourbon. De ce mariage naquit Agnès de Bourbon, qui devint
plus tard la femme de Jean de Bourgogne et la mère de Béatrix de Bourgogne.
Cette dernière épousa à son tour Robert de Clermont, le plus jeune des
enfants de saint Louis. Elle devient donc pour ainsi dire le point de départ
d'une des plus illustres familles princières de l'Europe, par le fait
d’avoir apporté en dot à son mari la seigneurie de Bourbon, érigée en
duché-pairie pour leur fils, Louis de Bourbon. Or, comme on le sait, c'est
Louis de Bourbon qui devait donner son nom à l'illustre maison de France.
D'autre part Mahaut de Bourbon, fille aînée d'Archambaud, épousa en 1247
Eudes de Bourgogne, que cette union fit devenir seigneur de Brugny. Il
laissa ce fief avec le comté de Nevers à l'aînée de ses enfants, Yolande de
Bourgogne, mariée d'abord à Jean de France, fils de saint Louis et mort avec
le roi son père, en 1270, au camp devant Tunis; puis en 1271, à Robert III,
comte de Flandre, veuf de Blanche de France-Sicile.
Neuf ans après son deuxième mariage, Yolande de Bourgogne périt d'une mort
atroce. Si l'on en croit, en effet, les vieilles chroniques, le comte de
Flandre étrangla sa femme par jalousie, le 20 juin 1280, avec un nœud de
bride. Quarante ans après, Robert de Flandre, que le remords avait saisi,
échangea, contre des terres que Geoffroy de Naast possédait au comté de
Flandre, le fief de Brugny en Champagne, dont le nom lui rappelait une si
horrible exécution! L'acte de cet échange, sur parchemin, existe encore dans
les archives du château de Brugny. A Geoffroy de Naast succéda Philippe de
Terriers, seigneur de Saint-Mars, par suite de son alliance avec Béalix de
Naast. Durant la guerre de Cent ans, le château de Brugny, appartenant à
Hugues de Saiut-Mars, fut en très grande partie détruit. Tantôt les
Bourguignons, alliés de l'Anglais, tantôt les Français s’étaient arraché
cette vieille forteresse, dont la ruine fit place à l'intéressant château
actuel. Aussi peut-il être regardé à juste litre comme un des châteaux les
plus historiques de la Champagne. Au milieu du XVe siècle, Brugny passe dans
la maison de Saint-Blaise par le mariage d'Anne de Saint-Mars avec Robert de
Saint-Blaise. Une fois entré dans cette famille, nous l'y voyons rester
l'espace de deux siècles, pendant lesquels les Saint-Blaise-Brugny, barons
de Troissy et de Changy, s'allient aux nobles maisons de Champagne, de
Bourgogne et de Picardie: Beaufort, Condé-Vandières, Miremont, Englebelmer,
la Croix-Plancy, Mondésir, etc. Nous devons dire ici qu'au milieu des
guerres de religion, les seigneurs de Brugny se signalèrent par leur
fidélité royaliste. Oger de Saint-Blaise notamment s’attacha à la fortune de
Henri IV, qui sut d’ailleurs après la victoire reconnaître les services de
son brave compagnon d'armes. Sa petite-fille, Guyonne de Saint-Blaise, dame
de Brugny, épousa Claude de la Croix, baron de Planey et en eut un fils du
nom de Claude également et qui devint vicomte de Brugny.
Ce dernier laissa une veuve, qui hérita de lui le château de Brugny et
épousa en secondes noces Nicolas du Hautoy. De ce seigneur elle eut un fils,
Roch du Hautoy, devenu à son tour vicomte de Brugny. Il s’unit à Anne de
Maizières dont il n'eut point d'enfants, et il mourut le premier. Après lui
la seigneurie de Braguy passa à sa femme. Elle mourut en 1720, laissant pour
héritière sa mère, qui céda Brugny à César de Maizières, son fils aîné.
César de Maizières, comte de Brugny, mourut eu 1759, et ce fut à sa fille
aînée, la marquise d'Estourmel, qu'échut le château de Brugny. La marquise
d'Estourmel mourut en 1788, laissant deux filles, Anne d'Estourmel, mariée
au comte de la Vaulx, et Victoire Césarine d'Estourmel, épouse du marquis de
Clermont-Tonnerre, auquel elle apporta en dot le manoir et le comté de
Brugny. Ces divers possesseurs nous amènent à parler de la maison d'Estourmel
et à clore ce chapitre par quelques mots sur la maison de Clermont,
possesseur du château de Brugny à la fin du XIXe siècle. La maison d'Estourmel
descend de Raimbold, dit Creton, sire d'Estourmel, qui monta le premier à
l'assaut des remparts de Jérusalem. Le chef aetuel de cette maison, M. le
marquis Raimbold d'Estourmel, ancien député, habite le château de Suzanne,
en Picardie. Nous vantions Lout à l'heure la longue possession du manoir de
Brugny par les de Saint-Blaise. Il n'est pas hors de propos de faire
remarquer que, depuis un siècle, il n’est plus sorti de la maison de
Clermont-Tonnerre. La maison de Clermont-Tonnerre est issue des barons
souverains de Clermont en Dauphiné. En remontant aux Croisades, on voit
quelques-uns de ses membres y tenir une conduite brillante. Elle vit ériger
en sa faveur les titres de duc et pair de France, de prince du Saint-Empire.
Elle eut même l'honneur, au XIIe siècle, de rétablir sur son trône le pape
Calixte II. Enfin elle compte nombre d'hommes illustres, tels qu'un maréchal
de France, un grand maître des eaux et forêts de France, des cardinaux, des
préfets, des chevaliers des ordres du roi, un grand maître de l'ordre
souverain de Saint-Jean de Jérusalem, des officiers généraux, etc.
Actes de foy et hommage de la terre et seigneurie de Brugny: 24 Avril
1571 (sur parchemin), foy-hommage à Philippe d'Orléans, comte de Champagne,
par "amé et féal Guillaume de Terriers, seigneur de Saint-Mars, de son
chastel-tour de Brugny, qui est de l'héritage dé dame Béatrix de Naast, sa
femme". C'est avec le père de cette dernière qu'eut lieu cet échange, du
sans doute à l'événement dramatique que l’on sait, à la suite duquel Robert
de Flandre, chevalier, comte de Flandre, lui céda sa terre de Brugny en
Champagne et dépendances, à charge de l'hommage et contre échange de la
terre que Geoffroy de Naast possédait en Flandre. Le 28 mai 1477 (sur
parchemin), foy-hommage des terres de Brugny, Ghavost, Vinai, Cramant, et de
Mutry et Fontaine, ete, à Charles, comte d’Angoulesme, par Loys de
Saint-Blaise, tant en son nom que comme ayant le gouvernement de Huet et
Jehanne, mineurs, enfants de feu Robert de Beaufort et de damoiselle Jehanne
de Saint-Blaise, ses neveu et nièce. Le 4 septembre 4481 (sur parchemin),
foy-hommage des terres de Brugny, Mutry et Fontaine, au comte d'Angoulesme,
par Charles de la Ramée, tuteur des enfants de Loys de Saint-Blaise, dont il
avait épousé la veuve, damoiselle Perette de Lescot. Le 22 juillet 1502 (sur
parchemin), foy-hommage à Madame Loyse, comtesse d'Angoulesme, dame d'Espernay,
par Ogier de Saint-Blaise, pour les terres de Bragny, Fontaine et la moitié
de Mutry. Le 4 novembre 1517 (sur parchemin), foy-hommage à Madame Loyse,
mère du roy, par Ogier de Saint-Blaise, écuyer. Cet acte commence ainsi
"Jehan Olinier, notaire et secrétaire du Roy, seigneur de Maney et de
Morangis, commissaire délégué et député par très haulte et puissante dame,
Madame Loyse, mère du roy, duchesse d’Angoulmois et d'Anjou, comtesse du
Maine et dame d'Espernay, à recevoir les foys el hommages de ses vasseaux en
sa chastellenie dudit Espernay, à tous ceuls qui ces présentes lettres
verront, salut. Sçavoir faisons, etc".
Le 9 mars 1534 (sur parchemin, foy-hommage au roy, par Loys de Saint-Blaise
et ses frères, des terres de Brugny et de Fontaine. Cet acte fut suivi d’un
arrêté de la Chambre des Comptes sur ladite foy (10 mars 1534). Le 24
octobre 1550 (sur parchemin), foy-hommage au roy, par Loys de Saint-Blaise,
des terres de Brugny, Vinay, Vaudancourt et Gourcourt. Le 18 novembre 1575
(sur parchemin), foy-hommage de la terre de Brugny, rendu à Epernay au duc
d'Alençon et à la reine d'Ecosse, douairière de France, par Ogier de
Saint-Blaise et Jehanne de Saint-Blaise, seigneur et dame de Troissy. Le 4
juillet 1579 (sur parchemin), foy-hommage à Monsieur, frère du roi, par
Ogier de Saint-Blaise, pour la terre de Brugny, etc. le 17 août 1610 (sur
parchemin), foy-hommage au roi par François de Saint-Blaise, pour la
baronnie de Troissy et pour Chavost et Dieudonné. Il doit y avoir plus d'une
lacune dans toutes ces foy et hommage; enfin, malgré tout le soin apporté à
parcourir ces différentes archives, nous n'avons trouvé rien de plus à citer
que le petit fait suivant, qui démontre que la foy et hommage n'était pas
une vaine formalité. Ainsi le 13 juin 1695, il fut notifié au seigneur de
Brugny la saisie féodale des deux tiers de la terre et seigneurie de Brugny,
faute d'hommage au duc de Bouillon.
Aveux et dénombrements de la même Terre et Seigneurie: L'aveu et
dénombrement était, en Droit féodal, un acte passé devant notaire royal,
scellé et signé, aux termes duquel le vassal avouait qu'il était soumis, lui
et son fief, à son seigneur et entrait dans le détail des redevances et
droits attachés à ce fief. Le 25 août 1540 (sur parchemin), aveu et
dénombrement rendu par Loys de Saint-Blaise, tant en son nom qu'au nom de
ses frères et sœurs, de la terre et seigneurie de Brugny relevant du roy à
cause de sa seigneurie d'Epernay. Cet aveu fait mention "du chastel, maison
fort et pourprins dudit Brugny, clos de fossés et ponts-levis, d'une haute,
moyenne et basse justice sur toute ladite terre de Brugny qui comprend
quatre paroisses: Brugny, Vinay, Vaudancourt et Chavost. Et pour l'exercice
de cette justice il y a à Brugny un juge appelé mayeur et des officiers tels
que sergens, procureurs et greffiers. La cense du Jard, appartenant aux
religieux de la Charmoie, relève de celte même justice". Il faut citer, en
continuant, "le droit de grurie et pour l'exercice un juge gruyer qui tient
à juridiction au pays de Brugny et a sergens forestiers faisant exploits de
grurie, et si avons à ce moyen droict de passaige sur chacun passant,
charroyant bois de syage, coffres, bancs, selles, tout autre ménaige qui
auroit été cyé, qui ne peut sortir hors les termes de notre dicte seigneurie
de Brugny, sans payer ledict droict qui est de 2 sols 6 deniers pour chacun
harnois où il y a bois de syrie, et davantage pour un harnois charroyant une
meulle percée, 7 sols 6 denicrs, et pour une meule non percée, 5 sols, à
peine de 60 sols d'amende. Le droit de glandée de la forest de Brugny,
laquelle forest contient 2,500 ou 2,600 arpents, tenant d'une part aux
terres et bâtis de Saint-Martin d'Ablois et au bois de Grairie et terres du
bois l'Abbesse qui appartient aux Religieuses d'Avenay, d'autre part aux
usages et terres du Baizil et terres de Montmort, aux bois et usages de
Monthelon et aux terres d’une cense appelée Betain et appartenant aux
Religieux de la Charmoie, et de toutes les autres parts aux terres du
domaine de Brugny et aux terres tenues en censive du seigneur déclarant...
Le 5 septembre 1675 (sur parchemin), aveu et dénombrement, rendu par messire
Antoine de Mondésir, vicomte de Brugny, dans lequel on rencontrera divers
points instructifs en droit féodal. Il y est dit que le seigneur exerce la
justice avec droit de fourches patibulaires, carcan et prisons, pour
l'exercice de laquelle justice, il y a un juge appelé bailli; qu'il a droit
de passage sur chacun passant, charroyant bois de sciage, coffres, bulles et
autres meubles de menuiserie, etc, qu'il possède 5 fermes: la Gense,
au-dessus du château de Brugny (210 à 212 arpents), la Grange Jablet (120
arpents), les Moussels (95 arpents), la Grange Lecomte (125 arpents),
Dieudonné (155 arpents). Quatre pressoirs à vin banaux, dont deux à Chavost,
un à Courcourt et le quatrième à Vaudancourt, auxquels pressoirs tous les
sujets desdits lieux sont tenus de pressurer leurs vins à peine de 60 sols
d'amende. La même obligation existait pour les moulins banaux, à peine de 60
sols d'amende. "Qu'il a droit de censive sur toutes les maisons, vignes,
terres, prés et autres héritages sis dans l'étendue de sa seigneurie vicomté
de Brugny, lesdits cens portant lots et ventes de 20 deniers pour livres,
deffaux, vêlures et amendes, payables lesdits cens à la Saint-Martin d'hyver
et à faute par les acquéreurs desdits héritages de présenter leurs contrats
d'échanges ou donations dans la huitaine suivante, ceux-ci doivent 60 sols
d'amende et, à faute de payer la censive, 5 sols aussi d'amende. Les quelles
censives peuvent monter à la quantité de 100 où 420 boisseaux de froment, 80
boisseaux d'avoine, 20 boisseaux de méteil, 10 ou 12 boisseaux de seigle, 25
poules, 15 chapons, 6 ou 7 vingt pintes de vin et 5 ou 6 vingt dix livres.
Qu'il a droit de jurée sur les hommes et femmes de Brugny, Vaudancourt,
Courcourt et Chavot. Droit de fours banaux aux mêmes villages".
Le 12 août 1728, nous sommes arrivés au dernier aveu et dénombrement que
nous ayons pu rencontrer. Rendu par cézar de Maizières, il équivaut à peu de
chose près au précédent. Le 7 novembre 1786, intervient une légalisation de
l'acte de réception de l'aveu et dénombrement rendu en 1728. Il ne nous faut
pas quitter ces aveux et dénombrements, sans parler de certains droits
fiscaux qui en ont été la suite. Par exemple, le 14 décembre 1574, nous
voyons donner quittance au seigneur et dame de Saint-Blaise, de ce qu'ils
ont payé au roi pour droits seigneuriaux de la moitié de leurs terres. Le 3
février 1637, il s’agit d'une autre quittance délivrée à messire Jacques de
Saint-Blaise, seigneur de Brugny, pour son versement des droits de quint et
requint. Cette question de quint el requint nous amène tout naturellement à
rapporter que, le 27 juin 1612, Louis XII, roi de France, fit don à
d'Arnoult, le nouveau grand maître des eaux et forêts de Champagne, des
quints, requinls, droits de refiefs, qui étaient dus au roy, tant par Jeanne
de Saint-Blaise, veuve de messire Ogier de Saint-Blaise, que par ledit de
Saint-Blaise et ses héritiers, à cause des acquisitions par eux faites des
terres de Dieudonné, Chavot, Vinay, Vaudancourt et Courcourt. Comme ces mots
de quint et requint pourraient sembler barbares, il n'est pas inutile d'en
donner l'explication: le droit féodal de quint et requint prélevé soit sur
une succession, soit sur une vente, valait la cinquième partie de cette
succession ouverte, plus la cinquième partie de ce cinquième. Le 30 mai
1656, par une sentence du tribunal des trésoriers de France, le seigneur de
Brugny est renvoyé de la demande faite contre lui pour fin de paiement de
droits seigneuriaux et féodaux. Le 25 avril 1708, messire de la Croix,
seigneur comte de Brugny, se trouve déchargé des droits de francs fiefs
auxquels on avait voulu l'imposer.
Aperçus descriptifs du château de Brugny:
Lorsque le voyageur quitte Epernay, se dirigeant sur la route de Montnirail,
un site frappe son regard, dès qu'il a dépassé Moussy, ce sont les tours du
château de Brugny apparaissant obliquement sur sa gauche, comme un nid à
demi caché dans le feuillage, et comme perdues dans un enfoncement de forêt.
Ce château est bâti à mi-versant d'une colline regardant la vallée du
Sourdon, el la nature s'est complu à lui faire un cadre des plus
pittoresques. On rencontre une grille ouvrant sur une jolie avenue qui
serpente, et dont le coude très prononcé, ainsi qu'un groupe d'arbres
gigantesques, masque le château distant de quelques pas. Dans ce parcours,
l'oreille se trouve délicieusement bercée par le murmure d'un clair et
frétillant ruisseau aux méandres capricieux. Au-dessus, s'étage un beau pare
en amphithéâtre, avec de vastes pelouses qui le précèdent. Les appartements
du château sont remarquables à plus d'un titre. D'abord le grand salon, bas
d'étage, mais à poutrelles anciennes, où nous admirons des meubles anciens,
de beaux portraits de famille, des panneaux délicieusement peints, de fines
miniatures sur émail, représentant divers personnages. Nous citerons conne
portraits de famille, celui de la marquise de Chauvelin, grand-mère du
propriétaire du XIXe siècle, belle copie, d'après le portrait original, par
Grouze. Elle était femme du marquis Claude de
Chauvelin, mort en 1774, après avoir
servi en Italie et en Flandre, et devenu ambassadeur à Gênes et à Turin, et
avoir passé la fin de sa vie à la cour, dans l'intimité de Louis XV. Son
père, le marquis Louis de Chauvelin, avait été garde des sceaux et
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Puisque nous nous arrêtons aux
portraits, citons aussi celui de César de Maizières, en costume Louis XV,
puis celui de Anne du Hautoy, sœur du prédécesseur. Ces deux portraits sont
de l'époque, ainsi que leurs cadres dorés; ils ornent la salle à manger,
ainsi qu'une belle marine donnée par l'Etat pour haut fait d'armes d'un
Vaudreuil.
Le second salon est vraiment remarquable avec ses lambris, ses portiques,
ses peintures dont le style s'inspire du gothique. Rien de plus original que
tous ces caissons à moulures et à lignes peintes de différents tons, qui
forment le plafond. Cette pièce était l'ancienne entrée du château par le
pont-levis: on voit encore ses appuis, la poterne; et la large voûte qui le
sépare en deux servait alors d'entrée pour la cour, avant la restauration du
château, augmenté d'une galerie. Ses fenêtres, à larges baies, ouvrent sur
un canal qui, alimenté par des eaux vives, et large de 7 à 8 mètres, règne
sur une longueur d'environ 50 mètres. De ce point, la vue s'étend sur un
site des plus accidentés, formé de vallons, de prairies, de coteaux, de
vignes et de forêts. La salle à manger est ornée d'un buffet monumental, au
style sévère, de beaux meubles anciens, sculptés, ainsi que des superbes
portraits. Un large escalier, avec rampe en fer forgé, ancienne, conduit aux
chambres et à la chapelle. Cette dernière offre de remarquables vitraux du
XVe siècle, et un tableau représentant des membres de l'illustre famille des
Clermont-Tonnerre, qui, depuis les temps les plus reculés, ont appartenu à
la vie religieuse, et comptent neuf saints et saintes canonisés. Parmi les
chambres, il faut surtout citer celle dite d'Henri IV, habitée par ce roi,
après le siège d'Epernay; on y voit un lit en satin brodé de cette époque,
et qui passe pour être celui où coucha ce grand prince. Les autres chambres,
qui ne sont pas non plus sans intérêt, ont de particulièrement ravissant la
vue panoramique. Il nous faut signaler encore un cabinet de travail où,
indépendamment de vieilles armes, se trouve notamment un représentant de la
pénalité du moyen âge, nous voulons parler d’un vieux collier de fer appelé
le carcan.
Après être sorti des appartements, il ne nous reste plus qu'à jeter un coup
d'œil sur la façade extérieure qui regarde la vallée du Sourdon. Elle se
compose de deux tours, l'une ronde, l'autre carrée avec échauguettes; toutes
deux, reliées par un corps de logis principal, baignent leur pied dans les
larges fossés déjà cités. Elles sont d'aspect imposant, et nous reportent en
leurs parties sculpturales et architecturales à l'époque du XVe siècle. Une
tour carrée du XIII siècle, séparée du château, subsiste seule de l'époque
précédant celle où un incendie détruisit le château pendant la guerre de
Cent ans; elle s'y reliait jusqu'au commencement de ce siècle par une
enceinte crénelée. Le pare mérite aussi une mention: ses percées sur des
points de vue ravissants, des rochers, des arbres séculaires, des pentes
escarpées, de belles avenues, une source qui donne naissance au ruisseau de
Vaudancourt et traverse une immense pelouse, en affectant maintes
sinuosités, ne contribuent pas peu à son coup d'œil pittoresque. Nous
demandons pardon au lecteur de nous être aussi longtemps complu dans la
partie descriptive du château de Brugny; mais s'il le connaissait comme
nous, il nous accorderait bien vite les circonstances atténuantes. (1)
Éléments protégés MH: les façades et les toitures du château, y
compris celles de l'aile de communs et de la tour ronde isolée; la tour
carrée à l'extrémité des communs, près de la douve; la douve: inscription
par arrêté du 17 mai 1990. (2)
château de Brugny
51530 Brugny Vaudancourt, propriété privée, visite des extérieurs
uniquement.
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dans ce département. |
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