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Précédée de majestueuses
perspectives, cette grande demeure occupe un terre-plein quadrangulaire
isolé par de larges douves sèches. Bâtis en moellons revêtus d’un enduit
rosé et rehaussés de chaînes de briques, ses trois corps de bâtiment
s’ordonnent autour d’une cour ouverte au nord. Le choix de ce plan carré,
cantonné de pavillons saillants, plus élevés d’un étage, l’importance des
grands combles d’ardoise à la française et l’étroitesse des travées,
réduites à des demi-fenêtres dans les pavillons, confirment l'attribution du
château à Claude d’Ancienville, issu d’une famille dont plusieurs
représentants furent maîtres d'hôtel du Roi et baillis de Sézanne au début
du XVIe siècle. En 1640, Michel Larcher acquit de Pompée d’Ancienville les
domaines de Réveillon et d’Esternay, et fit évaluer par l'architecte Villedo
les réparations dont avaient besoin leurs deux châteaux. Ses héritiers
cédèrent celui de Réveillon à Philippe Millien, directeur général des
Vivres, qui le revendit à son tour en 1719 à René-Louis Le Voyer, marquis
d’Argenson, conseiller d’État et futur ministre des Affaires étrangères de
Louis XV. Nommé à Valenciennes, le marquis d’Argenson dut fort peu venir à
Réveillon dont la vente en 1730, moyennant 302 400 livres, lui servit à
éteindre ses dettes. Le nouveau propriétaire, Jules-Robert de Cotte, le fils
du grand Robert de Cotte, premier architecte du Roi, porta l’étendue du
domaine à près de 9000 arpents et s’attacha à embellir le château, à
l'instar de Jules Hardouin-Mansart à Sagonne et de Jacques V Gabriel à
Mézières.
Sous le Second Empire, le château échut à Mme Herbelin, peintre de
miniatures, dont hérita sa nièce, Madeleine Lemaire. Peintre de roses très
appréciée, Mne Lemaire tint un salon à Paris, dans son hôtel de la rue de
Monceau, et convia à Réveillon les célébrités et les espoirs de l’époque:
elle y reçut notamment Dumas fils, Edouard Detaille, Sarah Bernhart et, en
août 1894, le jeune Proust qui y passa un mois, travailla à son recueil Les
Plaisirs et les Jours et se lia à Reynaldo Hahn, musicien prodige. Eprouvé
par la guerre, le domaine fut à partir de 1947 l’objet de travaux de
restauration qui permirent de sauvegarder le gros-oeuvre du château, mais
s’avérèrent insuffisants, face à l’immensité de la tâche. Son nouveau
propriétaire, M. Pierre Besançon, a entrepris de dégager les perspectives,
de restaurer le château et de sauver ce qui peut l’être des dépendances et
du remarquable colombier. A l'extérieur, seuls les pavillons d’angle ont
conservé leur ordonnance primitive. Sur les trois corps de bâtiments, les
remaniements opérés au XVIIIe siècle ont fait disparaître la ligne de hautes
fenêtres qui, vraisemblablement, échancraient la base des toits. Sculpté à
cette époque, le fronton qui fait face au grand parterre représente Athéna
protectrice des arts. Comme ceux de Condé et de La Chapelle-
Godefroy, le château de Réveillon abritait un décor prestigieux, en partie
dispersé avant la vente de 1947 et assez dégradé, mais toujours
exceptionnel: dans le vestibule, quatre panneaux décoratifs et quatre
dessus-de-porte de Claude III Audran (compositions décoratives et fables de
La Fontaine); dans les galeries occupant les deux ailes, cinq paysages (sur
un total de douze) attribués à Pierre-Denis Martin, dit Martin des
Batailles, représentant des châteaux Royaux; dans la salle à manger, deux
panneaux attribués à Jean-Baptiste Oudry et un vase de fleurs de Madeleine
Lemaire; dans le petit salon, une nature morte animée de chiens également
attribuée à Oudry; dans la chambre de l'évêque, une peinture du château
hennuyer de Mariemont; et sur le retable de la chapelle, une Piéta d’après
Charles Le Brun. (1)
Éléments protégés MH : le château : classement par arrêté du 8 juin 1948.
L'ensemble du domaine : les parties architecturées et le jardin : classement
par arrêté du 9 août 1996.
château de Réveillon
51310 Réveillon, tél. 03 26 80 38 88, ouvert au public du 1er juillet au 30
septembre tous les après-midi à 13h30, mercredis, jeudis, vendredis et
dimanches, toute l'année pour les groupes.
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