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Le prieuré
Notre-Dame de Changé, qui dépendait de l'abbaye d'Évron, est mentionné en
1125 et 1144, d'après l'abbé Angot. Sa fondation est attribuée à Guy IV de
Laval. Les importantes recherches de Louis Guiller dans les années 1880 ont
permis d'établir la liste des prieurs depuis la fin du XIVe siècle jusqu'à
la Révolution. De nombreuses métairies et closeries de Changé relevaient du
prieuré, ainsi que le moulin de Belle-Poule situé en amont du bourg. Les
prieurés de Saint-Germain-le-Fouilloux et de Saint-Ouën-des-Toits y étaient
également annexés. Le logis et l'église, qui était distincte de l'église
paroissiale, sont représentés sur un dessin réalisé par Legay de Prélaval
dans la première moitié du XVIIIe siècle. De nombreux documents des XVIIe et
XVIIIe siècles conservés aux archives départementales de la Mayenne y font
également référence car d'importants travaux y sont alors entrepris. Des
montrées effectuées en 1740 et 1769 offrent des descriptions très précises
des lieux et des nombreuses réparations à y effectuer: un grand corps de
bâtiment incluant la maison du prieur et la maison des fermiers "quy servoit
autrefois de cuisine", séparés par un couloir traversant reliant la cour et
le jardin; la maison du prieur incluant au rez-de-chaussée vestibule, salle
basse avec cheminée, office ou boulangerie et chambre; un "escallier à
quatre noyaux pour monter dans les chambres et greniers fait de bois".
Un plan joint à la visite de 1769 donne également de précieuses informations
sur l'église du prieuré, située parallèlement à l'église paroissiale, et
alors très délabrée. Le bâtiment en croix latine de 36 mètres de long était
pourvu d'une abside demi-circulaire, vraisemblablement romane. Le chœur
était flanqué de deux couloirs appelés "processionnaux" formant
déambulatoire. Le clocher carré était placé à la croisée du transept, et
accessible par un escalier en vis logé dans l'épaisseur de la façade
occidentale. Deux gisants, dont un dans un enfeu, sont également signalés
dans le chœur et dans la nef. Le plan indique que la nef avait été
considérablement réduite de trois travées suite à la chute du mur nord en
1713, et fermée par un nouveau mur occidental flanqué de gros contreforts
sans doute disgracieux. L'abside s'était également effondrée et le chœur
avait été obturé par un mur plat, les couloirs latéraux avaient été
condamnés. Néanmoins, une partie des anciens murs de la nef et du chœur
subsistant, l'église avait l'aspect d'une ruine envahie par la végétation,
comme le confirme Davelu. En 1777, l'état de délabrement du prieuré et la
situation indécente de l'église sont tels que leur reconstruction complète
est envisagée: "c'est réellement l'avantage du bénéfice et de ses titulaires
présents et futurs que ces deux édifices (la maison prieurale et l'église)
soient démolis et remplacés par d'autres qui soient moins vastes, plus
solides et plus proportionnés aux circonstances". Des plans et devis sont
réalisés par le charpentier et entrepreneur lavallois Marteau, mais le
projet est jugé trop dispendieux et manifestement revu à l'économie. On
trouve ensuite mention, en mai 1779, de l'adjudication de réparations et
"d'une partie de la reconstruction du prieuré de Changé".
A la Révolution, le prieuré est saisi comme bien national. Le procès-verbal
d'estimation indique: "La maison cidevant priorale et destinée au logement
du prieur, composée d'un principal corps de bâtiment, avec deux pavillons
collatéraux, dont l'un vers nord contient une chapelle et l'autre une
cuisine; la cour au-devant vers occident à l'occident de laquelle est la
grange dîmeresse, en retour de laquelle vers orient et au midy de ladite
cour sont les étables, au nord de ladite cour est un bâtiment neuf contenant
une maison pour loger le fermier ou colon dudit domaine et une écurie au
bout". Cette nouvelle description témoigne des travaux réalisés avant la
Révolution: reconstruction du logis prieural avec pavillons latéraux et
abritant une nouvelle chapelle, construction d'un nouveau logement de
fermier sur l'emplacement de l'ancienne église qui semble donc avoir été
détruite, comme le confirme le cadastre levé en 1814. Le prieuré est donc
acheté le 7 décembre 1790 par Joseph d'Aliney d'Elva (1715-1797), originaire
du Piémont, maréchal des camps et armées du roi. Les d'Elva résidant alors
essentiellement à Paris, il semble que la demeure ne fut pas ou peu modifiée
au sortir de la Révolution: le plan cadastral levé en 1814 montre que la
maison prieurale occupait l'emplacement de la demeure actuelle, à
l'exception des deux gros pavillons latéraux. Les dépendances se
répartissaient autour de la cour. Il n'est donc pas à exclure que la partie
centrale du château actuel reprenne en partie l'élévation de la maison
prieurale du 4e quart du XVIIIe siècle, malgré les importants remaniements
du XIXe siècle.
La famille d'Elva était appelée à prendre un rôle de premier plan dans la
vie de la commune de Changé. Dans sa monographie communale, en 1899,
l'instituteur Rossignol écrit: "Depuis 1813, la commune de Changé est
administrée par les comtes d'Elva qui se succèdent de père en fils. M.
Armand d'Elva, officier de Napoléon 1er, revint à Changé après les guerres
d'Espagne, où il avait été blessé, et fut nommé conseiller municipal en
1811. En 1813, il fut nommé maire et administra la commune jusqu'à sa mort
en 1857. Il fut remplacé par son fils, M. Auguste d'Elva, qui en conserva
les fonctions jusqu'en 1884. Le maire actuel M. Christian d'Elva, député de
la première circonscription de Laval, conseiller général de Laval-ouest
occupe la mairie depuis cette date". D'après l'étude d'un second plan
cadastral, deux ailes de communs et deux pavillons délimitant une cour
d'honneur sont construits pour Armand d'Elva (1786-1857) devant la maison,
avant 1840. Il n'en subsiste que l'aile sud (actuellement restaurant), le
reste ayant été sacrifié à l'agrandissement du parvis de l'église lors de la
reconstruction de cette dernière, en 1878. Armand fait également "des
changements et travaux considérables à la partie ancienne du château", puis
fait édifier le gros pavillon nord en 1851 (enregistrement dans les matrices
cadastrales en 1854). Les dessins de Jean-Baptiste Messager, réalisés vers
1869 et conservés au musée du Vieux-Château à Laval, confirment que le
château fut pendant quelques années dissymétrique, avec un seul pavillon. Le
4 mai 1848, on bénit la chapelle, dont seule la façade est aujourd'hui
conservée.
Les travaux du château s'achèvent sous la houlette d'Auguste d'Elva et
surtout de son épouse Alix de Quelen. Comme Auguste le souligne dans ses
mémoires, cités par Laetitia Avila, "elle prit alors en main la direction de
la maison de Changé, pour concrétiser son rêve d'en faire un château, qui
était cependant déjà une habitation fort agréable et bien suffisante". Selon
les matrices, la maison de portier dite la Conciergerie est construite en
1861 (enregistrement en 1864), puis le gros pavillon sud en 1867
(enregistrement en 1870), rétablissant approximativement la symétrie de la
maison. Les façades et les ouvertures de l'ensemble de la demeure sont
harmonisées, les toits sont coiffés de pavillons et d'extravagantes lucarnes
d'inspiration Renaissance. Le parc à l'anglaise, avec orangerie, serre et
glacière, est également aménagé dans les années 1860. Le ou les architectes
ayant travaillé sur le château de Changé demeurent inconnus, mais on peut
mentionner l'intervention d'Alfred Boutreux pour les d'Elva au moulin de
Belle-Poule en 1872. En 1878, M. d'Elva obtient l'autorisation d'établir un
ponton et de faire naviguer sur la Mayenne, depuis Changé, un bateau à
vapeur de plaisance nommé "Stella Matutina". Au décès de Christian d'Elva,
le château revient à sa fille aînée Henriette Liger de Chauvigny.
Réquisitionnée par les Allemands pendant la Seconde guerre mondiale, la
demeure est occupée et pillée, puis endommagée par l'explosion du pont en
1944. En 1946, le ministère des Prisonniers, Déportés et Rapatriés français
y installe une antenne médicale.
La maison est ensuite inoccupée pendant plusieurs années, et la municipalité
projette de racheter le domaine dès 1952. Le château n'est vendu qu'en 1961
à la commune; Henriette Liger de Chauvigny, qui a fait aménager son
habitation dans l'écurie, conserve jusqu'à son décès en 1985 les dépendances
et la plus grande partie du parc. Une importante campagne de restauration
est menée pour permettre l'installation de la mairie dans le château, à
l'état d'abandon depuis une quinzaine d'années. L'acte de vente de 1961
fournit une description précise des lieux et notamment de la distribution
des pièces. Le sous-sol abrite alors cuisine, arrière-cuisine, laverie,
trois caves, chaufferie et soute à charbon. Le rez-de-chaussée comprend un
vestibule où se développe l'escalier, la salle à manger, l'office, la
bibliothèque et une salle de bains vers le nord, la salle de billard et deux
salons vers le sud. Le premier étage est occupé par dix chambres et quatre
cabinets de toilettes. Les niveaux supérieurs, sous les toits, accueillent
vingt-et-une chambres pour le personnel. La distribution intérieure est
largement revue lors du réaménagement des services municipaux, dans les
années 1990. La cour d'accès au château est transformée en place publique en
1968. La chapelle est en grande partie démolie: seule sa façade est
conservée. En 2002, une extension enlaidie la façade postérieure du château
afin d'agrandir la mairie. Le parc, réhabilité à partir de 1997, est devenu
jardin public.
La demeure est construite au bord de la Mayenne, presque parallèlement à
elle. La façade sur la rivière est orientée à l'est, la façade sur cour à
l'ouest. La cour, aujourd'hui place publique avec fontaine, est délimitée au
nord par l'église, au sud par un corps de communs. Le parc s'étend au sud
entre la Mayenne et la route de Laval, jusqu'à l'ancienne maison de portier
dite la Conciergerie. Les façades sont en moellons enduits avec des
encadrements et des décors en pierre de taille calcaire (en granite pour le
soubassement), tandis que les toits sont couverts d'ardoise et sommés d'épis
de faîtage. Le corps principal du logis présente une partie centrale très
légèrement saillante à cinq travées, celle du milieu étant mise en valeur
par un bossage en table. Les extrémités, séparées par des pilastres, se
distinguent par l'absence de bandeau, des baies cintrées au rez-de-chaussée
et de petits toits aigus greffés sur le toit principal. Cet habillage vise à
créer une transition visuelle avec les gros pavillons rectangulaires plus
élevés placés à chaque extrémité, formant un retour uniquement côté cour.
Couverts d'une toiture brisée dont le sommet est couvert en zinc, chacun
présente une travée en façade principale; celui du nord possède deux travées
vers l'extérieur, celui du sud en compte trois avec un balcon en pierre pour
mieux profiter de la vue sur le parc. Les portes principales sont mises en
valeur, de chaque côté de la demeure, par un perron en U. Le décor des
fenêtres est sobre, se résumant à des encadrements moulurés et des larmiers
sur consoles. En revanche, les toits sont ajourés d'imposantes lucarnes
d'inspiration Renaissance en forme de candélabres, ornées d'ailerons à
enroulements, d'agrafes, de pointes de diamant et d'écus.
Le grand fronton à deux niveaux de la travée centrale présente un décor
architecturé évoquant celui d'un retable du XVIIe siècle, avec pilastres,
bandeaux, médaillons et ailerons chantournés. Traitées comme un élément de
décor, les souches de cheminée du pavillon sud exposées en façades
principales présentent un appareillage brique et pierre. Le pavillon sud,
donnant sur le jardin, présente l'élévation la plus soignée, avec ses
consoles sculptées de motifs végétaux et de perles et ses pilastres inspirés
de la première Renaissance, avec des chapiteaux décorés de motifs végétaux,
de figures humaines et monstrueuses. A l'opposé, le pavillon nord montre, du
côté de l'église, une façade dépourvue de toute ornementation. La
distribution intérieure a été largement remaniée et une grande partie des
décors a également disparu. Accessible par le vestibule traversant, côté
sud, l'escalier tournant à retours avec jour est en bois. La cage est
couverte, au dernier niveau, d'une fausse voûte à caissons formant un
cul-de-four. Parmi les salles d'apparat placées en enfilade au
rez-de-chaussée, deux conservent un décor remarquable. L'ancienne salle à
manger, devenue par la suite salle du conseil et aujourd'hui bureau du
maire, présente un décor de boiseries réalisé à l'occasion du mariage
d'Auguste d'Aliney d'Elva et Alix de Quelen, dont les armoiries ont été
sculptées sur le manteau de la cheminée. Cette dernière est également ornée
de foisonnantes chutes de végétaux, d'atlantes et de têtes de personnage de
style troubadour.
Une bibliothèque reprenant les mêmes ornements lui fait face. Le grand
salon, devenu salle des fêtes puis salle des mariages, situé dans le
pavillon sud, possède deux grandes cheminées sculptées en pierre inspirées
du XVIIIe siècle, l'une ornée d'une horloge portée par deux enfants, l'autre
d'un miroir : dans les motifs végétaux et floraux s'insèrent des
enroulements, des coquilles, des vases, des candélabres ainsi qu'une tête de
femme. L'aile de communs qui subsiste est construite en moellons enduits et
couverte d'ardoise. Les ouvertures, pour certaines murées, pour d'autres
remaniées, présentent des encadrements harpés, à l'exception d'une porte
charretière en anse de panier à proximité de laquelle est percé un oculus.
En pendant, la façade de l'ancienne chapelle est d'inspiration romane avec
ses arc cintrés et son petit clocher-mur à baies géminées. Construits avant
les gros pavillons du logis qu'ils masquent en partie, ils nuisent quelque
peu à la perspective d'ensemble du château côté cour. Les chenils, dotés de
deux tours-promenoirs pour les chiens, sont placés à l'entrée du parc. Au
fond de celui-ci, l'ancienne maison du portier d'inspiration néogothique,
récemment agrandie, se présente comme un pavillon carré flanqué d'une tour
circulaire, avec des ouvertures à meneaux et traverses. Le parc à
l'anglaise, agrémenté d'allées sinueuses, d'un étang et de bosquets, a été
amputé par la construction de la salle des fêtes et du parking de la mairie.
De l'autre côté de la route de Laval, une butte plantée de châtaigniers
remarquables accueille à son sommet l'ancienne glacière du château. (1)
château de Changé 53810 Changé, propriété de la commune, hôtel de ville, la
partie postérieure du château est complètement dénaturée depuis 2002 !!!
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