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Le château du Ricoudet est
construit ex-nihilo dans une ondulation de la Mayenne, pour le comte Auguste
d'Aliney d'Elva et son épouse Alix de Quelen, résidant à Laval et à Changé:
ceux-ci souhaitaient se construire une nouvelle demeure afin de laisser à
leur fils aîné Christian, suite à son mariage avec Elise-Marie-Dumont en
1879, la propriété du château familial du bourg de Changé. La date de
construction est connue avec certitude grâce à plusieurs témoignages presque
contemporains. Le guide de Laval et ses environs d'Isidore Guédon, publié en
1897, indique que le Ricoudet est bâti en 1885. L'instituteur Rossignol
confirme cette date dans sa monographie communale de 1899. Les matrices
cadastrales signalent la fin des travaux du château et des communs, incluant
remise, écurie et maison de jardinier, en 1886 (devenus imposables en 1889).
L'ajout d'une maison pour le piqueux et d'une buanderie est mentionné en
1887. Aucun nom d'architecte auquel les plans de la demeure puissent être
attribués n'a été retrouvé; dans ses travaux sur les châteaux de la famille
d'Elva, Laetitia Avila formule l'hypothèse d'un architecte italien (les d'Elva
étant originaires du Piémont). L'inspiration néo-palladienne de la demeure,
style pourtant déjà largement démodé en France à la fin du XIXe siècle,
témoigne en effet d'une inspiration méridionale et d'une certaine nostalgie
architecturale, voire d'un goût pour le désuet. L'esprit qui préside à la
construction du Ricoudet est en tout cas radicalement différent de celui des
agrandissements et remaniements du château de Changé, de style
néo-Renaissance.
C'est d'ailleurs ces importantes transformations commanditées par Alix de
Quelen qui l'auraient poussée à vouloir retourner en son château de Changé
et finalement céder le Ricoudet à Christian. L'échange des deux châteaux
entre les parents, Auguste et Alix, et leur fils aîné Christian est ainsi
conclu devant notaire le 4 octobre 1889. Christian d'Elva, conseiller
général, député puis sénateur, passionné de vénerie, résidant entre Paris et
Changé, fait du Ricoudet le point de départ de ses chasses à courre. Dès
1879, il avait fondé un équipage de griffons vendéens dont il contribuait à
améliorer la race par une sélection rigoureuse: il possédait également un
équipage de douze bassets pour la chasse à tir. D'après les revues
spécialisées de l'époque, il chassait assidument dans les forêts de la
Mayenne (Concise, Bourgon, Laval, etc.) et faisait chaque année un
déplacement en forêt du Pertre, près de Vitré. L'équipage du Ricoudet
portait un "habit bleu-clair avec collet et parements amarantes, en velours
pour le maître d'équipage, en drap pour les piqueurs, culotte blanche. Sur
le bouton on lit la devise Courre à mort". Christian d'Elva conviait
également la bonne société au Ricoudet pour des cours d'escrime. La presse
relate les nombreuses fêtes données par les d'Elva au château du Ricoudet,
comme en 1891 dans le Gil Blas: "tablée des plus élégantes et dîner des
mieux servis avant-hier au château du Ricoudet, appartenant au comte
Christian d'Elva, un des grands veneurs de la Mayenne, qui figure dans
l'Armorial de la Vénérie... Les convives ont ensuite dansé, jusqu'au matin,
un cotillon conduit avec beaucoup d'entrain par la vicomtesse d'Elva et M.
Emmanuel de la Beauluère". La navigation était un autre loisir pour les d'Elva
qui avaient obtenu, dès 1878, l'autorisation de faire circuler sur la
Mayenne un bateau à vapeur de plaisance, nommé "Stella Matutina".
Les journaux de la première moitié du XIXe siècle indiquent également que la
demeure pouvait parfois être mise en location pour la belle saison. Les
cartes postales anciennes font état des quelques modifications réalisées au
château dans le premier quart du XXe siècle: surélévation de la partie
accolée au belvédère, ajout d'un toit à longs pans brisés destiné aux
chambres de domestiques sur le toit-terrasse originel, fermeture des baies
de la loggia située à l'étage de l'avant-corps de la façade sur le parc. Une
coupole amovible située au sommet de la tour aurait également été supprimée.
L'abbé Angot, qui consacre un très court article au Ricoudet, signale une
véranda couvrant le perron, qui ne figure pourtant pas sur les cartes
postales anciennes et dont il ne reste aucune trace: celle-ci fut peut-être
rapidement supprimée, à moins qu'il n'y ait eu confusion avec le jardin
d'hiver placé sur le côté de la maison. La propriété est vendue en 1931 par
la fille cadette de Christian d'Elva, Christiane Horric de la Motte, à
Marie-Louis Durand de Gevigney. L'acte de vente donne un état des lieux
précis. Le château comprend "en sous-sol : un bûcher, une ancienne salle de
bains, deux pièces de débarras, une salle de calorifère, une salle à manger
de domestiques, une cuisine, une arrière-cuisine, des WC, une cave et un
caveau; au rez-de-chaussée: un vestibule, un bureau, un grand salon, un
petit salon, une salle à manger, un office, WC". Les étages abritent les
chambres avec cabinets de toilettes, une lingerie et le belvédère. Les
communs comprennent une volaillerie, une remise, une sellerie, une ancienne
sellerie, chambre de cochers, greniers à fourrages, garages, écurie,
buanderie, hangar, maison de piqueux et chenils. Soigneusement entretenue,
la propriété n'a pas connu de transformations.
Située au bord de la Mayenne, en position dominante, la demeure présente un
plan massé régulier à deux avant-corps côté cour et un avant-corps central,
abritant le perron et une loggia, côté parc. La symétrie de l'ensemble, avec
cinq travées pour la façade principale, est rompue par une travée
supplémentaire et une tour-belvédère carrée accolées au côté nord-est.
L'édifice est construit en moellons enduits, avec des chaînages harpés et
des décors en pierre de taille calcaire ; le soubassement en granite est
orné d'un appareillage polygonal. Un jardin d'hiver est accolé au côté
sud-ouest et s'ouvre directement sur un salon. La référence architecturale
est néo-palladienne, comme l'indiquent la régularité et la sévérité de la
composition ainsi que les toits initialement en terrasses et les
balustrades. Le château comprend un sous-sol semi-enterré, un
rez-de-chaussée surélevé - accessible sur les façades principales par un
degré droit central -, un étage carré, un étage-attique et un étage de
comble. La tour, qui culmine à près de 15 mètres, présente un belvédère au
dernier niveau et un toit-terrasse. Le jardin d'hiver, qui possède un
soubassement en granite et un muret en briques, présente une structure
métallique et un toit bombé à trois pans. Les lignes horizontales de la
composition sont soulignées à chaque niveau par des bandeaux et, en partie
haute, par la corniche et la balustrade qui bordait le toit-terrasse et
dissimule désormais le toit brisé en zinc et ardoise. Les fenêtres, à
l'exception de celles de la façade principale, sont pourvues d'un meneau
central. Celles de l'étage présentent des larmiers. Les lambrequins en bois
découpé qui les ornaient, d'après les cartes postales anciennes, ont
disparu.
La loggia, également pourvue d'une balustrade, est supportée par des piliers
flanqués de demi-colonnes cannelées à chapiteaux toscans, conférant une
certaine monumentalité. Le porche est couvert d'une voûte en arc-de-cloître
peinte en faux-appareil. Des pilastres ornent les niveaux supérieurs de la
tour, également coiffée d'une balustrade. Les larges agrafes qui décorent
les ouvertures de la loggia et la porte de la façade sur cour, simplement
ébauchées, suggèrent peut-être l'inachèvement du décor sculpté: peut-être
étaient-elles destinées à recevoir les armoiries de la famille d'Elva.
Tandis que les pièces du sous-sol et du second étage sont desservies par un
couloir transversal central, celles du rez-de-chaussée et du premier étage
sont accessibles par un large vestibule. La distribution verticale,
complexe, est assurée par quatre escaliers placés dans différentes parties
de la maison. L'escalier d'honneur, tournant à retours avec jour, situé dans
l'avant-corps nord-ouest, relie le rez-de-chaussée au premier étage.
Construit en bois et richement sculpté, il prend place dans une cage carrée
tapissée de bleu et couverte d'une coupole à huit pans. Un second escalier,
plus modeste, situé dans l'angle sud-ouest du palier, relie le premier étage
au second. Un troisième a été ajouté dans la pièce centrale donnant sur
jardin pour permettre l'accès depuis le deuxième étage à l'étage de comble.
Enfin, un escalier de service, montant du sous-sol jusqu'au niveau des
caves, est placé dans la tour et se prolonge par une petite vis pour
atteindre le belvédère et la terrasse.
Les différents communs forment, à l'extrémité nord du domaine, un front bâti
perpendiculaire à la rivière. Le bâtiment principal, couvert de tuile
mécanique, est construit en moellons apparents, avec un soubassement orné de
pierres polygonales et des encadrements d'ouvertures et un bandeau en
briques. Il abrite les garages et remises, l'écurie qui a conservé ses huit
stalles et ses râteliers, la sellerie, le grenier à fourrages et le logement
du cocher. Les chevaux étaient attachés à des anneaux pendus à des têtes de
licornes en fonte. Il subsiste également le mécanisme destiné à déployer un
auvent en tissu de l'entrée des garages. Placée près de la rivière, la
maison du piqueux, en moellons enduits, décors de briques et couverture
d'ardoise, a été reconvertie en gîte. A proximité se trouve l'ancien
chenil-tour identique à ceux du château de Changé: il était couvert de
grosses plaques d'ardoise dont il reste quelques vestiges. Le château étant
positionné près de la route, le parc d'environ cinq hectares se déploie
principalement entre la demeure et la Mayenne. Il est limité au nord par les
communs, au sud par le court de tennis et un petit ruisseau. Il est planté
d'arbres remarquables de taille imposante, tels que des séquoias, des
cèdres, des érables, des tuyas, un magnolia grandiflora. De nouveaux arbres
ont été plantés dans la partie basse du parc; la vue sur la rivière et
depuis la rivière est néanmoins conservée. (1)
château du Ricoudet, 48 rue Berthe Marcou, 53810 Changé, tel. 02 43 53 41
06, propose la location de chambres d'hôtes et gîtes de charme
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source des photos :
https://inventaire.patrimoine.paysdelaloire.fr
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