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La petite cité de
Sante-Suzanne s'est développée autour de son donjon et des défenses de
celui-ci, édifiés au XIe siècle par le vicomte de Beaumont. À la fin du Xe
siècle, Lucie de Sainte-Suzanne avait apporté en dot son domaine à Raoul II
de Beaumont. Lors de récents travaux de restauration et des fouilles menées
par Anne Bocquet sur le donjon, des traces d'un bâtiment antérieur,
remontant vraisemblablement à l'époque carolingienne, ont été découvertes.
C'est là un témoignage de l'ancienneté de l'occupation de ce site
stratégique au cœur du Maine. En 1083, Hubert II de Beaumont abandonne au
duc normand Guillaume le Conquérant, ses forteresses de Beaumont et
Fresnay-sur-Sarthe et vient se réfugier avec les siens dans le donjon qu'il
possède à Sainte-Suzanne. Celui-ci, construit au XIe siècle, fait partie
d'une ligne de défense, érigée par les vicomtes du Maine aux XIe et XIIe
siècles, sur une ligne longue de 70 km, orientée nord-ouest-sud-ouest,
destinée à défendre le comté de voisins rarement amicaux, mais également
pour défendre une rivière et une vallée de l'Erve. Depuis sa forteresse de
Sainte-Suzanne, Hubert II tient tête durant trois ans aux troupes normandes
qui l'assiègent. Elles se sont installées au camp de Beugy et sont placées
sous le commandement du comte de Bretagne, Alain Fergent. Les pentes qui
menaient à la ville étaient alors couvertes de vignes qui entravaient
considérablement leurs mouvements. Renonçant à prendre une place si bien et
si opiniâtrement défendue, le duc Guillaume se décide à traiter en 1086 avec
Hubert II de Beaumont qui récupère aussi ses domaines confisqués par le
Conquérant.
Ce donjon roman, dont les ruines ont gardé fière allure, appartient au type
des donjons romans rectangulaires épaulés de contreforts aux angles et sur
ses faces, que l'on rencontre dans l'ouest de la France: Falaise, Chambois,
Nogent-le-Rotrou, Loches etc. En Mayenne, le même type de donjon se
retrouvait à Villanes-la-Juhel, Ambrières, Thorigné-en-Charnie. On a utilisé
pour sa construction des blocs de grès, du granit, ses contreforts
présentent une succession de roussard, de granit et de brèche soigneusement
appareillés, lui donnant suivant la lumière, une belle teinte chaude.
C'était à la fois un système de défense militaire et une résidence où
vivaient le seigneur et sa famille. Il se composait d'un rez-de-chaussée et
de deux étages. L'accès au premier étage se faisait à l'origine par un
bâtiment d'accès contenant un escaler et peut être une passerelle mobile. La
base de l'ensemble du donjon était englobée dans un talus de terre, entouré
par un fossé. Le rez-de-chaussée était celui des réserves, celliers, caves
et prisons. Chacun des étages supérieurs comportait une vaste salle, dotée
d'une cheminée, à l'intérieur de laquelle pouvaient être aménagés des
espaces plus ou moins clos. Un étage servait à la vie publique, le seigneur
y recevait ses hôtes, ses vassaux et veillait à tout et en particulier à
organiser la défense de ses domaines. Il y montrait sa puissance. Dans
l'autre se déroulait la vie de famille, plus intime, un domaine plus féminin
que l'autre. L'ameublement était simple, fait de lits et de coffres, de
tables et sur le sol de la paille ou des herbes fraîches. Toutefois, les
récents travaux de restauration, accompagnés d'une étude archéologique, ont
révélé l'existence de latrines, d'éviers, et de petites salles servant de
garde-robes aménagées dans l'épaisseur des murs. La disposition des pièces
est ici verticale.
Dans les siècles suivants, avec l'évolution de la construction militaire et
aussi celle des habitudes de vie, des relations, la disposition se fera sur
un plan horizontal. Pour lors, le donjon marque le pouvoir, la puissance, la
domination et la sécurité pour ceux qui se groupent à son ombre. Les
ouvertures sont peu nombreuses et étroites au rez-de-chaussée alors qu'elles
sont plus larges aux étages. Au rez-de-chaussée, les ouvertures étroites,
allant en se rétrécissant présentent des degrés de 16 marches, taillées dans
l'épaisseur des embrasures. Un dispositif de tours et de muraille, plus
récent, protège et le donjon et la basse-cour qui abrite les bâtiments de
service. L'enceinte au sud et à l'ouest serre de près le donjon et lui sert
de chemise. La grosse tour ronde, à l'angle ouest de cette chemise,
s'appelait la tour Farinière. Ce donjon a été utilisé et donc entretenu au
moins jusqu'au XVe siècle. Deux siècles plus tard, lors de la construction
du logis, il est décrit comme une masse de pierre en forme de donjon.
Pendant la guerre de Cent Ans, Sante-Suzanne attise la convoitise de
l'envahisseur anglais. En 1417, il est aux frontières de la province du
Maine et à partir de 1419, les sujets de la châtellenie de Samnte-Suzanne,
acceptent de faire le guet au château, sans tenir compte des exemptions, "à
cause de l'estat du temps présent et des éminents dangiers qui pouvaient
avenir en la ville".
En 1422, le commandement de la place est confié à un valeureux capitaine
mayennais, Ambroise de Loré (1396-1446) qui se livre à une guerre de
harcèlement, de coups de mains contre les troupes anglaises. Il avait été
nommé auparavant gouverneur de la ville et du château de Fresnay qu'il a
tenus pendant 18 mois. La femme d'Ambroise de Loré, fait prisonnier à
Villaines-la-Juhel et enfermé au château de Croisy, réunit sa rançon en
parcourant toute la province mais il faut y ajouter la ville et le château
de Fresnay. Libéré, il n'a de cesse de les récupérer Le 24 septembre 1423,
il combat aux côtés des barons de Laval pour défaire les Anglais, chargés du
butin de leurs pillages en Anjou, sur la lande de la Brossinière, à Bourgon.
Malgré sa défense acharnée de Sainte-Suzanne, la cité et le château tombent
aux mains de Salisbury qui avait installé sur le tertre Gane "de grosses
bombardes tirées par quatre vingt bœufs". La garnison et Ambroise de Loré
quittent la forteresse à pied et un baston en leur poing. Il va rejoindre
Jeanne d'Arc avec les barons de Laval et ensemble, ils feront la campagne
victorieuse d'Orléans à Reims. Il revient dans sa province natale en 1430 en
qualité de lieutenant général du roi dans le Maine. Deux ans plus tard, il
lance une spectaculaire expédition sur Caen, un jour de Saint-Michel. Il
ramène 3000 prisonniers et un tribut considérable. Nommé prévôt de Paris en
1436, il y meurt le 25 mai 1446. Les Anglais avaient quitté Sainte-Suzanne
en 1439.
En 1604, Guillaume Fouquet de la Varenne, homme d'État et ministre de Henri
IV, achète à la première épouse du roi, Marguerite de France (la Reine
Margot), les ruines de la vieille forteresse pour transformer l'ancien
château en demeure résidentielle. Ce projet n'est pas achevé, car
l'assassinat du roi en 1610 amène la déchéance de Guillaume Fouquet de la
Varenne, il reste de cette période le logis, un beau corps de bâtiment dans
le plus pur style du début du XVIIe siècle. Fouquet de la Varenne achète la
seigneurie de Sainte Suzanne le 16 septembre 1604 et fait appel à
l'architecte Metezeau, il fait venir, en complément des pierres de grès
extraites sur place, les pierres de roussard de Bernay et le tuffeau
d'Angers. Sainte Suzanne, devenue baronnie puis marquisat, passe
successivement à la famille de Champagne de Villaines, puis à César Gabriel
de Choiseul-Praslin, à Charles de Beauvau Craon et à Ange Hyacinthe Maxence,
baron de Damas. Dès lors le château n'est plus transmis par héritage, mais
par aliénation (sauf de 1865 à 1980 au sein de la famille de Vaulogé). (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures; l'escalier avec sa cage;
les pièces suivantes avec leur décor: la salle à manger, les chambres du
premier étage du logis et du premier étage de la tour, la chambre du
deuxième étage de la tour : classement par arrêté du 28 décembre.
château de Sainte Suzanne 53270 Sainte Suzanne, tél 02 43 58 13 00,
ouvert au public d'octobre à fin avril tous les jours, sauf les lundis non
fériés, le 25 décembre et le 1er janvier de 9h 30 à 12h 30 et de 13h 30 à
17h 30, de mai à septembre tous les jours de 9h à 18h. Le bourg est classé
parmi les plus beaux villages de France !
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