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Château de Pierrefonds (Oise)
 
 

        Pierrefonds était renommé jadis autant par la force de son château que par la puissance de ses seigneurs. Retranchés sur des hauteurs, bien fortifiés dans leur château, ces hardis chevaliers réduisaient leurs plus nobles et plus vaillants voisins à la nécessité de les craindre et de rechercher leur alliance. Les églises, les monastères, les communautés d'habitants se plaçaient sous leur sauvegarde, moyennant des concessions de territoire et des redevances féodales. Pendant deux siècles, les seigneurs de Pierrefonds établirent leur domination sur une vaste étendue de pays, soit par leur épée, soit par la protection qu'ils accordaient, et ils devinrent redoutables aux rois eux-mêmes. Antérieurement au château actuel, il en existait un autre, situé sur l'emplacement qu'occupe à présent la ferme du Rocher. On ne sait pas au juste en quelle année fut édifié ce premier château, mais ce qui est certain, c'est qu'il remonte au-delà de 1060. Une pente fort raide le rendait inaccessible de plusieurs côtés. Un grand et majestueux donjon, accompagné de deux tours énormes par leur grosseur et par l'épaisseur de leurs murs, en défendait l'accès du côté de la plaine de Béronne. Des fossés profonds, des redoutes, et toutes sortes d'ouvrages avancés couvraient une partie de cette plaine. On dit que cet ancien château fut construit avec les débris d'une maison royale qu'on appelait le palais du Chesne, et qui était établie à peu de distance du Chêne-Herbelot. Sous les rois de la seconde race, on y aurait tenu des parlements et des assemblées de la nation. Les premiers seigneurs de Pierrefonds étaient châtelains de cette maison royale, et comme ils vivaient au temps où les Normands ravageaient la France, ils durent se fortifier le mieux possible: par leur valeur, ils s'acquirent une renommée qui s'étendit au loin. Quand le premier château tomba en ruines, que ses logements ne furent plus assez vastes, ni assez commodes, quand il parut indigne d'un domaine royal, Louis d'Orléans, frère de Charles VI, et premier duc de Valois, jugea de l'abandonner aux religieux de Saint-Sulpice et de Saint-Mesmes, et de bâtir un nouveau qui fut un vrai chef-d'œuvre d'architecture. Non loin de l'ancien édifice, était une montagne qui s'avançait dans la vallée, et que la nature semblait avoir disposée pour l'établissement d'une forteresse. Ce fut là qu'en 1390 on éleva le second château de Pierrefonds.
Les historiens qui ont pu le voir avant 1617 n'en parlent qu'avec admiration. Monstrelet le nomme un châtel moult bel, et puissamment édifié; il ajoute qu'il était moult fort défensable, bien garni et rempli de toutes choses appartenant à la guerre. Le château avait la forme d'un trapèze irrégulier. Une haute muraille, surmontée d'un double chemin de ronde avec créneaux et mâchicoulis, reliait les sept tours circulaires, qui formaient comme autant de petites forteresses où quelques hommes pouvaient résister avec succès à un grand nombre. Quatre de ces tours coupaient les angles de l'enceinte; les trois autres étaient au milieu de chacun des côtés de l'est, du nord et de l'ouest. La tour de l'est, d'une saillie extérieure considérable, renfermait la chapelle dédiée à saint Jacques. Le donjon, se trouvait près de l'angle sud-est, il était couvert d'une terrasse avec parapet crénelé, et flanqué à chacun de ses angles d'une guérite ronde en encorbellement. C'était la demeure du seigneur et le dépôt des archives. Enfin, d'autres bâtiments destinés aux gens de la suite, aux offices, aux cuisines et à tous les accessoires d'une maison princière, étaient adossés au mur d'enceinte, à droite et à gauche de l'entrée principale. Cette entrée, couverte de sculptures représentant des têtes de sangliers et de loups, était flanquée de tourelles et protégée d'un haut corps de garde. Il fallait franchir des fossés et plusieurs ponts-levis pour arriver dans la grande cour où se trouvaient les remises et les écuries. Les tours et les murs de ce château étaient assis sur le roc. Les tours avaient 36 mètres de hauteur en maçonnerie, et comme le roc ne couvrait pas toute la surface de la montagne, on profita des intervalles pour établir des galeries et des caves. Le château de Pierrefonds était l'un des plus formidables du moyen-âge. Tout le soin qu'on avait apporté à sa construction militaire, n'avait pas empêché d'en faire à l'intérieur un lieu de luxe et de délices. Quand ils n'étaient pas en campagne, les seigneurs y trouvaient d'aimables distractions. Rien ne manquait à leur sensualité, ni la bonne chère, ni le bon vin, ni les folles maîtresses. Au reste, ils avaient cela de commun avec tant d'autres puissants de la terre, et leur vie se partageait entre les combats, les amours faciles et ceux de la chasse. Après avoir donné une description du dernier château, revenons à l'histoire des seigneurs du lieu.
L'origine des premiers seigneurs de Pierrefonds est fort obscure: on ne connaît exactement leur lignée qu'à partir du XIe siècle. Nivelon 1er, de Pierrefonds, fils de Nicolas 1er, assista à l'assemblée des grands du royaume, tenue à Laon en 1047 par le roi Henri 1er. Son nom figure sur une charte royale qui prescrit la restitution d'un bien usurpé sur le monastère de Saint-Médard de Soissons. Il possédait, outre la terre de Pierrefonds, une portion considérable de la forêt de Cuise et de celle de Retz, diverses seigneuries, bon nombre de bénéfices, des cures, des prieurés, des vicomtés, des dîmes; en un mot, son immense châtellenie s'étendait, d'un côté, jusqu'au faubourg de Crise de Soissons, et de l'autre, jusqu'au Bourget, près de Paris. Nivelon était redoutable pour ses voisins, car il pouvait en peu de temps rassembler "de ses avoueries" plusieurs corps de troupes de vassaux dont il donnait le commandement à des chevaliers exercés dans le métier des armes. Quoiqu'il eût reçu de ses aïeux la plus grande partie des immenses biens dont il jouissait, il lui vint des scrupules sur la façon dont ils avaient été acquis. Il pensa donc faire pardonner de nombreuses exactions, en fondant une église collégiale pour les habitants du bourg, à la place d'une chapelle fort étroite, qui se trouvait au bas de la montagne. A cette époque, il y avait déjà un bourg de Pierrefonds, peuplé de familles qui avaient abandonné les campagnes voisines pour venir implorer du seigneur des secours en cas d'attaque, et se réfugier au besoin dans l'immense forteresse par des conduits souterrains. La nouvelle église fut placée sous l'invocation de saint Sulpice. Nivelon y fonda un chapitre de chanoines, et y plaça comme doyen son frère Thibaud, évêque de Soissons. Quand vint sa mort, vers 1072, il fut inhumé dans un caveau attenant à cette église. Les historiens ont conservé son inscription funéraire comme un monument des temps féodaux; en voici la traduction: "Ci git Nivelon I, seigneur de Pierrefonds qui a fondé ce lieu, et qui a fait le prieur son pair de fief de noblesse". Au XIIIe siècle, le nombre des pairs de cette châtellenie s'élevait à soixante. Le droit de pairie appartenait à certains fiefs; il fallait être noble pour l'exercer.
Nivelon eut cinq enfants: Jean auquel il donna le vicomté de Chelle; Pierre qui devint la tige des seigneurs de Vic-sur-Aisne; Hugues, élu à l'évêché de Soissons; Arnould, mort sans postérité, et Nivelon II, héritier, comme aîné, de la châtellenie. Nivelon II alla mourir en Terre-Sainte en 1102, avec son frère, l'évêque de Soissons. Ses successeurs furent Drogon ou Dreux qui s'occupa pendant toute sa vie d'étendre et d'embellir sa seigneurie; Dreux II, qui se fit connaître surtout par ses contestations avec plusieurs établissements religieux dont il avait pris les biens; et Nivelon III qui, étant mort en 1174 sans enfants, laissa ce qu'il possédait à sa sœur Agathe de Pierrefonds. Elle épousa Conon, comte de Soissons, d'un despotisme extraordinaire. Il s'emparait de tous les domaines à sa convenance, y mettait des garnisons, et bravait jusqu'à l'autorité du roi. Conon n'eut pas d'enfants, et, avec sa veuve, s'éteignit la première maison de Pierrefonds. Les biens immenses que possédait Agathe, furent divisés entre ses collatéraux. Mais le roi Philippe Auguste avait résolu d'annihiler la puissance des seigneurs de Pierrefonds, dont la force et le crédit avaient souvent balancé l'autorité de ses prédécesseurs. Il se fit donc céder, en 1193, par Gaucher de Châtillon, comte de Saint-Pol et bouteillier de Champagne, la part que celui-ci pouvait avoir sur Pierrefonds, moyennant quatre-vingts livres de rentes, à prendre sur Clichy-la-Garenne et sur Montreuil-aux-Bois. Avant la mort d'Agathe, en 1180, Philippe Auguste avait déjà traité avec Nivelon, évêque de Soissons, de tous les droits auxquels il pouvait prétendre sur la seigneurie et sur le château de Pierrefonds. La clause principale de cette cession portait que Nivelon et les évêques ses successeurs seraient déchargés du droit de gîte qu'ils devaient annuellement au roi. En 1183, Agathe de Pierrefonds avait donné aux religieux de Longpont quelques biens dépendant de son domaine. Le roi racheta ces biens dans la dernière année de son règne, et tenta égamement de s'approprier ce qui restait encore de la seigneurie de Pierrefonds.
Il confia l'administration de la châtellenie à des baillis et à des prévôts qui en même temps exerçaient les fonctions de receveurs et de juges. Quant à la jouissance du château, elle fut abandonnée aux religieux de Saint-Sulpice. La vicomté de Pierrefonds que Philippe Auguste ne put acquérir, fut possédée pendant plusieurs siècles par des descendants de Jean de Pierrefonds, du nom de Morienval. Ce domaine passa dans le XIIIe siècle aux mains de Raoul de Vienne, seigneur d'Autreval, et devint ensuite la propriété de la maison d'Estrées, branche de Cœuvres. Le maréchal d'Estrées portait encore, en 1668, le titre de vicomte de Pierrefonds que ses descendants conservèrent. Les habitants du bourg de jouissaient d'une charte de commune, que Philippe Auguste renouvela et confirma d'autant plus volontiers, que les priviléges qu'elle accordait tendaient à l'anéantissement des fieffés du château. Ainsi, cette charte proscrivait l'exercice des droits de servitude, de main-morte et de for-mariage, sous la condition, cependant, que les hommes affranchis ne pourraient contracter d'alliance avec les "serves" des lieux voisins. Les bourgeois de Pierrefonds devaient fournir au roi, en retour de cette immunité, soixante sergents et une voiture à quatre chevaux. Les arrière-fiefs payaient d'ailleurs des redevances particulières. Saint Louis ratifia ces privilèges. Suivant un compte de 1202, on sait que la terre de Pierrefonds rapportait au roi onze cent cinquante livres annuellement. La châtellenie de Pierrefonds était déjà réunie au Valois, lorsque saint Louis donna ce pays à la reine Blanche, sa mère. A la mort de la princesse, le roi disposa de la seigneurie en faveur de son fils Tristan, et quand celui-ci vint à mourir, en 1270, sa veuve Yolande perçut un revenu de 2.000 livres. Le Valois fit alors retour à la couronne. Les mardi 23 et mercredi 24 octobre 1308, Philippe-le-Bel séjourna au château. Depuis qu'elle était tombée dans le domaine royal, la seigneurie de Pierrefonds avait vu s'éteindre un à un ses privilèges: ce ne fut que sous Louis d'Orléans, premier duc de Valois, qu'elle reprit une véritable importance.
On sait que la seconde forteresse fut établie en 1390 par les soins de ce prince, la première ayant été abandonnée, ainsi que nous l'avons dit, aux religieux de Saint-Sulpice. Louis d'Orléans ne voulait pas seulement élever un monument qui fût digne d'un domaine royal, il tenait aussi à augmenter le nombre des places de sûreté. A peine le second château de Pierrefonds fut-il achevé, en 1407, qu'il fut assiégé par es Bourguignons. Bosquiaux, célèbre orléaniste, ldéfendit vigoureusement la place, poursuivit ses ennemis dans leur retraite, et les contraignit d'abandonner les tours d'Amblemy, de Viviers, de Courtieux qu'ils tenaient. Le château de Pierrefonds pouvait opposer une résistance longue et vigoureuse. Au moyen âge, les moyens de défense étaient supérieurs aux moyens d'attaque, et toute place était imprenable de vive force quand elle était située dans un lieu de difficile accès, et que ses remparts étaient assez élevés pour braver l'escalade ou la sape. Le château de Pierrefonds se trouvait défendu naturellement par ses fortifications, et Bosquiaux y avait une garnison et des munitions importantes. En 1411, quand Valéran, comte de Saint-Pol, se présenta à la tête des Bourguignons pour mettre de nouveau le siège devant le château, Bosquiaux, quoiqu'en mesure de résister et de triompher de ses ennemis, paraissait décidé à se rendre. On suppose qu'il avait reçu des ordres secrets du duc d'Orléans, qu'il devait livrer le château et tirer de sa capitulation le meilleur parti, plutôt que de laisser endommager par un siège un tel chef-d'œuvre d'architecture. Le duc savait bien, d'ailleurs, que Pierrefonds lui serait aisément restitué, quand il aurait fait la paix avec le roi son oncle. Bosquiaux dicta des conditions au comte de Saint-Pol. Ainsi, il demanda qu'on lui payât deux mille écus d'or comptant; que la dame de Gancourt reçût un sauf-conduit pour se rendre à Coucy; que la liberté fût donnée, à lui et à ses gens, d'emporter leurs effets, et que tous sortissent avec les honneurs de la guerre. Bosquiaux évacua le château; le comte de Saint-Pol en prit possession, et s'en fit nommer gouverneur par le roi.
Après la paix d'Auxerre, signée vers la fin de l'année 1412, le duc d'Orléans rentra dans les bonnes grâces du roi. Tous ceux de ses biens qui avaient été pris ou confisqués lui furent rendus, mais le comte de Saint-Pol, qui commandait à Coucy et à Pierrefonds, refusa de lui restituer ces deux forteresses. Le roi cependant prit parti pour le duc d'Orléans et pressa Valéran d'abandonner Pierrefonds. Le comte fit de très justes représentations: il dit qu'on l'avait nommé à perpétuité capitaine de Pierrefonds; qu'il avait déboursé deux mille écus d'or pour en obtenir la conservation; que les préparatifs du siège lui avaient coûté de fortes sommes, et qu'il restituerait Pierrefonds et Coucy si on lui accordait des dédommagements convenables. Quelques légitimes que parussent les demandes de Valéran, on ne put y souscrire. L'État était trop obéré alors, et les finances du duc d'Orléans suffisaient à peine à soutenir sa maison. Valéran, pressé de toutes parts, se détermina à céder; mais il voulut en même temps tirer vengeance des procédés du prince, et avant de rendre le château, il y fit mettre le feu en différents endroits. Le progrès des flammes fut terrible: elles consumèrent en peu d'instants la plus grande partie des toits et endommagèrent même les couronnements de quelques-unes des tours. Celle de la chapelle, surtout, eut beaucoup à souffrir. Le comte de Saint-Pol prétendit que l'incendie ne pouvait être attribué qu'à une cause fortuite; mais le duc d'Orléans n'en voulut rien croire, et au mois de décembre 1413, les clés du château furent remises à Gosselin-Dubos, bailli de Sens, commissaire royal, qui en prit possession. On s'efforça de réparer ces ravages, sans parvenir à donner aux parties endommagées leur magnificence première.
Le gouvernement de Pierrefonds fut rendu à Bosquiaux. En 1417, Hector de Saveuze s'empara de Compiègne, et quelques-uns de ses partisans poussèrent la hardiesse jusqu'à s'avancer aux portes du château de Pierrefonds. Bosquiaux, le premier capitaine de son temps, comme l'appelle l'historien du duché de Valois , ne prit pas d'abord au sérieux leurs attaques, mais enfin se décidant à en tirer profit, il se mit à leur poursuite et parvint même, par un heureux coup de main, à s'emparer de Compiègne. C'était un temps de troubles et de calamités. Bosquiaux servait son parti noblement: par son courage, par son intelligence, il fut d'un très grand secours, et parvint à préserver une portion considérable du Valois des incursions ennemies. Mais l'hiver de 1420 fut très rude; les garnisons de Compiègne et de Pierrefonds étaient épuisées, et quand Henri, roi d'Angleterre, se présenta devant le château de Pierrefonds, son vaillant capitaine, qui manquait de vivres et de munitions de guerre, ne put faire autrement que de capituler. Il lui fut permis de se retirer avec sa troupe au château de Choisy-au-Bac. Le château de Pierrefonds fut confié à Henri de La Tour; Charles VII ne le recouvra qu'en juillet 1429, avec plusieurs autres, après avoir été sacré à Reims. Peu après, le général anglais Hungtington, qui avait repris Verberie, Longueil, Gournay, etc., se porta devant Pierrefonds, mais il n'osa entreprendre le siège, tant la place lui parut importante. Le château de Pierrefonds fut réparé aux frais et par les soins de Louis XII, qui en remit le commandement à Nicolas de Bonnery, grand-maître des eaux et forêts du Valois. En 1588, le château fut occupé par les Ligueurs, le commandant Nicolas Esmangard s'étant retiré avant l'attaque. Pendant les années 1591 et 1592, Henri IV voulut réduire les forteresses de la Ferté-Milon et de Pierrefonds, ainsi dès le mois de mars 1591, le duc d'Epernon fut envoyé à cet effet dans le Valois.
Antoine de Saint-Chamant commandait pour la Ligue à la Ferté-Milon; il avait placé, à Pierrefonds, comme lieutenant, le fameux Rieux, petit-fis d'un maréchal ferrant de Rethondes. Le duc d'Epernon marcha avec confiance sur Pierrefonds, croyant avoir à faire à un ennemi ordinaire. Il reconnut bientôt son erreur. Rieux ne manquait pas de qualités militaires; il avait de l'intelligence; il était audacieux et entreprenant. Né dans une condition obscure, il avait pu cependant trouver un emploi dans les vivres de l'armée et faire quelques économies. Pour satisfaire ses goûts, il s'était appliqué au métier des armes, et devint partisan. Il offrit à la Ligue ses services qui furent acceptés d'autant mieux, qu'il ne demandait ni argent, ni soldats. Il lui suffisait d'exercer ses talents sur les royalistes et sur leurs terres, avec l'aide de vauriens qu'il entendait recruter à sa façon. Le duc d'Epernon avait poussé les préparatifs du siège avec une grande activité. Il n'avait rien négligé pour le succès de son entreprise: son armée était nombreuse et bien disciplinée, et son courage égalait ses talents militaires. Pourtant, ce fut en vain qu'il fit tonner d'abord sa plus grosse artillerie; son trop grand éloignement l'empêchait d'atteindre les remparts, et Rieux, ironique témoin de ses efforts, ne répondait même pas à son feu. Le duc d'Epernon se rapprocha. Déjà son artillerie avait joué avec quelque succès et avait endommagé plusieurs tours, quand Rieux, semblable à un tigre blessé, se redressa de toute sa force et de toute sa colère; il démonta les unes après les autres les batteries du noble assiégeant et l'obligea à regagner la plaine. Mais ce premier échec ne pouvait décourager le duc d'Epernon; il revint à diverses reprises attaquer l'aventurier qu'il avait mission de combattre et de vaincre; il enflammait ses soldats par son exemple, et fut pourtant forcé d'abandonner la place, après avoir reçu une blessure au menton. Alors l'audace de Rieux devint extrême.
Toujours en campagne à la tête de ses bandits, il rançonnait nobles et vilains, ne se faisait aucun scrupule d'arrêter les convois, les voitures publiques, et se portait partout où la Ligue réclamait ses services. C'est ainsi qu'il entra dans Noyon, avec mille des siens, pendant que Henri IV investissait la ville, et qu'il parvint à prolonger le siège de vingt-et-un jours. Le roi refusa de comprendre Rieux dans la capitulation, ce qui importait peu au hardi partisan; il se sauva la nuit par-dessus les murailles et regagna son château de Pierrefonds. Cependant, Henri IV voulait en finir avec ce sacripant. Persuadé que le duc d'Epernon n'avait dû son échec qu'à sa blessure, il détacha de son armée le maréchal de Biron, avec un train de grosse artillerie, et lui enjoignit d'aller mettre aussi le siège devant Pierrefonds. Le maréchal fit placer ses batteries le plus avantageusement possible, et commença l'attaque par un feu des plus terribles. Mais Rieux répondit avec vigueur, et sur huit cents coups de canons tirés par les assiégeants, cinq boulets seulement atteignirent les tours: les autres ne firent que blanchir les murailles. Voyant qu'il perdait beaucoup de monde, et que ses batteries étaient démontées après leur premier feu, le maréchal jugea prudent de lever le siège. Ce second avantage de Rieux ne fit que grandir son crédit auprès des partisans de la Ligue. Il ne sut plus garder aucune mesure, et donna plus que jamais carrière à sa vie d'aventures et de rapines. Pendant quinze mois, il fut maître de tout le pays. Malheur à qui passait sur ses terres; il ne connaissait pas d'autre justice que la sienne, pas de puissance qui lui fut supérieure. Un jour du mois de janvier 1593, ayant appris que Henri IV devait traverser la forêt pour se rendre chez Gabrielle d'Estrées, Rieux se posta en embuscade avec bon nombre de ses gens afin de s'emparer du monarque. Heureusement, Henri IV fut informé par un paysan du projet conçu contre lui, et put échapper à un grand danger. Les succès accumulés Rieux courait au-devant de tous les dangers. Comme il se disposait, par une belle nuit, à arrêter deux diligences, un détachement de la garnison de Compiègne, qui le surveillait, s'empara de sa personne; on lui fit promptement son procès, et il fut pendu sur la place de l'Hôtel-de-Ville.
Quand Saint-Chamant apprit l'arrestation de Rieux, il courut à Pierrefonds et en prit lui-même le commandement. Il eut bientôt à soutenir plusieurs attaques très vives de la part de François des Ursins, que Henri IV avait envoyé contre lui avec une partie de l'armée chargée du siège de Laon. Après avoir épuisé toutes ses ressources militaires, après avoir perdu l'espoir de vaincre, des Ursins tenta la voie des négociations. Saint-Chamant s'y prêta d'autant plus volontiers qu'il craignait qu'en son absence on ne lui enlevât le château de La Ferté-Milon. Il demanda donc, pour livrer la forteresse, qu'une indemnité en argent lui fût accordée, qu'il put retourner à La Ferté-Milon avec sa troupe, ses équipages, et sortir avec tous les honneurs de la guerre. Ces conditions ayant été acceptées, un traité intervint, et ce traité fut signé par le roi le 15 août 1594, et enregistré au parlement le 7 janvier suivant. En considération des services rendus par le brave des Ursins, Henri IV n'avait pas cru devoir faire détruire le château de Pierrefonds; on le regretta bientôt. Des Ursins eut pour successeur dans son commandement le marquis de Cœuvres, vicomte titulaire de Pierrefonds, qui peu scrupuleux, embrassa le parti des mécontents. Après avoir renforcé la garnison, il confia la défense du château au capitaine Villeneuve, homme entreprenant et hardi. Les munitions de guerre étaient assez abondantes, mais il n'en était pas de même des approvisionnements de bouche. Aussi, pour nourrir ses soldats, Villeneuve se vit-il obligé d'explorer les environs et de s'emparer de tout ce qui se trouvait à sa convenance. Ce qu'il lui fallut faire d'abord par nécessité, il le fit bientôt par habitude et avec passion. Digne imitateur de Rieux, il exerçait le vol à main armée, s'en prenait aussi aux voitures publiques, arrêtait les convois de vivres, de vin et de fourrages qu'il pouvait découvrir, rançonnait tout autour de lui, et n'inspirait que terreur et dégoût. L'Ile-de-France et la Picardie étaient infestées de ses brigandages. Jamais les sombres cachots de Pierrefonds ne furent plus remplis que de son temps, car après avoir dépouillé les gens, il aimait encore à les retenir prisonniers, dans l'espérance d'une rançon.
Un tel état de choses devait avoir un terme. Des plaintes nombreuses s'élevaient de toutes parts, et comme Villeneuve avait tenté de surprendre Crépy, le roi tint un conseil spécial dans lequel il fut décide que le corps d'armée commandé par Charles de Valois, comte d'Auvergne, irait assiéger Pierrefonds. Ce corps comprenait quatorze mille fantassins et trois mille chevaux; on y joignit dix compagnies de gardes françaises avec trente pièces d'artillerie. A la fin de l'année, le comte d'Auvergne marcha sur Pierrefonds. Il reconnut que le château était imprenable vers les remparts, et résolut de l'attaquer du côté le plus fort, par la langue de terre qui confinait à la plaine du Chêne-Herbelot. Charles de Valois foudroyait ce poste important depuis six jours lorsqu'il l'enleva. Profitant de cet avantage, il pointa de nouveau son canon contre une magnifique terrasse qui soutenait les fondements du grand donjon. Il plaça une seconde batterie qui devait agir contre une des grosses tours latérales qui défendaient la porte d'entrée du château. Ces deux batteries jouèrent en même temps avec tout le succès possible. Villeneuve comptant sur la force des murs qui avaient quinze et dix-huit pieds d'épaisseur, occupé d'ailleurs à répondre au feu des ennemis, fut frappé de frayeur, lorsque la moitié de cette tour tomba avec un bruit effroyable. Comme le grand donjon courait risque de manquer par les fondements, dès que les assiégeants auraient ruiné la terrasse qui leur servait d'appui, il demanda à capituler le sixième jour. Charles de Valois aurait contraint Villeneuve à se rendre à discrétion, sans la crainte qu'il avait de le voir secouru d'un instant à l'autre par le marquis de Cœuvres et le duc de Mayenne. D'ailleurs, il entrait en possession de la forteresse, l'unique but de son entreprise était atteint, et il lui paraissait inutile de prolonger une lutte où le sang de ses soldats n'était pas épargné.
Ce siège fit honneur aux deux partis. On loua beaucoup la prudence, l'adresse, la sage conception des plans du comte de Valois; quant à Villeneuve, qui n'avait eu à opposer à une armée de dix-sept mille hommes, qu'une faible garnison composée de bandits et de troupes légères, on dut reconnaître le courage et l'habileté qu'il avait déployés. Avec des pièces d'un plus fort calibre et des munitions suffisantes, il eût pu triompher de son terrible adversaire aussi facilement que Rieux et Saint-Chamant avaient triomphé des leurs. Ce siège mémorable devait être le dernier pour le château de Pierrefonds. La féodalité touchait à son déclin, et quelques années plus tard, Richelieu qui avait juré d'affermir le trône royal aux dépens de la noblesse, ordonnait la destruction de l'orgueilleuse forteresse. La démolition présenta de telles difficultés qu'on ne put la mener à fin. On fut obligé de se borner à raser les ouvrages extérieurs, à enlever les toits, et à pratiquer dans les murs les entailles profondes. On a beaucoup écrit sur Pierrefonds. Tous les auteurs, sans exception, ont dû, à défaut d'autres documents, se servir plus ou moins de Dom Carlier, l'historien du Valois. Les uns l'ont audacieusement pillé et dénaturé; d'autres, ne lui empruntant que le fond de ses récits, ont su donner à l'histoire, par leur verve, leur esprit, un style brillant et coloré. (1)
 Napoléon 1er le rachète vers 1810 pour moins de 3000 francs. Au cours du XIXe siècle, l'engouement pour le patrimoine architectural du Moyen-Âge le fait devenir une "ruine romantique": en août 1832, Louis-Philippe y offre un banquet à l'occasion du mariage de sa fille Louise avec Léopold de Saxe Cobourg Gotha, premier roi des Belges. Louis Napoléon Bonaparte visite le château de Pierrefonds en 1850 et sur les conseils de Prosper Mérimée, demande à l'architecte Eugène Viollet-le-Duc d'entreprendre sa restauration en 1857. Une anecdote raconte que l'empereur hésitant entre la restauration du château de Pierrefonds et celle d'un autre château, l'impératrice Eugénie lui proposa un tirage au sort dont sortit le nom de Pierrefonds. Et pour cause: pour satisfaire sa préférence elle aurait écrit ce nom sur les deux papiers. Il n'est alors question que d'une simple remise en état des parties habitables (donjon et deux tours), les ruines "pittoresques" devant subsister pour le décor. En 1862 le projet prend de l'ampleur: le souverain désire cette fois ci d'en faire une résidence impériale, le château doit donc être entièrement reconstruit. Les travaux, qui auront coûté 5 millions de francs de l'époque, seront arrêtés en 1885, six ans après la mort de Eugène Viollet-le-Duc. Faute d'argent, la décoration des salles reste inachevée. Eugène Viollet-le-Duc fera un travail d'invention pour l'intérieur et de recréation beaucoup plus que de restauration. Il imaginera comment aurait dû être le château, sans se baser sur l'histoire de la demeure. La cour intérieure avec ses galeries Renaissance, tout autant que les peintures polychromes d'inspiration médiévale témoignent de son éclectisme et de sa liberté d'interprétation, on reconnaît par contre dans l'architecture extérieure sa connaissance de l'art castral du XIVe siècle. L'architecte s'offrira dans le parc et les fortifications un éventail éclectique des constructions défensives des autres époques. Il a laissé libre cours à une inspiration personnelle, travail qui n'est pas sans rappeler celui effectué par l'architecte au château de Roquetaillade. Mort avant la fin du chantier, son gendre Maurice Ouradou, terminera la reconstruction. Si ses détracteurs lui ont reproché cette réinvention d'une architecture néo-médiévale, qui prenait de larges libertés avec la vérité archéologique, Eugène Viollet-le-Duc a fait montre d'un exceptionnel sens de l'élévation, de la volumétrie et d'une incontestable sensibilité du site dans cette reconstruction. Le parc également conçu par Eugène Viollet-le-Duc comme un musée de la fortification en plein air, est totalement accessible au public. A découvrir également dans le parcours de visite du château, le "bal des gisants", une scénographie pérenne de la galerie des gisants, véritable trésor méconnu du patrimoine français, une exposition permanente sur les plomberies d’art des ateliers Monduit, qui ont participé à la plupart des grands chantiers de restauration dans les monuments historiques aux XIXe et XXe siècles.

Éléments protégés MH : le ce château de Pierrefonds en totalité : classement par liste de 1862.

château de Pierrefonds 60350 Pierrefonds, tel. 33 03 44 42 72 72, ouvert au public tous les jours du 02 mai au 04 septembre de 9h30 à 18h, du 05 septembre au 30 avril de 10h à 13h et de 14h à 17h30 (fermé le lundi)

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Nous remercions M. Vincent Tournaire, du site http://webtournaire.com/paramoteurparapente.htm, pour les photos aériennes qu'il nous a adressées. (Attention photos interdites à la publication)
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    Pierrefonds par Constant Moisand, Germer Baillière, Ligraire, rue de l'Ecole-de-Médecine, Paris, 1856.

Sur ce site, tous les châteaux, châteaux forts, manoirs, maisons-fortes, ruines et vestiges importants, chateau hôtel-restaurant, chateaux avec chambres d'hôtes, gîtes, et les châteaux avec salles pour réceptions, vous trouverez la liste de tous les départements en page d'Accueil, mais également une page réservée aux châteaux à l'abandon, en péril, et les châteaux du val de Loire nous avons recensés aussi les châteaux dans les pays francophones, Suisse, Belgique et Grand Duché du Luxembourg voir châteaux Étrangers, et également les châteaux dans des bourgs classés parmi les plus beaux villages de France.

 
(IMH) = château inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, (MH) = château classé Monument Historique
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