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Dans cette splendide plaine qui semble le fond de
l'auge que bordent les collines dites du pays d'Auge, dans ce coin ravissant
où la Dives et quelques petites rivières courent en méandres verdoyants,
grâce aux longues théories de peupliers qui les enserrent sur chaque rive,
on aperçoit de loin une touffe d'un vert sombre, en avant et à trois
kilomètres environ du vieux donjon de Chambois. En cette touffe se cache un
coin délicieux, et on y trouve à côté d'un château "moderne", la tour
d'Aubry-en-Exmes. Là se trouve comme la limite morale des anciennes
possessions des seigneurs d'Exmes, et de celles des seigneurs de Falaise. On
comprendra que la tour d'Aubry avait été construite vers le début du XIe
siècle, afin de pouvoir opposer aux incursions des seigneurs de Falaise, un
obstacle où les seigneurs d'Exmes accumulaient les forces afin d'empêcher
l'intrusion sur leurs fiefs de leurs perpétuels ennemis. Cette tour d'Aubry
fut tout d'abord un simple fortin, établi devant une plaine où se campaient
les soldats et domestiques des seigneurs de Falaise. La plaine a conservé le
nom et est assez communément appelée le Carreau de Falaise. Plus tard, on
érigea sur ses fondations une construction habitable qui date de la minorité
de Louis XIII. La tour était complètement entourée d'eau, et ce coin
ravissant semblait un nid fortifié où l'on pouvait attendre en sûreté les
plus terribles adversaires.
On voit encore dans la salle du rez-de-chaussée, datant, comme nous l'avons
déjà dit, du XIe siècle, les anneaux qui servaient à attacher les chevaux,
un puits et une immense cheminée de trois mètres de large. La voûte de la
pièce est demi-sphérique. Le haut de la tour, qui comprend trois étages, est
distribué à chaque étage de la même façon; une série de petites chambres
entourent une pièce centrale très spacieuse. On voit parfaitement
l'emplacement de la herse dans l'escalier. Les ouvertures qui servaient à
jeter des projectiles dans cet escalier, au cas où la porte d'entrée aurait
été forcée, sont également visibles. Extérieurement, au premier étage, les
créneaux sont assez bien conservés. On a prétendu que Montgommery, fuyant la
colère de Catherine de Médicis, vint se cacher au donjon de Chambois; de là
il aurait gagné la tour d'Aubry et enfin serait parvenu à s'échapper par le
petit port de Dives et à toucher dans un port d'Angleterre. C'était le salut
pour lui. Le château d'Aubry-en-Exmes que l'on voit de nos jours,
complètement indépendant des anciens bâtiments, est de construction récente.
Quant au vieux manoir d'Aubry, il n'en reste à l'heure actuelle qu'une
tourelle enlierrée, garnie de créneaux.
Dire la succession des propriétaires du château d'Aubry nous entraînerait
trop loin. Ce serait reconstituer l'histoire de la plaine qui s'étend entre
Villedieu, Trun, Montmilcent, Chambois et le Prieuré de Saint-Benoît.
Aubry-en-Exmes a compté de nombreux habitants et le château plusieurs
châtelains, qui firent donation à l'abbaye de Saint-Etienne de Caen, à
l'église d'Aubry et à certaines communautés religieuses de dîmes, de terres
et de revenus. La preuve nous en est fournie par les archives de l'Orne, qui
enregistrent les prébendes de ce temps. Un habitant du pays, navré de ne
pouvoir épouser celle qu'il aimait, fit don au curé d'une rente annuelle
pour que ce dernier dise des messes en faveur de la demoiselle dont la
possession lui échappait. Elle avait été enlevée par un seigneur de Caen qui
l'épousa. Les derniers propriétaires du château d'Aubry-en-Exmes, au siècle
dernier, sont les Manoury d'Ectot, une famille très connue dans ce très beau
coin du pays normand. Ces châtelains portèrent, jusqu'à la Révolution, le
titre de marquis d'Aubry. Les propriétaires actuels du château
d'Aubry-en-Exmes appartiennent à une vieille famille également, celle des de
Costart. (1)
Éléments protégés MH : le château et restes de l'ancien donjon sur lequel il
a été édifié : classement par arrêté du 17 avril 1968.
château d'Aubry-en-Exmes 61160 Aubry-en-Exmes, propriété privée, ne se
visite pas.
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