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Le nom de Crèvecœur
s'applique à un certain nombre de familles et de localités. "Crèvecœur,
Crepicordium, lisons-nous dans le Grand Dictionnaire de Moreri, est le nom
d'une petite ville de France dans le Cambrésis, célèbre par la victoire que
Charles Martel y remporta en 717. Ce n'est plus aujourd'hui qu'un bourg
situé auprès du Mont-Revellon. Il y avait aussi en Hollande une citadelle de
ce nom, qui fut rasée par les Français en 1674". On peut citer encore le
petit bourg de Crèvecœur, à l'entrée de la vallée d'Auge, dans le Calvados,
réuni à la commune de Saint-Loup-de-Fribois. Le château de Crèvecœur dans le
département de l'Orne, situé dans la petite commune de Courteille, au canton
de Putanges, n'évoque ni souvenirs guerriers, ni souvenirs gastronomiques.
La famille la plus illustre du nom de Crèvecœur que nous connaissions
descendait de Baudoin, comte de Clermont-en-Beauvaisis et d'Adèle, sœur de
Thibault, comte de Champagne. Ils vivaient en 974. La Chesnaye des Bois
consacre de longues pages à cette famille historique, qui produisit beaucoup
d'hommes distingués. Parmi eux on peut citer Philippe de Crèvecœur, maréchal
de France, qui a mérité les éloges de Philippe de Commines et qui joua un
rôle très important sous les règnes de Louis XI et de Charles VII. Le
seigneur de Crèvecœur, dont s'honorent les annales alençonnaises, appartient
à une autre famille et n'a pas été mêlé à des événements politiques de même
ordre. Ce n'en est pas moins un personnage de haute marque, intéressant à
étudier et à connaître. L'origine de la fortune de sa maison a quelque chose
de romanesque.
François, comte de Rabodanges, seigneur de Crèvecœur, chevalier des Ordres
du Roi, grand bailli d'Alençon, avait en effet pour quadrisaïeul un sieur de
Rabodanges, de noblesse flamande, maître d'hôtel d'une reine douairière, que
l'on présume être la duchesse d'Orléans, mère de Louis XII, et avec
laquelle, suivant les bruits de la Cour, il était uni par un mariage secret.
Sur quoi Brantôme écrit les lignes suivantes: "La reine Blanche vint à
espouser son maistre d'hotel qui s'appeloit sieur de Rabodanges, ce que le
roi son fils, pour le commencement, trouva fort estrange, mais pourtant,
parce qu'elle estoit sa mère, il excusa et pardonna au sieur de Rabodanges
pour l'avoir espousée en ce que le jour, devant le monde, il lui servait
toujours de maistre d'hotel, pour ne priver sa mère de sa grandeur et
majesté et qu'elle s'en servait ou de valet ou de maistre remettant cela à
leurs volontés et discrétions de l'un et de l'autre". Brantôme ajoute qu'il
tenait cette histoire de feu le grand cardinal de Lorraine. Le fils de ce
maître d'hôtel fut Claude de Rabodanges, chambellan du roi François 1er et
conseiller d'État, capitaine des gardes de Lautrec qu'il accompagna dans sa
campagne de Naples, gouverneur du château de Meulan. Ce hardi capitaine
mourut dans un âge avancé, après avoir reçu à Poissy, des mains de François
II, le grand cordon de l'Ordre de Saint-Michel. Son petit-fils, Louis de
Rabodanges, grand bailli d'Alençon et seigneur de Crèvecœur, avait épousé
Jeanne de Silly et fut l'un des principaux chefs des calvinistes normands.
Bien qu'appartenant à la religion réformée, il réussit à délivrer Alençon
des bandes protestantes qui s'en étaient emparées, en 1561, sous la conduite
d'un nommé Thibergeau, sectaire féroce, dont la poitrine était ornée d'une
bandoulière d'oreilles de prêtres. Rabodanges fut chargé plus tard d'une
mission délicate auprès du duc de Bouillon par la reine-mère. Ce fut
seulement en 1568, à la reprise des hostilités, qu'il adopta ouvertement le
parti des réformés et se joignit à Montgommery. Le seigneur de Crèvecœur
était un chef énergique, d'un jugement sur, et d'une bravoure à toute
épreuve. Il était chevalier des Ordres du Roi. C'est par le mariage, en
1568, d'Anne d'Oilliamson avec son fils, que la terre de Culey, devenue plus
tard marquisat de Rabodanges, entra dans la famille. Le château de
Crèvecœur, qui nous offre un ensemble assez considérable de constructions,
ne manque pas de cachet. L'impression favorable qu'il produit est due
surtout aux tours rondes à toit aigu qui se dressent à l'angle des
constructions. Malgré quelques additions et de nombreux remaniements, la
silhouette est celle d'un castel du XVIe siècle, moins majestueux, mais plus
pittoresque que celle des grandes habitations des époques postérieures. Les
châteaux du reste, comme les livres, ont leurs destinées. Dans toutes les
publications illustrées relatives à la Normandie, on chercherait vainement
une ligne sur Crèvecœur. C'est une omission que nous avons tenu à réparer.
Au début du XXe siècle, le château de Crèvecœur appartient à Madame de
Séguin. (1)
château de Crèvecoeur 61210 Giel
Courteilles, propriété privée, ne se visite pas.
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