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Non loin du confluent de l'Huisne et de la Commeauche, sur le flanc de la
colline qui sépare les deux vallées, s'élève en amphithéâtre, au-dessus de
riantes prairies, parmi des ombrages séculaires, le château de Maison-Maugis.
Ancien séjour des comtes Rotrou, il a eu tour à tour pour possesseurs, par
une destinée fertile en contrastes, des guerriers illustres et de faibles
femmes, des hobereaux inconnus et des rois de France. Saint Louis visitait
cette châtellenie lorsqu'il résidait à Longpont. Sous Louis XI, elle fut
réunie à celle de Nogent, qui appartenait aussi à la couronne. Tous les
auteurs sont unanimes à faire dériver le nom de Maison-Maugis des mots
latins Domus- Maugisu. C'était donc la maison de Maugis. Une paroisse
voisine, de fondation plus moderne, s'appelle encore Boissy-Maugis, ce qui
indique que Maugis y avait un bois à la même époque, qui est fort reculée.
Mais là s'arrêtent les données positives. Quel était donc ce Maugis ? On en
est réduit aux conjectures. Sans vouloir nous égarer dans les sentiers
fleuris de la légende, il est certain que sa demeure était, dès le XIe
siècle, une des quatre châtellenies du Corbonnais. Alors que le Perche
n'était encore, dans son ensemble, qu'un amas de forêts, de bruyères, de
landes incultes, le Corbonnais formait déjà un territoire fertile situé
entre la Commeauche, l'Huisne et la Sarthe, et au centre duquel s'élevait
l'antique ville de Corbon, aujourd'hui hameau délabré, jadis importante et
bien fortifiée. Corbon fut détruite au IXe siècle, et il ne reste plus
peut-être aujourd'hui que sa cloche pour attester son antique origine.
Maison-Maugis survécut à la ruine de sa capitale, et nous voyons que, vers
le XIIe siècle, les comtes Rotrou y avaient un château féodal, bâti à pic
sur un tertre élevé. "Ils venaient, dit l'abbé Fret, jouir des délices de la
campagne dans ce lieu enchanteur, situé au milieu de riantes prairies qu'il
domine, et d'où l'œil s'égare avec ravissement sur un horizon des plus
pittoresques".
Lorsqu'après l'extinction de cette puissante famille, saint Louis voulut
s'assurer la paisible possession du comté du Perche, en mettant un terme à
toutes les autres réclamations qui n'avaient cessé d'exister depuis la mort
du comte Guillaume jusqu'à ce moment, il traita, au mois de juin 1257, avec
un de ses héritiers, Jacques, sire de Château-Gontier et de Nogent, et lui
céda le château de Maison-Maugis avec toutes ses appartenances, bois et
autres terres, jusqu'à concurrence de trois cents livres tournois de rente
annuelle et perpétuelle pour lui et ses héritiers. Ce puissant seigneur
s'engagea en revanche à tenir, lui et ses successeurs, Maison-Maugis et le
reste en foi et hommage-lige de Sa Majesté. Jacques de Château-Gontier avait
épousé Havoise de Montmorency, fille de Mathieu II, connétable de France et
d'Emma de Laval. Il mourut en 1263, laissant son domaine à sa fille Emma qui
resta sans postérité. A dater de cette époque, Maison-Maugis, qui dépendait
de Nogent, dut subir toutes les vicissitudes de cette seigneurie et passer
entre les mains de tous ses dominateurs, jusqu'au jour où elle fit retour
une seconde fois à la couronne. Il ne reste d'ailleurs aucun vestige de son
ancienne forteresse: elle fut détruite par les Anglais, en l'an 1428, lors
du siège de Regmalard par Warwick, comte de Salisbury; c'est alors que la
terre de Maison-Maugis passa aux Rayer, puis aux du Crochet. Cette famille
était fameuse dans la contrée et y possédait déjà de nombreuses terres.
C'est le lieu de remarquer que par un privilège bien rare, le domaine de
Maison-Maugis n'a jamais été vendu et s'est toujours transmis par cession,
héritage ou alliance aux familles qui l'ont possédé.
Un nouveau château fut dès lors construit sur l'emplacement de celui qui
avait déjà lui-même remplacé la forteresse et dont il ne reste plus
aujourd'hui que les souterrains. Ceux-ci méritent une mention spéciale. Ils
se composent d'une galerie voûtée aux nervures ogivales de pierre,
s'étendant dans toute la longueur du château et donnant accès sur les caves
et sur une vaste salle aux arceaux majestueux dont chaque clef de voûte
porte un écusson malheureusement gratté lors de la Révolution. Cette salle
sert à présent de cuisine. Sous la tour se trouve un second étage de
souterrains: c'est une pièce circulaire voûtée en ogive sans aucun signe ni
aucune inscription permettant de savoir à quoi elle servait. L'écusson de la
clef de voûte est bien conservé dans cette salle: on y voit distinctement un
chevron et trois pommes de pin. Ces armes sont celles de la famille Rayer
dont la dernière héritière épousa le sire du Crochet. La destination de ces
lieux était autrefois bien différente, mais l'imagination seule permet
malheureusement aujourd'hui de se représenter ce qui pouvait s'y passer. La
cuisine actuelle devait être une salle de gardes, peut-être une salle de
conseil et la pièce voisine, sous la tour, un réfectoire pour les gens de
service. On a supposé que cette dernière pouvait être une chapelle, tandis
que celle qui est immédiatement au-dessous aurait servi de caveau funéraire.
Rien ne permet de l'affirmer. Tous les seigneurs de Maison-Maugis et leurs
femmes reposant dans le chœur de l'église, on se demande qui serait inhumé
au château. Il est certain encore que, dans ce cas, on trouverait, parmi les
archives, des documents permettant de fixer l'époque où ces choses se
passaient.
Au fond d'une sorte de corridor perpendiculaire à la nef principale, se
trouve une petite cave voûtée, divisée d'abord en deux parties, puis en deux
étages; celui du haut étant ménagé dans l'épaisseur de l'escalier, et masqué
de façon à ce que nul ne puisse deviner son existence. Des anneaux et des
crampons de fer, fixés solidement aux murs, l'absence de toute fenêtre et de
toute lumière; l'humidité sordide et l'impénétrabilité profonde de ces
lieux, tout tendrait à faire croire qu'ils n'étaient qu'un de ces terribles
cachots comme on en voyait tant à ces époques de guerres perpétuelles et
intrigues incessantes entre provinces et entre châteaux. La partie
extérieure du château actuel date de la fin du XVIe siècle: elle présente un
corps de logis rectangulaire posé sur un terrain inégal, de telle sorte que
le rez-de-chaussée de la première façade parait un premier étage du côté du
parc, et flanqué d'un côté d'une tour de cent pieds, remontant au XVe
siècle, de l'autre d'une tourelle en encorbellement. Dans les murailles se
voient encore des meurtrières. La toiture, fort grande et sans lucarnes, est
entièrement supportée par des corbeaux de pierre formant mâchicoulis et
battant le pied de la tour. De chaque côté de la façade principale s'élèvent
deux grands pavillons Louis XIV, flanqués chacun d'une tour, qui ont été
jadis semblables, mais dont l'un est à peu près détruit. La belle vue qu'on
a de ce lieu élevé est malheusement masquée d'un côté par l'église, ancienne
chapelle du château, datant en partie des XIe e XIIesiècles, à laquelle on a
ajouté, plus tard, un longue nef sans caractère pour le service de la
paroisse.
Dans l'intervalle, cette église avait été celle du prieuré de Saint-Nicolas,
fondé par Geoffroy IV, comte du Perche en 1214, et dont le revenu était de
800 livres. Un cloître, ou tout au moins une chapelle latérale devait la
relier au couvent, car on distingue nettement, à l'extérieur de la partie
droite du choeur, d'élégants arceaux gothiques et un pilier qui se
trouvaient dans l'intérieur du temple. La famille du Crochet conserva
Maison-Maugis jusqu'en 1692: c'est alors que Pierre-Anthoine Crochet n'ayant
laissé qu'une fille, mariée d'abord au comte de la Jaille, puis remariée au
comte de Durcet, son domaine passa aux Fontenay par le mariage de Barbe du
Crochet, sœur de Pierre-Antoine, avec François de Fontenay, seigneur de
Vezort. Après les Fontenay, Maison-Maugis eut comme seigneurs les Perrochel
de Morainville, par le mariage de François de Perrochel avec
Louise-Elisabeth de Fontenay. Le dernier représentant de la famille de
Perrochet habita le château de Grand-Champ, c'était le frère du regretté
marquis de Perrochel, député de la Sarthe, enlevé prématurément en 1885.
Enfin en 1805, Marie-Françoise de Perrochel de Morainville, héritière de
Maison-Maugis, épousa le comte de Moucheron; c'est ainsi que ce domaine est
passé à la famille qui le possède encore. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château et des communs
; le portail d'entrée avec sa grille ; les caves, y compris celles à usage
de cuisine et le puits ; l'allée d'accès ; le potager : inscription par
arrêté du 26 août 1991. (2)
château de Maison-Maugis 61110 Cour-Maugis-sur-Huisne, propriété privée,
ne se visite pas.
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