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Le château Castellum de Lourdon se trouve mentionné
pour la première fois, en 888, lorsqu’un acte de vente y est passé. Durant
le siècle suivant c’est encore dans ses murs que sont écrits près de cent
actes: dons, acquisitions, échanges; mais rien n’annonce la forteresse, ce
n’est sans doute que le siège d’un doyenné. Au milieu du XIIe siècle, on
voit Guillaume, comte de Chalon, à la tête d’une bande de Brabançons, et
avec l’appui des sieurs de Brandon, venir ravager la vallée de la Grosne. En
1166 ces pillards prirent le château de Lourdon, mirent à sac l’abbaye et il
ne fallut rien moins que les troupes de Louis VII pour les chasser de la
contrée. Quelques années après le fils du comte de Chalon ayant renouvelé
ces incursions avec l’aide de Jocerand de Brancion et du sire de Beaujeu,
Philippe-Auguste vint mettre un terme à ces brigandages, et c’est au château
de Lourdon, en 1180, qu’un traité fut conclu. Un siècle plus tard on voit le
clergé de France allouer pendant trois ans le dixième de ses revenus à la
couronne pour indemnités des frais nécessités par les croisades; mais l'abbé
de Cluny n’ayant voulu, en se prévalant de certaines immunités accordées par
les papes à son abbaye, contribuer à cette imposition; pour l’y contraindre,
le bailli de Mâcon jeta ses troupes sur Cluny, prit Lourdon et y installa
une garnison (1250). L’abbé s’en plaignit au pape qui écrivit plusieurs
lettres à ce sujet. Dans celle adressée à l’archevêque de Bourges il ordonne
à celui-ci de jeter l’interdit sur le château de Lourdon et de lancer une
excommunication contre ses injustes détenteurs. Les soldats du bailli
n’abandonnèrent Lourdon qu’en 1252.
Deux siècles plus tard, lors de la lutte entre Louis XI et Charles le
Téméraire, le château est une première fois occupé par les troupes du roi,
puis évacué à la suite d’une trêve. Les soldats bourguignons, sous les
ordres de Claude du Blé, l’enlevèrent ensuite aux moines et y tinrent
garnison de 1471 à 1476. Durant cette occupation, les gardiens de la
forteresse se livrèrent à mille voleries et pillages; livres, terriers,
registres, joyaux, meubles, tout fut enlevé. Les moines se plaignirent au
duc. Ce dernier somma le sieur de Cormatin de tout restituer, sous peine de
saisie de ses biens. Le sieur du Blé assura n’avoir rien enlevé. Un procès
s’en suivit au cours duquel de nombreux témoins furent entendus. Leurs
dépositions nous apprennent qu’en temps d’éminent péril les religieux
déposaient au château les joyaux, terriers, titres de privilèges, etc.;
qu’en 1470 Dom Tournebise, le gardien, y résidait avec cinq ou six moines et
une trentaine d’autres personnes, gentilshommes ou autres. Le seigneur de
Mussy, vieillard de 96 ans, rapporte que le sieur de Cormatin enleva du
château, en blés, la charge à 200 chevaux, 240 queues de vin, 2 calices
d’argent doré, des linges, des livres, de la vaisselle. Un autre témoin
déclare que Lourdon renfermait 40 chambres garnies de lit, et que les gens
du voisinage s’y étaient retirés avec partie de leurs biens. Des religieux
assurent que le château renfermait bien 500 volumes dont 2 bréviaires de
grand prix, de nombreux vases d’or, un reliquaire, de la vaisselle, des
coupes et tasses d’argent et que la totalité des biens enfermés étaient
d’une valeur de 80.000 francs. Claude du Blé fut condamné à payer 2.000
livres, mais craignant la saisie de ses terres de Cormatin et Massilly il
prétendit les avoir aliénées en faveur de son filleul. En même temps ce
seigneur en appelait au roi, et l’astucieux Louis XI déclarait que tous les
faits de guerre étaient couverts par ses lettres d’abolition.
Remis en possession de leur château les moines réparèrent les dommages
occasionnés par les sièges de 1470 et 1472, restaurèrent le donjon et
construisirent une tour au midi, ainsi que de nouveaux bâtiments. Nous
arrivons aux guerres de religion, période de grande calamité pour Cluny. Dès
1562 les réformés qui s’étaient emparés de Mâcon, enlevèrent la ville de
Cluny le 10 août, la mirent au pillage, après quoi ils se présentèrent
devant Lourdon. La forteresse fut sommée de se rendre; mais devant la bonne
contenance des défenseurs les réformés que commandaient le boucher Misery et
les capitaines Payen et Jean-Jacques se retirèrent sans rien entreprendre.
Peu de temps après les troupes de Tavannes passaient de nuit à Lourdon,
allant surprendre Mâcon, momentanément démunie de troupes par les
religionnaires. En 1565, lors du passage de Poncenac, ses troupes
attaquèrent Cluny, qui dut se rendre et paya une forte contribution mais ne
tentèrent rien contre Lourdon. En 1570 Cluny était encore attaquée par
Coligny et Condé, mais secourue à temps par de Vantour elle résista
victorieusement, et le château ne fut pas inquiété. En 1574, au bruit qui se
répandit de l’arrivée d’une puissante armée, d’hérétiques, les religieux de
Cluny s’empressèrent de faire transporter dans la forteresse tout ce qu’ils
avaient de plus précieux en papiers, titres, meubles et ornements, mais la
paix de Beaulieu suspendit la marche des envahisseurs. Peu après, des
intrigues se tramaient entre plusieurs habitants de Cluny et le sieur de
Puisaye, écuyer du duc d’Alençon. A la tête des partisans du duc figurait le
procureur fiscal de l’abbaye, Gabriel Filloux, qui avec dix-sept autres
habitants de Cluny résolut d’enlever Lourdon par surprise.
"Un jour le 30 septembre 1575 Gabriel Filloux prend avec lui cinq hommes des
plus résolus, dont Garnier et Fournier qui se chargent des principaux rôles.
Ils pénètrent facilement dans la première cour, y trouvant le gouverneur, M.
de Saint-Blain, avec deux frères Jérôme et Claude, leur parlent d’emprunter
quelque argent. M. de Saint-Blain se récrie qu’il n’en a pas, qu’il est
vieux, et que ses serviteurs et les décimes absorbent bien ses revenus. Les
conjurés lui offrent alors deux perdrix, il les refuse, mais commande
poliment qu’on les introduise dans le château, où il leur serait servi à
boire. Alors Filloux et quatre de ses compagnons suivirent les frères Jérôme
et Claude et entrent dans la forteresse. Au même instant Garnier se jette
sur les clefs du pont-levis, en clôt les portes et s’enferme avec le
gouverneur dans la cour extérieure; celui-ci de sonner de toutes ses forces
pour se faire ouvrir; messire Jerôme de sortir pour voir qui c’était;
messire Claude de se mettre à la fenêtre pour crier. Fournier alors, une
épée d’une main, un pistolet de l’autre: ne bougez pas, dit-il, ou vous êtes
mort. Les gens du château menacés se défendent d’abord et renversent l’un
des conjurés mais finissent par s’épouvanter. Le gouverneur lui-même luttait
dans la basse-cour avec Garnier, et lui avait enlevé son arquebuse. Le
moment était critique. Fournier descend rapidement et s’adressant à
Saint-Blain: toute défense est inutile, c’est pour le roi que nous sommes
ici; il faut obéir. En même temps arrivaient du dehors les autres compagnons
de Filloux qui prirent le gouverneur et l’emmenèrent dans sa chambre. Des
exprès furent aussitôt envoyés aux seigneurs voisins pour les avertir de la
prise de Lourdon et de tous côtés arrivèrent des gens armés au château. Ces
gens après un premier et complet pillage à l’intérieu, le continuèrent par
des excursions au dehors".
Vers la fin de février 1576, un chanoine de Saint Vincent fut envoyé au
château pour moyenner quelque aimable composition et accord entre lesdits de
Lourdon et cette ville de Mâcon. Cette mission ne paraît guère avoir réussi,
le sieur de Pizay qui commandait la garnison faisait des sorties en
Mâconnais, Beaujolais et Chalonnais, pillant et rançonnant. Dans une course
en chalonnais il demanda une contribution en argent à l’abbaye de Tournus.
Le grand prieur en écrivit au gouverneur de Bourgogne, qui défendit de lui
envoyer, ni faire délivrer aucuns deniers, lesquels, dit-il, lui serviraient
pour se fortifier de plus en plus en sa retraite, et il vaut beaucoup mieux,
ajoutait-il, les réserver pour les employer à les en chasser et à en
nettoyer et purger le pays. Les plaintes contre la garnison huguenote
affluaient de toutes parts. En 1576 François de Valois, duc d’Alençon, par
une lettre au sieur de Pizay lui enjoignait de mettre fin aux excès dont ses
soldats se rendaient coupables. A la date du 5 avril 1576, on voit aussi une
lettre du roi, datée de Moulin au sieur de Pizay "par laquelle sur les
plaintes des habitants de Mâcon, des ravages, violences, rançonnements,
pillages, brûlements d’églises, enlèvements de bestiaux et autres excès que
font les troupes du château de Lourdon depuis la prise que ledit seigneur en
a faite, sa Majesté lui ordonne d’empêcher ces désordres". Ce ne fut que le
4 septembre 1576 que les soldats huguenots quittèrent Lourdon n’y laissant
guère que les murailles; encore fallut-il que l’abbé leur fît donner 1.200
écus. Toutes ces déprédations et violences ne restèrent point impunies.
Filloux, le principal auteur, fut enfermé dans une des tours du château; en
1577, on lui fit son procès. Dans ses réponses il se plaint de la grande
pauvreté dont il est affligé et déclare que la mort sera pour lui une œuvre
de miséricorde.
Dagonneau, fermier général de l’abbaye, un des conspirateurs, après s’être
vu imposé à nourrir quinze soldats au château, aurait fini empoisonné. La
même année 1577, trois femmes de Cluny, dans une requête au comte de Charny,
lieutenant général en Bourgogne, exposent que pour avoir élargissement des
personnes de leurs maris détenus misérablement en basse fosse au chastel de
Lourdon, appartenant à l’abbé de Cluny, elles se sont pourvues devant le
bailli de Mâcon. Par un appointement du 9 novembre, ce juge aurait ordonné,
en exécution de l’édit de pacification, que les trois prisonniers seraient
élargis. Cette sentence ayant été en vain signifiée au procureur d’office de
l’abbé, les plaignants demandent que pour obtenir l’exécution de l’édit et
par suite l’élargissement de leurs maris, le prévôt soit autorisé à employer
la force. Le sieur de Pizay qui laissa accomplir tous ces excès, lorsqu’il
ne les commanda pas et que l’on voit s’attribuer une bonne part lors du
pillage du château, ne paraît pas avoir été inquiété. Pour remédier au
mauvais état dans lequel la garnison calviniste avait laissé le château,
Claude de Guise, abbé de Cluny, se mit immédiatement à l’œuvre. Les défenses
furent mises en état, de nouveaux bâtiments dont celui du jeu de paume
furent élevés, et l’ensemble des constructions, cours et jardins furent
entourés par une muraille flanquée de tours. L’opportunité de ces travaux
défensifs ne devait point se faire attendre longtemps. Le 24 juin 1593, à
l’époque delà Ligue, un détachement de royalistes venant de la forteresse de
Dondin fit une tentative de nuit pour s’emparer de Lourdon. Ils
s’approchèrent sans bruit et réussirent à se saisir des deux cours et du
pont-levis. Mais un valet de table donna l’alerte, chacun courut à son poste
et les assaillants ne purent se rendre maîtres des écuries, ni du jeu de
paume. L’abbé, en personne, organisait la défense en faisant de bonnes
salves de son canon et force mousquetades.
Le lendemain les bourgeois de Cluny avertis accouraient au nombre de 120
arquebusiers, attaquèrent aussitôt avec vigueur les assiégeants et
réussirent avec l’aide de la garnison à les déloger des écuries et du jeu de
paume. Les Navarrais obligés de s’enfuir s’échappèrent par une fenêtre où
ils avaient fait jouer force pétards. Dans leur précipitation à fuir ils
abandonnèrent leurs morts, leurs blessés et des cuirasses, des épées et des
pistolets, dont un portait les armes du sieur de la Guiche. En 1594, après
l’abjuration de Henri IV, Claude de Guise s’empressait de lui faire sa
soumission et lui remettait son château de Lourdon. Le roi, sur sa demande
lui accordait, pour la garde et conservation de la forteresse, l’entretien
d’une garnison de trente hommes, et au mois de mai 1595, lorsque l’armée
royale qui venait de réduire Autun et Tournus se présentait devant Lourdon,
ce château lui ouvrit aussitôt ses portes. Ce fut à Lourdon que l’abbé
Claude de Guise, tint, en 1600, un chapitre général de l’ordre de Cluny.
Quelques années après la démolition de la forteresse était agitée comme
n’étant pas place frontière. L’évêque de Mâcon, président né des États du
Mâconnais, déclarait en 1613, dans une lettre au roi, que cette démolition
était très utile au pays, qu’elle ne pourrait plus tomber entre des mains
ennemies et devenir, comme par le passé, une cause véritable de calamité
pour notre région. En 1614, le Conseil du roi reconnaissant ce démantèlement
nécessaire au bien de la province, il fallut s’occuper des indemnités.
Devenu abbé de Cluny en 1629, le cardinal Richelieu demandait 66.000 livres,
il lui en fut accordé 60.000. Les États du Mâconnais contribuèrent de 12.000
livres tant pour l’indemnité que pour les frais nécessaires pour mettre bas
la forteresse, et le reste de la somme fut imposé sur la province de
Bourgogne. Un délégué de l’intendant de Bourgogne vint à Cluny au mois de
juin 1632 prendre possession du château; les meubles, munitions, terriers
furent enlevés, puis au moyen de la mine l’on fit sauter les murailles des
tours et des bâtiments. Le vieux manoir ne devait plus se relever.
L’ancien château placé à une lieue au nord de Cluny s’élevait sur une vaste
plate-forme représentant un quadrilatère irrégulier escarpé de trois côtés
et dont la surface mesurait un hectare. De ces constructions élevées à la
fin du XVIe siècle il ne reste aujourd’hui qu’une partie des soubassements
de leur mur d’enceinte, flanqué au sud d’une tour à demi détruite, au nord
d’une autre tour dont on ne voit plus que l’étage supérieur, émergeant du
sol remblayé, un pan de mur qui se dresse au nord à une dizaine de mètres de
hauteur et laisse voir la trace d’une hotte de cheminée et de deux fenêtres.
Enfin le squelette de grands bâtiments dont l’imposante façade se déploie au
sud-est devant une terrasse longue de 80 mètres, constructions élevées sans
doute par l’abbé Claude de Guise, à la fin du XVIe siècle puisque l’on voit
des pierres ornées d’un cartouche en relief portant la croix de Lorraine
avec la date de 1586. Leur mur extérieur, tourné au midi, est flanqué au
milieu d’une tour ronde et terminé au levant par un pan de mur qui s’achève
en encorbellement. Ce mur long de 80 mètres haut d’une douzaine est encore
surmonté, dans sa partie orientale, de neuf piliers carrés de maçonnerie
formant des ouvertures étroites démesurément longues et découvertes
par-dessus. C’est l’ancien jeu de paume mentionné lors de l’attaque de
Lourdon par un détachement de royalistes en l’année 1593. Trois des côtés du
quadrilatère qui portaient les substructions du château descendaient à
pentes rapides vers la vallée; le côté nord-est privé de défenses naturelles
était précédé d’une avant-cour défendu par un fossé encore existant. Au delà
de cette avant-cour commençait un parc d’une quinzaine d’hectares, dont les
pentes douces conduisaient vers la Grosne. A l’extrémité de ce parc
subsistent encore les murs d’une petite chapelle dédiée à saint Hubert dont
les étroites fenêtres cintrées portent à la clef de voûte la croix de
Lorraine. Signalons encore la muraille flanquée de douze tours et longue de
plus de trois kilomètres qui entourait complètement les 30 hectares du
domaine. Le vieux château avec jardin, colombier, prés, terres, fut vendu en
1791 pour 62.000 livres à Étienne Commerçon, marchand de Colonges. Il était
au début du XXe siècle la propriété de M. Gabriel Bouchacourt. (1)
château de Lourdon 71250 Lournand, propriété d'une association, tel. 06 88
27 19 75, vestiges visibles de l'extérieur, des bénévoles poursuivent le
débroussaillage et la clôture du site à raison de deux samedis par mois.
Visites lors des Journées du patrimoine.
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M. Bernard Drarvé pour les photos qu'ils nous a adressées afin d'illustrer
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