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La seigneurie
de Montfort-le-Rotrou apparaît à la fin du XIe siècle ou au début du XIIe
siècle. La famille de Gennes, Hugues de Gennes et son épouse Agnès de
Chaources, résidait dans un castrum près du bourg de Pont-de-Gennes au XIe
siècle. L'une de leurs filles, Lucie, épouse vers 1100 un Rotrou, troisième
fils de Rotrou 1er comte du Perche. Ils sont à l'origine de la branche des
Rotrou de Montfort, cadette des Rotrou de Nogent (titulaires du comté du
Perche). Selon les auteurs, on attribue ainsi à Hugues de Gennes ou plutôt à
son gendre Rotrou 1er de Montfort l'établissement d'une nouvelle résidence
sur le promontoire dominant l'Huisne, mieux protégé (Monte fortis), et qui
servira de noyau au bourg de Montfort. Une chapelle castrale Sainte-Croix
figure dès la fin du XIe siècle dans les possessions du prieuré de
Pont-de-Gennes, mais les sources n'indiquent pas clairement si elle se situe
dès l'origine dans l'enceinte du château de Montfort ou d'abord dans le
castrum de Gennes. Le premier château de Montfort est vraisemblablement du
type motte castrale, avec des aménagements en terre et des constructions en
bois, bien qu'aucun document n'en donne une description. Dans un aveu de
1406, le château est dit construit sur une motte. Au XIXe siècle encore, il
est dit assis sur une motte ou ancien talus, contenue dans les hauts murs de
soutènement. Les textes indiquent la présence d'une chapelle Sainte-Croix
dans l'enceinte du château dès le XIe siècle (l'église et la paroisse
n'existent pas encore).
Cinq Rotrou de Montfort se succèdent ainsi de père en fils à la tête de la
seigneurie. Un premier château en pierre est sans doute édifié à la suite de
la motte. Les Rotrou s'étant compromis avec les Anglais, le château voit en
1189 le passage du roi Philippe-Auguste, auquel Rotrou II ouvre ses portes.
La fille et unique héritière de Rotrou V, Jeanne de Montfort, épouse (avant
1255) Guillaume VI L'Archevêque de Parthenay. Le domaine de Montfort,
comprenant également Bonnétable et Vibraye, passe ainsi momentanément dans
le giron de cette puissante famille. A de nombreuses reprises au cours de
son histoire, le château de Montfort change à nouveau de mains par mariage:
ainsi une seconde fois en 1315 lors du mariage d'Isabelle de Parthenay,
petite-fille du précédent, avec Jean de Harcourt. Les Parthenay et les
Harcourt rendent hommage pour leur "chastel de Montfort" à l'évêque du Mans,
en raison de sa baronnie de Touvoie (Saint-Corneille). Sous le règne de
cette famille, le château aurait été ravagé par un incendie puis
reconstruit, selon une supposition d'Alphonse Robveille. Moins d'un siècle
plus tard, vers 1400, un nouveau mariage, celui de Marguerite d'Harcourt
avec Jean III de Ferrières, faisait de nouveau changer de mains le château
de Montfort. Un aveu rendu en 1406 au comte du Maine donne une idée sommaire
des bâtiments à l'époque: "Un chastel dudit lieu de Montfort avec la motte
en laquelle il est assis, et ses douves d'environ du côté de vers la ville,
ainsi, comme il se poursuit depuis un pan de mur qui fait la cloison entre
le pont et la porte dudit château du côté de la tour, en allant d'icelui pan
de mur au long du pignon du mur de mes vieilles halles qui sont au-dedans de
mon dit château, tant au travers d'iceluy jusqu'au fond des douves, avec la
porte, le pont, le planche et la barrière du château".
A cette époque, il faut probablement imaginer un quadrilatère cantonné de
tours circulaires dont une subsistera jusqu'au début du XVIIIe siècle. En
1418, les Anglais s'emparent du château de Montfort et l'incendient en 1420.
Ils occupent le site, dont ils font l'une de leurs places fortes, pendant
près de trente ans: le Maine est reconquis par l'armée française en 1448. Il
semble probable que le château ait fait l'objet d'une reconstruction,
partielle ou totale, au cours du XVe siècle. Vers 1572, au décès d'Eléonore
de Ferrières, petite-fille de Jean III de Ferrières, dont les mariages
étaient restés sans postérité, la seigneurie de Montfort tombe en indivision
entre ses cousins avant que l'un d'eux, Charles du Plessis-Liancourt,
devienne seul propriétaire. Celui-ci fait ériger son domaine en marquisat en
1616 et fait abattre une partie des vieux bâtiments, conservant sans doute
pour le symbole la grosse tour servant de chartrier et de prison. Il lance
alors la construction d'une nouvelle aile et d'un pavillon en brique et
pierre selon le style Louis XIII, dont témoignent plusieurs documents de
l'époque moderne, actes notariés, plans et gravures. On trouve également
"une voûte en forme d'ancien portail, qui fait une des entrées de la cour
haute dudit château" (toujours visible); à l'arrière, un escalier monumental
descend au jardin en terrasses; enfin, en contrebas du château, la
basse-cour est entourée de communs, granges, écuries, remises, pressoir.
Pendant la Fronde, en 1652, le site est occupé par le duc de Beaufort et ses
troupes qui ravagent la région.
En 1659, un nouveau mariage fait de Montfort la propriété de François VII de
La Rochefoucauld-Liancourt. Celui-ci vend la seigneurie en 1661 à Louis-Anne
de Bresseau, lequel vient résider au château. Un caveau est aménagé sous
l'ancienne église de Montfort pour accueillir les dépouilles de la famille.
La famille de Bresseau conserve le château jusqu'en 1725, date à laquelle
Renée-Louise-Françoise, dernière héritière, épouse Claude-Jacques-César de
Murat. Les Murat sont les derniers seigneurs de Montfort avant la
Révolution. Ceux-ci auraient fait construire, ou reconstruire, les murs de
soutènement entre 1775 et 1778, mais semblent avoir quelque peu négligé le
logis, comme le montre la mention d'écuries dans les salles médiévales en
1788. D'après un récit de 1810, Louis de Murat aurait été contraint par une
émeute à quitter précipitamment son château. Toutefois, il n'émigre pas et
récupère son domaine intact, "sauvegardé par les habitants, fidèles et
respectueux". Les archives de la seigneurie, ou trésor, sont également
épargnées. C'est sa fille et son gendre, le comte Aymard-Tanneguy-Raymond de
Nicolaÿ, qui en héritent au début du XIXe siècle. Après avoir fait embellir
le parc à la fin des années 1860, Christian de Nicolaÿ fait agrandir le
château pour lui donner son aspect actuel. L'architecte Eugène Landron est
chargé de remédier aux problèmes d'infiltrations de la terrasse et
d'agrandir l'édifice notamment pour loger la nombreuse domesticité. Ainsi,
des pavillons d'angles et deux avant-corps sont créés, un niveau
supplémentaire est construit, de hautes toitures en ardoise remplacent le
toit-terrasse, de nouveaux décors d'encadrement sont ajoutés aux ouvertures.
Le château est occupé par des officiers allemands en 1870. Le domaine reste
propriété de la famille Nicolaÿ jusqu'à nos jours.
Dominant le bourg de sa silhouette blanche et noire, imposante et compacte,
le château est assis sur un promontoire, probablement l'ancienne motte
castrale, enserrée dans des murs de soutènement. Du côté du parc, le fossé
est franchi par un pont encadré par deux petits pavillons enserrant le
portail d'accès à la cour d'honneur. De plan presque carré, le château
s'organise autour d'une rotonde surmontée d'une colonnade, d'une voûte à
caissons et d'une coupole en verre donnant un éclairage zénithal, selon le
plan voulu en 1820. L'aspect extérieur a été quant à lui entièrement
transformé en 1871. L'édifice, à deux étages carrés et un étage de comble et
surmonté de hautes toitures brisées, compte sept travées sur chaque façade.
Il est cantonné de quatre pavillons d'angle carrés plus ou moins saillants
par rapport aux façades. Chacun de ces pavillons, plus hauts que le corps du
bâtiment, compte une à deux travées sur chaque face. La façade principale,
sur la cour d'honneur au nord-est, présente en son centre un imposant
pavillon qui domine le reste du château de sa haute toiture coiffée d'une
crête faîtière: à trois travées, il est précédé d'un large perron et percé
au rez-de-chaussée de trois grandes portes en plein cintre à agrafes
sculptées. A l'opposé, côté panorama au sud-ouest, la façade est mise en
relief par un avant-corps à trois pans, également précédé d'un perron et
percé de grandes portes en plein cintre.
Les façades sont rythmées par des décors sculptés d'une grande sobriété,
chaînages d'angles harpés en bossages, solin, bandeau, corniches à
modillons. La plupart des ouvertures, pourvues d'un encadrement mouluré,
sont surmontées d'un larmier ou d'un fronton triangulaire, parfois d'une
agrafe et de volutes. D'une manière générale, les décors sont plus riches et
élaborés à mesure que l'on s'élève dans les étages. Les portes-fenêtres du
premier étage présentent des garde-corps à balustres et parfois un petit
balcon. Au deuxième étage, les fenêtres sont carrées et parfois ornées
d'agrafes, de visages sculptés ou de volutes. Les lucarnes de l'étage de
comble présentent les décors les plus élaborés, avec pilastres, agrafes
sculptées, frontons triangulaires ou en arc segmentaire interrompus par un
visage sculpté. Plusieurs oeils-de-boeuf en zinc sont également visibles. La
distribution intérieure comporte quatre niveaux d'occupation autour d'une
"antichambre" montant du rez-de-chaussée et couverte d'un dôme (en pierre
semble-t-il) à éclairement zénithal en verrière. Sous-sol entièrement voûté
et communiquant, par deux escaliers souterrains voûtés eux aussi, d'une part
vers les communs du Sud, d'autre part vers le parc au Nord puis, à partir de
1858, vers "la chapelle du château" aménagée dans la nouvelle église
paroissiale. Les distributions et les volumes existants en 1822 ont été très
bien conservés.
Au rez-de-chaussée l'agrandissement (sur colonnes) du vestibule en 1871 a
parfaitement respecté le décor initial. Il en est de même pour les décors et
sols, de marbres et parquets, à motifs géométriques. Les deux volées
d'escalier, droites, de part et d'autre de la première antichambre n'ont pas
été retouchées. Au premier étage, la distribution s'organise depuis le
vestibule commun aux deux escaliers et surtout depuis le couloir circulaire
ouvert par une colonnade à la lumière et au "vide de l'antichambre. Bien
sûr, à chaque étage un tiers environ de la surface du château est absorbée
par ces surfaces de communication et cela explique les extensions de
1871-1872. Mais cet éclairage zénithal tamisé, traité magnifiquement avec
marbres, ferronneries et certainement un bel équilibre de proportions, donne
un rare agrément à Montfort. En contrebas du château se trouvent trois
grands bâtiments de communs (écuries et remises) disposés selon un plan
symétrique autour d'une cour pavée, et ce malgré l'espace restreint entre le
promontoire et les maisons du bourg. Ils sont ornés de solins formés d'un
assemblage de petites pierres de différentes teintes, de bandeaux et de
chaînages d'angles harpés à bossages. Les arcs en plein cintre des
ouvertures sont en brique. Un ancien portail à piliers aujourd'hui condamné
apparaît à droite du bâtiment central. Celui à gauche a été refait. Un
lavoir se trouverait à l'arrière du bâtiment à gauche de la cour. Le vaste
parc et la ferme dite des Vallées complètent l'ensemble. (1)
château de Montfort le Gesnois, 29 Grande-Rue, 72450 Montfort-le-Gesnois,
propriété privée, visite des extérieurs uniquement.
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