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Les premiers seigneurs de Semur
apparaissent dans les textes dès le XIe siècle : les textes qui les
mentionnent ne sont toutefois pas relatifs à la châtellenie elle-même, sur
laquelle on sait bien peu de choses, si ce n’est qu’elle dépendait de
Saint-Calais et par là-même de Vendôme. Par exemple, dans la deuxième moitié
du XIIe siècle, Hugues de Semur et son fils permettent la fondation du
prieuré de Pontvallain. Il ne reste pas trace, semble-t-il, du château
initial. Peut-être y eut-il une motte castrale, mais il paraît peu probable
qu’il s’agisse de l’île artificielle du parc, trop petite. Il est plus aisé
d’imaginer qu’elle fut peut-être recouverte par l’actuel terre-plein du
château, et que peut-être la "douve du parc" délimitait une basse-cour au
nord. La toponymie et la topographie de Château-Gaillard, à moins d’un
kilomètre au nord du château, est intrigante mais le parcellaire ne livre
aucun indice. Roger Verdier l’interprète comme un talus fortifié par une
enceinte en terre et propose d’y voir le siège primitif de la seigneurie, ce
qu’il est difficile de vérifier en l’absence de fouilles archéologiques.
Avant 1320, la châtellenie passe à une grande famille bourgeoise mancelle
qui cherche à s’émanciper de sa condition roturière, les Le Cirier (ou Le
Sirier). Elle accède à la noblesse probablement grâce à son engagement dans
la lutte contre les Anglais pendant la guerre de Cent ans, avant 1465, date
d’un aveu de Guillaume Le Cirier seigneur de Semur à Saint-Calais. Les Le
Cirier apparaissent par la suite à plusieurs reprises dans diverses
donations faites aux couvents du Mans et de Vendôme.
On attribue sans trop de doute à cette famille l’édification du manoir ayant
servi de noyau au château actuel : celui-ci, daté de la deuxième moitié du
XVe siècle, semble avoir formé un bâtiment en T si l’on en juge par les
vestiges de pignons découverts et d’amortissements sculptés encore visibles
à chaque extrémité des toitures du corps central. De plus, la façade sur
jardin a conservé son caractère médiéval, avec ses petites baies
chanfreinées, ses demi-croisées à appuis moulurés, sa lucarne à gâble en
pierre, ses archères-canonnières. Au cours du XVIe siècle, une longue
galerie est construite dans la mode de la Renaissance, encore citée pour sa
beauté par Le Paige à la fin du XVIIIe siècle mais détruite dans les
décennies suivantes. On peut supposer, sans certitude toutefois, que le site
est fortifié dans la deuxième moitié du XVIe siècle, avec le creusement des
fossés, la construction de tours aux angles de la plateforme et d’un
châtelet à deux tours avec pont-levis. Les travaux d’agrandissement
postérieurs, notamment la grande façade régulière à fronton et à grandes
fenêtres sur la cour et les deux pavillons latéraux à tour, paraissent
pouvoir être attribués au XVIIe siècle. Peut-être font-ils écho à
l’obtention (ou à l’usurpation) du titre de baronnie de Semur que les Le
Cirier auraient obtenu en 1630, d’après Paul Cordonnier. Quant au
pigeonnier, il arbore la date 1609 sur sa lucarne. Le 20 juin 1643, Jean Le
Cirier très endetté est contraint de vendre la terre de Semur à Philippe de
Picher (ou La Roche-Picher) et à sa femme Louise de Beauxoncles pour 154440
livres.
Selon Pesche, l’acte de vente indique que le château consiste alors "en
salle, chambres hautes et basses, cabinets, garde-robes, cuisine, cour,
galeries haute et basse; granges, étables, écuries, pressoirs à vin; une
chapelle et autres bâtiments étant dans ladite cour; le tout enclos de
fossés à eau, fermant à pont-levis; item un grand pressoir et un grand
colombier, hors et proche ledit enclos, etc; item le grand jardin dudit
château, enclos de murailles; item un parc, proche icelui, aussi enclos de
murailles". Par la suite, la châtellenie passe par les mariages d’Élisabeth
de Picher, dame de Semur, à François-Urbain de Menon, comte de Turbilly et
de Bresteau, en 1661, puis au marquis Aimery des Feugerets, en 1668. Du
décès, en 1709, de Louise de Picher comtesse de Turbilly, fille du premier
mariage, les archives diocésaines du Mans conservent un inventaire des biens
levé au château, qui donne l’état de l’ameublement au début du XVIIIe
siècle, mais ne permet guère de se représenter l’organisation des bâtiments
(une quinzaine de salles et chambres sont citées). Une description précise
des très nombreuses pièces du chartrier de Semur est également réalisée,
mais l’ensemble des documents, qui permettrait de reconstituer l’histoire du
château et du bourg, aurait aujourd’hui disparu. De nouveaux mariages font à
nouveau changer la seigneurie de mains: Madeleine-Antoine des Feugerets
épouse en 1733 René-Ursin Durand de Pizieux, puis Marie-Jeanne Guéau de
Courteilles, veuve de Nicolas-Ursin Durand, s’unit en 1777 à Étienne du
Temple de Beaujeu.
En 1789, Madame de Courteilles se dit dame de Semur et déclare son "château,
jardin, douves, vivier, parcq, vignes, avenue, prés, bois taillis en
plusieurs pièces et cinq étangs". Pendant toute cette période, le château
semble assez peu habité et fait sans doute l’objet de peu d’entretien.
Néanmoins, la petite chapelle accolée au pavillon ouest semble avoir été
édifiée au cours du XVIIIe siècle, et diverses ouvertures sur les communs et
la grosse tour sont reprises à cette période et au siècle suivant. A la
Révolution, le château n’est pas saisi; l’ensemble des bâtiments existe déjà
au début du XIXe siècle, comme en témoigne le plan cadastral napoléonien de
1830. Par échange, le château devient la propriété d’Alexandre de La
Goupillière, marquis de Dollon, qui le vend en 1831 à la comtesse Céline de
Chertemps de Seuil. Celle-ci y réside et porte beaucoup d’attention à la
commune de Semur: fondation d’une école libre de filles, aide à la
reconstruction du presbytère… A son décès en 1866, le domaine échoit à son
neveu Louis-Marie-Joseph duc d’Aumont et de Villequier, lequel passe
l’essentiel de sa vie à explorer l’Égypte. Néanmoins, les matrices
cadastrales indiquent qu’il fait réaliser des travaux au château dès 1867:
il s’agit vraisemblablement du remaniement, dans le style néogothique, du
pavillon est, sur lequel il fait apposer ses armoiries. Peut-être une
restauration plus complète avait-elle été envisagée, non réalisée à cause
des longues absences du duc. D’autres travaux réalisés sans doute plus tôt
dans le XIXe siècle, mais à une date incertaine, devaient contribuer à
donner au château une allure "romantique".
Ainsi, le portail avec ses deux tours est remanié et orné de faux
mâchicoulis. Il est possible, comme le suppose Paul Cordonnier dans ses
notes, que la curieuse tour postérieure ait été surélevée, voire construite,
pour coiffer le château d’un pseudo donjon dont la girouette porte haut les
armes du duc d’Aumont. Les bâtiments sont semble-t-il pillés pendant la
guerre de 1870, en l’absence du propriétaire. Décédé sans alliance en 1888,
le duc d’Aumont lègue à son tour le château de Semur à son brillant
intendant (certains disent fils naturel) Aristide Gavillot qui y meurt en
1911, le restituant alors à Charles de Saint-Méloir, petit-neveu du duc. En
1913, il est racheté par Léopold Guéau de Gravelle, marquis de Réverseaux de
Rouvray, et son épouse Béatrix Hurault de Vibraye qui font supprimer des
bâtiments parasites et restaurer le château, alors ouvert au public et aux
sociétés savantes. En 1931, la Société Historique et Archéologique de l’Orne
décrit ainsi "les cheminées des XVe et XVIe siècles, un beau plafond peint
sous Louis XIII et une série de superbes tapisseries en Aubusson royal,
d’après les cartons de Joseph Vernet". En 1934, celle du Maine écrit que les
visiteurs "admirent les salons ornés de belles tapisseries, de beaux
meubles; la bibliothèque, pittoresquement aménagée dans une ancienne
chapelle; le parc avec ses pelouses et ses grands arbres ; les douves qui
accusent le caractère féodal de cette belle demeure". En 1953, le château
passe au neveu de Béatrix Hurault, René Hurault marquis de Vibraye, qui
poursuit la restauration du château, dont la famille est toujours
propriétaire aujourd’hui.
Le château de Semur-en-Vallon se trouve légèrement au nord du centre-bourg,
au pied du chemin de Lavaré et à l’extrémité d’une longue et large avenue
désaffectée donnant sur la route de Coudrecieux. Le logis et une partie des
communs son aménagés sur une plateforme ceinte de fossés qui furent sans
doute en eau: le ruisseau de la Cour des Bois passe à proximité immédiate et
a été aménagé notamment pour créer un vivier et une retenue pour un moulin.
D’autres bâtiments dépendant du domaine gravitent autour du château à l’est
et au sud. La partie la plus ancienne du château, au centre, est un bâtiment
en T surmonté d’une haute tour irrégulièrement circulaire dans l’œuvre posée
près de la jonction des toitures. La façade sud, sur cour, a perdu son
caractère médiéval avec ses quatre travées de grandes fenêtres, son fronton
à niche garnie d’une cloche et ses deux petites lucarnes en arc segmentaire
en bois. En revanche, la façade nord, côté parc, a conservé ses pignons
découverts, ses petites baies et ses demi-croisées irrégulièrement percées,
ses archères-canonnières cruciformes. Les baies sont pour la plupart
chanfreinées et pourvues d’appuis moulurés pour les demi-croisées. Deux
lucarnes en bois sont visibles sur le corps principal et une lucarne à
traverse et à gâble en pierre est percée sur le retour, côté est. Le sommet
des angles du bâtiment est orné d’amortissements sculptés d’une tête de
personnage et d’animaux. On remarque la présence d’une corniche en
quart-de-rond, seul élément présent sur les deux façades. La tour est
percée, à son sommet, d’ouvertures en plein cintre et couronnée d’une
girouette aux armes de la famille d’Aumont (d’argent au chevron de gueules
accompagné de sept merlettes de même, quatre en chef et trois en pointe).
Le bâtiment en T est flanqué à l’est et à l’ouest de deux pavillons
symétriques, chacun coiffé d’une haute toiture à quatre pans et accosté
d’une tour d’angle circulaire. Les volumes, les toitures, la corniche à
denticules et la disposition des ouvertures en travées sont
approximativement identiques. En revanche, la forme des ouvertures du
pavillon est et le traitement de la cheminée diffèrent depuis la
restauration du XIXe siècle. Les baies ont été agrandies et garnies d’appuis
moulurés, les lucarnes pourvues de gâbles à crochets et fleurons
néogothiques agrémentés d’armoiries, dont celles d’Aumont. Les toitures des
tours sont coiffées chacune d'un toit conique surmonté d'un campanile à deux
niveaux de tailles décroissantes, chacun essenté d'ardoisé et coiffé d'un
dôme couvert d'ardoise. Une petite chapelle à toit galbé et à baies en arc
segmentaire est accolée au pavillon est. A droite du château se trouve un
corps de dépendances flanqué du côté des douves d’une petite tour carrée et
d’une grosse tour d’angle ronde à toit conique et percée de canonnières. Les
portes et fenêtres des communs sont en anse de panier ou en arc segmentaire
et le fenil est accessible par quatre lucarnes en bois essentées d’ardoise.
Trois des quatre angles de la plateforme du château sont cantonnés de
petites tours circulaires, dont une directement greffée sur la grosse tour.
L’entrée de la plateforme du château est gardée par un portail en plein
cintre surmonté d’un gâble triangulaire, accosté de deux autres tours
circulaires garnies de faux mâchicoulis. Le pont en bois est précédé de deux
chasse-roues, débris de colonnes torses provenant sans doute d’un retable.
Une terrasse est délimitée dans la cour par une longue balustrade réputée
provenir de l’ancien château de Vibraye.
En dehors de l’espace ceint de fossés, de nombreux éléments constituent le
domaine du château. Au nord s’étend un vaste parc approximativement
rectangulaire et clos de murs, cerné par la rue Haute, le chemin de
Château-Gaillard et celui des Murs. Près du château étaient aménagés les
anciens jardins d’agrément, le verger et le potager, avec de petits édifices
faisant office de serre et de chenils. Un grand corps de communs longe le
chemin des Murs. Au-delà au nord, séparée par un fossé dit "douve du parc",
se trouve une grande prairie avec une petite île artificielle et un édicule
circulaire qui semble être un pigeonnier de taille modeste. Plus au nord
encore, un bois occupe les confins du parc. A l’est du château, de l’autre
côté du chemin des Murs, l’étang artificiel du château est encore en place.
A proximité sont visibles les anciennes meules en pierre du Grand moulin qui
se trouvait au sud de la retenue. Ses vestiges sont encore en place,
réaménagés au début du XXe siècle en petite centrale pour alimenter le
château en électricité. Au bout d’un petit chemin se situent des bâtiments
de ferme et le grand pigeonnier du château, de forme circulaire. Celui-ci,
réaménagé en remise comme l’indique la grande porte au rez-de-chaussée, a
conservé son bandeau et sa corniche moulurée, une petite baie en arc
segmentaire et une lucarne à baies cintrées géminées, surmonté d’un fronton
couronné d’une boule en pierre. Les bâtiments agricoles dans le prolongement
présentent des ouvertures en plein cintre et de nombreux décors de briques:
encadrements d’ouvertures, chaînages harpés, bandeau, corniche. A
l’extrémité de l’avenue du château, au sud, sont placés les restes de deux
pavillons carrés et d’autres bâtiments de ferme relevant du domaine. (1)
Éléments protégés MH : le château en totalité : inscription par arrêté du 22
décembre 1927.
château de Sémur 72390 Sémur en Vallon, propriété privée,
visite des extérieurs.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
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source des photos :
https://inventaire.patrimoine.paysdelaloire.fr
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