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Le château de Bailleul, bien que construit vers
1550, a été découvert en 1867 seulement par Monsieur Claude Sauvageot. voila
un fait peut-être unique dans l'histoire des châteaux, non seulement de
France, mais aussi de l'étranger. Il n'en est pas moins vrai qu'avant la
publication de l'ouvrage de M. Sauvageot sur les "palais, châteaux, hôtels
et maisons de France du XVe au XVIIIe siècle" nul encore n'avait décrit le
château de Bailleul. Le savant architecte se vante avec raison d'être le
premier à en parler et en revendique l'honneur. Cet incognito étrange et
prolongé tient à la situation même de ce château. Il s'élève aux abords de
Fécamp, loin de toute communication directe; le parc qui l'entoure est
planté d'arbres touffus et d'une épaisse verdure qui le dérobent aux
regards; on passe à côté sans se douter de son existence. Aussi, est-ce une
heureuse surprise en même temps qu'un régal des yeux, pour le touriste assez
bien inspiré pour aller voir ce que peut cacher ce massif de verdure. Il se
trouve alors en face d'une véritable merveille de la Renaissance. Une plaque
porte la date de 1543, mais comme ces chiffres sont peints et non gravés, et
comme le style et les ornements appartiennent à l'époque de Henri II, M.
Sauvageot en conclut que la date de sa construction doit être fixée vers
1550 ou 1555, différence de quelques années, peu importante en elle-même.
Quoi qu'il en soit, les possesseurs du château ont dû être d'heureux
châtelains, s'il en est des individus comme des peuples. Pour que personne
n'en ait parlé depuis plus de cinq siècles, il faut qu'il ne s'y soit
accompli aucun évènement digne d'attirer l'attention; ni sièges, ni actes
pouvant exercer une incidence sur l'histoire du pays. Ses anciens maîtres
ont été des chevaliers et des parlementaires, et sous le règne de Louis XIII
l'un d'eux, Nicolas Bailleul, fut président au Parlement, surintendant des
finances et chancelier de la reine.
La vue d'ensemble nous montre un corps de logis carré, flanqué de pavillons
carrés aussi et faisant saillie. l'aspect général est peu féodal, surtout
depuis que le fossé a été comblé et qu'on a augmenté le nombre des fenêtres;
toutefois, sans regretter outre mesure que ce château n'ait point l'air
d'une forteresse, comme tous ceux de la même époque, il est permis de
constater que ces modifications lui ont ôté sa gravité sans rien ajouter à
son élégance. Il s'en faut bien d'ailleurs qu'il soit intact, et nous
n'avons pas sous les yeux le château tel qu'il était avant la Révolution. Si
les archéologues et les voyageurs des siècles précédents ont ignoré son
existence, les révolutionnaires de la région la connaissaient, et leur
fureur destructrice n'a point épargné la toiture, dépouillée de personnages
et d'ornements de plomb d'une rare beauté, non plus que de magnifiques
boiseries sculptées dont les fenêtres et les appartements étaient ornés. On
peut se faire une idée que ce qu'étaient ces boiseries, par les quelques
épaves recherchées avec grand soin et retrouvées dans le pays, grâce au zèle
jaloux de M. le marquis de Bailleul. Ce qui frappe tout d'abord, c'est la
symétrie rigoureuse, la ligne accusée, l'ornementation sobre. Toute la
richesse sculpturale semble être concentrée sur le milieu de la façade, sur
les combles d'ardoise qui offrent un assez grand développement, sur les
lucarnes enfin, abondamment décorées. C'est aussi sur ce point qu'il
convient d'insister. La porte principale et les fenêtres, plus riches que
les autres, sont flanquées à chaque étage de colonnes complètement isolées.
Le rez-de-chaussée est d'ordre dorique. Au sommet se trouve un cartouche de
forme ovale, portant l'écusson du fondateur. L'écusson est placé obliquement
et soutenu par deux chimères ailées. A droite et à gauche du cartouche, on
voit deux autres chimères à long cou, à tête humaine, au corps étrange,
comme il convient à des chimères, tandis que des trophées et des guirlandes
de fleurs garnissent l'espace resté libre. L'ordre dorique domine également
au premier étage; mais au second, les colonnes sont d'ordre corinthien, et
l'entablement en est extrêmement orné. Ce second étage est d'ailleurs le
plus riche. Nous y retrouvons encore une longue plaque rectangulaire sur
laquelle est peinte la date de 1543 dont nous avons parlé plus haut.
Au-dessus s'élève la lanterne ou campanile, dont les colonnes composites
sont supportées par deux longues consoles. La corniche est également ornée
de consoles, où pose la toiture qui a la forme d'une petite coupole
quadrangulaire. Enfin, couronnant le tout, un personnage de plomb tient
d'une main l'écusson de la famille, et de l'autre une épée qu'il brandit:
c'est le génie tutélaire de la maison. Les combles méritent une mention
particulière. Les lucarnes, tantôt doubles, tantôt simples, en sont jolies
et originales; le sommet de tout l'édifice offre une décoration en plomb qui
est une des beautés principales du château. La décoration en est riche,
soignée et très bien comprise comme effet décoratif. Sur une pièce de bois
sortant des combles et qui apparaît à travers un fronton découpé, se
dressent des statues allégoriques. Elles représentent la Tempérance, la
Prudence, la Justice et la Paix, vertus cardinales qu'on est bien aise de
rencontrer dans un château du XVIe siècle. Deux clochetons découpés à jour
accompagnent chacune des statues, et à leur base, règne une frise
d'entrelacs où sont semées des hermines, symbole de pureté; ces hermines
sont les armes des Bailleul.
On pénètre dans l'intérieur par un vestibule voûté, décoré de niches et de
pilastres. Le corps de logis central se compose de quatre grandes pièces;
une seule est voûtée, elle est à gauche de l'escalier et sert de cuisine; on
y remarque un chiffre sculpté très compliqué. L'escalier est droit; chaque
palier contient aussi des niches ornées de statues et de vases. La
disposition du premier étage est la même que celle du rez-de-chaussée, à
l'exception de la pièce voûtée qui ne s'y retrouve pas. Toutes les salles, à
tous les étages, sont privées de leur décoration primitive; les portes, les
lambris ont disparu, les peintures sont effacées; en un mot, on voit que
c'est l'intérieur qui a le plus souffert du pillage révolutionnaire.
Toutefois les regrets que doit nous inspirer cette dilapidation, sont
atténués par la pensée qu'une restauration intelligente en a réparé les
désastres, et il est vivement à souhaiter que le château de Bailleul, après
avoir recouvré ses richesses primitives, les conserve plus heureusement dans
l'avenir. (1)
Éléments protégés MH : le domaine avec l'ensemble de la clôture et du bâti,
les sols et plantations, ainsi que la grande perspective : inscription par
arrêté du 28 juillet 2005. Le château en totalité : classement par arrêté du
8 juillet 2010 (2)
château de Bailleul 76110
Angerville-Bailleul, propriété privée, ne se visite pas, visible de
l'extérieur.
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Nous remercions M. Vincent Tournaire du site
http://webtournaire.com/paramoteursparapentes.html,
pour les photos qu'il nous a adressées. (photos interdites à la publication)
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jour dans ce département. |
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