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Dans la partie du pays de Bray sise entre l'Andelle
et l'Epte, deux points principaux attirent l'attention de l'historien:
Gournay, échu à l'un des compagnons de Rollon, Eudes ou Hue, le chevalier
aux armes noires, et la Ferté, qui donna son nom à une branche issue des
sires de Gournay. Gournay eut bientôt sa forteresse, dont le donjon était
appelé la Tour Hue. Cette forteresse était comme une vedette placée sur les
confins de la Normandie. Elle était chargée, non seulement de veiller à ce
qui se passait du côté de la Picardie, du Beauvaisis et même de la France,
mais encore de parer aux attaques qui pourraient venir de ces divers points.
Aussi, de Henri II, roi d'Angleterre, à Henri IV, roi de France et de
Navarre, n'eut-elle pas moins de cinq sièges à soutenir. La Ferté avait son
château fort dès l'an 1000. Hugues II de la Ferté, ayant, en 1060, embrassé
la vie monastique à l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen, laissa ses biens à la
branche aînée des sires de Gournay, dont il était issu. En 1119, Hugues IV
de Gournay prit le parti de Guillaume Cliton, fils de Robert Courte Heuse,
contre Henri 1er, roi d'Angleterre. Aussitôt ce monarque vint, malgré la
saison avancée, mettre le siège devant la Ferté, que Hugues avait mise dans
un formidable état de défense. Rencontrant une résistance inattendue, et
voyant en outre son camp inondé par des pluies continuelles, Henri, la rage
au cœur, se détermina, malgré son regret, à lever le siège. Il déchargea sa
colère sur les voisins de Hugues de Gournay, et répandit aux alentours la
ruine et la désolation. Le château d'Argueil paya pour la Ferté et ne fut
pas plus ménagé que le reste de la contrée.
C'est à propos de cette visite royale, dont il se fût bien passé, qu'il
apparaît pour la première fois dans l'histoire. En 1202, Philippe-Auguste
prit Argueil, et, pour n'avoir plus à s'en occuper, rasa le château. En
1350, le domaine d'Argueil fit partie du douaire de la reine Blanche, et il
est à présumer que le château avait été reconstruit avant que la veuve de
Philippe de Valois fut mise en possession de cette terre. En tout cas,
l'appareil de cette construction féodale et ses quatre tourelles en
encorbellement, semblent indiquer le XIVe siècle. En 1456, le seigneur d'Argueil
était Jean de Scaneauville, dit Havart, vicomte de Dreux, bailli de Caux,
issu d'un puîné de la maison de Saint-Omer, et l'un des deux maîtres des
requêtes de l'hôtel de Charles VII. Sa femme, Marguerite de Preullay, avait
d'abord été mariée clandestinement (au dire de La Chesnaye), à Jean de
Harcourt, et de ce mariage était issu Louis de Harcourt, plus tard
patriarche de Jérusalem, puis archevêque de Narbonne, qui légua une rente à
la ville de Rouen pour la construction de la fontaine de la Crosse. Georges
Havart fut ensuite seigneur d'Argueil. Mort en 1481, il fut enseveli en ce
lieu. Jeanne, l'aînée de ses filles porta en 1494 la terre d'Argueil dans la
maison de Briqueville, par son mariage avec Guillaume VI, sire de
Briqueville. Après avoir appartenu aux Frémont d'Auneuil et aux
Trie-Pillavoine, ce château fut au début du XXe siècle la propriété de la
famille de Valon.
Le coup d'œil admirable que présente la situation de cette résidence atténue
beaucoup l'impression produite par les additions d'un goût moins que
médiocre faites à l'édifice dans le cours du XVIIIe siècle. Dans cette
contrée, on ne peut fouler le sol ou lever les yeux vers l'horizon, sans
toucher ou apercevoir un endroit intéressant pour l'historien ou
l'archéologue. C'est d'abord le prieuré de Saint-Aubin-sous-Gournay, dont la
prieure prenait presque toujours le titre d'abbesse. C'est ensuite le
château d'Elbeuf, où séjourna Henri IV lors du siège de Gournay, en 1591,
puis l'ancien prieuré de Saint-Fiacre, situé près des Monts-Louvet, et qui
apparaît vers le milieu du XIIIe siècle. Tout près de là, à Beuvreuil, le
château des Huguenots, curieuse construction du XIIIe siècle montre encore
ses quatre murailles en encorbellement, ses fenêtres à meneaux et deux
cheminées circulaires. Il semble avoir moins souffert du poids des ans que
de l'insouciance de ses divers propriétaires. Terminons en mentionnant
l'abbaye de Bellozanne, fondée par Hugues de Gournay en 1195. Les abbés de
Bellozanne avaient siège à l'échiquier de Normandie, et parmi eux on
distingue trois illustrations littéraires du XVIe siècle: François Vatable,
Jacques Amyot, et Pierre de Ronsard. Les armes de l'abbaye étaient: d'azur à
trois lfeurs de lys et d'or, 2 et 1. Ce monastère rappelle le souvenir de la
reine Blanche d'Évreux. Dans ses promenades sur l'eau, Blanche s'arrêtait
volontiers à l'abbaye de Bellozanne. En 1844, on voyait encore en ce lieu le
saule sous lequel elle montait dans sa barque, et l'on désignait cet arbre,
qui avait près de cinq mètres de circonférence, sous le nom de saule de la
reine Blanche. Le château d'Argueil appartenait au début du XXe siècle à
Madame la marquise de Castelbajac née Valon. (1)
château d'Argueil, 2 route des Vallons, 76780 Argueil, tel. 02 35 90 70 19,
accueille des adolescents pour des classes de découvertes à thèmes.
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