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A l'origine Arques doit remonter
à la plus haute antiquité. Les Romains, ses premiers habitants connus, y ont
laissé, entre autres vestiges, une voie et des débris d'un édifice
religieux. Les annales monastiques citent Arques comme une dépendance de
l'abbaye de Saint-Denis en 750. La dîme payée à Saint-Wandrille, et le droit
qu'avait cette illustre abbaye de présenter le curé d'Arques, donnent à
penser que la foi chrétienne fut implantée, ou du moins affermie, dans cette
paroisse par ses moines. Au XIe siècle, Gosselin, vicomte d'Arques, fonda
l'abbaye de Saint-Amand de Rouen, et celle de la Trinité (depuis
Sainte-Catherine), à Bonsecours; de plus, le XIIIe siècle vit à Arques un
chapitre de chanoines. Les Normands, en gens avisés qu'ils étaient, durent
faire d'Arques une de leurs premières bases d'opérations dans la
Haute-Normandie. Mais l'histoire est muette sur ce point, car malgré l'avis
des Bénédictins et d'autres savants, deux faits d'armes peu considérables se
rapportent très probablement au Pont-de-l'Arche, qui portait alors
exactement le même nom que le bourg (Archae). Mais c'est à Arques, selon
Deville, que le duc Richard de Normandie faillit tomber dans un guet-apens
que lui tendit le roi Lothaire. Quelques années plus tard, c'est-à-dire au
commencement du XIe siècle, nos ducs de Normandie se plaisaient à résider à
Arques, qu'ils appellent un de leurs séjours. Cet avantage n'était alors
partagé que par Rouen et Fécamp. En 1038, Guillaume le Bâtard, alors âgé de
onze ans, donna le Comté d'Arques à son oncle Guillaume, connu pour cela
dans l'histoire sous le nom de Guillaume d'Arques. Telle fut l'origine de la
grandiose forteresse dont les ruines vieilles de neuf siècles, provoquent
toujours l'étonnement et l'admiration. Car ce Guillaume, au dire d'une
ancienne chronique, songeant qu'il était légitime, tandis que son neveu
n'était qu'un bâtard, en conclut que le duché Normandie lui appartenait
plutôt qu'à cet enfant sans appui. Il résolut, pour faire valoir ses droits,
de se mettre à l'abri d'une retraite inexpugnable. Ses ingénieurs se mirent
à l'oeuvre et y réussirent si parfaitement, que jamais le château n'a pu
être pris de vive force.
C'est aux Normands, a-t-on dit, que l'art de la fortification dut en France
son origine et son plus beau développement: car leurs invasions firent
multiplier sur tous les points du sol de nouveaux moyens de résistance. Une
fois établis dans la belle province, qui s'enorgueillit de porter leur nom,
les hommes du Nord profitèrent des leçons de leurs vaincus, et enchérirent
même singulièrement sur l'industrie carlovingienne. Leurs forteresses ne
rappellent en rien les défenses primitives. Ce sont de vastes constructions
en pierre, élevées non plus contre une agression passagère, mais d'après un
système de résistance permanente et collective. Il s'y révèle une
merveilleuse entente de la fortification. Leur premier soin, à peu près dans
toutes les entreprises de ce genre, fut d'édifier leurs châteaux forts sur
des plateaux triangulaires, bordés sur deux côtés de pentes abruptes; l'art
n'avait donc à pourvoir entièrement à la défense que pour l'isthme qui
reliait le sol fortifié à la plaine voisine. Le sol, sur lequel on assit le
château, s'élève, au sud de la vallée, à une centaine de mètres au-dessus du
niveau de la mer. Ainsi l'assaillant, après avoir franchi la rivière et les
marécages quelle formait il y a neuf siècles, avait la perspective
d'escalader un espace de cent dix à cent vingt mètres sous les coups des
assiégés, et par des déclivités où l'on ne garde pas aisément son équilibre.
Au petit nombre de combattants assez heureux pour franchir sains et saufs
les trois quarts de la colline, le vieil ingénieur normand avait ménagé une
cruelle surprise, qui fait le plus grand honneur à sa sagacité
professionnelle. En effet, lorsque l'assiégeant se flattait d'atteindre en
peu d'instants le pied de l'enceinte fortifiée, il rencontrait un fossé
béant d'une trentaine de mètres d'ouverture et d'une profondeur de
vingt-cinq à trente mètres. La difficulté d'accès était donc presque
doublée, surtout à une distance si faible que tous les coups tirés de
l'enceinte portaient presque infailliblement. Ce fossé règne tout autour de
la muraille. L'enceinte ovale qu'elle renferme, mesure environ deux cent
soixante-dix mètres de diamètre, sur cent vingt mètres dans sa plus grande
largeur.
Mais le plan primitif du château ne comportait qu'une longueur d'un peu plus
de deux cents mètres. Le surplus est un prolongement rectangulaire ajouté au
commencement du XVIe siècle. Les quatre angles sont flanques d'énormes
tours, dont les murs, épais d'environ quatre mètres, pouvaient défier les
projectiles de l'artillerie contemporaine de Bayard. Les deux tours
orientales se raccordaient presque avec les ouvrages de la poterne qui fut,
durant trois cents ans, la seule entrée du château. Six autres tours, dont
trois au nord-est et les autres au sud-ouest, faisaient saillie sur le mur
qui couronnait la contrescarpe. Leurs étages, et surtout la plate-forme de
leur sommet, élevée à une quinzaine de mètres du sol, permettaient
d'observer dans ses moindres mouvements la marche des agresseurs. Un autre
moyen d'observation, plus étonnant encore, consistait en ce réseau de
souterrains, hauts d'environ deux mètres et larges d'un mètre trente
centimètres, qui rayonnait sous tout le périmètre de l'ancienne citadelle.
On y accédait par un escalier de cinquante-deux marches. Cette longue
galerie, probablement continue à l'origine, faisait communiquer entre elles
différentes retraites à usage de magasins et de prisons. Son principal but
était soit de faire de brusques sorties dans les fossés, soit d'empêcher le
travail du mineur sur les points où le château était le plus accessible. Sur
le terrain exigu enfermé entre les remparts s'était formé un village en
miniature avec un puits de cent mètres de profondeur, une chapelle, un
grenier à sel, et même des jardins potagers et des avenues d'arbres. Outre
les appartements du gouverneur, on y citait la maison de l'artilleur, la
demeure des maréchaux et le logis du chapelain. Tout cela était plus
champêtre et plus gai que nos énormes casernes.
Cette énumération, déjà longue, est néanmoins gravement incomplète. Car
l'envahisseur se fût-il, par impossible, rendu maître de tout ce qui vient
d'être décrit, qu'il n'eût guère été qu'à moitié de sa tâche: tout ce
formidable système de défense n'était qu'un accessoire, ne constituait que
les approches du donjon, forteresse dans la forteresse, et âme de ces
gigantesques maçonneries. En rejetant la citadelle hors de l'enceinte de la
ville dont elle formait la principale défense, l'art moderne est loin, selon
Deville, d'avoir perfectionné la défense des places: car la prise de la
citadelle amène fatalement la ville à se rendre. La remarque est judicieuse;
mais c'est bien plutôt le bon cœur de nos ancêtres que leur manque
d'intelligence qui en fut cause. On ne put se résoudre à exposer plusieurs
milliers d'habitants à toutes les horreurs de la lutte, particulièrement
meurtrière, entre les assiégeants maîtres d'une ville contre une garnison
solidement établie dans un dernier réduit. Donc, à l'opposé de l'unique
entrée, au fond et sur le point le plus élevé de l'enceinte, fut construit
le donjon quadrangulaire, mesurant environ trente mètres de côté sur près de
vingt mètres de hauteur. Les murailles, défiant toute injure des siècles et
le choc des projectiles, puisque leur épaisseur varie entre trois et quatre
mètres, étaient néanmoins renforcées de contreforts épais de trois mètres.
Au premier aspect, le donjon ne semblait pourvu d'aucune ouverture. Un long
escalier, dont la partie inférieure était dissimulée dans la masse d'un
contrefort, rampait d'abord en dehors du mur puis menait à un palier d'où il
se prolongeait dans la maçonnerie elle-même avant d'aboutir au petit couloir
ménagé sur la face la plus éloignée de celle où cet escalier commence. Ce
passage était trop étroit pour que deux hommes y pussent marcher de front:
souvent même un seul guerrier ne pouvait y faire usage de ses armes. Un
surcroît de précaution y avait, en outre, multiplié les portes, les herses
et autres obstacles.
Il est assez étrange que la première mention d'une entrée au donjon doive
d'abord parler d'escalier. C'est que, par un nouveau raffinement d'habileté,
le rez-de-chaussée du donjon était surélevé d'environ huit mètres au-dessus
du sol extérieur. "Cette disposition était calculée, et témoigne de la
sagacité des architectes normands. Lorsque l'assiégeant, après s'être établi
au pied de la muraille, était parvenu, après de longs efforts, au moyen de
la sape ou des machines, à la percer, il trouvait derrière la maçonnerie la
masse compacte du terrain naturel, dans laquelle il était comme enseveli
(Deville)". L'assaillant, exposé à une pluie de projectiles lancés par un
ennemi invisible posté dans les étages supérieurs, eût-il fini par atteindre
l'entrée du donjon au sommet de l'escalier, il se serait trouvé aux prises
avec un ensemble d'obstacles et de difficultés que rien ne laissait deviner.
Un appartement était réservé au roi à l'est du donjon. C'est que, après la
plupart des ducs de Normandie, un bon nombre de rois de France ont tenu à
visiter Arques, depuis que Philippe-Auguste en eut fait une terre française.
Quelques fenêtres, courtes et étroites, avaient été ménagées vers le sommet
des murs de cette maîtresse tour. Une vaste plate-forme avec parapet crénelé
la couronnait et était elle-même surmontée de petites tourelles, couvertes
en plomb. L'entrée du château était digne de tout le reste. En effet, la
pente nord-ouest qui la précède, était défendue par le bèle, vaste enceinte
d'environ cinq hectares, entourée d'un mur de près de deux mètres
d'épaisseur, sur une hauteur moyenne de six mètres. Deux tronçons de fossé
et deux petites tours protégeaient cet ouvrage avancé, qui descendait
jusqu'auprès de la rivière. Tel était ce chef-d'œuvre d'architecture
militaire, quand il sortit des mains de ses premiers constructeurs.
Charles V lui fit subir, en 1367, une modification importante, inspirée
apparemment par l'accroissement numérique des armées. On dut craindre que la
poignée de défenseurs que le château pouvait loger, fussent-ils tous des
Cœurs de Lion, se trouvassent incapables de tenir longtemps contre des nuées
d'agresseurs; et on voulut s'assurer le moyen d'introduire des secours dans
la place. Rien ne fut négligé pour obtenir ce périlleux avantage, avec les
meilleures garanties de sécurité intérieure. Tout près de l'angle sud-est du
donjon, on élargit encore l'énorme fossé de circonvallation, et on le creusa
davantage. Cela fait, on appliqua contre le vieux mur d'enceinte une tour
supplémentaire, mesurant près de huit mètres de diamètre. Enfin, au nord de
l'étroit couloir qui donnait accès de cette tour dans l'intérieur de
l'enceinte, fut construit un ouvrage qui commandait ce chemin, et pouvait
tout aussi bien se défendre contre la cour du château que contre ses dehors.
Vers la campagne, un pont-levis reliait la poterne de cette tour neuve, au
pont jeté sur des piles de maçonnerie qui aboutissait à la plaine voisine.
De cette sorte, la seconde entrée, savamment pratiquée, passait sous une
tour et sous un long passage voûté, bien défendu et battu par le donjon. Ce
dernier, par sa position oblique, masquait la cour du château pour ceux qui
arrivaient du dehors. "Tout cela, écrivait Deville il y a un demi-siècle,
subsiste, décharné, dépouillé, découronné, amoindri, mais grand encore et
imposant". Et néanmoins cette admirable construction, élevée en une dizaine
d'années à peine, était demeurée, durant huit cents ans, presque aussi
inexpugnable au temps qu'aux hommes. Mais on finit par s'aviser que ces
masses énormes étaient désormais inutiles; et comme il est arrivé au
Château-Gaillard, et ailleurs sans doute, une seule génération (1753-1780)
s'évertua si bien à arracher les revêtements en pierre de ces murs en
caillou, qu'on ne parla plus des matériaux restant que comme d'une quantité
négligeable. Vint la Révolution, qui traita comme tant d'autres ci-devants
l'un des plus glorieux théâtres de notre histoire provinciale. Elle en
vendit, comme bien national, une trentaine d'acres pour 9300 francs. Mieux
inspiré, l'État a racheté 60000 francs le château seul en 1868.
Notre château, qui ne fut, à vrai dire, qu'une œuvre d'ambition et de
félonie, prend place dans l'histoire aussitôt qu'il est construit. En effet,
le comte Guillaume, oncle du Conquérant, l'eut à peine achevé (vers 1045),
qu'il s'assura l'appui du roi de France. A une invitation de son neveu de se
rendre à Rouen il répondit en réclamant le duché tout entier, puis commença
les hostilités en ravageant le pays de Caux. Le duc Guillaume, d'abord
"pensif", n'hésita point à marcher sur Arques, dont il fit le blocus à l
aide d'une enceinte palissadée et de fossés, le tout appuyé d'un petit
château. Il confia la direction du siège à Giffard de Longueville, et partit
pour Valognes. Guillaume d'Arques, qui avait dans la forteresse plus de
trois cents chevaliers, appréhenda d'y mourir de faim, et appela à son
secours le roi de France. Henri, 1er descendit la vallée de la Scie avec des
forces considérables et des vivres abondants. Il était campé à
Saint-Aubin-sur-Scie, quand une fausse attaque des assiégeants fit tomber
son armée dans une embûche, où elle fut défaite et perdit beaucoup de monde.
Henri vint pourtant à bout de ravitailler Arques, puis se retira à
Saint-Denis. A ces nouvelles, Guillaume le Conquérant se fit amener son
cheval, et s'élança dessus en disant à sa suite: "Je verrai maintenant qui
me suivra et m'aimera". Et du jeudi dîner au vendredi soir, il franchit la
distance de Valognes à Arques, qui n'est guère moindre de trois cents
kilomètres. Acclamé par les assiégeants, il jura qu'il ne se séparerait
point d'eux qu'il n'eût le château d'Arques, ou qu'il y perdrait la vie. Son
armée en conçut pour lui une profonde estime. Le comte informé de tout, et
voyant que les forces de l'ennemi se grossissaient tandis que ses propres
approvisionnements diminuaient, déguerpit honteusement, et alla mourir à
Boulogne. Redevenu maître du château d'Arques, Guillaume le Conquérant,
instruit par cette dure expérience, n'y mit qu'un lieutenant avec le simple
titre de vicomte.
Il paraît que son choix ne fut pas heureux. Vers 1070, l'abbaye de Fécamp
adressa à Guillaume, devenu roi d'Angleterre, une touchante supplique
(terminée par un vers), où elle mande au prince: "Votre vicomte d'Arques
envahit tous nos biens, jette partout le trouble, et nous n'en pouvons tirer
aucune justice. Chaque jour il met vos pauvres en pièces". Elle conclut par
cette sorte de mise en demeure qui est tout à la fois l'explication et la
justification du régime féodal: "Ou gardez-nous comme votre bien, ou
substituez à votre pouvoir, la suzeraineté de quelque autre seigneur". Les
choses se passèrent mieux vers la fin du XIe siècle. Robert Courte Heuse,
fils du Conquérant, donna à Hélie de Saint-Saens la ville d'Arques et ses
environs, à charge de défendre le comte de Caux; ce dont Hélie s'acquitta
fort bien. Au XIIe siècle, les ducs-rois Henri 1er et Henri II augmentèrent
encore les fortifications de la place, ce qui n'empêcha pas Henri Court
Mantel de l'enlever à son père au cours de sa rébellion. Déjà Geoffroy
Plantagenet s'en était également rendu maître vers 1145, mais seulement
après une année d'un siège qui prit fin par la mort du gouverneur. Arques
était si bien alors un centre d'opérations, que Louis VII, roi de France, et
Henri II d'Angleterre y amenèrent chacun une belle armée; mais on n'en vint
point aux mains. Français et Anglo-Normands se disputèrent plus que jamais,
à la fin du XIIe siècle, la forteresse qui avait déjà vu tant de combats. Et
comme les antagonistes s'appelaient Philippe-Auguste et Richard Cœur de
Lion, on peut juger combien la lutte fut vaillante et tenace. Un instant,
toutefois, Arques put espérer d'être traité en place neutre et de jouir de
toutes les douceurs de la paix. Il aurait dû cette rare fortune au rôle
pacificateur de l'Église, cette naturelle médiatrice de tous les différends.
Le traité de Mantes (1193) avait stipulé que le château serait mis sous la
sauvegarde de l'archevêque de Reims.
Mais Philippe-Auguste, préludant aux habiletés de la diplomatie moderne,
négocia en sous-œuvre, tant et si bien, que notre donjon ne passa d'abord
aux mains de Jean sans Terre, que pour revenir bientôt après dans les
siennes. Vains efforts. Le roi de France en fut bientôt dépouillé, eut même
la honte de l'assiéger inutilement, et vit de plus, en 1203, Jean sans Terre
s'attacher plus étroitement que jamais les bourgeois d'Arques, en leur
octroyant pleine et entière franchise de tous droits sur leurs marchandises.
L'ennemi avait enfin approvisionné le château. Tout semblait donc désespéré
contre un retour de la domination française dans Arques. Par bonheur, le
monarque anglais s'avisa de préférer le succès d'une partie d'échecs à la
ratification d'une suspension d'armes, dont il eût pu prévenir les suites.
Qu'en fut-il du jeu? L'histoire ne le dit pas; mais la perte totale de la
Normandie s'ensuivit. Arques eut du moins la suprême consolation d'être la
dernière place qui se rendit aux Français. A côté de ces grands souvenirs,
l'histoire intime du château se révèle à nous dans les comptes de l'époque.
La nièce du roi Richard, Éléonore de Bretagne, héritière de cette belle
province, fut retenue au château d'Arques dans une somptueuse captivité. La
somme affectée par le Cœur de Lion à son entretien et à celui de sa suite
atteignait presque la moitié des revenus de la vicomté, et s'élevait
annuellement à près d'une quinzaine de mille francs. Dès 1180, une somme au
moins égale avait été employée à réparer le sommet du donjon et de deux
tourelles; on revêtit de plomb les gouttières. Environ vingt-cinq ans plus
tard, Jean sans Terre pourvut à une nouvelle restauration par une somme plus
considérable encore. Vers ce temps-là, une coupe dans le bois du parc
produisit à peu près 20000 francs. Un Guillaume de Mortemer était connétable
d'Arques. On avait déjà dépensé 36 livres 6 sous 7 deniers (soit 1000 francs
en chiffres ronds), pour acheter à Rouen et faire porter à Arques
différentes machines de guerre, notamment des pierriers. Tel y était en 1211
l'approvisionnement de l'arsenal: soixante mille flèches, quarante-trois
cuirasses, plus de vingt-cinq boucliers, vingt chapeaux de fer, dix casques,
seize balistes.
Plus encore pour Arques que pour le reste de la France, ce XIIIe siècle où
nous entrons, fut le siècle paisible par excellence du moyen âge. Le
capitaine de la forteresse n'était plus qu'un vulgaire percepteur des
contributions royales; et si les rois de France y apparaissent, ce n'est
plus que pour y jouir des agréments de la campagne. Saint Louis y résida du
9 au 12 avril 1257, et y reçut la visite du grand réformateur Eudes Rigaud,
notre archevêque. A son tour, le roi Philippe le Hardi y vint à trois
reprises différentes (1273, 1277, 1278). Cette période de calme dut donner
un nouveau prix au privilège le plus pacifique comme aussi le plus
extraordinaire de notre bourg, celui des poids et mesures. Durant plus de
huit cents ans, en effet, la mesure dite pot d'Arques fut la base et le
régulateur de toutes les mesures de capacité de la province. Louis XIV
l'appela même la première mesure de son royaume. En témoignage de ce
privilège, le clocher d'Arques était autrefois surmonté d'un pot à anse en
plomb. Entre les diverses sortes de perches en usage dans notre région, on
comptait la perche d'Arques. La vérification des poids et mesures était
confiée au seigneur du fief de Lardenière, situé sur Arques. "Ce seigneur
prenait, après le départ du roi, tous les lards à demi-pied de la penture.
Ceux qui tombaient, faute d'être bien pendus, devenaient sa propriété. En
retour de ce privilège singulier, il devait fournir les harts dont on se
servait pour attacher les lards (M. de Beaurepaire)". Il avait droit aussi
de prendre la coupe où le roi avait bu, la première fois qu'il visitait le
château. Que si le rôle historique d'Arques semblait alors absolument nul,
son importance comme point stratégique continuait à être appréciée. On en
eut une preuve remarquable lorsqu'en 1290 Philippe le Bel réduisit le nombre
des forteresses qui devaient rester à la garde et aux frais du roi. Quatre
furent conservées en Basse-Normandie, tandis qu'une seule suffit dans notre
région: c'était Arques.
Un demi-siècle ne s'était pas écoulé, que les événements montrait la sagesse
de cette mesure. A la première invasion des troupes anglaises, au début de
la guerre de Cent Ans (1337), les habitants de Dieppe se réfugièrent avec
leurs trésors à l'abri de notre château. Un autre témoignage, bien différent
mais non moins significatif, est dans la demande qu'en firent les Anglais,
quand on négocia la délivrance de Jean le Bon en 1356 (on sait que la France
rejeta les prétentions de ses orgueilleux vainqueurs). La conduite de
Charles V en est une nouvelle démonstration. Non seulement ce sage monarque
vint visiter Arques, mais il s'en occupa beaucoup durant tout son règne. Il
renouvela les privilèges accordés aux habitants par Jean sans Terre, et créa
pour eux deux foires de trois jours chacune. Ces foires ont subsisté mais
n'ont plus qu'une existence purement nominale. En 1369, ce bon prince fut si
touché des dépenses que les Arquais s'étaient imposées pour la défense de
leur ville, qu'il leur abandonna, comme dédommagement, le dixième de toutes
leurs recettes municipales. Il alloua 50000 francs pour réparer la charpente
et la maçonnerie du château, veilla également à l'achat des vivres, et
augmenta les appointements de la garnison. Il possédait enfin à Archelles un
manoir que les Anglais brûlèrent en 1369. Au moyen âge, où les prestations
en nature étaient si nombreuses, certaines maisons étaient obligées à
pourvoir à l'entretien et aux réparations des châteaux forts, alors appelés
mottes. Ce droit de mottage, racheté à cette époque par une rente septennale
de dix sous par feu, fournit en 1399 un dernier indice du rang que tenait
Arques dans notre pays. Le mottage lui était payé par 1075 feux assis dans
70 villages différents, entre autres Fontaine-le-Dun, Luneray, Veules et
Fresles.
Malgré sa proximité de la mer, Arques ne tomba au pouvoir des Anglais qu'un
mois après la prise de Rouen, c'est-à-dire en 1419. Ils le firent garder par
un homme d'armes à cheval, deux a pied et vingt-six archers, ayant pour
capitaine Raoul Bouteiller. Il n'y avait plus que douze archers en 1429;
mais deux ans après la garnison fut portée à vingt hommes d'armes et
soixante archers. Le 16 mai 1435, il fut visité par Henri VI, roi
d'Angleterre, alors maître de la Normandie, et qui avait même pris le titre
de roi de France. Moins heureux que Dieppe, reconquis cette année même par
les Cauchois que commandait le brave des Marets, Arques ne revint à la
France qu'à l'entière expulsion des Anglais, malgré les tentatives de la
garnison de Dieppe pour le leur arracher. En 1449, l'année même de sa
délivrance, on y signale la venue du roi Charles VII. A son tour, Charles
VIII le visita en 1485, comme François 1er en 1544 et 1545. Voici la page la
plus lamentable de l'histoire d'Arques, qui ne put échapper aux horreurs des
discordes civiles. Il eut en effet beaucoup à souffrir des guerres de
religion. Ses habitants furent sans cesse aux prises avec ceux de Dieppe; et
à chaque rencontre, il y en avait quelques-uns qui demeuraient sur la place.
Attaqués par les protestants dans la lamentable année 1562, les catholiques
d'Arques se réfugièrent dans le château et dans l'église, et s'y défendirent
bien. Les protestants, forcés de se retirer, s'en vengèrent en pillant le
bourg, le brûlèrent en partie, et le laissèrent, au dire d'Asseline, "dans
une désolation universelle". Vainqueurs ensuite au combat de Bouteilles, ces
catholiques perdirent peu après cent vingt hommes dans un engagement où ils
eurent le dessous. Le 19 mars 1584, le château fut enlevé à la Ligue par
quelques capitaines de Dieppe déguisés en pêcheurs. Le vol et le pillage
furent l'accompagnement de ce hardi coup de main.
Arques, l'une des clefs de la Normandie au moyen âge, est encore cité dans
toutes les histoires de France, même les plus élémentaires. Mais il ne doit
cet honneur qu'à la journée du 21 septembre 1589; et elle semble si bien
suffire à sa gloire, que la municipalité a demandé et obtenu d'ajouter au
nom de la commune celui de la Bataille. Ce nom reste au-dessous de la
vérité. Pendant près de deux mois, depuis le 25 août, jour où Henri IV
arrive à Longueville, jusqu'au 21 octobre, où il repart de Dieppe, Arques
est à peu près le centre d'opérations militaires d'autant plus importantes
qu'elles doivent ouvrir au Béarnais le chemin du trône. C'est donc ce qu'on
pourrait appeler la campagne d'Arques. Et pourtant Henri IV comptait ne
rester que trois jours sur ce terrain. Arrivé à Dieppe le 26 août, après
avoir traversé la Haute-Normandie à la tête de deux cents chevaux seulement,
au risque d'être pris par les Ligueurs, il en écrit le 27 août qu'il part le
lendemain pour rejoindre son armée à Darnétal, passer la Seine au
Pont-de-l'Arche, gagner Caen, et s'établir fortement sur la Loire. Les
événements allaient singulièrement brouiller ses plans, mais pour le mener
plus directement à Paris, but suprême de ses efforts. Écoutons le roi
lui-même nous raconter dans sa correspondance les principaux faits de cette
campagne d'Arques. Ce récit a bien son prix. Sans doute il ne se recommande
point de cette sobre et exquise simplicité qui distingue les célèbres
Bulletins de la Grande Armée; mais n'y trouvera-t-on point en revanche plus
de bonhomie et surtout plus de sincérité? En se faisant réserver, sans qu'on
y touche, l'argent que ses officiers lui apportent, il dit le 1er septembre,
d'une marche de Mayenne: "S'il vient à nous, nous ferons une partie du
chemin. C'est merveille de quoi je vis, au travail que j'ai, écrit-il le 9
septembre 1589. Dieu ait pitié de moi et me fasse miséricorde. J'ai pris Eu.
Les ennemis, qui sont forts au double de moi, asteure, m'y pensaient
attraper. Ayant fait mon entreprise, je me suis rapproché de Dieppe, et les
attends à un camp que je fortifie. Ce sera demain que je les verrai, et
espère, avec l'aide de mon Dieu, que, s'ils m'attaquent, ils s'en trouveront
mauvais marchands. Dans la tranchée, à Arques".
Le porteur de cette lettre dut prendre la voie de mer, tant les chemins
étaient interceptés. Henri IV mit à profit cette situation fâcheuse en
recouvrant "plusieurs petites places qu'y tenaient les ennemis qui
incommodaient fort le pays". Il avoue enfin que Mayenne "et tous ses
parents, avec toutes les plus grandes forces qu'ils pourraient avoir de
longtemps, m'y sont venus trouver et fermer mon passage. Il y a quinze jours
que leur armée n'est point à plus de trois lieues de moi; il y en a huit
entiers que nous sommes logés à deux arquebusades les uns des autres". Cela
était écrit le surlendemain de la bataille d'Arques. Henri IV était loin de
la considérer comme une action décisive, ou même comme une victoire. Car il
ajoute aussitôt: "Ils ne se sont guère bien servi s de leur avantage, lequel
j'espère qu'ils ne garderont pas longtemps et qu'il commencera à tourner de
mon côté dans trois ou quatre jours". Le roi attendait en effet seize mille
hommes (dont quatre mille Anglais) que devaient lui amener le comte de
Soissons, le duc de Longueville et le maréchal d'Aumont. "Quand tout cela
sera joint ensemble, continue le Béarnais, la troupe sera assez bonne pour
leur donner de l'exercice, comme c'est bien mon intention de le faire. Mais
la façon dont ils se sont comportés aux précédentes occasions, me fait
soupçonner qu'ils ne feront point de conscience de ne nous attendre pas. Je
ne leur en donnerai pas la peine, si je puis, et serai à eux de si bonne
heure que la patience n'en sera pas longue". Le lendemain Henri mande du
camp de Dieppe au sieur de Lestelle: "Il y a quinze jours que nous avons ici
l'ennemi sur les bras avec toutes ses forces, et nous sommes déjà venus
trois fois au combat en gros avec lui; toujours, Dieu merci, avec sa honte
et sa perte, encore qu'ils fussent pour le moins dix contre un".
Mais les approvisionnements n'étaient pas assurés; et le 27, le roi informe
"les échevins, manants et habitants" de Caen qu'il a mandé au gouverneur de
leur ville de faire "incontinent convertir en farine vingt muids de blé,
mesure de Paris, et de les envoyer aussitôt en ce lieu, à diverses voitures,
afin que nous puissions être promptement secourus de ce qui sera envoyé par
la première, et des autres par après. Et d'autant que c'est chose qui nous
est grandement nécessaire", il demande qu'une partie de l'envoi lui arrive
dans six jours, et que l'on y joigne "de toutes victuailles nécessaires pour
mon armée, et principalement de l'avoine et des cidres. Les marchands seront
payés de tout ce qu'ils amèneront". Aussitôt le premier renfort arrivé,
l'armée royale alla déloger quatre régiments ennemis, cantonnés au hameau de
Janval. Le succès fut complet; et les troupes de Mayenne, rangées en
bataille à Rouxmesnil, n'osèrent donner. Aussi Henri IV pouvait-il écrire le
7 octobre 1589: "Depuis un mois l'armée des ennemis a toujours été logée à
une mousquetade de la mienne. Je vous envoie maintenant la continuation et
la fin, comme j'estime, de l'histoire de leur voyage, qui n'est pas
dissemblable du reste, leur ayant été aussi peu avantageuse et honorable que
le commencement. J'espère que dans peu de jours toutes les forces qui me
viennent trouver, seront jointes avec moi; et alors nous résoudrons ensemble
à quoi nous pourrons nous employer plus utilement, puisque Dieu nous a voulu
avancer, dès la fin de cet automne, ce que nous n'espérions avoir que sur le
commencement du printemps, qui est d'être maître de la campagne. Les ennemis
ont fait courir le faux bruit qu'ils m'avaient tellement pressé et réduit en
telle nécessité dans Dieppe, qu'ils étaient tout assurés de m'y forcer". Il
parait qu'ils s'étaient en outre vantés d'avoir mis le siège devant Dieppe,
car le roi se moque de "cette forme nouvelle d'assiéger les places, de n'en
approcher pas d'un grand quart de lieue, et de s'en être levés après un si
long séjour, sans avoir fait aucune approche ni entreprise".
Le 16 octobre 1589, il songe à prendre l'offensive. Car du même camp de
Dieppe, il écrit au baron de Fiers: "Je renverrai dans peu de jours de là,
mon cousin le duc de Montpensier avec les forces qu'il m'a amenées et
d'autres, pour châtier ceux qui ont eu mépris contre mon service et qui ont
troublé le repos dudit pays. Je ferai tout ce que je pourrai pour combattre
mes ennemis, ou au moins, je les ramènerai plus vite qu'ils ne sont venus".
Enfin, la veille de son départ de Dieppe, Henri IV adressa de son camp à ses
"très chers et bons amis, les magnifiques seigneurs, les statmeistre et
conseil de la république de Strasbourg, la ratification du contrat du prêt
de quarante-deux mille florins". Quant à la bataille d'Arques, le roi en
avait fait rédiger par écrit et à la vérité, un mémoire que Berger de Xivrey
croit être la narration qu'on va lire: "Le jeudi 21 septembre 1589, l'ennemi
parut dès la diane, faisant avancer cinq cents chevaux vers une tranchée à
trois cents pas du logis de M. de Nemours, distant environ de mille pas du
retranchement que le roi voulait défendre. "Il sortit quatre-vingts salades,
commandées par le sieur d'Arambures, lieutenant de la compagnie de Sa
Majesté, par Lorges et Moligny, sur lesdits cinq cents chevaux reîtres
Lorrains, et les repoussèrent. Le roi fit avancer encore quarante des siens,
conduits par le sieur de Montatère, lesquels, joints aux premiers
quatre-vingts, firent tourner le dos à mille des ennemis, à la faveur de la
troupe qui tenait ferme derrière eux. Pendant ce combat, les lansquenets des
ennemis se coulaient pour entrer dans la première tranchée, qui était gardée
d'environ cent cinquante arquebusiers français et deux cents lansquenets.
Et, tout en incommodant la cavalerie du roi qui allait à la charge,
néanmoins les lansquenets ennemis ne tirèrent point sur elle: au contraire,
ils firent signe qu'ils se rendaient et voulaient servir le roi, demandant
de le voir pour lui faire serment; ce qui fut cause qu'on les fit entrer
dans ladite première tranchée.
Le roi parla lui-même à eux tout armé; mais d'autant qu'il ne se voulut
faire connaître, lesdits lansquenets prièrent qu'on les fît parler au
maréchal de Biron. Et, pour donner assurance d'eux, mirent les piques bas;
lesquelles toutefois ils reprirent, sitôt que ledit sieur maréchal fut
approché; et, ouvrant la trahison, lui firent un salut, tuèrent le comte de
Roussy, dévalisèrent la plupart des arquebusiers qui gardaient ladite
première tranchée, et se retirant avec eux, emmenèrent les deux cents
lansquenets du roi, soit qu'ils les eussent corrompus auparavant, ou qu'ils
leur fissent croire qu'on se vengerait sur eux de la perfidie de leurs
compatriotes. Le colonel desdits lansquenets, ayant reconnu le roi, lui
présenta la hallebarde à la gorge, demandant s'il ne se voulait pas rendre à
monseigneur de Mayenne. Mais le roi fit bonne contenance et mit l'épée à la
main, si bien que force fut au colonel de se rendre lui-même à Sa Majesté.
Cependant le duc de Mayenne avait gagné la première tranchée, et s'avançait
avec tout le gros de son armée vers le second retranchement; ce qui fut
cause qu'encore que le roi n'eût avec lui qu'environ quatre cents chevaux,
il se résolut d'aller à la charge: en laquelle lui et sa troupe se portèrent
si valeureusement que les ennemis furent contraints de reculer. Après ce
combat arrivèrent MM. de Montpensier et de Châtillon, tellement que le roi
se trouva accompagné de neuf cents ou mille chevaux. En même temps, le duc
de Mayenne, se trouvant endommagé du canon qui tirait du retranchement, du
château d'Arques et d'une montagne prochaine, il sortit hors de ladite
première tranchée et se retira, ayant laissé sur le champ plus de trois
cents cavaliers morts, entre autres le marquis de Manielay, le vicomte de
Tavannes, Sagonne et d'autres seigneurs de qualité. Les sieurs marquis de
Canillac, de Belin, Tremblecourt, sont prisonniers, et cent autres gentils
hommes desquels on ignore le nom; et au dire de Belin, il est demeuré sur la
place quatre maîtres de camp, et vingt capitaines. Et même que le duc de
Mayenne est blessé, sans quoi il aurait exécuté son dessein de planter son
canon sur la première tranchée, sitôt que lesdits lansquenets l'auraient
gagnée par leur trahison.
Le roi, non content d'avoir chasse l'ennemi de tout ce qu'il occupait, fit
sortir son canon hors des retrancements, en l'ayant assis sur ladite
première tranchée, il s'en tira plusieurs volées sur les ennemis, lesquels
il eût défaits entièrement cette journée, s'il eût ou cinq cents chevaux de
plus. Tellement qu'il y a apparence que le duc de Mayenne n'aura pas la
hardiesse de faire un autre effort, ses troupes étant en tel effroi quelles
fuient devant celles du roi, encore qu'elles soient doubles en nombre. Quand
les forces qui s'assemblent pour le roi, s'approchèrent, les ennemis se
trouvèrent fort étonnés, ayant perdu leurs principaux chefs et ce qu'ils
avaient de plus vigoureux en toute leur armée". Ces particularités ont été
récitées par un gentilhomme qui a été présent à tous ces combats, et fut
dépêché par le roi, sitôt qu'il fut retourné à son logis. Le baron de
Saint-André, frère du feu comte de Saulx, a été depuis retrouvé entre les
morts. Il serait impossible de terminer ici ce récit sommaire de la campagne
d'Arques, sans que les enfants eux-mêmes l'accusassent d'une omission
inqualifiable, puisque le fameux billet d'Henri IV à Crillon n'y figure
point. Il y a une excellente raison de ne point le citer. Voilà plus de
quarante ans qu'il a été démontré que le "Pends-toi, brave Crillon...",
encore réimprimé avec honneur en 1880, est tout entier de l'invention de
Voltaire, ce type achevé des historiens fantaisistes. Un argument décisif le
prouverait: c'est que Henri IV, malgré sa familiarité en quelque sorte
proverbiale, ne s'est jamais permis dans ses lettres de tutoyer Crillon.
Parmi les souvenirs de la bataille, les terrassements témoins de l'action
demeurent les plus durables, comme le plus apparent est la modeste pyramide,
élevée sur la côte du nord-est par l'initiative de quelques Dieppois et
inaugurée par la duchesse de Berry en 1829; car des trois inscriptions
commémoratives, deux ont été emportées par le vent des révolutions. Depuis
quatre siècles, l'histoire est muette sur Arques. L'industrie moderne en a
envahi le site enchanteur; et les gigantesques cheminées aux noirs
tourbillons de fumée y ont succédé aux feux des bivouacs. Mais si les
alarmes du guet ont à jamais disparu de ces paisibles sentiers, il y reste
toujours des luttes redoutables: ici comme partout la vie n'est-elle pas un
combat de tous les instants à livrer sans trêve ni merci, et, comme le
disaient les graves Romains eux-mêmes, un lourd fardeau à supporter. Ce sol,
si longtemps tourmenté par le pic des terrassiers du génie, est devenu
fertile pour la science, puisqu'il a donné à la France de Blainville, l'un
des premiers naturalistes de notre siècle. Et outre ses ruines majestueuses,
un instant menacées par de stupides et rapaces démolisseurs, il a, par une
consolation suprême, conservé intact l'édifice qui éveille les pensées tout
à la fois les plus grandes et les plus douces, dans cette belle église que
plus d'un évoque peut-être doit envier pour cathédrale. (1)
Éléments protégés MH : les ruines du château d'Arques-la-Bataille :
classement par liste de 1862.
château d'Arques la Bataille 76880 Arques-la-Bataille, tel. 02 35 85 50 26,
ouvert au public, visite des extérieurs, on peut faire le tour de
l’enceinte, lieu de batailles et de hauts-faits historiques. C’est en
mémoire de ce brillant fait d’armes, de ce grand événement historique du 21
septembre 1589, que le propriétaire actuel du château d’Arques a fait
placer, sur une de ses murailles, aux yeux de tous, l’image de Henri IV,
monté sur son cheval de combat, l'épée en main, le panache blanc en tête ,
tel que, le jour de la bataille, il chargeait glorieusement l'ennemi.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous.
Nous remercions chaleureusement M. Vincent Tournaire du site
http://webtournaire.com/paramoteursparapentes.html,
pour les photos aériennes qu'il nous a adressées. (photos interdites à la
publication)
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de Seine-Maritime" tous les châteaux recensés à ce
jour dans ce département |
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