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Le château de Cany s'élève en amont du bourg de
Cany, sur les jolis bords de la Durdent. On distinguait autrefois
Cany-Barville de Cany-Caniel. C'étaient à l'origine deux seigneuries
séparées. Cany-Caniel appartenait, au XIIe siècle, à Gilbert de Falaise.
Manassès Bizet, sénéchal du roi d'Angleterre Henri II, puis Henri Bizet,
maréchal d'Angleterre, furent ses derniers seigneurs Normands.
Philippe-Auguste s'en empara avec un grand nombre d'autres châteaux dont les
seigneurs refusèrent de lui rendre hommage. En 1370 enfin, Cany-Caniel fut
définitivement distrait du domaine royal et passa, par suite d'un échange
contre la seigneurie de Josselin, en Bretagne, dans les mains des comtes,
puis ducs d'Alençon qui étaient eux-mêmes une branche de la maison régnante.
Cette famille perdit Caniel au XVIe siècle, époque où Pierre Le Marinier,
chevalier, déjà seigneur de Cany-Barville, l'acquit du dernier héritier du
bâtard d'Alençon. Les Le Marinier avaient hérité eux-mêmes de la seigneurie
de Cany-Barville, sur la fin du XVIe siècle. Cany-Barville appartenait à
l'origine à la maison normande des Hay, dont plusieurs branches existent
encore en Angleterre. En 1482, la seigneurie passa à Pierre Le Segrestain
par son mariage avec Robine Hay. Enfin, la seigneurie de Cany-Barville échut
à Antoine Le Marinier au droit de sa mère, Jacqueline Sandret, fille de
Perrennelle Le Segrestain. Pierre Le Marinier acquit, le 18 octobre 1634, la
seigneurie de Cany-Caniel. Son fils, Balthazar Le Marinier, vendit, en 1683,
Cany-Barville à son beau-frère Pierre de Becdelièvre; mais cette seigneurie
ne resta pas longtemps séparée de celle de Cany-Caniel. En 1713, Pierre II
de Becdelièvre, fils du précédent, réunit les deux seigneuries, qui
demeurèrent désormais confondues jusqu'à la Révolution.
Cependant, Anne-Louis-Prosper-Roger de Becdelièvre étant mort le 17 juin
1789, l'aînée des deux filles qu'il laissait, Armande-Louise-Marie, épouse
de Anne-Christian de Montmorency-Luxembourg, hérita de la seigneurie de Cany.
Après la Révolution, la famille de Montmorency-Luxembourg rentra en
possession de la terre de Cany un moment distraite de son apanage. Le comte
de Luxembourg, devenu le duc de Beaumont, mourut en 1825 et la duchesse, sa
femme, en 1832. Des deux fils qu'ils laissaient, le cadet, comte de
Luxembourg, ne s'étant point marié, la terre de Cany et ses dépendances
furent partagées entre les deux filles de l'aîné: la cadette, Madame la
vicomtesse de Durfort eut le château de Catteville; Madame la baronne, puis
comtesse Antoine d'Hunolstein, eut le château de Cany, dont il nous reste à
parler. Les autres édifices relevant de l'ancienne seigneurie de Cany ont,
en effet, presque entièrement disparu. Le château fort de Caniel, situé
également sur le bord de la Durdent, mais un peu en aval du bourg de Cany,
n'a laissé que des vestiges informes; le vieux château de Cany fut, lui,
entièrement démoli au XVIIe siècle. Ce château aurait été situé au bourg
même de Cany auprès des halles actuelles. Un dénombrement du 27 août 1700
nous apprend qu'il consistait "en plusieurs bâtiments, savoir: escuries,
remises de carrosses, bucher, granges, colombier, pressoir et autres sortes
de bâtiments, contenant douze acres, une vergée, tant en pré, herbage, que
cour et jardin, bornée d'un côté la grande rivière de Cany, d'autre côté la
petite rivière de Cany".
D'après M. Louis Sandret, ç'aurait été là sans doute l'habitation des
seigneurs de Cany-Caniel avant la construction du château "moderne".
Celui-ci, connu sous le nom de château de Cany, aurait dû s'appeler avec
plus de raison château de Barville, puisque c'est sur le territoire de cet
ancien fief qu il a été élevé, et encore qu'aujourd'hui Cany et Barville ne
fassent qu'une seule et même commune. Le château de Cany ne date que du
XVIIe siècle; il aurait été bâti de 1640 à 1646 par Pierre Le Marinier; le
nom de l'architecte est inconnu. Le château s'élève au bord de la Durdent,
dans un beau parc rafraîchi d'eaux vives, entre deux coteaux couronnés de
bois séculaires. Il ne semble point que les critiques qu'en a portées
l'auteur de la Normandie illustrée soient tout à fait justifiées. Cet auteur
lui reproche à la fois la lourdeur de sa masse et la pauvreté de ses
détails: "Toute son ornementation, dit-il, consiste dans l'enchaînement des
frontons triangulaires qui surmontent les fenêtres du premier étage et dans
celui des frontons cintrés de l'étage supérieur". L'auteur ajoute, il est
vrai, quelques lignes plus loin: "Les frontons supérieurs des ailes sont
cependant un peu plus riches que ceux de la façade; cette décoration se
compose d'un cintre embrassant une double fenêtre de mansarde; l'élévation
du sous-sol, les lignes harmonieuses des balustrades en pierres qui
accompagnent et précèdent le château, font oublier ce reproche de lourdeur
qui s'applique plutôt au corps de logis principal qu'aux ailes, à cause de
l'absence de corniche au-dessus des frontons de son premier étage".
Nous irons plus loin encore et nous dirons que le château de Cany est un des
monuments civils du XVIIe siècle qui produisent le plus bel effet
d'ensemble. On y accède par une cour d'honneur que bordent sur les deux
côtés la chapelle et la ligne des communs; une balustrade en pierre,
raccordée par un demi-cercle au pont qui fait face au perron, sépare le
château de la cour. Le perron comprend vingt marches, "dont la double volée
ornée de balustres, dit M. le vicomte d'Estaintot, embrasse une sorte de
balcon circulaire qui s'avance au-devant de la porte principale", L'édifice
est à deux étages, surmontés de mansardes; il repose sur un sous-sol très
élevé. Le corps de logis central, percé de sept fenêtres de développement,
est flanqué de deux pavillons en saillie, percés chacun de deux fenêtres.
"Les matériaux employés, dit M. d'Estaintot, sont ceux du pays: la brique
rouge en a fait les principaux frais. Habilement disposée et mise en valeur
par des panneaux en crépis de maçonnerie, sobrement relevée par quelques
clefs de voûte en pierre, elle s'est prêtée aux moulures qui encadrent les
fenêtres et les frontons. A ce point de vue, elle offre un type précieux de
ce que permettent de réaliser les ressources locales. Ce château date par sa
construction du milieu du XVIIe siècle". L'intérieur du château de Cany
n'est pas moins intéressant à connaître que l'extérieur. Cany a en effet
conservé une grande partie de son ameublement ancien. On y remarque surtout
de très belles tapisseries flamandes du XVe siècle, dont la description a
été faite plus d'une fois, et particulièrement par M. Leroy, dans le Journal
des beaux-arts des 29 février et 15 mars 1860, ainsi que par M. Darcel, dans
son Catalogue des tapisseries exposées au Musée des arts décoratifs, où
elles figurèrent en 1880, et enfin par M. Müntz, dans la Revue des lettres
et des arts (août 1886). Elles représentent des scènes religieuses et
mythologiques. (1)
Éléments protégés MH : le château : inscription par arrêté du 14 avril 1930.
Le domaine, l'emprise foncière, le bâti et non bâti : inscription par arrêté
du 7 décembre 1990. (2)
château de Cany 76450 Cany Barville, tél. 02 35 97 87 36, ouvert au
public du 1er juillet au 31 août, tous les jours sauf le vendredi et le 4e
dimanche de juillet de 10h à 12h et de 15h à 18h.
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constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement Monsieur J. Sava pour les
photos qu'il nous a adressées afin d'illustrer cet historique.
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