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Le château d'Hougerville est le seul
monument intéressant de la commune de Colleville, aujourd'hui de
l'arrondissement d' Yvetot, autrefois de la vicomté et de l'élection de
Montivilliers. Avant la Révolution le patronage de l'église appartenait à
l'abbaye du Bec, laquelle y percevait la plus grande partie des dîmes ne
laissant au curé que la tierce, et à l'abbaye de Fécamp, celles d'un canton
dit le trait de Trémauville. Colleville était aussi le nom du principal fief
de cette localité, qualifié de plein-fief de Haubert et de châtellenie.
Pendant les guerres de religion, l'abbaye du Bec l'aliéna, mais en s'en
réservant la mouvance, ainsi que le patronage. A partir de ce moment (12
janvier 1572), il fut successivement possédé par Nicolas Fatin, sieur d'Auricher;
par Georges Fatin, conseiller au Grand Conseil; par son frère Jacques Fatin;
par Pierre Le Nud, qui s'en était rendu acquéreur le 11 mars 1614; par
Abraham de Beaunay; par Nicolas de Beaunay, sieur du Tôt; par Abraham-Isaac
Fautrel, sieur de Bariville. Hougerville, qui pendant longtemps appartint
aussi aux Canivet, était une seigneurie non moins ancienne mais qui n'avait
pas tout à fait la même importance. Elle fut possédée, à la fin du XIIe
siècle et pendant le cours du siècle suivant, par une famille dont le nom
n'était autre que celui du fief. Des chartes de l'abbaye de Fécamp, dont
elle avait été la bienfaitrice, mentionnent, avec le titre de chevalier,
dominus ou miles, Louel de Huguerville, Simon de Hougerville, 1190, 1217,
Raoul de Hougerville, 1234, 1246, Michel de Hougerville 1250, 1254, Jean de
Houguerville, 1277. Un Guillaume de Houguirville était chanoine de Bayeux en
1253.
Il est permis de supposer que cette famille, avant de prendre son nom de ce
fief, avait commencé par lui donner le sien; Hougerville étant un composé
d'un nom commun ville, équivalant à manoir seigneurial, et d'un nom d'homme,
Houger ou Hougier. Les aveux donnent à cette seigneurie la qualification de
8e de fief et de vavassorie noble, relevant du roi à cause de la châtellenie
de Montivilliers. On voit, d'après ces documents, "qu'elle était édifiée de
maison forte, close de fossés à fond de cuve, pleins d'eau. Une fois pendant
sa vie, le seigneur devait au roi comparence en la forêt verte, saisi d'un
arc sans corde et d'un boujon désempanné, le roi lui faisant savoir par ses
officiers, à semonce due". Au XVe siècle; la terre d'Hougerville appartenait
à une branche de la famille Martel, dont le représentant, Martelet, fut
exproprié par le roi Henri V (1er mai 1419) au profit d'un étranger nommé
Simon Halcrost. Mais après l'expulsion des Anglais, les Martel rentrèrent en
possession de ce domaine, et une Jeanne de Crossy l'apporta en mariage à son
cousin Jean Martel, sire de Basqueville. René Thézart, qui en était devenu
propriétaire, je ne sais à quel titre, le vendit, en 1535, à Nicolas Le
Vanier, qui possédait comme héritier de sa mère, une seigneurie à
Ancretteville-sur-Mer. Un de ses successeurs, Georges Le Vanier, en rendit
aveu au roi en 1602. On a aussi les aveux de Philémon Le Vanier, seul fils
et héritier de Georges, le 7 mai 1631, et de Nicolas Le Vanier, fils de
Philémon, le 24 mars 1649.
Le 15 octobre 1678, Louis de Canivet en rend aveu à son tour, comme héritier
par avancement d'hoirie d'Elisabeth Le Vanier, sa mère. Il eut pour fils,
Philippe de Canivet, décédé en 1757, et dont une fille, Anne, avait épousé
Isaac-Antoine Dumont, chevalier, ancien mousquetaire de la première
compagnie de la garde du Roi, seigneur du Bostaquet, de la Rivière d'Estrimont,
et, par suite de son mariage, seigneur d'Hougerville, après la mort de son
beau-père. Ces deux familles, Le Vanier et Canivet, sont mentionnées dans la
Recherche de la noblesse de la Généralité de Rouen, de l'intendant La
Galissonnière, 1666-1667. Pierre et Josias Le Vanier, établirent alors
qu'ils étaient d'une noblesse antérieure à 1423, qu'ils descendaient de
Pierre Le Vanier et de Marie de Prestreval; de Georges Le Vanier et de
Françoise de Houdetot, de Philémon Le Vanier et de Françoise Le Febvre.
Leurs armes étaient: d'argent au porc-épic de sable. De son côté, Louis
Canivet prouva que sa famille, originaire d'Anglesqueville, en la vicomté de
Bayeux, avait été anoblie, moyennant finance, au mois de mars 1543. Il
descendait de Guillaume Canivet et de Françoise de Bailleul; de Jean Canivet
et de Madeleine de Hotot; de Michel Canivet et de Marie Martel. Il portait
pour armes: de gueules à 3 canivets d'argent amanches d'or. Leurs
prédécesseurs, les anciens seigneurs d'Hougerville, avaient fondé près de
leur manoir une chapelle à simple tonsure, dont ils s'étaient réservé la
présentation. La dotation de ce bénéfice consistait, suivant les aveux, en
14 acres de terre, franches et quittes de dîmes, avec place de presbytère
séant dans ladite aumône. Le chapelain ou clerc avait droit de percevoir,
chaque jour, pendant trois mois de l'année, en l'abbaye de Fécamp, "telle
portion ou pension de boire et manger franchement, comme l'un des
religieux".
Cette chapelle est mentionnée dans le pouillé d'Eudes Rigaud, dans une
charte de Fécamp, de 1411, dans le registre du secrétariat de l'archevêché
de 1434-1435, etc., et constamment sous le vocable de Saint-Gilles et de
Saint-Leu. En 1468, Louis XI, comme chargé de la garde-noble des enfants
mineurs de feu Jean Martel et de Jeanne de Crossy, y présenta Thomas Grante,
qui s'était démis de la cure de Brametot pour obtenir ce bénéfice, dont la
valeur pourtant n'était alors estimée qu'à 15 1. de revenu. Bien que
professant la religion protestante, les Le Vanier et les Canivet durent
conserver cette chapelle près de leur manoir et ne furent point privés de
leurs droits de présentation. Ce droit fut exercé, en leur nom, le 7 octobre
1663 et le 18 novembre 1665, par François Auber, sieur de Theuville et par
Louis Le Parmentier, sieur de Criquetot et de Butot, gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi, en leur qualité de curateurs de Pierre Le Vanier,
sieur d'Hougerville et d'Ancretteville-sur-Mer. Mais on croira sans peine
que, dans les conditions où elle se trouvait, cette chapelle fût laissée à
l'abandon, et que les chapelains se sentissent mal à l'aise si près d'un
seigneur opposé à leur culte. Le 15 juillet 1713, l'archevêque, Mgr
d'Aubigné, visitant la chapelle, constata qu'il n'en restait que le chœur,
mais sans couverture ni charpente pour en protéger la voûte; que l'autel
était sans pierre consacrée, et n'avait plus pour ornement que deux statues,
mutilées par le fait des soldats. A la suite de cette visite, il rendit une
ordonnance portant qu'à l'avenir les 12 messes par an, dont cette chapelle
était chargée, seraient acquittées en l'église de Colleville, au lieu de
l'être en l'église de Ricarville dont le chapelain, François Gelée, était
curé; que cet ecclésiastique aviserait aux moyens de faire réparer et
décorer la chapelle, pour y être les messes dites suivant les termes des
contrats de fondation.
Près du même manoir était un bâtiment modeste, à usage de prêche, où fut
pendant quelque temps, "recueillie" l'église réformée de Fécamp. En 1675, la
même église était desservie par des ministres dont l'un, Boursault, avait
son domicile à Hougerville. Il résulte d'une note qui nous a été communiquée
par M. Emile Lesens, que ce prêche fut démoli par arrêt du 10 mars 1681. Il
ne paraît pas que la famille de Canivet soit sortie du royaume après la
révocation de l'édit de Nantes. Dans sa réponse à une lettre de l'Intendant,
23 août 1699, le doyen de Val mont signalait à Colleville une famille
protestante, dont il donnait en ces termes la composition: "M. d'Ougerville;
Madame sa mère n'a point fait d'abjuration; Madame son épouse; son fils aîné
âgé de 18 ans (probablement Louis, fils de Louis et d'Elisabeth Le Febvre,
dont le parrain fut Isaac Dumont du Bostaquet, l'auteur des Mémoires);
quatre autres garçons dont le dernier peut avoir douze ans; Mademoiselle sa
fille, âgée de 19 ans; Mademoiselle Taunay, sœur de ministre (du ministre de
Criquetot, Taunay, réputé habile et considéré dans le synode), gouvernante
des enfants, très huguenote, âgée de 45 ans; un valet, une servante
huguenots, et un domestique catholique". Aujourd'hui, on chercherait
vainement la trace de la chapelle Saint-Gilles-Saint-Leu, mais on montre
encore une vieille grange qui aurait servi aux exercices du culte protestant
et où avait été placée la dalle tumulaire de Josias Le Vanier, aujourd'hui
déposée au Musée des Antiquités de Rouen. Quant au château d'Hougerville,
propriété de M. Le Ber, et en parfait état de conservation, c'est une
construction en brique rouge avec encadrements et losanges de pierre, en
partie de l'époque de Henri III. Il a l'aspect un peu sévère de tous les
châteaux du pays de Caux. Il ne me semble pas antérieur au règne de Louis
XIII. (1)
château d'Hougerville 76400 Colleville, propriété privée, ne se visite pas,
présence de douves et de deux petits pavillons près de l'entrée principale.
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