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"Et des hameaux
voisins les filles, les garçons Venaient à Sans-Souci pour danser aux
chansons". Ce n'était pas seulement des hameaux voisins, mais bien du Havre
même que l'on venait à Orcher. Ce village a toujours été un des lieux de
promenade favoris des Havrais, et voici ce qu'un écrivain havrais. M.
Legros, écrivait a ce sujet, sur un ton quelque peu lyrique, il y a plus
d'un siècle: "Pendant l'été, Orcher est le rendez-vous de beaucoup
d'habitants du Havre et des lieux circonvoisins. Les allées d'arbres ou le
promeneur solitaire formait de riants songes, deviennent momentanément
bruyantes; les bosquets présentent l'aspect le plus animé; chacun se réjouit
à table sur la pelouse; dans le parc, au bord de l'eau, on danse au son du
violon d'un ménétrier du hameau ou de celui d'un convive de la fête". Disons
de suite que de nombreux abus ont oblige M. le duc de Mortemart à apporter
certaines restrictions à cette aimable liberté avec laquelle nos ancêtres
prenaient leurs ébats dans le parc du château. Il est possible aussi que la
création du chemin de fer du Havre à Montivilliers ait entraîné les
promeneurs sur d'autres points et leur ait fait délaisser un peu la
promenade d'Orcher. Cependant elle ne mérite pas d'être délaissée, et pour
les gens qui ne sont pas pressés, pour ceux qui préfèrent un beau spectacle
de la nature à la vue des talus et des remblais des voies ferrées, pour ceux
enfin qui aiment la nature et aussi l'archéologie, c'est encore une
charmante et intéressante excursion que celle d'Orcher. Il faut aussi
choisir sa route. On peut se rendre au village en gravissant la cote
d'Harfleur et en tournant à droite; on peut, et on doit, si l'on est
vraiment touriste et archéologue, prendre le chemin, autrefois Grande-Rue de
Gonfreville à l'église d'Harfleur.
L'archéologue y trouve son compte, car le territoire d'Orcher a toujours été
très fréquenté. Les souvenirs de l'âge de bronze y sont nombreux; on y a
trouvé des hachettes celtiques en bronze que l'on peut voir au musée du
Havre; on y a même constate, ce qui est très rare, une fabrique d'armes de
ce genre; enfin les Gaulois et les Romains y ont laissé des traces de leur
passage. L'ancienne église, disparue, était en style roman; l'église
actuelle est du même style, sous le vocable de Saint-Erconwald, évêque de
Londres au VIIe siècle. Au pied des falaises d'Orcher s'étendent de
magnifiques prairies formées par les alluvions de la Seine. De temps
immémorial, les riverains en avaient la jouissance, et ils se croyaient
assurés de les laisser à leurs descendants; niais un procès à la fin du XIXe
siècle, qui a eu un grand retentissement et a duré plus de vingt ans, les a
dépossédé au profit de l'Etat. Le château actuel s'élève sur l'emplacement
d'une forteresse destinée à défendre l'entrée de la Seine, et dont on
découvre encore des débris. Elle fut occupée par les Anglais en 1415. Les
châtelains avaient le titre de maréchal hérédital de Normandie. Au-dessous
du château se trouve une fontaine à laquelle certains antiquaires prêtent
une vertu pétrifiante; et sous la falaise est le lieu dit le Figuier d'Orcher,
reconnu comme le point de séparation de la mer avec la Seine. Quant au nom
même d'Orcher, on y voit une corruption de Auricher, nom d'un des premiers
seigneurs de ce château. L'édifice actuel date du XVIIe siècle.
Il se compose d'une tour carrée, flanquée à droite et à gauche de deux
bâtiments rectangulaires. Cette tour, seul reste de l'ancienne forteresse,
n'offre rien de remarquable, sauf son ancienneté. A l'intérieur, on admire
de magnifiques tapisseries, une très belle collection de portraits des
familles de Manneville et de Mortemart, ainsi qu'une bibliothèque fort riche
et un chartrier très complet. Parmi les anciens possesseurs, les plus
célèbres sont les familles de Brézé, d'O, le financier Law; il convient de
citer aussi Madame de Melmont qui, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle,
reboisa le parc, fit disparaître les derniers vestiges de la forteresse,
combla les fossés, et supprima le pont-levis, la prison et la chapelle. Elle
y ajouta l'aile du coté ouest et créa les jardins tels que nous les voyons
aujourd'hui. Citons encore Madame de Plantrose, qui acheta ce domaine pour
son fils mineur, à la suite de la déconfiture de Law. Enfin il est arrivé
par héritage à la sixième génération par les femmes, à Monsieur le duc de
Mortemart. Le parc se compose de près de cinq mille arbres, formant un
massif de verdure fort goûté de ceux qui recherchent la solitude et les
ombrages épais. La terrasse s'élève à 91 mètres au-dessus du niveau de la
mer. Le coup d'oeil que l'on embrasse de cette hauteur est aussi varié que
magnifique. Le spectateur a d'abord, sous ses pieds, la falaise abrupte et
déchirée qui descend à pic dans la plaine; cette plaine verdoyante se
compose de pâturages; plus loin, c'est la Seine, et à l'horizon, les côtes.
Si l'on se tourne vers l'embouchure du fleuve, voici la mer sans limites...
(1)
Éléments protégés MH : le grand salon au rez-de-chaussée avec son décor :
classement par arrêté du 12 février 1976. Les façades et les toitures du
château, des communs et du colombier ; l'escalier du château avec sa rampe ;
les pièces suivantes avec leur décor : le petit salon et la salle à manger
au rez-de-chaussée ; la chambre dite de la Tour au premier étage de la tour
est : inscription par arrêté du 12 février 1976 (2)
château d'Orcher 76700 Gonfreville l'Orcher, ouvert au public, visite libre
du parc du 29 mars au 28 décembre tous les jours de 8h à 20h, fermé le
jeudi. Du 29 décembre au 28 mars ouverture uniquement le dimanche, de 9h à
17h. Visite guidée du château et des jardins du 1er juillet au 15 août tous
les jours de 14h à 18h, sauf le lundi.
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