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Blanche d'Évreux, fille de Philippe III, roi de Navarre, et de Jeanne de
France, sa femme, était accordée à Pierre, plus tard surnommé le Cruel, fils
du roi Alphonse de Castille et héritier présomptif de la couronne, lorsque
Philippe de Valois manifesta l'intention de la marier à son fils Jean, duc
de Normandie, qui devait régner sous le nom de Jean le Bon. Les désirs du
roi de France furent à peine connus à la cour de Navarre, que le projet
d'union de Blanche avec l'infant de Castille fut rompu, et bientôt après,
pour donner satisfaction à Philippe de Valois, la jeune princesse fut
envoyée en France. A cette époque les voitures, même les voitures royales,
n'allaient pas très vite; et Blanche fut assez longtemps en route pour
qu'avant son arrivée la reine de France, Jeanne de Bourgogne, passât de vie
à trépas. Le roi en fut d'abord sincèrement affligé, mais Blanche d'Évreux
avait dix-huit ans et les Navarrais l'avaient surnommée la Belle Sagesse à
cause de sa grande beauté, de son esprit fin et des agréments de son
caractère. Dès qu'elle parut à la cour de France, les pleurs de Philippe VI
se séchèrent. Oubliant à qui la princesse de Navarre était destinée, il en
devint éperdument amoureux, et l'épousa à Brie-Comte-Robert, le 29 janvier
1349. "Philippe, fort vieux et cassé, dit à ce sujet Brantôme, aima et
épousa Blanche d'Évreux qui n'avait que dix-sept ans, mais pourtant la plus
belle princesse de son temps". Cette union fut de courte durée, Philippe VI
décéda à Nogent-le-Rotrou le 22 août 1350, laissant sa veuve enceinte d'une
fille qui, à sa naissance arrivée vers le mois de mai 1351, fut nommée
Blanche comme sa mère. Un douaire fut attribué à la jeune veuve.
Parmi les terres composant ce douaire, il faut citer en première ligne
Neaufles, qui fut son séjour de prédilection et aussi le lieu où elle
termina sa vie; puis Gournay, Neufchâtel, Gaillefontaine, la Ferté, Argueil
et leurs dépendances. Neaufles pittoresquement situé au confluent de la
Levrière et de la Bonde et à peu de distance du château de Gisors, qui
faisait également partie du douaire de la reine, Neaufles, avec son beau
manoir féodal dont la tour principale est encore debout, avait alors tout
pour retenir Blanche d'Évreux. Cependant cette princesse se rendait
fréquemment dans le pays de Bray, où elle aimait à séjourner et à faire de
bonnes œuvres. Un grand nombre de localités brayonnes, entre autres Gournay
et Neufchâtel, ont conservé un durable souvenir de ses visites multipliées.
Lorsque la reine Blanche visitait Neufchâtel, elle habitait, selon la
tradition, une maison sise rue Barbe. C'est encore une simple tradition
qu'aucun document n'est venu confirmer ni infirmer, qui fait de Normanville
le séjour favori de Blanche d'Évreux, après Neaufles. Neaufles, c'était le
mouvement et la vie. Normanville, c'était le calme et le recueillement. Le
Mont-Sauveur domine ce coin du pays de Bray, et les coteaux environnants
étendent leurs bois jusqu'aux prairies arrosées par l'Andelle. Les hautes
futaies qui ombragent les bords de cette rivière laissent à peine soupçonner
l'existence des maisons que seul trahit un mince filet de lumière passant à
travers les têtes touffues des pommiers. C'est là, dans ce repli de la
vallée, qu'est édifié le manoir désigne sous le nom de Château de la reine
Blanche.
Ce château est une construction en briques et pierre, de forme irrégulière.
Tel qu'il apparaît, cet édifice semble avoir été amoindri par les siècles,
et la partie nord présente des traces d'appartements disparus. Au
rez-de-chaussée, s offre une vaste salle éclairée par quatre grandes
fenêtres à meneaux. On cherche, mais en vain, dans la large cheminée, ces
landiers armoriés qui décoraient le foyer des demeures féodales, et l'on
croit apercevoir la place occupée par le dressouer (buffet) contenant la
vaisselle royale, ainsi que par le drageouer, tout plein d'épices de chambre
et de délicates confitures. La tour, de forme octogone, qui se dresse contre
la façade de l'ouest, est la partie la plus ornementée de tout l'édifice. La
porte de cette tour est surmontée d'un beau bas-relief autrefois armorié. On
remarque encore des guirlandes, de fleurs et de vignes, dans lesquelles des
oiseaux grappillent. Mais l'écusson est malheureusement mutilé au point
qu'on ne peut déchiffrer le blason. Cette mutilation est d'autant plus
regrettable que ces indications héraldiques nous auraient fourni une preuve
certaine de l'époque de la construction du château. L'ornementation des six
belles fenestrelles de la tour laisse percer la gaieté bouffonne de
l'artiste qui l'a conçue. A l'une des fenestrelles on voit un animal se
grattant le menton, à une autre un écureuil léchant la partie charnue de son
individu, à une troisième un personnage mitré se tirant la barbe. Le large
escalier en pierre, que renferme cette tour, et au pied duquel se trouve une
porte dont les sculptures sont bien conservées, donne accès aux appartements
de la partie supérieure.
C'est d'a bord la grande chambre à coucher, éclairée par quatre fenêtres
pareilles celles de la salle et où le lit, avec ses rideaux de serge, avait
sa place dans un coin du côté du levant. Les autres appartements se
continuent dans la tour de forme circulaire située à la partie Est. Cette
tour, à la toiture en poivrière, possède de belles fenêtres dans le style de
celles de la salle. Une partie carrée, qui semble sortir du principal corps
de bâtiment, contient quelques autres pièces, parmi lesquelles une
chambrette où étaient les oubliettes dissimulées dans l'épaisseur de la
muraille. Elles descendaient dans la partie basse du château où, il y a
quelques années, on voyait encore des instruments de supplice. Mais,
laissons ces sombres souvenirs pour mentionner ces belles cheminées à
meneaux, dont quelques-unes se terminent en spirale, semblables à de légères
bouffées de fumée doucement enlevées pa un vent de France. N'oublions pas
non plus, ces épis en plomb qui, placés sur les toitures, complètent
l'ornementation de cette ancienne demeure féodale. En 1498, Jean Basset,
bailli de Gisors, seigneur de Riberpré, du Neufbosc et de la Bucaille, était
aussi seigneur de Normanville. Anne, sa fille et héritière, fut mariée à
Pierre de Ferrières, baron de Thury et de Dangu, dont elle était veuve en
1554. En 1855, l'éminent architecte, M. Barthelemy a été chargé de la
restauration de ce magnifique château par son propriétaire à cette époque,
M. Guillout de Lagarenne. Au début du XXe siècle, le château de Normanville
appartenait à sa fille, madame la comtesse de Vassieux. (1)
château de la Reine Blanche 76780 Le Mesnil-Lieubray (Normanville),
propriété privée, ne se visite pas. Le château de 300m² au sol, entouré d'un
parc arboré de deux hectares, appartient aujourd'hui à M. Asif Ali Zardari,
président du Pakistan.
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