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Les titres de la
seigneurie d'Yville (Huiville ou plutôt Wiville) remontent au delà du XIIe
siècle: un Hugues de Wiville accompagna Guillaume le Conquérant en
Angleterre. En 1238, Yville était possédé par Guillaume de la Houssaye,
ainsi que le prouve une charte du cartulaire de Jumièges, par laquelle ce
seigneur abandonna aux moines de Jumièges, moyennant une rente de 40 sols,
le droit de heurtage qu'il prétendait sur les navires et bateaux qui se
déchargeaient entre l'eau d'Yville et le Port-Jumièges. Dès l'an 1300, le
seigneur d'Yville prenait le titre de marquis; il avait un oison de rente
sur tous ceux de ses gens qui mettaient leurs oies dans son vasier et dans
ses îlots. Yville dut passer de la famille de la Houssaye dans la famille de
Mortemer, puis, par Jeanne, fille unique de Guillaume de Mortemer,
connétable héréditaire de Normandie, entra dans la grande maison des Crespin
du Bec-Crespin. Guillaume du Bec-Crespin ayant épousé Agnès de Trye et étant
mort sans postérité, ce fut sans doute par cette Agnès, héritière de son
mari, qu'Yville tomba, en 1407, dans la maison de Trye, qui était alors une
des plus grandes et des plus illustres du royaume. Jacques de Trye, seigneur
de Rolleboize, fils de Mathieu de Trye et de Jeanne de la Roche-Guyon, était
un des plus riches seigneurs de son temps; il tint, vis-à-vis de l'invasion
anglaise, la plus noble conduite. Nous en trouvons la preuve dans la
confiscation de tous ses biens, que nous révèle une pièce assez curieuse,
dont voici un extrait: "Thomas, filtz de roy, duc de Clarence, comte
d'Aumale, seneschalle d'Engleterre, à tous ceux qui cestes nostres lettres
verront ou orront, salutz. Sachez nous avoir donné par icelles nos lettres
patentz à nostre bien aimé escuyer William Alyngton tant la terre d'Yvile-sur-Sayne,
avec touts les appartenances, qui nadgaire fut à mons. Jakes de Trye,
chivaler en la vicomté de Pontaudemer, etc. Donné à Rouen le XVe jour de
marcs, l'an MCCCC et XVIIIe".
Ce William Alyngton, écuyer du roi, trésorier général de Normandie, est un
des capitaines anglais les plus connus. Il fut chargé de coloniser Harfleur
sur le modèle de Calais. Quelques années plus tard, Jacques de Trye, ayant
onze enfants, dont six filles à doter, présenta au roi d'Angleterre une
requête pour que ses terres lui fussent rendues, et le roi y consentit. Par
le mariage d'une de ses filles, Jeanne, la terre d'Yville passa dans la
famille de Pillavoine (1494). Elle appartint ensuite aux Regnault de
Bouquetot (1497), puis, en 1504, fut vendue à Charlotte Lhullier, dame de
Quillebeuf, veuve de Louis Picart, seigneur d'Estelan, et passa en 1540, aux
main, de sa fille, Madeleine Picart, veuve de Jean d'Esquetot. Charlotte d'Esquetot,
en épousant Charles 1er de Cossé; maréchal de Brissac apporta Yville à la
maison de Cossé-Brissac, qui le posséda de 1559 à 1601. Leur fils Charles II
de Cossé comte de Brissac, fut gouverneur de Paris pendant la Ligue, et
remit Yville a Henri IV, ce qui lui valut le bâton de maréchal et l'érection
de la terre de Brissac en duché-pairie. En 1601, un arrangement de famille
fit passer Yville au neveu de ce dernier, Timoléon d'Espinay-Saint-Luc,
maréchal de France, lieutenant général au gouvernement de Guyenne. En 1647,
il appartenait à François d'Espinay, marquis de Saint-Luc; en 1696, à sa
fille, Marie-Anne d'Espinay-Saint-Luc, qui le vendit, le 6 mars 1708, pour
la somme de 60000 livres, à François Le Menu de Lanoé, conseiller,
secrétaire du roi. M. de Lanoé commença le château actuel, d'après les plans
de Jules-Hardouin Mansart, et fit plusieurs acquisitions qui doublèrent le
revenu de la terre. Mais bientôt, il fit faillite, et, le 14 mai 1717,
Yville fut pris pour la somme de 124000 livres par l'un de ses créanciers,
le marquis d'Estampes, déjà propriétaire du château de Mauny.
Six mois après, le marquis d'Estampes mourut, et Yville dut passer encore en
d'autres mains: le tribunal de Pont-Audemer en autorisa la vente, le 28 juin
1720, à la requête de la marquise d'Estampes, tutrice de son fils mineur,
messire Louis d'Estampes, seigneur et marquis d'Yville et de Mauny. Après
plusieurs surenchères, le domaine d'Yville fut adjugé pour 260000 livres au
sieur Pierre Bonnières, bourgeois de Rouen, qui déclara l'acquisition faite
au profit de messire Jean Law, inspecteur général de la Banque royale et de
la Compagnie des Indes, comte de Tancarville. Le tout fut collationné au
bailliage de Pont-Audemer. C'est donc en 1720, que le fameux banquier de la
rue Quincampoix, devint propriétaire de la seigneurie et du château
d'Yville. On a prétendu, à tort, que ce fut lui qui fit bâtir le château;
ainsi que nous l'avons vu, c'est M. de Lanoé qui, en 1708, commença la
construction de l'édifice actuel, lequel ne devait être terminé que vers
1725. Quant au parc, il aurait, d'après la tradition, été dessiné par André
Le Nôtre. Law resta peu de temps propriétaire d'Yville; au moment de la
banqueroute générale, tous ses biens furent mis sous séquestre. Par arrêts
des 9 janvier et 29 avril 1721, puis par un dernier arrêt du 15 septembre
1722, le sieur Tartel, contrôleur général, fut autorisé à mettre en vente
les meubles et immeubles du sieur Law "pour le prix en être distribué à ses
créanciers, tant regnicoles qu'estrangers". Le jeudi 4 février 1723, furent
mis en adjudication le fief et la seigneurie d'Yville, consistant en un
château commencé et autres terres, etc. Le sieur de Beaulieu fut déclaré
acquéreur par MM. les commissaires du Conseil d'État, et lui-même déclara
l'acquisition faite aux nom et profit de messire Jean-Prosper Goujon,
marquis de Gasville (en Beauce), conseiller du roi en tous ses conseils,
intendant de justice, police et finances en la généralité de Rouen. Le tout
fut acquis pour la somme de 158000 livres et la terre resta dans la famille
de Gasville jusqu'en 1865.
M. de Gasville fit achever la construction du château: nous trouvons
plusieurs plans et devis indiquant les travaux qui y furent exécutés, entre
autres un mémoire de 20190 livres pour le corps principal des bâtiments et
de 6000 livres pour l'achèvement des deux pavillons. C'est aussi à M. de
Gasville qu'est dû le somptueux mobilier du château. La famille de Gasville
s'est éteinte, en 1865, à la mort du dernier marquis de Gasville
(Jean-Maurice), ancien préfet de l'Eure et de l'Yonne. Il n'avait pas eu
d'enfants de son mariage avec Mlle Dambray, fille du chancelier de France,
et laissa, par testament, la terre d'Yville à son cousin germain, le comte
Paul de Malartic, père du propriétaire au début du XXe siècle et chef de la
branche cadette de la famille de Maurès de Malartic. Le château est
admirablement situé, sur la pente d'une colline, entre deux longues avenues
plantées d'arbres. A l'extérieur, il frappe par son grand caractère, et à
l'intérieur, on admire les aménagements du rez-de-chaussée et du sous-sol.
Après cette somptueuse demeure, est-il permis de citer l'humble maison de
bois du XVe siècle, qui en est voisine? Oui, sans doute, car cette maison,
composée tout simplement d'un rez-de-chaussée, d'un étage et d'un comble,
offre par ses distributions un curieux spécimen de logis bourgeois dans une
localité secondaire. C'est à ce titre que M. Alfred Darcel l'a dessinée et
décrite dans l'Architecture du Ve au XVIIe siècle, de Jules Gailhabaud. M.
Darcel attire l'attention sur un décor aussi original que peu dispendieux,
composé de nattes en paille, cousues les unes aux autres et fixées de
manière à rester étendues contre les parois et les surfaces montantes.
L'emploi de ce système avait pour but de combattre l'humidité des murailles,
qui pouvait compromettre la santé des habitants. (1)
Éléments protégés MH : le château : inscription par arrêté du 7 octobre
1931. Le domaine en totalité, soit l'ensemble du bâti, de la clôture, le
parc et les perspectives : inscription par arrêté du 19 novembre 2002 (2)
château d'Yville 76530 Yville-sur-Seine, propriété privée, parc ouvert au
public. Situé en partie sur les communes de Barneville-sur-Seine (27) et
Mauny (76)
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