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A environ deux
kilomètres de Morgny-la-Pommeraye, on distingue dans la direction de l'est,
la masse superbe d'un parc auquel donnent accès deux majestueuses avenues de
sapins au sombre feuillage. Ce parc est celui du château de Mondétour,
siège, avant la Révolution, d'un demi-fief de haubert, relevant directement
du roi, comme faisant partie de la châtellenie et vicomté de Rouen. Le
seigneur de Mondétour, dont la juridiction s'étendait sur les anciennes
paroisses de Morgny, Vimont, la Pommeraye, Longuerue, etc., avait droit de
moyenne et basse justice, et présentait à la cure de Morgny. Le château de
Mondétour, que nous décrivons plus loin, a remplacé, au commencement du
XVIIIe siècle, un manoir flanqué de tours et entouré de fossés, qui était
situé à une centaine de mètres au nord des constructions actuelles, au lieu
où fut longtemps une butte, nivelée depuis. Lorsque Pierre du Val,
"secrétaire du roi, maison et couronne de France", le bâtisseur du château,
après avoir fait combler les fossés et abattre les arbres qui avaient poussé
sur les ruines, fit démolir les derniers vestiges des murs anciens, on
trouva "plusieurs corps à rengée les unz des autres, dont la tête et les
ornements se tenaient à leur entier. Un de ces corps n'avait pas moins de
six pieds deux pouces". Des fouilles mirent à jour également du charbon et
des fragments de poterie. Depuis, en 1850, comme M. Jacques Belhomme de
Franqueville de Morgny faisait défricher un bois voisin du château, au lieu
dit "la Côte-aux-Morts", on découvrit un certain nombre de cercueils de
pierre, renfermant, avec des corps, des objets de terre et de verre, que M.
l'abbé Cochet attribue à l'époque franque. En dehors de ces témoins
irrécusables d'une agglomération ancienne et importante à Mondétour, il faut
arriver au XIIIe siècle pour recueillir quelque indication précise se
rattachant à cette seigneurie.
Dom Pommeraye cite, d'après le pouillé d'Eudes Rigaud, archevêque de Rouen,
un certain Hugues de Maudestour, qui était official de Rouen en 1247. Vers
1310, un sieur Jean de Maudétour procède, avec d'autres seigneurs, à une
enquête au sujet du patronage d'une chapelle de Saint-Jacques, en l'église
Saint-Martin-du-Pont, à Rouen. Le débat se termina par un accord entre
Guillaume de Durfort, archevêque de Rouen, et les religieuses de Saint-Amand.
Farin, dans son "Traité des sépultures de la campagne", qui fait partie de
l'Histoire de Rouen, dit que l'on remarquait, en l'église paroissiale de
Blainville, aujourd'hui détruite, "dans la chapelle de Messieurs de
Blainville", la tombe de Guerard de Blainville, chevalier, sire de Maudétour,
"qui trépassa l'an 1342". Robert Deschamps, seigneur Tourville, maire et
capitaine de Rouen sous Charles V, avait épousé damoiselle Thomasse de
Maudétour. Il en eut deux fils, dont l'un, Gilles, devint évêque de
Coutances, puis cardinal. Sous François 1er, le fief de Maudétour
appartenait à Antoine de Poissy, qui le vendit le 26 mai 1531, à Denis Hédou.
Les descendants de ce dernier le cédèrent à Jacques Gallet, écuyer, le 22
octobre 1564. Un membre de cette famille, également nommé Jacques Gallet,
qui avait épouse en secondes noces Marie de Civille, fille d'Antoine de
Civile, conseiller au Parlement, légua Maudétour à son neveu Guillaume de la
Basoge, conseiller au Parlement, qui en rendit aveu le 10 avril 1669. Son
fils Philippe, conseiller au Parlement, lui aussi, hérita du château en
1715. Philippe de la Basoge appartenait à la religion réformée, et son père
avait du se réfugier en Hollande après la révocation de l'édit de Nantes.
C'est à la haine que cette famille professait contre la religion catholique,
qu'on attribue la suppression de la chapelle de Maudétour, qui était située
à une centaine de pas du château et placée sous le vocable de
Sainte-Marguerite.
Après avoir, par leurs mauvais traitements, obligé le chapelain à se
retirer, ils transformèrent l'édifice religieux en étable, employèrent le
fût de la croix comme support pour le cadran du château et se servirent de
la cloche pour l'appel des vassaux le jour des plaids. La statue de sainte
Marguerite que renfermait la chapelle fut transportée dans l'église de
Quincampoix. Messire Pierre du Val, secrétaire du Roi, maison et couronne de
France, qui demeurait à Rouen, rue des Jacobins, paroisse
Saint-Pierre-le-Portier, acquit le fief de Maudétour de Philippe de la
Basoge, qui avait pour cette vente obtenu autorisation du Roi, en date du 2
3 juillet 1718. Pierre du Val fit d'abord construire le corps principal du
château. Les ailes basses qui enferment la cour d'honneur ainsi que les deux
pavillons qui les terminent en retour d'équerre, du côté opposé à la façade
que représente la planche ci-jointe, ont été élevés de 1720 à 1723. Les
assises de grès qui supportent ces constructions de brique proviennent
évidemment des ruines du château primitif, où, lors des fouilles dont nous
parlons plus haut, on avait trouvé un escalier en pierre de grès. Sur une
requête présentée le 14 août 1728 par Pierre du Val, un arrêt du Roi en date
du 15 mars 1729 établit que le fief de Maudétour relevait directement de la
couronne et non du prince de Rohan-Soubise, baron et haut justicier de
Préaux, qui prétendait le faire mouvoir de la baronnie de Préaux. A la suite
de l'information ecclésiastique dont nous parlons plus haut, Pierre du Val
fut autorisé par Mgr de la Vergne de Tressan, archevêque de Rouen, à
transférer en la chapelle qu'il avait fait bâtir dans l'aile ouest de son
château, le titre de Sainte-Marguerite de l'ancienne chapelle désaffecte par
les sieurs de la Basoge. Cette chapelle fut bénite le 4 avril 1731 et la
première messe y fut célébrée par Messire Baillif, délégué par l'archevêque
de Rouen, patron de la chapelle.
Maudétour passa, en 1758, à Yves-Michel du Val, seigneur de Vimont, Pibeuf
et Dieulois-Cuverville, conseiller du roi, président en la Cour des comptes,
aides et finances, qui, en 1725, du vivant de son père Pierre du Val, avait
acquis la seigneurie de Morgny des enfants du comte des Alleurs, ambassadeur
de France à Constantinople. Il avait épousé Marie-Barbe-Thècle Lesdo de
Rivière et avait eu de son mariage une fille, Marie-Louise-Christine, qui
épousa, en 1760, Nicolas-Louis qui avait épousé, en 1765,
Esther-Madeleine-Marie Pigou, veuve de Charles-Antoine Godefroy, sieur de
Cressanville, conseiller au Parlement, hérita du domaine de Mondétour, qu'il
vendit le 21 février 1771, à messire Robert-Alexandre de La Vache, baron de
Saussay, sieur de Radeval, ancien officier du régiment de Cambis, qui
habitait alors à Rouen, rue du Rempart-Bouvreuil. Il avait épousé, en 1759,
Anne de Létoille, dont l'inhumation eut lieu le 10 juillet 1768, en l'église
Saint-Godard. Sa fille, Anne-Rosalie-Aimée de La Vache du Saussay, épousa en
1781 Albert-Mathurin-Michel Groult, chevalier, comte de Saint-Paër. Le 24
mai 1780, Robert de La Vache vendit le fief de Mondétour à Messire
Claude-Simon Belhomme de Franqueville, baron de Cretot, conseiller
secrétaire du Roi, garde des rôles des officiers de France, à Rouen.
Le village de Mondétour, gravement éprouvé vers 1760 par des incendies qui
nécessitèrent l'envoi de secours par la généralité de Rouen, eut beaucoup à
souffrir, comme toute cette région, pendant les deux ou trois années qui
précédèrent la Révolution, par suite de la chute des filatures de Pommeraye,
conseiller-maître ordinaire en la Cour des comptes. Il mourut le 24 mai
1765, et fut enterré dans le chœur de l'église de Morgny où sa veuve, qui
mourut à Rouen, le 28 janvier 1766, fut également ensevelie. Son fils,
Augustin-Marie-Prosper du Val, sieur de Morgny, Mondétour,
Neuville-Ferrière, chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine au régiment de
Bourbon-Infanterie, coton, qui s'étaient multipliées dans les vallées de
l'Andelle et du Crevon, et, en 1788, on dut créer des ateliers de charité à
Mondétour. Pendant la période révolutionnaire, le château de Mondétour n'eut
pas à subir de ces actes de vandalisme qui, sur divers points de la France,
causèrent des désastres irréparables. A cette époque, l'abbé Fegueur, curé
de Vimont (paroisse supprimée depuis et réunie à Morgny, mais dont l'église,
placée dans l'axe de la grande avenue nord qui donne accès à la cour
d'honneur, se voit aisément des fenêtres du château), devint instituteur et
se maria; il n'en disait pas moins la messe à la manière des prêtres
assermentés. Près de l'église, dédiée à sainte Madeleine, rebâtie en 1743
par Pierre du Val, et qui sert aujourd'hui de grange, est une chaumière
basse qui fut jadis le presbytère. Le château de Mondétour passa, le 27
janvier 1810, par la mort de Claude, à son second fils Jacques Belhomme de
Franqueville de Morgny, qui mourut le 23 octobre 1854, sans laisser
d'héritier masculin. Les partages attribuèrent le château et une partie du
domaine à la famille de sa fille aînée, qui avait épousé le baron d'Acher de
Montgascon; l'autre partie échut à sa fille cadette, la baronne de
Silvestre, qui y fit bâtir un château. En 1856, Mademoiselle de Montgascon
épousa le baron Charles de Marbot, fils du vaillant soldat de l'Empire, dont
les Mémoires ont eu le succès le plus vif et le plus mérité. Au décès de la
baronne de Marbot, en 1887, Mondétour fut attribué à son fils, le baron
Joseph de Marbot qui, en mourant, le 22 juillet 1890, légua à sa sœur aînée,
la vicomtesse de Boislecomte, le château que nous allons visiter.
Par une disposition curieuse, le château de Mondétour est à cheval sur les
territoires des communes de Morgny et de Blainville-Crevon. L'entrée
principale fait face à la petite église de Vimont, dont elle est séparée par
un ravin boisé. En avant de la grille qui ferme la cour d' honneur, et que
décorent les blasons accolés des d'Acher de Montgascon et des Marbot, est
une pelouse verte, où l'herbe, plus rare sur un point, indique d'anciennes
substructions. A droite et à gauche, des bâtiments de ferme, construits en
brique, dont les tons chauds s'harmonisent heureusement avec les verdures
des cours plantées de pommiers Au milieu d'une de ces cours, un colombier à
deux étages surmonté d'une élégante lanterne. De chaque côté de la grille,
les pavillons affectés au logement des gardes. Dans l'aile ouest, la
chapelle avec tribune, à laquelle correspond à l'est, une salle de bains. En
entrant dans l'intérieur du château, l'attention attirée par un plan dressé
en 1767, sur les ordres de M. Prosper du Val de Mondétour, par Foucart, et
présentant le développement de cette seigneurie, qui s'étendait sur les
paroisses de Morgny et de Vimont. Parmi les nombreux portraits de famille
suspendus aux murs de cette hospitalière demeure, signalons celui en pied du
général Antoine-Adolphe de Marbot, frère aîné de l'écrivain, mort en 1844,
et qui, comme ce dernier, prit une part active aux guerres de l'Empire. Le
baron de Marbot se trouve lui-même représenté sous le costume de colonel du
23e de chasseurs à cheval et dans celui de général de division. La
reproduction d'un tableau connu d'Horace Vernet nous le montre blessé au col
de Mouzaïa, en 1840, en combattant aux côté du duc d'Orléans, dont il était
l'aide de camp et l'ami. Le château est d'ailleurs plein des témoignages de
la carrière héroïque de ce soldat.
Au reste, en ce château, tout parle de guerres et de combats. Les murs sont
couverts de gouaches militaires de Baudry, et des curieuses gravures
coloriées d'Hoffmann. Casques, armes, baudriers de toutes époques, sont
rangés en trophées d'autant plus précieux que chacune des pièces qui les
composent réveille un souvenir personnel et semble dire: "J'étais là: telle
chose lui advint". Le caniche en verre filé que voici, de grandeur
naturelle, n'est pas seulement intéressant par la mise en œuvre extrêmement
habile de la matière dont il est formé, c'est aussi une pièce historique.
Offert par les verriers de Saumur au duc d'Angoulême, il fut donné par ce
prince à son aide de camp, M. d'Acher de Montgascon, grand-père de madame la
vicomtesse de Boislecomte. Insistons encore sur la remarquable bibliothèque
d'art militaire créée par les barons Alfred et Charles de Marbot et sur la
belle série de tapisseries et meubles anciens qui ornent les principales
pièces du château, revêtues elles-mêmes de vieilles boiseries. Le long de la
façade méridionale du château, règne une terrasse avec mur d'appui, reliée à
la pelouse par un double escalier. De cette terrasse, la vue embrasse un
vaste horizon à travers les belles percées du parc, dans la direction de
Crevon. En face s'étend une avenue, qui est le prolongement de celle
conduisant au nord à Vimont; à l'extrémité de cette avenue on distingue la
petite église de Morgny, à laquelle sont réunies aujourd'hui les paroisses
de Vimont et la Pommeraye, église sans caractère, mais intéressante par ses
souvenirs. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château et des communs
; la chapelle et le pigeonnier ; l'escalier avec sa rampe en fer forgé ; les
sept pièces du rez-de-chaussée avec leur décor : inscription par arrêté du
27 août 1975. Les intérieurs du château et des communs ; la grille et les
piliers fermant la cour d'honneur ; l'orangerie et les bâtiments adjacents :
inscription par arrêté du 17 juillet 2001. L'ensemble du domaine comprenant
: le parc et les cours en totalité, sols, plantations, murs, piliers,
grilles et bassins, la perspective vers la chapelle de Vimont au nord
jusqu'au ravin, et la perspective vers l'église de Morgny-la-Pommeraye au
sud-ouest ; l'emprise de l'avenue d'accès de part et d'autre du chemin
vicinal n° 5 ; les façades et les toitures de l'ancienne ferme du château, à
savoir le logis, l'ancien pressoir, la grange et, en totalité, la
charretterie : inscription par arrêté du 30 mai 2002. (2)
château de Mondétour 76750 Morgny la Pommeraye, tel. 02 32 80 12 04, domaine
situé en partie sur la commune de Blainville Crevon. Le lieu est ouvert au
public, visite de mai à octobre vendredis et samedis après-midi en juillet
et août tous les jours de 13h30 à 18h et location de chambres d'hôtes et
l'Orangerie pour vos réceptions.
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