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Après avoir passé le
bourg de Nointot on aperçois sur la gauche, dans les terres, une grande
construction qui se développe en plusieurs corps de bâtiments de styles
différents et de hauteurs inégales. Un parc immense l'entoure tantôt se
déroulant en prairies verdoyantes, tantôt planté d'arbres élevés et touffus;
c'est le château de Baclair. Il présent un mélange des époques Henri IV et
Louis XIII. Il remonte en effet au XVIe siècle. Il fut bâti en 1560 par
Charles de Mouchy qui avait épousé Charlotte de Baclair. Un fils, né de
cette union, fut maréchal de France et gouverneur de Péronne sous Louis XIII.
C'est lui qui acheva la construction de l'édifice et le laissa en 1630 à son
fils Raoul de Mouchy, dont une fille épousa le marquis de Saint-Julien. Les
amateurs de légendes en trouveront une bien curieuse à propos de ce marquis,
dans le savant ouvrage de l'abbé Cochet; mais notre siècle préfère
l'histoire aux légendes, et d'intéressants détails historiques vont bientôt
appeler notre attention. La fille du marquis de Saint-Julien épousa en 1740
le marquis de Montault, et depuis cette date le château est resté la
propriété de cette famille. Dans la première moitié du XIXe siècle, il a
subi des agrandissements et des réparations qui n'ont pas contribué à
l'embellir. Une des façades manque absolument de style, mais heureusement
les trois autres sont restées intactes. Ce qui frappe au premier abord,
c'est l'inégalité de hauteur des deux ailes, et aussi la fantaisie qui
semble avoir présidé à la disposition des carreaux. On peut voir, en effet,
que les fenêtres présentent un aspect tout différent, avec impostes ou sans
impostes, grillées ou non grillées, et cette variété a gagné jusqu'aux
mansardes; une cheminée moderne fait pendant à une cheminée ancienne; en un
mot, il est visible que les ouvriers auxquels à été confié la restauration
n'ont eu aucun souci de la régularité et de l'harmonie. Il y a aussi dans le
parc au sud-est du château, un vieux colombier qui, converti en salle, et
percé de fenêtres, a perdu ainsi en partie, son caractère antique. Enfin, ce
parc renfermait jadis une ferme qui a été détruite.
En parlant du château d'Angerville-Bailleul, nous disions: "Heureux les
châteaux qui n'ont pas d'histoire". Nous ne pouvons en dire autant de celui
de Baclair. En effet, il fut confisqué par la Terreur et devint une prison
jusqu'au jour où le marquis de Montault put se le faire restituer sous le
premier consul. C'était au moment où le représentant du peuple Siblot était
chargé d'appliquer au Havre la loi des suspects. Vingt et un citoyens
havrais, de toute condition, accusés d'incivisme, furent arrêtés et conduits
sous bonne escorte au château de Baclair, confisqué pour la circonstance.
Quand ils y arrivèrent, rien n'était disposé pour les recevoir; ils se
trouvèrent parqués entre quatre murs, sans feu, sans lits de camp, et
pendant quelque temps ils ne durent leurs aliments qu'à la généreuse pitié
des pauvres gens du pays. Puis les détenus riches furent astreints à payer
leur dépense. Le 9 Thermidor les rendit à la liberté. On a dit que parmi eux
se trouvait d'Épréménil; mais il paraîtrait que c'est à tort, et qu'il fut
dirigé immédiatement sur Paris, où il fut condamné à mort. Quoi qu'il en
soit, nous trouvons dans l'ouvrage de Borély (Histoire de la ville du Havre,
tome V) un tableau bien curieux, et selon le mot à la mode, très suggestif;
c'est la reproduction de la feuille où sont indiquées les notes données sur
le compte des détenus. Chacun d'eux y est noté d'après ses relations, son
caractère, ses opinions en 1789, ce qu'il pensait de la fuite ou de la mort
du tyran, du 31 mai, du 10 août, etc. Il y a là, pour les écrivains à la
recherche d'épithètes, toutes les variétés d'adjectifs que l'on peut
appliquer aux caractères; l'un est noté comme à peu près nul et dévot; un
autre, par son refus opiniâtre à monter la garde, ne peut pas être considéré
comme un ami de la Révolution; un troisième enfin est indiqué comme étant en
mer en 1789, ce qui a empêché de connaître ses opinions à ce moment.
Mais ce qui est à remarquer, c'est qu'à deux ou trois exceptions près, tous
ces détenus ne se sont rendus coupables d'aucune faute, et qu'on leur
reconnaît même un caractère doux, bon, gai, ouvert, etc. Quels crimes
avaient-ils donc commis? Qu'on relise la page fameuse de Camille Desmoulins
sur la loi des suspects, et l'on verra comment on pouvait être coupable et
ne pas s'en douter le moins du monde. "Un citoyen avait-il de la popularité?
Il pouvait susciter une guerre civile, suspect. Fuyait-on au contraire la
popularité et se tenait-on au coin de son feu? Cette vie retirée vous
Étiez-vous riche? Il y avait péril imminent que considération, suspect.
Etiez-vous riche? Il y avait péril imminent que te peuple ne fut corrompu
par vos largesses, suspect. Etiez-vous pauvre? Il n'y a personne
d'entreprenant comme celui qui n'a rien, suspect". Je ne veux pas pousser
plus loin la citation; mais puisque j'écris au moment où tout le monde
exprime des souhaits, qu'il me soit permis de terminer en formant le souhait
que jamais ne revienne une loi des suspects, que jamais le château de
Baclair, si bien épanoui au soleil, au milieu de la verdure et des grands
arbres, ne revoie les jours sombres où il fut converti en prison et qu'il
reste toujours entre les mains de ses heureux possesseurs. (1)
Éléments protégés MH : le château et le colombier : inscription par arrêté
du 15 novembre 1934 (2)
château de Baclair 76210 Nointot, achat-vente d'antiquités, ouvert le
vendredi et samedi.
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