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Le Vieux Château et le Vieux Palais étaient deux
vastes enceintes fortifiées situées aux deux extrémités de la Ville. Ce
Vieux Palais construit pendant l'occupation de Rouen par les Anglais, de
1419 à 1449, et où logèrent Henri V et Henri VI "par la grâce de Dieu, Rois
de France et d'Angleterre", ce palais, ou plutôt ce château fort, destiné à
recevoir garnison et à commander la ville, comprenait tout le terrain
circonscrit par le boulevard, la rue Saint-Jacques, la place Henri-IV, la
rue d'Harcourt et la Seine. Au temps de sa splendeur, le Vieux Palais était
formé de cinq grosses tours, reliées par des fossés remplis d'eau, et le
défendant du côté de la rue Saint-Jacques et de la rue d'Harcourt. Les
autres côtés étaient formés par un ancien rempart de la ville et un bastion
qui s'avançait sur la Seine. Une porte donnant sur la rivière, et qui décida
deux fois du sort de la ville, avait été pratiquée dans ce Palais. Elle
permettait d'introduire des troupes, elle permettait aussi d'embarquer une
garnison menacée. Le Vieux Palais n'était pas fait pour défendre la ville,
bien au contraire, il était fait pour tenir en respect la ville vaincue, ou
les mutins, il était fait pour dominer et commander, non pour défendre. Le
Vieux Palais a disparu et il ne nous reste qu'une seule tour du Vieux
Château du XIIIe siècle, mais ce donjon, vaut à lui seul qu'on s'y arrête
longuement. De cette citadelle étudiée et reconstituée avec le plus grand
soin par divers archéologues et entre autres par M. F. Bouquet qui a
consacré au Donjon du château de Rouen une notice des plus détaillées, il ne
reste que la tour qui s'élève à l'intersection du boulevard et de la rue
Jeanne d'Arc et dont la robuste silhouette émerge d'une masse de verdures.
Le Donjon dont il nous est impossible de résumer ici l'histoire, en faisant
appel aux documents les plus précis, faisait partie de la citadelle que
Philippe-Auguste, fit bâtir en 1205 sur le penchant de la colline de
Bouvreuil, lorsque vainqueur de Jean sans Terre, il réunit la Normandie sous
la domination de la couronne de France, en l'arrachant aux mains de
l'Angleterre. M. Bouquet, qui, dans ses excellentes notices archéologiques,
n'oublie jamais de développer la partie historique, a rapporté avec force
détails les événements les plus importants qui se sont passés dans ce vieux
château, et, au premier rang, il n'a eu garde d oublier l'arrestation de
Charles le Mauvais. Le roi de France, a dit l'érudit professeur, méditait
depuis longtemps l'un des actes les plus dramatiques de son règne:
l'arrestation et la mort des seigneurs normands, qui encourageaient les
Rouennais à ne pas sanctionner l'impôt voté par les États généraux de 1355.
Pendant qu'ils se livraient à la joie d'un festin, où les avait conviés,
dans l'une des salles du château de Rouen, le fils du roi, Charles,
récemment nommé duc de Normandie; le samedi qui précédait les Rameaux en
l'an 1356 "le roi soudainement s'en vint de Gisors, par chemins estrangers,
que nul ne peut apercevoir sa venue". Il s'en vient par le Nid-de-Chien,
s'approche des fossés de la la ville "par dehors et en ce plain dyner entre
au chastel et grand quantité de gens d'armes, lui aussi très fort armé", et
un des sergents d'armes, le plus notable "monte tout devant amont les degrès
de la grande salle ou les seigneurs dysnaient et faisaient bonne chère". Le
roi fit arrêter Charles le Mauvais, son chancelier Friquet de Friquans et
son écuyer Colinet Doublet, le comte d'Harcourt, Jean Malet sire de Graville
et de Maubué de Mainnemare. Les autres convives et pages se sauvèrent; il y
avait bien de quoi, en sautant par-dessus les murs du château. Par-dessus
les murailles! c'eut été difficile. Il fallait qu'ils fussent bien agiles
ses seigneurs, ainsi troublés dans leur digestion; il est vrai que la peur
donne des ailes. Plutôt se réfugièrent-t-ils dans quelque réduit obscur, s'y
blottissant bien cois pour laisser passer l'orage...
Mais ce qui vaudra toujours au Donjon du vieux château le regard ému des
plus sceptiques, c'est bien le souvenir du passage de l'héroïne qui est la
plus pure incarnation du patriotisme. Quand on songe que dans la grande
salle du Donjon qui se dresse devant nous, Jeanne d'Arc fut amenée devant
ses juges pour y être mise en face des instruments de torture, un sanglot
nous étreint la gorge. Jeanne est passée par la porte de cette grosse tour
faisant face à la cour intérieure, a dit éloquemment M. F. Bouquet, ses
pieds ont foulé le sol du rez-de-chaussée de cette tour, le son de sa voix a
fait retentir les murs et les voûtes que nous voyons encore aujourd'hui. La
chambre du château du Crotoy, où Jeanne d'Arc a été enfermée, a disparu. La
tour du château de Beauvais dont elle s'évada, détruite. Détruite aussi la
tour de Compiègne et cette tour du vieux château, dite la Tour de la Pucelle
où elle fut emprisonnée... En 1866, sur l'initiative de l'avocat Fréderic
Deschamps, membre du Conseil général de la Seine-Inférieure, une
souscription nationale pour le rachat du Donjon fut ouverte et plus de cent
cinquante mille francs furent recueillis dans toute la France. On fit
d'abord l'acquisition au nom de l'État de la tour enclavée dans les
dépendances de la maison conventuelle des Religieuses ursulines et d'une
zone circulaire de quatre mètres permettant la circulation autour du Donjon
et enfin d'un large passage donnant accès sur la rue Bouvreuil. Le Donjon
acheté et restauré a conservé une large part de sa splendeur passée et
constitue un jalon essentiel pour la compréhension de l'architecture
castrale au début du XIIIe siècle. (1)
Éléments protégés MH : la tour dite de Jeanne d'Arc : classement par liste
de 1840 (2)
tour dite de Jeanne d'Arc, 61 Rue du Bouvreuil, 76000
Rouen, tel. 02 35 98 16 21, propriété du département, visite des extérieurs.
Le donjon a étérestauré à la fin du troisième quart du XIXe siècle par
Louis Desmarest sur les indications du célèbre architecte
Eugène Viollet-le-Duc.
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