|
Le château du Bec a été plusieurs foi décrit et
plusieurs fois interprété par la gravure. Il le mérite de de toute façon.
Situé à seize kilomètres du Havre, à main droite de cette Jolie route de
Montivilliers à Etretat, bien connue des promeneurs d'été, il mire ses tours
et ses poternes armoriées dans l'étang où la Lézarde prend sa source. A
quelle époque remonte le château du Bec? La poterne, les larges fossés de
l'enceinte disent nettement la féodalité; mais le corps de logis appartient
à la Renaissance. La partie la plus ancienne se trouve dans les caves: au
cintre, aux nervures, à des chapiteaux retrouvés dans les fondations, on
reconnaît la technique romane; mais comme si tous les styles devaient être
représentés dans cet admirable château du Bec, la paroi sud de ces mêmes
caves présente quelques étroites fenêtres à lancettes du plus pur style
ogival. Le château du Bec s'est appelé successivement le Bec-Vauquelin et le
Bec-Crespin ou Bec-de-Mortemer, du nom de ses deux familles de propriétaires
d'avant et d'après l'établissement des Normands en Neustrie. Le fondateur de
la branche du Bec-Crespin n'est autre que Crespin, premier fils de Rollon,
duc de Normandie. Crespin, dit Angostus, lui succéda dans la possession du
fief. Ce Crespin eut trois fils: Gilbert, Raoul et Helloin, qui fonda la
célèbre abbaye du Bec. Gilbert, ou Gislebert, étant l'aîné, hérita du fief.
Son fils, Toustain du Bec-Crespin, fut connu sous le nom de Guillaume 1er
suivit Guillaume le Conquérant en Angleterre, et fut son porte-étendard à la
bataille d'Hastings. Après Guillaume 1er, nous voyons successivement défiler
comme propriétaires du fief: Guillaume II, lequel fut un des favoris de
Robert III, duc de Normandie, puis Gosselin, Guillaume III, qui vivait en
1196, Guillaume IV, marié à Alice de Sancerre, dont Guillaume V du
Bec-Crespin, connétable et maréchal de France (1225-1283). De Guillaume V et
de Jeanne de Mortemer, sa femme, naquit Guillaume VI, sieur du Bec-Crespin,
et Jean, chef de la branche de Dangu.
Mais Guillaume VI étant mort sans héritier mâle, la baronnie du Bec
retourna, vers 1320, à l'aîné des fils de Jean, Guillaume VII, auquel
succéda Guillaume VIII, qui eut lui-même pour successeur Guillaume Crespin
IX, seigneur de Mauny, époux de Jacqueline d'Orcher, dont il hérita, en
1428, la terre d'Angerville. Son fils, Jean de Mauny, seigneur de Crespin et
du Bec-Crespin, qualifié, dans un aveu de 1450, maréchal héréditaire de
Normandie, grand maître, enquêteur général, réformateur des eaux et forêts
du roi au duché de Normandie en pays de Picardie, étant mort trois ans plus
tard sans laisser d'enfant, la baronnie passa à son frère Antoine du
Bec-Crespin, archevêque de Narbonne, baron de Mauny, abbé de Jumièges et
président des assises de l'échiquier de Rouen, sous Louis XI, décédé le 13
octobre 1372. Le Bec échut alors à une sœur de Jean et d'Antoine, Jeanne,
laquelle étant épouse de Pierre de Brézé, baron de Maulévriers, grand
sénéchal d'Anjou, de Poitou et de Normandie, chevalier du roi de Sicile et
l'un des principaux hommes d'armes de son temps, le porta dans la maison de
son mari. Mais Pierre de Brézé, ayant été disgracié et tué à la journée de
Montlhéry, le 16 juillet 1465, le Bec passa momentanément, au XVe siècle, en
la possession des comtes de Tancarville. Ceux-ci durent le rétrocéder
bientôt à Jacques de Brézé, fils de Pierre, lequel le perdit encore pour
avoir poignardé son épouse qu'il avait surprise en méchante posture avec son
veneur Pierre de la Vergne. Louis XI confisqua immédiatement le château du
Bec qu'il conserva jusqu'à sa mort, en 1485.
A cette époque, Jacques de Brézé rentra en possession du Bec; il mourut le
14 août 1494. sa terre passa à son fils aîné, Pierre de Brézé, comte de
Maulévriers, puis, vers 1510, par faute d'héritier mâle, au frère puîné de
celui-ci, également nommé Pierre. Le fils de Pierre fut ce fameux Louis de
Brézé, mari de Diane de Poitiers, comte de Maulévriers, baron de Mauny et du
Bec-Crespin, premier chambellan du roi et gouverneur de Normandie, lequel
mourut en 1531, et a son tombeau dans la cathédrale de Rouen. Après lui la
terre passa à Philippe du Bec, archevêque de Reims, mort en 1608, à René du
Bec, marquis de Vardes, puis à la fille de celui-ci et d'Hélène de
Franconville, Renée du Bec, épouse de l'illustre maréchal comte de Guébriant.
Renée du Bec mourut sans postérité, le 2 septembre 1659. Le Bec changea
quelque temps plus tard de propriétaire et entra par Nicolas de Romé dans la
famille de ce nom. Enfin le mariage de la dernière héritière de Romé avec le
comte de Fontenoy de Chatenoy, dont la fille épousa le comte de Croismare,
fit passer le château du Bec entre les mains de la famille de Croismare qui
le possédait au début du XXe siècle. Le château du Bec qui soutint
différents sièges célèbres, particulièrement en 1415 où il fut pris après
une héroïque résistance par Henri V, roi d'Angleterre, doit son nom à sa
position topographique aux sources de la Lézarde. Les différentes parties de
la construction demanderaient une étude détaillée. On la trouvera dans la
brochure de M. Janvrain, intitulée: Promenades dans quatre châteaux
historiques aux environs du Havre. Nous en extrayons les passages suivants.
L'élégante poterne de l'ancienne forteresse du Bec, dit M. Janvrain, a seule
conservé son caractère militaire: aucune partie n'en a été altérée, si ce
n'est l'écusson des seigneurs du Bec, dont on voit encore les restes au
fronton; les mâchicoulis sont d'une construction qui ne laisse rien à
désirer; on y voit même encore l'emplacement où venaient s'adapter les deux
extrémités supérieures du pont-levis, quand le soir le son du cornet s'était
fait entendre, et que les échos d'alentour ne répétaient plus que le qui
vive de la sentinelle placée près du gonfanon seigneurial sur la plus élevée
des tours. Mais la pièce, sans contredit la plus curieuse que l'on rencontre
au château du Bec, est celle vulgairement connue sous la dénomination de
cachot, qui lui a été improprement donnée, bien qu'elle rappelle sa fonction
primitive, sans cependant la véritablement caractériser. La forme en est
circulaire, les parois concaves et la profondeur d'environ trois ou quatre
mètres au-dessus du sol; l'orifice, dont la dimension n'est que suffisante
pour le passage d'un homme, est recouvert d'une grille qui permet à l'air
d'y pénétrer; cet orifice est surmonté d'un treuil à l'aide duquel on
descendait le coupable dans cette enceinte, et qui servait également à lui
faire parvenir les aliments de chaque jour. Telle était encore la
basse-fosse de l'ancienne prison d'Orbec, quand nous l'avons visitée il y a
sept ans: la grille de son orifice rongée par la rouille, son treuil de
chêne vermoulu, tout existait encore. La basse-fosse du Bec n'a plus le
treuil ni la grille, mais, au reste, sa conservation ne laisse rien à
désirer.
Peut-être s'étonnerait-on de rencontrer une telle pièce au château du Bec,
si l'on ne savait qu'autrefois il y eut haute justice dont la juridiction
s'étendait sur sept communes d'alentour; quelques vieillards du pays
montrent encore aujourd'hui le lieu que l'on suppose avoir été celui des
exécutions; on y voit un petit bois connu sous le nom de la Potelle, mot qui
n'a son étymologie que dans celui de potence. L'honorable comte de Croismare,
propriétaire du château, possède la tête d'une statuette trouvée dans les
fossés il y a plusieurs années; cette tête, ornée d'une couronne royale, est
en pierre calcaire, dite de Caen, et semble appartenir à la Renaissance; un
sérieux examen nous l'a fait regarder comme faisant partie d'une image de
sainte Clotilde, patronne de Rolleville, qui depuis des siècles est en
grande vénération dans la contrée. Le corps de logis principal du château du
Bec a été reconstruit à l'époque de la Renaissance, sur les bases de
l'ancienne demeure féodale. En 1814, le château était dans un navrant état
de délabrement; des travaux bien compris rendirent habitables les parties
les moins dégradées. Mais c'est seulement de 1847 que date sa pleine
restauration. Le manoir est aujourd'hui en parfait état et offre dans toutes
ses parties le plus ravissant coup d'oeil. Son beau parc, ses eaux fraîches
et limpides, plus que tout la gracieuse hospitalité des possesseurs actuels
du manoir, font de ce lieu l'un des buts de promenade les plus aimés des
touristes du Havre et d'Etretat. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du bâtiment d'entrée, du
bâtiment des communs et de la tour : inscription par arrêté du 22 décembre
1952. (2)
château du Bec Crespin 76133 Saint Martin du Bec, tel. 06 22 83 24 17,
propose la location de chambres d'hôtes et salles pour réceptions.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement Monsieur J. Sava pour les
photos qu'il nous a adressées afin d'illustrer cet historique.
A voir sur cette page "châteaux
de Seine-Maritime" tous les châteaux recensés à ce
jour dans ce département. |
|